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Actualiser le mythe, encore une fois : la mission de l’ethnologue

ENTRE AYMA-SHUÑE ET TIRI

4. Actualiser le mythe, encore une fois : la mission de l’ethnologue

Par une exposition plus narrative que celles des sections précédentes, j’aimerais, en guise d’épilogue, m’attarder sur l’articulation entre ce que la geste de Tiri dit du devenir du monde et du présent de l’expérience que l’on vit, afin de montrer comment les Yuracaré, dont je me suis trouvé être l’hôte, se sont approprié la contingence de mon arrivée et, sur le mode du « si jamais », du « au cas où », d’un hypothétique « qui sait ? », lui ont découvert du sens à partir du devenir du monde rappelé par la geste de Tiri. Dans un moment historique sans doute charnière pour eux, où la “disparition de Tiri” coïncide de plus en plus aussi avec l’oubli du discours des pëpê-shama-w, certains Yuracaré se sont donné l’occasion de remettre à l’ordre

du jour, une fois encore, ce processus d’interférence qui lie le divorce cosmologique entre Tiri et « nous », l’absence de maître, et le statut ontologique des Karay. On aurait tort de penser que la scène du départ et de la distraction de Tiri, épisode qui s’est chargé de la plupart des actualisations de la geste, n’est maintenant plus qu’un récit congelé, trop cosmologique ou trop mythologique pour être pris au sérieux par les Yuracaré pour penser des événements contemporains. Des circonstances spéciales, ou sortant de l’ordinaire, permettent en effet toujours de réveiller la puissance de la geste et d’alimenter l’imaginaire de ceux qui se la racontent.

Karay proche des missionnaires évangélistes, car venant comme eux de très loin, et plus Karay que les Boliviens et tous leurs voisins, mais pas exactement missionnaire non plus, puisque je ne venais pas la Bible en mains, j’avais une étrange lubie. Je m’intéressais en effet à ce que précisément d’autres Karay et la plupart de leurs voisins “plus civilisés” n’ont cessé de qualifier de “bêtises” : les paroles des pëpê-shama-w. Or, non seulement je ne partageais pas cette attitude, qu’à l’occasion je pouvais moi-même dénoncer et considérer comme stupide, mais j’enregistrais, j’écrivais de tels propos, j’en remplissais même des cahiers. De ce jeu d’interférences entre le mythe de Tiri que j’étudiais, ma présence, mes activités et mes intérêts, sont nées dans les deux parentèles où j’ai vécu des spéculations cosmologiques qui se sont traduites en des phénomènes sociaux, d’ampleur variable, et de sens d’ailleurs un peu différent, bien que leurs prémisses indiquent qu’elles doivent se confondre. Ma présence signalait, allez savoir, la possibilité d’un retour de Tiri avec les conséquences que l’on peut imaginer.

a. À la recherche de Tiri

L’intensité de la connexion qui s’établit avec les habitants du haut Isiboro, conduisit la plupart d’entre eux à me confier un souhait et une mission : ne pourrais-je pas me charger, pour eux, de retrouver Tiri ? Cette demande me fut présentée comme une affaire sérieuse sur laquelle il fallait rester discret, car les membres de la communauté redoutaient, si cela se savait, que le projet capote ou que l’on trouve là une raison de les railler. Quoi qu’il en soit des précautions dont cette affaire fut entourée, j’en vins à être officieusement institué par mes hôtes messager chargé de retrouver Tiri lui-même, un Tiri qui vivait chez moi, afin de lui rappeler son oubli.

