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Les adipocytes et les génotoxiques

Comme il a été décrit dans le paragraphe précédent, les adipocytes sont des cellules différenciées à longue vie ce qui fait que le TA est un tissu à faible renouvellement. Cela peut s’expliquer par le fait que les adipocytes sont des cellules résistantes à l’apoptose induisant un turn-over très faible au niveau du TA (Sorisky et al. 2000; Nisoli et al. 2006). Du fait de leur durée de vie illimitée, on peut se demander si les adipocytes possèdent des voies de mort ? Si ces

voies sont activées en réponse à différents agents génotoxiques ? Et si les adipocytes possèdent des voies de réparation de l’ADN ? Dans la littérature il y a très peu de données nous permettant de répondre à ces questions, malgré tout, ce paragraphe apporte quelques réponses.

1. Est-ce qu’un adipocyte possède des voies de mort ?

Les adipocytes sont connus pour être des cellules différenciées à faible renouvellement, et cela serait dû à une résistance à l’apoptose passant par un taux élevé de Bcl2 (Nisoli et al. 2006). Pourtant, quelques études montrent que les adipocytes ont la capacité d’induire leur mort, principalement dans le TA provenant de personnes présentant une obésité. L’obésité est corrélée avec une inflammation du TA, le nombre de macrophages et la quantité de cytokines pro- inflammatoires sécrétées sont positivement corrélés à la taille des adipocytes. Une première étude a mis en évidence que certains adipocytes de TA provenant de personnes obèses, meurent par apoptose. L’apoptose est une mort cellulaire dite programmée, elle est induite par un signal et cela va provoquer la condensation et la fragmentation de l’ADN. En effet, Strissel et al, montrent que des souris soumises à un régime riche en lipides, présentent un TA avec des adipocytes apoptotiques. De plus, il apparaît que la mort des adipocytes est corrélée positivement avec la taille des adipocytes (Strissel et al. 2007). Cela peut s’expliquer par le fait que comme l’obésité s’accompagne d’une inflammation du TA, il y a donc plus de TNFα sécrété et cette protéine possède la capacité d’induire l’apoptose des adipocytes (Prins et al. 1997). On peut penser que l’apoptose des adipocytes du TA provenant de personnes obèses, provient de l’action du TNFα. Mais l’apoptose ne semble pas être la seule mort des adipocytes de grande taille. L’étude de Cinti montre qu’au niveau de ce TA, les macrophages sont localisés exclusivement dans des zones où les adipocytes semblent morts (Cinti et al. 2005). Ces adipocytes présentent des caractéristiques de la mort par nécrose car ce sont des cellules géantes multinuclées. Cette étude nous indique que l’inflammation due à l’obésité peut induire la nécrose des adipocytes, et que cet effet pourrait passer aussi par le TNFα (Cinti et al. 2005). Indépendamment de facteurs extérieurs, les adipocytes obtenus à partir de personnes présentant une obésité pourraient aussi faire de la lipoapoptose, c'est-à-dire l’apoptose due à l’accumulation des acides gras (Unger and Orci 2002). Cette mort a été décrite pour différents types cellulaires et notamment pour les adipocytes, cellules riches en lipides. Il existe quelques données sur le mécanisme de cette mort, qui passerait par la voie des céramides et de NFκB (Unger and Orci 2002). Ces informations nous montrent que les adipocytes sont capables d’induire l’apoptose et la nécrose, via le TNFα, ou la lipoapoptose. Il est possible d’imaginer que ces différents mécanismes pourraient agir ensemble dans un contexte d’obésité.

Dans un deuxième temps, pour induire une diminution de la masse du TA, comme dans le cadre d’un régime, il faut une diminution de la taille des adipocytes, ce qui est le plus souvent le cas, ou alors une diminution du nombre de ces cellules. Certaines études ont montré que les extraits naturels des végétaux avaient un pouvoir sur la perte du poids et surtout sur la maintenance du poids durant la vie. Un composé dérivé de l’ail, l’Ajoene, a la capacité d’induire l’apoptose des adipocytes obtenus à partir de la lignée murine adipocytaire 3T3-L1, et cela en activant un stress oxydatif (Yang et al. 2006). L’ail n’est pas le seul à avoir des effets sur les adipocytes, Rayalam et ses collaborateurs ont résumé, dans leur article, les différents composés naturels ayant une incidence sur la régulation du TA. Par exemple, la caféine est proposée dans les traitements pour la perte de poids, car elle va diminuer la dégradation de l’AMPc et donc favoriser la lipolyse (Dray et al. 2007). Les extraits de thé vert agissent aussi sur la réduction du TA mais en induisant l’apoptose des adipocytes. Cette mort pourrait aussi passer par les effets du TNFα (Rayalam et al. 2008).

