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Cette nouvelle activité d’hôpital de jour semble tout à fait pertinente. On constate tout d’abord une bonne adhésion des patients à ce système avec seulement dix-sept perdus de vue avant réalisation de l’HDJ (16,2%). Un taux comparable (16%) était retrouvé dans une cohorte écossaise par McFadyen et al. (52).

Avant février 2016, les patients consultant aux urgences suite à une première crise épileptique avérée ou suspectée étaient pris en charge de façon non protocolisée. Le bilan complémentaire pouvait être réalisé en hospitalisation complète ou bien en ambulatoire, en fonction d’une part de la situation clinique (risque de récidive estimé, résultat du bilan réalisé en urgence…) et d’autre part de critères organisationnels (lits disponibles en service de neurologie). Le délai de réalisation d’un EEG et d’une IRM cérébrale, de même que celui d’une consultation spécialisée dédiée était donc très variable, et ne respectait pas toujours les recommandations actuelles. Le nombre de perdu de vue durant cette période est difficilement évaluable. On peut en tout cas affirmer que la mise en place du système d’hôpital de jour a permis d’harmoniser la prise en charge des patients.

Concernant l’efficience de l’activité, les résultats sont satisfaisants avec un taux très élevé (90,9%) de patients ayant un diagnostic établi au décours immédiat de l’HDJ. Le diagnostic était incertain dans seulement 9,1% des cas. Le diagnostic d’épilepsie a été retenu pour 39,8% des patients, celui de première crise avec faible risque de récidive pour 13,6% et celui de malaises non épileptiques pour 29,5% d’entre eux.

La littérature portant sur les structures dédiées à la prise en charge des premières crises épileptiques rapporte des résultats variables, dépendants de la méthodologie utilisée et du mode de recrutement des patients : 25 à 43% de diagnostics d’épilepsie, 17 à 48% de malaises non épileptiques (24,50,52–55). Les diagnostics différentiels principaux sont les syncopes (13 à 28%) et les CNEP (2 à 12%) (24,36,50,53,54). Une première crise avec faible risque de récidive est diagnostiquée dans 13 à 19% des cas (36,50,52).

Nos résultats sont concordants avec ceux de la clinique « première crise » de Tours, rapportés en 2016 au congrès de l’European Academy of Neurology, dans une étude de méthodologie comparable (47) (88% de diagnostics certains, 27% de diagnostic d’épilepsie, 35% de malaises non épileptiques, 11% de premières crises avec faible risque de récidive).

Plus précisément, parmi nos 47 patients ayant eu une crise non provoquée, 18 (38,3%) avaient finalement fait au moins une autre crise avérée, dont un patient pour lequel elle était survenue après le recrutement, 17 (36,2%) ont eu une estimation de haut risque de récidive de crise uniquement sur d’autres critères que les antécédents de crise et 12 (25,5%) une estimation de faible risque de récidive de crise. Au total l’événement ayant conduit au recrutement était la première crise épileptique certaine pour 42% des patients de notre cohorte (n=37), pourcentage légèrement en deçà de celui de 50% retrouvé dans une étude récente de Jackson et al. (53).

Nos résultats illustrent la pertinence du bilan clinique et paraclinique réalisé et préconisé par les recommandations, car la moitié des diagnostics d’épilepsie n’auraient pas été faits selon la définition classique de l’épilepsie imposant la survenue de deux évènements cliniques, ce qui aurait retardé la prise en charge de ces patients.

o Avis d’expert

L’avis d’expert a été l’élément le plus rentable de l’hôpital de jour. Il a fait le diagnostic, par reprise d’un interrogatoire précis, pour près de la moitié des patients (40 patients, 45,5%) ; il s’agissait des diagnostics d’épilepsie faits sur une histoire de plusieurs crises (n=11) ou l’identification d’un haut risque de récidive à l’interrogatoire (n=6), et de la quasi-totalité des malaises d’origine non épileptique (23 sur 26).

Ces résultats illustrent l’importance majeure de l’avis spécialisé dans la prise en charge des premières crises, déjà démontrée, notamment dans l’étude de Angus-Leppan mettant en

évidence la faible corrélation entre les diagnostics évoqués par le médecin ayant adressé le patient et le neurologue, dans une clinique ambulatoire, avec une rentabilité diagnostique respective de 28,5 et 87% (24).

