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Chapitre 2 : la prise en charge non-médicamenteuse du vieillissement et de la Maladie

2 Hypothèse métabolique

2.3 Activité physique régulière aérobie chez les rongeurs

2.3.5 Activité physique régulière aérobie et réponse immunitaire

L’APRA semble diminuer les processus inflammatoires et immunitaires induits par la MA. Bien qu’insuffisante, la réponse immunitaire lors de la MA se caractérise par l’activation des microglies et la phagocytose des Aβ. De plus, les cytokines de ces microglies et les marqueurs pro-inflammatoires (l’IL-1β : Interleukin-1 beta et le TNFα : Tumor Necrosis

Factor) deviennent toxiques quand ils sont exprimées chroniquement (Nichol et al., 2008).

Chez les rongeurs modèles de la MA, l’APRA d’intensité élevée diminuerait la réponse chronique pro-inflammatoire (diminution des taux de IL-1β et TNFα) et augmenterait la réponse inflammatoire adaptative (augmentation des IFN-γ : Interférons ; des MIP-1α :

Complex II ; et des CD 40, Nichol et al., 2008). Ces auteurs supposent une intervention des

monocytes périphériques vers le cerveau pour dégrader les Aβ.

2.3.6 Activité physique régulière aérobie et effets de la composante anaérobie liée à l’exercice

Il convient de noter que, la part anaérobie durant l’exercice pourrait expliquer en partie les effets de l’APRA sur une grande partie des effets décris ci-dessus. Plus précisément, le métabolisme du lactate, notamment sa production, sa réutilisation en tant que métabolite au niveau cérébral et l’expression de ses transporteurs, les MCT (Monocarboxylate transporter

isoforms), semble intervenir dans les mécanismes de la neuroplasticité (p. ex., multiplication

des mitochondries, voie de signalisation par les ERO, neurogénèse, angiogénèse, régulation des kinases (Brooks, 2009 ; E et al., 2014, 2013).

2.4 Activité physique régulière aérobie chez le sujet âgé et présentant une Maladie Neurodégénérative

Comment contrôler l’intensité d’exercice chez l’homme ? La mesure directe de la VO2

nécessite du matériel onéreux et très encombrant au niveau des voies ventilatoires. En revanche, du fait d’une relation linéaire positive entre le VO2 et la Fréquence Cardiaque (FC, Massé-Biron & Préfaut, 1994), les cardio fréquencemètres sont utilisés pour suivre l’intensité d’exercice. Usuellement, c’est la FC dite de réserve (FCr, relative à la plage d’élévation de la FC entre le repos et le maximum) qui est utilisée pour sa plus grande fiabilité à travers la méthode Karvonen (Larry, Jack, & David, 2015). Pour précision, à l’exercice sous maximal (inférieur au VO2max), l’intensité d’exercice est considérée comme légère pour des valeurs de FCr ≤ 39 % ; modérée pour des valeurs comprises entre 40 % et 59 % ; intense pour des

valeurs ≥ 60% ; et maximale (soit VO2max) pour des valeurs de FCr maximale (Wilkins, 2013).

Il existe très peu d’études reprenant le principe clef de l’APRA chez les sujets présentant une MA. En effet, chez la personne ayant un vieillissement normal, l’APRA, si elle est suffisamment intense (entre 60 et 80 % de la FCr, 3 à 5 fois par semaine, 30 minutes à 1 heure en continu par séance, pendant 3 mois minimum), provoque une amélioration des fonctions cognitives (Dustman et al., 1984), une réorganisation des réseaux neuronaux vers un mode de fonctionnement similaire à celui des jeunes adultes (Voss et al., 2010) et une augmentation du volume cérébral (notamment au niveau des lobes préfrontal, frontal et l’hippocampe, Colcombe et al., 2006 ; Erickson et al., 2011) via les mécanismes d’angiogénèse (Bullitt et al., 2009 ; Murrell et al., 2013) et de neurogénèse (Erickson et al., 2012). Le premier mois du programme, les participants sont généralement entrainés à 50 % de la FCr (soit environ 50 % de l’aptitude aérobie maximale), sur des durées d’exercice augmentant progressivement pour atteindre 40 à 60 minutes en continu par séance (Colcombe et al., 2006 ; Murrell et al., 2013 ; Voss et al., 2010). Ensuite, l’intensité est progressivement augmentée jusqu’à 70 voire parfois 80 % de la FC de réserve (soit environ jusqu’à 70 ou 80 % de l’aptitude aérobie maximale).

Ces deux intensités cibles (50 % et 70 – 80 % de l’aptitude maximale aérobie) semblent respectivement proches des zones d’atteinte des SV1 et SV2 (également les SL1 et SL2). La détermination de ces seuils semble plus précise et efficace pour améliorer le

VO2max chez le sujet âgé que des données de FCr jugées souvent comme arbitraires. En effet,

le SV1 serait justement à utiliser chez le sujet âgé non entrainé (Fabre, Massé-Biron, Ahmaidi, Adam, & Préfaut, 1997 ; Massé-Biron & Préfaut, 1994). Le SV2 serait à utiliser chez le sujet âgé entrainé (Massé-Biron, Mercier, Adam, & Préfaut, 1990).