Cette qualité de “messager”, par laquelle s’entrevoyait la possibilité assez imminente d’un changement radical de monde, prit aussi des tournures moins spéculatives. Sur un autre registre et en parallèle, se notera, de la part de mes hôtes, une variante plus “mondaine” du traitement de ma présence. Électron libre, sans parent, venu de loin, je représentais l’opportunité qui permettrait de transmettre une invitation. Il fallait que je fasse venir mes parents, dont on se doutait qu’ils étaient nombreux, non seulement pour « qu’ils viennent nous donner de l’aide », mais aussi pour « vivre parmi nous ». Sollicité un peu à la manière des organisations humanitaires et des ONG, que les gens de cette communauté connaissaient, bien qu’ils n’aient alors encore jamais directement eu affaire à elles, je comprenais que le projet dont on voulait que je me charge, était sans doute, derrière le recours à la phraséologie du “développement”, plus cosmologique qu’il n’y paraissait. Le désir qui comptait, pour les Yuracaré, c’était de pouvoir vivre avec mes parents, qu’ils soient ici, pour créer une intériorité positive : ramener à soi ceux qu’on peut prendre pour soi.

Cette communauté était pleinement et profondément marquée, lorsque je séjournai parmi elle, par son “autoconversion” à l’évangélisme. Effective depuis une demi-douzaine d’années, cette autoconversion l’avait conduite à entretenir des rapports étroits avec une église évangélique d’obédience baptiste qui s’était développée dans un bourg de la zone colonisée par les producteurs de coca andins. Cette communauté conservait aussi quelques liens historiques plus anciens et moins directs avec la mission Nuevas Tribus, localisée, elle, sur le haut Chapare, et dont des membres, à plusieurs reprises depuis des décennies, étaient venus faire des voyages d’évangélisation dans le parc Isiboro-Sécure, sans toutefois jamais s’y implanter. L’absence de missionnaires dans la communauté donnait aux pratiques évangéliques locales un caractère très singulier, mais leur statut à l’extérieur comme à l’intérieur n’en était pas moins officiel. Pour le voisinage, les membres de cette parentèle étaient tous de bons hermanos (frères).58

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Dans toute la Bolivie contemporaine, hautes terres et basses terres confondues, les termes hermanos (frères) et

creyente (croyants) servent à désigner les évangélistes par opposition aux catholiques, considérés, eux, comme paganos (païens) dans les milieux populaires, et donc non croyants. La consommation ou non d’alcool est le

grand diviseur entre les uns et les autres. Les évangélistes sont ou devraient être des abstinents. À cela se reconnaît le fait qu’ils ont choisi “la porte étroite” qui conduit au royaume de Dieu.

De temps à autre, cette parentèle, qui cultivait depuis longtemps son isolement, recevait la visite d’un pasteur pour pratiquer les baptêmes par immersion. Deux diáconos (diacres), dont le principal était aussi la personnalité qui exerçait, non sans contestation, une prééminence politique sur la communauté, se chargeaient de

l’animation religieuse (culto). La petite inglesya [sic.],59

Convertis et évangélistes fervents, les membres de cette parentèle l’étaient en effet, mais certainement que cet “être évangéliste” n’était pas exclusif ou alors qu’il n’était pas déterminé par les mêmes paramètres que chez ceux qui précisément ne sont pas Yuracaré. Alors qu’en sourdine, on parlait de la fin prochaine du monde : on était entre 1999 et 2001, je m’établis parmi cette parentèle. Très vite, je découvris que Tiri, le grand absent, était toujours là. La première interaction qui fit de Tiri le nom d’un existant dont on pouvait parler, se réalisa dès le premier soir du premier séjour de long terme que j’allais effectuer.

précaire cabanon, voyait se réunir à un rythme très régulier la parentèle des deux diacres, et avec moins de régularité leurs parents, trois fois par semaine. On m’avait déconseillé de me rendre dans cette communauté, car on supposait que les Yuracaré qu’elle réunissait n’étaient certainement pas les plus indiqués pour mon travail d’ethnologue « maintenant qu’ils s’étaient civilisés » (ya se han civilizado), jouaient du charango et chantaient des cantiques dans leur église, et surtout maintenant qu’ils refusaient, comme tous les évangélistes, de boire de l’alcool, y compris de la bière de manioc.