Ils renseignent sur la complexité du diagnostic de crise épileptique, notamment dans le contexte de l’urgence où les conditions pour réaliser un interrogatoire exhaustif et fiable ne sont pas toujours réunies, en fonction de l’horaire de consultation du patient, de son état clinique lors de l’avis du neurologue, de la présence ou non des témoins du phénomène paroxystique suspect… L’interrogatoire est donc un levier majeur du diagnostic de crise épileptique.

Des différents cas individuels des patients étudiés dans ce travail, on peut particulièrement retenir comme éléments clés de l’interrogatoire ayant souvent conduit à des erreurs diagnostiques initiales aux urgences :

• Les circonstances précises et le descriptif détaillé du déroulé du malaise, permettant très souvent de redresser un diagnostic de malaise non épileptique

• La recherche d’« aura », c’est-à-dire de signes avant-coureurs du malaise mais également des tous premiers symptômes ressentis par le patient ou décrits par l’entourage, avant une éventuelle perte de connaissance, permettant ou bien de retrouver un contexte vagal au malaise, ou bien de s’orienter vers un événement épileptique à début focal.

o Imagerie par Résonnance Magnétique

Le second élément le plus rentable a été l’IRM cérébrale, qui a été la clé de près d’un tiers des diagnostics d’épilepsie. L’imagerie cérébrale a également concouru aux diagnostics différentiels de la malformation d’Arnold-Chiari symptomatique, et de l’accident vasculaire cérébral. 40,2% des IRM étaient anormales.

Plus spécifiquement, si l’on s’intéresse uniquement aux patients ayant présenté une crise non provoquée avérée, le taux d’anomalies épileptogènes à l’imagerie cérébrale était de 19,1% : ce résultat est assez proche de ceux de la littérature, qui retrouve un pourcentage oscillant entre 20 et 30 % dans des cohortes de premières crises (24,53,55–58).

Dans le domaine de l’épilepsie l’imagerie cérébrale peut permettre, avec l’EEG et l’interrogatoire, un diagnostic syndromique spécifique (56). Elle conduit au diagnostic de nombreuses lésions cérébrales pouvant être responsables de crises, telles que les accidents vasculaires cérébraux, les tumeurs, l’atrophie hippocampique, les anomalies vasculaires ou

corticales (58). L’IRM cérébrale est l’examen d’imagerie privilégié dans le bilan des premières crises épileptiques, du fait de sa plus grande sensibilité, en comparaison avec le scanner (57). En particulier, les anomalies les plus fréquemment retrouvées en IRM alors que le scanner cérébral (souvent réalisé en première intention et ce notamment dans le cadre de l’urgence) était normal, sont la sclérose temporale mésiale, les anomalies de développement cortical et les cavernomes, selon une étude de Ho de 2013 (57).

Une des limites de l’imagerie cérébrale est le problème d’imputabilité des anomalies détectées. Ainsi, certaines lésions ont un caractère épileptogène discuté ou peu documenté, mettant en difficulté le clinicien pour évaluer le risque de récidive de crise chez son patient. La dernière définition de l’épilepsie de l’ILAE permet le diagnostic d’épilepsie suite à une première crise, en cas de probabilité de récidive à 10 ans ≥ 60%, mais en l’absence d’information fiable sur le risque de récidive associé à une lésion cérébrale, il devient délicat de poser un diagnostic d’épilepsie sur son unique présence. Dans notre étude, la majorité des lésions retrouvées faisaient partie de celles communément reconnues comme épileptogènes (59).

Par ailleurs, il est important de noter que dans notre hôpital de jour, les imageries ont presque toutes été réalisées sur une IRM 1,5 tesla. L’utilisation de l’IRM 3T en routine pour les bilans de premières crises épileptiques serait une perspective d’amélioration de la rentabilité de cet examen. En effet, elle augmente à la fois la résolution spatiale et le rapport signal/bruit, et permet de révéler des anomalies épileptogènes étant passées inaperçues sur une IRM moins performante (3,57,60).

Enfin, concernant le délai de réalisation de l’IRM dans le mois qui suit la crise épileptique établi dans les recommandations actuelles, on constate qu’il n’a été strictement respecté que dans 28 cas, bien que 60% des patients ont pu avoir leur hôpital de jour dans un délai restant inférieur ou égal à 45 jours.