Malheureusement, chez les sujets présentant un MCI ou une MA, la plupart des études s’intéressant à l’APRA n’impose pas spécifiquement une intensité d’exercice (voir pour revue (Yu, 2011 et Tableau 1). Toutefois, ces interventions rapportent des effets positifs sur les symptômes dépressifs, l’humeur, le niveau global de cognition, les activités de vie quotidienne (Venturelli, Scarsini, & Schena, 2011) et les performances physiques (Roach, Tappen, Kirk-Sanchez, Williams, & Loewenstein, 2011 ; Venturelli et al., 2011 ; Yu, Savik, Wyman, & Bronas, 2011). Seulement deux études chez les sujet présentant une MA ont contrôlé spécifiquement l’intensité d’exercice pour stimuler de manière intense la fonction cardiorespiratoire (c.-à-d. 70 % de la FC maximale, Palleschi et al., 1996 ; et 70 % de la FCr, Kemoun et al., 2010). Ces études rapportent des améliorations significatives sur les différentes fonctions cognitives (Kemoun et al., 2010 ; Palleschi et al., 1996) et sur l’efficacité de la marche (Kemoun et al., 2010). Enfin, Baker et al. (2010) proposent l’APRA très intense mais uniquement chez les sujets présentant un MCI. Dans cette étude, l’APRA d’intensité très élevée (jusqu’à 85 % de la FCr) améliore les fonctions exécutives, l’aptitude maximale

aérobie mesurée (VO2Peak) et l’expression des facteurs neurotrophiques, notamment le BDNF

et l’IGF­1 (Insulin-like Growth Factor 1). De plus, il aurait tendance à diminuer les niveaux plasmatiques des peptides β-amyloïdes 42.

Tableau 1 : Récapitulatif des études portant sur l’APRA dans le cadre du traitement de la MA. La partie « APRA et MA » expose les études qui ne contrôlent pas l’intensité d’effort à l’entraînement. La partie « APRA d’intensité élevée et MA » expose les études qui imposent l’exercice intense.

Auteurs

Design /

population Intervention Principaux résultats APRA et MA Roach et al., 2011 RCT MA N = 82 âge : 88 MMSE : 10,1 16 semaines

Groupe exercice : APRA (marche) + Entraînement en force, souplesse et mobilité, 5 fois 1 heure par semaines

Groupe marche : APRA,

5 fois 30 minutes par semaine Groupe social : conversation, réminiscence thérapie, exercice cognitif, 5 fois 30 minutes par semaine

Amélioration de la mobilité pour le groupe exercice (ACIF)

Diminution de la mobilité pour les groupes marche et social

Pas de modification de l'aptitude aérobie pour les trois groupes (6MiWT)

Venturelli et al., 2011 Intervention pré-test post-test MA N = 82 âge : 84 MMSE : 12,5 24 semaines

Groupe exercice : APRA, 4 fois 1 heure par semaine ("marche à son propre rythme").

Groupe contrôle : activités ludiques et thérapie musicale

Pour le groupe exercice :

Amélioration de la performance aérobie (6MiWT) Amélioration dans les ADL (Barthel index) Maintien du niveau global cognitif (MMSE)

Pour le groupe contrôle :

Diminution du niveau global cognitif et de la

performance aérobie

Pas de changement dans les ADL

APRA d’intensité élevée et MA

Palleschi et al., 1996 Intervention pré-test post-test MA N = 15 âge : 74 MMSE : 18 à 21 3 mois

APRA, 3 fois 30 minutes par semaine, sur vélo dont 20 minutes à 70 % de la FC max Pas de groupe contrôle

Amélioration des fonctions cognitives

Kemoun et al., 2011 RCT MA N = 33 âge : 82 MMSE : 12,75 15 semaines

Groupe exercice : APRA, 3 fois 1 heure par semaine, (marche dont 40 minutes à

60-70 % de la FCr)

Groupe contrôle : soins courant

Pour le groupe exercice :

Amélioration du niveau global de cognition (ERFC) Amélioration de la performance à la marche (10 mètres)

Relation linéaire positive entre ces deux paramètres

Pour le groupe contrôle :

Diminution aux tests cognitif et physique Baker et al., 2010 RCT MCI M = 33 âge : 70 MMSE : 27,45 6 mois

Groupe exercice : APRA,

les 6 premières semaines, augmentation progressive de l'intensité d'entraînement : de 4 fois 45 minutes par semaine à 75 % de la FCr à 4 fois 60 minutes à 85 % de la FCr, puis maintien jusqu’à la fin (tapis de course, bicycle, rameur, vélo elliptique)

Groupe contrôle : programme d'étirements

Pour le groupe exercice :

Amélioration de l'aptitude aérobie (test d'effort aérobie) et des processus exécutifs Régulation à la hausse des facteurs neurotrophiques

(BDNF et IGF-1)

Tendance à la diminution des taux plasmatique de l'Aβ

Pour le groupe contrôle :

Tendance à la diminution de l'aptitude cardiorespiratoire, des fonctions cognitives, de l'expression des facteurs neurotrophiques Tendance à l'augmentation des taux plasmatique de l'Aβ

6MiWT = 6 Minutes Walking Test ; ACIF = The acute care index of function ; ADL = Activity of Daily living ; APRA = Activité Physique Régulière Aérobie ; BDNF = Brain-Derived Neurotrophic Factor ; ERFC = Évaluation Rapide des Fonctions Cognitives ; FC = Fréquence Cardiaque ; FCr = Fréquence Cardiaque de réserve ; IGF-1 = Insulin-like Growth Factor 1 ; MA = Maladie d’Alzheimer ; MCI = Mild Cognitive Impairment ; MMSE = Mini Mental State Examination.

3 L’hypothèse de l’enrichissement cognitif