Ces informations montrent qu’un adipocyte, dans certains cas, peut induire sa mort. Mais on connaît peu de choses sur le mécanisme apoptotique et nécrotique de cette cellule différenciée à faible renouvellement. Malgré tout, ces études ont suggéré que le signal apoptotique passerait par un signal membranaire, que ce soit lors de la lipoapoptose ou de l’apoptose. La première voie passerait par les céramides et la deuxième via un récepteur membranaire induisant l’activation des voies PI3-K. Mais pour l’une comme pour l’autre, on peut penser que Akt/PKB serait activée, ce qui conduirait à l’activation des caspases et donc à l’apoptose (Sorisky et al. 2000; Unger and Orci 2002). Bien sûr, cela n’est qu’hypothétique, et on peut penser que chaque mort passe par un mécanisme différent.

2. La réponse des adipocytes aux agents génotoxiques

Les adipocytes sont des cellules différenciées à longue vie mais ils possèdent toujours des voies de morts actives. On peut se demander si ces voies peuvent être activées en présence d’un stress génotoxique. Peu d’études scientifiques ont posé cette question, mais quelques unes apportent une réponse.

Le traitement contre le SIDA entraîne différents effets secondaires, et l’un de ces effets est une lipodystrophie. Les patients atteints du VIH présentent une perte de la masse graisseuse faciale et au niveau des membres, ainsi qu’une obésité abdominale. Pour réduire le TA, il y a soit une réduction de la taille adipocytaire, soit une perte du nombre des adipocytes. Les inhibiteurs de protéases administrés pendant le traitement antiviral peuvent entrainer cette complication. Vincent et al ont montré que le Nelfinavir, un médicament anti-viral inhibant les protéases, a la capacité

d’induire la nécrose des adipocytes. In vitro, 36 h après traitement, 67 % des adipocytes (obtenus à partir de la lignée 3T3F442A) sont nécrotiques. Le Nelfinavir n’induit la mort que par nécrose, car le pourcentage des cellules apoptotiques ne varie pas comparé aux adipocytes non traités. De plus, l’induction de la mort est indépendante du TNFα, elle serait due à une augmentation du stress oxydatif (Vincent et al. 2004).

La thérapie photodynamique est un traitement qui implique l’excitation par la lumière d’une molécule photosensible en présence d’oxygène. Une fois excitée cette molécule devient toxique pour la cellule. Cette technique est étudiée comme thérapie contre le cancer, mais pourrait être aussi utilisée dans le traitement contre l’obésité. Choi et al ont montré que la molécule photosensible DH-I-180-3 est incorporée par les adipocytes et pré-adipocytes, et que l’excitation de cette molécule entraîne la mort des deux populations (Choi et al. 2005). Pour devenir toxique, la molécule réagit avec l’oxygène ce qui produit des espèces chimiques oxydantes, donc un stress oxydatif. On peut penser que c’est ce stress qui induit la mort des adipocytes.

Ces deux thérapies induisent la mort des adipocytes et cela semble du à un stress oxydatif. De plus, dans le précédent paragraphe, on a pu voir que l’Ajoene induit l’apoptose des adipocytes en augmentant le stress oxydatif (Yang et al. 2006). Ces différentes données suggèrent que les adipocytes sont sensibles au stress oxydatif induit par des agents exogènes.

Ces quelques données sont les seules montrant le comportement des adipocytes face aux agents exogènes. On ne sait pas comment réagissent ces cellules lors d’un traitement anti- cancéreux. Quels sont les effets des RI, du cisplatine, des inhibiteurs de topoisomérases… sur les adipocytes ? Si ces drogues sont toxiques pour la cellule, cela est dû en partie à leur action sur la molécule d’ADN. Pour résister face aux agents génotoxiques, les systèmes de réparation sont très importants : on peut alors se demander si un adipocyte possède toujours des systèmes de réparation efficaces.