Au sujet du délai de prise en charge des patients, et de la réflexion sur l’importance de le réduire, un des points importants à prendre en compte concernant l’imagerie est la possibilité de retrouver des anomalies post-ictales lorsqu’elle est réalisée précocement après la crise épileptique. En effet, on sait depuis longtemps que des lésions réversibles peuvent être visibles en IRM dans les suites de crises épileptiques prolongées ou répétées et d’états de mal

épileptiques (61,62), mais elles sont également possibles dans les suites d’une crise isolée (63,64). Il s’agit principalement d’hypersignaux dans les séquences pondérées en T2 et d’hypersignaux en séquence de diffusion, de topographie variable, uni ou bilatérale, fréquemment concordante avec la localisation du foyer épileptogène suggérés par l’EEG et la clinique et/ou le caractère généralisé de la crise, dont le mécanisme causal serait un œdème cytotoxique et/ou vasogénique cérébral (63). Ces anomalies apparaissent précocement et sont réversibles dans la grande majorité des cas, bien que des études de suivi rapportent des lésions définitives (dans des régions cérébrales subissant des crises répétées, et plus souvent lorsqu’il s’agissait d’un œdème de mécanisme cytotoxique). Leur présence peut être la cause de doute ou d’erreur diagnostique du fait de leur possible ressemblance avec des lésions d’origine infectieuses, inflammatoires ou bien tumorales (65). Leur fréquence et leur délai de réversibilité restent mal connus : par exemple, dans une étude rétrospective de Cianfoni et al. de 2013 portant sur 26 patients, le délai de réalisation de la première IRM montrant une résolution des anomalies post-ictales était variable et allait de 15 à 150 jours, 62 en moyenne (66).

De ce fait, une IRM cérébrale précoce dans le bilan d’une première crise épileptique montrant des lésions post-ictales pose, d’une part, une problématique diagnostique immédiate en cas de doute sur la nature des lésions, et d’autre part occasionne obligatoirement la répétition de l’examen afin de suivre leur évolution et de vérifier leur caractère transitoire. Ces réserves sont toutefois à mettre en balance avec le fait que la présence de lésions post-ictales puisse être un élément objectif en faveur du diagnostic de crise (voire un élément localisateur), et avec les multiples avantages d’une prise en charge rapide des premières crises épileptiques.

o Electroencéphalogramme

L’établissement d’un diagnostic syndromique est une des raisons pour lesquelles l’électroencéphalogramme est un élément clé du bilan d’une première crise épileptique, avec l’aide à la distinction de l’origine épileptique d’un malaise, et l’évaluation du risque de récidive de crise chez un malade. Comme cela a été évoqué en introduction, la présence d’une anomalie à l’EEG est un important facteur prédictif du risque de récidive (4). Il s’agit d’un examen très spécifique, le plus souvent normal chez les sujets sains : ainsi l’équipe de Bouma et al. a-t-elle trouvé, par une revue de la littérature, une spécificité de l’EEG de près de 95% (67). Ces éléments illustrent son importance dans la prise en charge des premières crises.

Une des limites de l’EEG standard réside dans l’identification de rythmes électroencéphalographiques considérés comme des variantes de la normale, qu’il est parfois difficile de distinguer de ceux ayant un caractère réellement pathologique (68). Ainsi, certains artéfacts ou graphoéléments douteux peuvent conduire par erreur à un diagnostic d’épilepsie.

Même si les huit électroencéphalogrammes pathologiques ont, dans notre cohorte de patients, étayé un diagnostic de syndrome épileptique particulier ou de haut risque de récidive de crise, l’EEG standard reste l’examen le moins rentable de notre hôpital de jour. Ainsi, seuls 7,9% d’entre eux étaient l’élément déterminant dans le diagnostic d’épilepsie, en considérant la population totale, chiffre montant à 13% en considérant uniquement les patients ayant présenté une crise, provoquée ou non. Cette faible rentabilité est principalement liée au délai de réalisation de l’examen, prévu théoriquement à un mois maximum, limite supérieure du délai recommandé par l’HAS, mais qui comme nous l’avons précédemment vu a été fréquemment dépassé. On retrouve dans la littérature des résultats très variables, allant de 18 à 70% d’EEG anormaux dans des études où l’examen a été réalisé dans des délais différents, avec des cohortes plus ou moins sélectionnées (exclusion des crises provoquées, des patients ayant présenté plusieurs évènements cliniques…), et avec une définition non uniforme de l’anomalie « significative » (24,36,48,52–55,69,70).