J’avais emmené avec moi un lexique yuracaré-espagnol et espagnol-yuracaré, que j’avais sorti pour dire quelques mots à mes hôtes dans leur langue60

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Ce terme n’est pas une contrepèterie involontaire, qui mettrait en rapport l’église, en espagnol iglesia, avec les Anglais (espagnol : inglés), mais un emprunt au Quechua de la région de Cochabamba, inglesha (Ancey 1997) avec influence de l’espagnol.

. Outre le lexique courant, ce vocabulaire présentait, à part, une liste des « personnages mythologiques selon d’Orbigny ». Par curiosité, je commençai à les lire. En prononçant « Tiri », « Caru », « Ayma-suñe » devant ceux qui s’étaient regroupés autour de moi, curieux de voir le gringuito, je notai immédiatement un changement d’attitude, comme si j’avais réalisé sans le vouloir une de ces « ruptures de routine » dont sont friands les ethnométhodologues. Un mélange d’interrogation, de curiosité et aussi d’excitation se notait sur leur visage. « Comment connais-tu Tiri et Karru ? » L’écho de ces deux noms se répercuta aux alentours, attirant rapidement d’autres gens qui abandonnèrent promptement leurs occupations. Et certains d’entre eux m’interrogèrent en espagnol : « Comment se fait-il que ces noms soient écrits dans ta biblya (bible) ? », utilisant un terme étrange pour désigner mon vocabulaire, dont je découvrirai plus tard qu’il était le générique pour dire “livre”, dans l’espagnol (et le yuracaré) parlé par cette communauté. « Cette bible (ce livre) vient de ton pays ? » Le lendemain, des voisins vinrent me voir et me demandèrent que je sorte “ma bible” et leur indique le passage où était écrit « Tiri ». Prenant le livre, ils le regardèrent sous toutes les coutures et voulaient que je le leur lise.

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À ce moment-là, j’ignorais presque tout de l’histoire de Tiri, car par décision, je m’étais refusé de prendre connaissance de l’ethnographie ancienne des Yuracaré et je n’avais en tête que les restes d'une lecture cursive d’un résumé qu’en avait fait Métraux61

Au cours de ce premier séjour, on me raconta la geste (sans la venue d’Ayma-shuñe), tout en me questionnant, quand l’occasion s’y prêtait, l’air de rien : « Tiri était comme ça tu sais ? Il portait des colliers de graines (sünnü a-tanti), comme mettaient nos grands-pères. Tu sais cela ? » ; « C’est lui dit-on qui a eu le premier arc. » ; « On dit que c’est lui qui a fait les femmes. » Mais à cela s’ajoutaient souvent des phrases où l’on s’interrogeait tout en demandant. « Où sera-t-il allé notre grand-père Tiri ? » ; « Il n’est pas mort, n’est-ce pas, notre grand-père Tiri ? Comment aurait-il pu mourir ! Tu crois qu’il a oublié notre langue ? » Sans savoir rien de plus que ces quelques bribes, mais ayant compris le lien entre Tiri et les Karay, donc moi, je fis un jour cette réflexion, que je ne répétai plus par la suite ; par manière de boutade, je dis à un homme de la communauté : « Oh ! tout cela veut dire, si je comprends bien, que je suis un Tiri a-nñu (un petit de Tiri) ».

. Derrière la surprise de voir un livre où le nom de Tiri était inscrit, il y avait donc de la part de mes hôtes une question qui les excitait parce qu’ils avaient déjà une réponse possible qui ne demandait que confirmation : « Comment toi, gringo, qui vient de si loin, de Francia, comme tu dis, sais-tu qui sont Tiri, Karru, Ayma-shuñe, alors qu’ici personne, à part « nous », ne les connaît ? » demandaient-ils d’un côté. « Tiri est parti là-bas, voilà peut-être l’explication… » se répondaient-ils par avance.