3. La réparation de l’ADN d’un adipocyte

A la fin des années 1980, l’équipe de Tofilon a observé les activités de réparation lors de la différenciation adipocytaire. Pour obtenir des adipocytes, ils ont utilisé une lignée murine de pré-adipocytes appelée 3T3-T, dont la différenciation est induite par l’incubation avec du plasma humain et de l’héparine. Dans un premier temps, en 1988, la capacité de réparer les lésions dues à l’exposition aux UVs a été observée. Ils ont montré, avec l’observation de la synthèse d’ADN non programmée et par la technique d’élution alcaline, que les adipocytes sont incapables de synthétiser de l’ADN et donc vont accumuler plus d’événement d’incision que leurs précurseurs. Cela signifie que lors de la différenciation adipocytaire, la capacité à réparer les lésions dues aux

UV est réduite (Tofilon and Meyn 1988). Les lésions des UVs sont la plus part du temps réparées par le NER, on peut donc en conclure que le NER est diminué lors de la différenciation adipocytaire. Comme il a été présenté auparavant, dans les cellules différenciées, le NER est remplacé par le DAR. En 1991, l’équipe de Tofilon a voulu tester cette hypothèse : existe-il une réparation préférentielle chez les adipocytes ? Pour répondre, ils ont utilisé le même modèle, et la réparation sur quatre gènes différents, dont la LPL exprimée par les adipocytes et l’actine exprimée plus fortement par les pré-adipocytes, a été observée. Les résultats suivants ont été obtenus : les pré-adipocytes sont capables de faire de la réparation couplée à la transcription, mais cette capacité est perdue durant la différenciation adipocytaire (Bill et al. 1991). Cette information nous indique que les adipocytes ne sont pas capables de faire du DAR mais l’étude de quatre gènes me semble insuffisante pour conclure cela.

Puis, après les lésions endommageant un brin de l’ADN, l’équipe du Dr Tofilon a voulu regarder la réparation pour des lésions plus complexes, les CDBs. Pour cela, toujours avec le même modèle, les adipocytes ont été irradiés à 30 Gy et la réparation des CDB a été observée par la technique d’électrophorèse en champs pulsé. Cette étude montre que les adipocytes ont la même cinétique de réparation que les pré-adipocytes dans les premières minutes, puis dans les heures suivantes les adipocytes réparent beaucoup moins vite que les précurseurs. Les auteurs concluent que les adipocytes sont toujours capables de réparer les CDBs simples (ce qui correspond aux premières minutes de réparation), mais ils ont perdu la capacité de réparer des lésions plus complexes (Bill et al. 1992).

Les trois études menées par l’équipe de Tofilon suggèrent que lors de la différenciation adipocytaire, la capacité de réparer par le NER ou la NHEJ est diminuée. Cette conclusion est en désaccord avec l’hypothèse apportée dans le paragraphe II.C. En effet, nous suggérions que les tissus à faible renouvellement augmenteraient leur capacité de réparation afin de préserver l’intégrité de leur génome durant leur durée de vie longue. Mais les résultats apportés par cette équipe peuvent être remis en cause, le modèle utilisé étant critiquable. En effet, dans aucun de ces publications, la présence de lipides dans les cellules différenciées n’est montrée. De plus, la différenciation est induite par du plasma humain préparé dans leur laboratoire. Or on peut penser que la composition de ce plasma varie en fonction de chaque préparation ce qui doit avoir une influence sur la différenciation et donc sur la réponse des adipocytes.

IV. Les adipocytes comme acteurs de la réponse à la radiothérapie

Pendant les trois premiers chapitres, la réparation des tissus avec ou sans renouvellement a été abordée et plus précisément celle du TA. Lorsqu’un cancer est traité par radiothérapie, les rayons ciblent la tumeur, mais pas uniquement, les tissus proches sont aussi touchés. La plupart

des effets secondaires de la radiothérapie sont dus à une toxicité des tissus sains, tel que le syndrome GI. Comprendre les mécanismes de résistance ou de sensibilité des tissus aux RI, permet une meilleure compréhension des conséquences d’une radiothérapie. Le TA est un tissu de soutien et abondant dans notre organisme. Lors d’une irradiation, ce tissu est forcément touché par les rayons, et il est possible que cela modifie le phénotype des cellules composant le TA et surtout les adipocytes. Ce paragraphe va essayer de comprendre comment au sein de la tumeur, les cellules environnantes des cellules tumorales peuvent influencer le comportement tumoral, et notamment comment le TA peut avoir une influence sur la réponse à la radiothérapie.