L’impact majeur du délai de réalisation de l’EEG sur sa sensibilité s’illustre particulièrement dans la cohorte de premières crises canadienne de Rizvi et al. dans laquelle 94% des EEG étaient anormaux parmi les patients épileptiques (50), mais avec un délai moyen de réalisation de quatre jours et une définition large de l’anormalité de l’EEG. Plus l’EEG est réalisé rapidement après une crise, plus il est susceptible de mettre en évidence des anomalies épileptiques : ainsi, dans l’étude de King et al., on constate 51% d’EEG anormaux dans les 24 heures contre 34% lorsqu’il est réalisé plus tardivement (36).

Se pose alors la question de l’objectif de l’examen, qui sera en effet différent à 24h et à un mois de l’épisode paroxystique : dans notre hôpital de jour, le but est plus de rechercher des arguments d’évaluation du risque de récidive (voire des preuves d’un syndrome épileptique particulier) chez un patient que de confirmer le diagnostic de crise épileptique en lui-même par la mise en évidence d’anomalies post critiques par exemple. Dans ce cadre, le délai par rapport à la crise apparait donc comme moins essentiel, dans la mesure où l’objectif est de mettre en évidence des anomalies intercritiques.

o L’EEG avec privation de sommeil

De façon générale, la sensibilité de l’EEG reste relativement faible chez l’adulte, comme dans l’étude de Bouma et al. précédemment citée où elle est évaluée à 17,3% (IC 95% 7,9 – 33,8) (67).

S’il est admis que le pourcentage d’anomalies intercritiques décelables sur l’EEG augmente avec la répétition des examens, un autre moyen de le sensibiliser est d’utiliser la privation de sommeil (PS) (56,71). Elle consiste à réaliser un EEG de longue durée comportant des tracés de veille et surtout de sommeil, dans les suites d’une nuit durant laquelle le patient aura réalisé une limitation de son temps de sommeil (consistant pour le service de neurophysiologie du CHU de Rouen à une heure de coucher à 23h et de lever à 3h du matin). Dans la cohorte de 300 patients de King et al., elle avait augmenté la performance diagnostique de l’EEG de 43% à 61% (55 patients supplémentaires présentant des anomalies épileptiformes après PS) (36). Giorgi et al. retrouvaient quant à eux parmi un groupe de patients épileptiques une sensibilité de 41% de l’EEG avec privation de sommeil (EEG-PS), qui était significativement supérieur en terme de rentabilité à la réalisation d’un second EEG standard en ce qui concerne les épilepsies focales (72).

Un EEG après PS normal permet de confirmer un faible risque de récidive de crise, puisque seuls 12% des patients rechutent lorsque l’EEG standard et l’EEG-PS sont tous deux normaux (73).

Au cours du suivi des patients pour lesquels l’EEG-PS a été proposé, on constate une forte proportion d’examen non réalisés, en majorité en raison d’une perte de vue des patients. Il est à noter que les délais de réalisation de l’examen sont à ce jour assez longs dans notre CHU, ce qui peut en partie expliquer ces résultats. D’autre part, les patients concernés avaient en majorité reçu des diagnostics de malaise non épileptique ou d’origine incertaine, ce qui peut être une autre raison de rupture de suivi, les patients étant moins enclins à assurer la poursuite d’examens contraignants dans leur organisation s’ils sont peu inquiets quant à l’origine de leur malaise.

A ce jour six EEG avec PS ont révélé des anomalies interictales dans notre cohorte, ce qui équivaut à 26% des examens réalisés. Ce résultat illustre la meilleure rentabilité de l’EEG- PS par rapport à l’EEG standard dans notre population. Ces résultats ainsi que ceux de la littérature nous invitent à généraliser l’utilisation de la privation de sommeil dans la prise en

charge de nos patients, particulièrement parmi ceux dont l’EEG standard n’a pas retrouvé d’anomalie épileptiforme, dans l’objectif d’évaluation du risque de récidive de crise épileptique et à visée diagnostique.