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Je quittai par la suite cette communauté pour le Sécure, puis revins, avec la version de la geste que je pus y recueillir et que je fis écouter : le succès de cette version fut foudroyant. Les membres de la communauté “découvraient” qu’ils n’étaient pas si seuls qu’ils pensaient. On venait m’emprunter mes cassettes, pour les écouter le soir chez soi. Malgré l’air pensif qu’avaient certains auditeurs lorsqu’ils écoutaient la sortie des Manshi et le départ de Tiri, la version de Herbi suscitait l’admiration. Dans ce cadre, on commença à revenir sur la capacité créatrice extraordinaire de Tiri, expliquant en d’autres termes l’écart technologique qui

Le visage de mon interlocuteur, que je comptais faire rire, se troubla suffisamment pour que j’aie le sentiment d’avoir commis une bévue. Après avoir écarquillé les yeux, il esquissa un sourire gêné, détournant la tête, et sans commentaire, changea brusquement de thème de conversation.

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Métraux (1948a).

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Sans m’en rendre compte, voulant parler de façon générique, je voulais vérifier si Tiri était considéré comme le géniteur, le père des Karay, ce qu’il n’est pas. Mais j’avais dit, non tant que j’étais un petit de Tiri, mais davantage le fils de Tiri. Pour parler de descendants génériques, j’aurais dû demander si les Karay étaient Tiri

séparait les Yuracaré, ici, de ceux qui vivaient là-bas : les Karay. « C’est pour cela, parce qu’il est parti, que vous avez des camions, des avions, des taxis (voitures), etc. Tout cela, c’est grâce à Tiri. Il sait tout faire. » Comme je faisais part de mon retour provisoire en Europe, de manière informelle, un jeune homme, avec qui je discutais un soir, me demanda, tout de go, d’aller « chercher Tiri », il fallait qu’il sache qu’il les avait oubliés. Je ne fis pas beaucoup de commentaires, si ce n’est de vagues « Ah, bon, il faut que je cherche Tiri ? ». Plus le jour de mon départ approchait, plus on venait me rendre visite pour me réitérer la demande. « Tu vas nous le chercher, n’est-ce pas ? »

À mon retour d’Europe, plusieurs jours après mon installation, un matin, de façon mi-formelle, mi-inmi-formelle, tous les “pères de famille” se retrouvèrent chez mon logeur, et on m’interrogea : « Alors, tu as cherché ? » Gêné, je répondis que non, que je ne l’avais pas fait. Troublé et un peu hésitant, pour me justifier, je dis que ce ne serait pas facile de le trouver. Mes interlocuteurs bienveillants me vinrent en aide. « Oui, c’est vrai, il y a beaucoup de monde chez toi. Ce n’est pas simple. Comment faire alors ? » L’un des convives eut une idée qui satisfera tout le monde. « La prochaine fois, tu vas aller à la radio, chez toi, et tu vas faire comme ce programme, tu sais, où les gens appellent pour laisser un message à quelqu’un. Tu vas prendre les cassettes que tu as enregistrées et tu vas les passer à la radio. Tiri va écouter notre langue, ta-buybu, s’il s’en rappelle, il va savoir qu’il nous a oubliés…» Cette décision unanimement approuvée déclencha un surcroît de motivation. Tandis que le diácono restait silencieux, sans approuver ni désapprouver – il était d’ailleurs un de ceux qui connaissaient la geste avec le plus de détails –, on associait toujours plus étroitement mes propres recherches avec mon statut de messager pour Tiri.

Après que j’eus demandé aux membres d’une famille s’ils savaient confectionner des polete (brassards) de coton teint qui se portaient lors des danses shila-ta, et que j’eus précisé que je les désirais à la mode ancienne, de coton tressé plutôt que de laine de couleurs fluorescentes, ils acceptèrent63. « D’accord, on va en fabriquer pour toi, comme ceux que mettaient les pëpê-shama-w, pour que, comme ça, Tiri sache que l’on n’a pas oublié. On va rajouter des biriya (flûtes globulaires, aplaties, de bois), des pics de toucans. Cela va être joli, cela va lui plaire. » J’appris qu’un vieux de la communauté savait prononcer les discours de salutations intercommunautaires nëri-ta, auxquels fait allusion d’Orbigny, énoncés sur un mode de communication dit yutíyuti a-buybu64

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Pour une représentation de l’objet cf. Fig. 31, chapitre VII.

. Il accepta d’en reproduire quelques échantillons. Un peu exclu de cette parentèle, dont il était lui-même une pièce rapportée, et de

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peur qu’on se moque de lui, il me pria de garder tout cela pour moi. En revanche, il plaça dans ces « salutations » un texte étrange : « Je te salue, mon cadet Vicente, qui vient de loin. Voilà comment étaient les salutations anciennes, que j’ai écoutées […] et maintenant je dis que nous vivons pauvrement ici, sans rien, et que je veux que tu cherches ta-buyta Tiri, qui est parti, voilà ce que je te dis, moi qui ai écouté… »

Durant l’ultime séjour, plus court, qui suivra, je commencerai à entendre des discours plus critiques sur Tiri, qui ne m’étaient pas apparus jusqu’alors et dont j’ai fait le résumé ci-dessus. Une autre anecdote, qui se déroula pendant le dernier séjour dans cette communauté, mérite quelques lignes, car elle montre les enjeux qui ont entouré ma présence et l’aspect jalousement gardé du secret qui me liait à cette parentèle. Un jour, avant de prendre seul le long chemin qui conduisait à la communauté, alors que je traversais les lotissements de la zone colonisée, je découvris deux Yuracaré d’une autre communauté, armés de leurs fusils. « On a dit qu’il y a des pécaris à colliers du côté du sindicato65

C’est aussi au cours de cet ultime séjour, qu’on en vint à parler plus sérieusement du problème de la venue d’Ayma-shuñe. Mais avant mon départ, le corregidor nommé de la parentèle me fit appeler, pour me parler, chez lui, d’un objet pressant, qui réclamait cette forme de convocation : « Tu sais Don Vicente, on va être tristes que tu partes. Tu n’aimerais pas que l’on construise une maison ici, pour toi ? Tu vas revenir n’est-ce pas ? Tu as des parents comme toi, des frères, des neveux ? Dis-leur de venir vivre ici, avec nous. On vit bien ici, on pourrait leur construire leurs maisons ». Le diacre de la communauté organisa aussi une fête pour mon départ : un repas collectif, accompagné d’un culte et de prières. Dans une sorte de sermon, il rappela avec emphase toute l’importance qu’avait revêtue ma venue et ses retombées pour le futur de la communauté et de ses enfants. En retournant dans mon pays (ma Totora… Ça fait des années qu’ils ne sont pas venus. » - « Ah ! Quelle bonne nouvelle, dis-je, leurs maîtres Mororuma les ont libérés sans doute… » Par cette remarque, j’étais à l’affût d’une réaction, tout en reprenant une explication qui m’avait déjà été fournie et dont l’exactitude n’était pas parfaite. Les deux chasseurs échangèrent un regard, surpris, puis on changea de sujet. Quelques jours plus tard, un des membres de la parentèle où je vivais vint, un peu irrité, me dire que l’un de ces deux chasseurs qu’il avait vu, lui avait dit que j’avais dit que les Mororuma allaient venir. Il me reprocha alors d’avoir parlé à ces gens de l’aval, dont on m’avait dit pourtant de me méfier, et surtout de leur communiquer à eux des informations, que je cachais aux gens qui me logeaient et prenaient soin de moi.

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Le terme « syndicat » s’utilise localement pour faire référence à l’unité territoriale de base des colons andins au Chapare.

forêt, ti-lêtëmë), j’allais pouvoir témoigner de la vie des Yuracaré, et on saurait comment ils vivent. « Comme cela, disait-il, nous allons avoir plus de monde ici, ils vont pouvoir venir pour nous aider, nous allons recevoir de l’aide. » Son allocution servait tout autant à me remercier, à montrer l’importance de la fraternité des “croyants” du monde entier, qu’à produire un discours normatif sur la nécessité d’être généreux pour ses hôtes, et que ce n’était qu’en donnant que l’on était agréable à Dieu.

Un jour, alors que j’écrivais ces lignes, à Paris, un des plus jeunes membres de la parentèle,