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1. Introduction

1.2. Les lymphocytes « invariant natural killer T » (iNKT)

1.2.3. Activation des lymphocytes iNKT

Les lymphocytes iNKT, comme tout lymphocyte T, sont susceptibles d’être activés quand leur TCR reconnaît un antigène agoniste présenté dans le contexte d’une molécule présentatrice d’antigène, ici un glycolipide présenté par CD1d. On distingue deux modes d’activation des lymphocytes iNKT selon la provenance des glycolipides reconnus par le TCR [58, 66] (Figure 5). Dans le mode direct, les glycolipides agonistes du TCR semi- invariant sont exogènes, et proviennent donc de la dégradation des membranes de pathogènes dans les phagolysosomes des cellules présentatrices d’antigène. C’est ainsi le mode d’activation principal des lymphocytes iNKT en réponse à l’infection par les bactéries Sphingomonas ou Borrelia, dont les membranes contiennent des glycolipides agonistes des lymphocytes iNKT. Mais de nombreuses bactéries et autres pathogènes ne possèdent pas de glycolipides agonistes du TCR des lymphocytes iNKT, mais sont capables de déclencher l’activation de ces cellules par un mécanisme dépendant de l’expression de CD1d dans les cellules présentatrices d’antigène. Dans ce mode d’activation, dit indirect, l’activation des cellules présentatrices d’antigènes par les récepteurs TLR spécifiques des pathogènes induit leur activation. Ces cellules activées présentent à leur surface des glycolipides endogènes dans le contexte de CD1d et produisent des cytokines pro-inflammatoires comme l’IL-12 et l’IL-18 [67]. Les lymphocytes iNKT sont alors activés par la combinaison des lipides endogènes et du milieu cytokinique pro-inflammatoire. La nature des glycolipides endogènes présentés par les cellules présentatrices d’antigènes pour le mode d’activation indirect est encore imprécise. Comme pour la sélection positive dans le thymus, iGb3 est un bon

40 candidat mais n’est sans doute pas le seul lipide impliqué [28]. Une étude récente a apporté des détails cruciaux concernant les mécanismes précis de ce mode d’activation des lymphocytes iNKT : l’activation des cellules dendritiques par des microbes, via les récepteurs TLR2 et TLR4, induit l’inhibition de l’enzyme alpha-galactosidase A, normalement chargée de dégrader les glycosphingolipides dans ces cellules ; l’accumulation lysosomale de glycosphingolipides endogènes qui résulte de cette inhibition induit une surprésentation de ces molécules par CD1d à la membrane cellulaire et active les lymphocytes iNKT [68].

Figure 5. Modes d’activation direct et indirect des lymphocytes iNKT

Récemment, des études d’imagerie intravitale par microscopie bi-photonique ont permis de mettre en évidence les processus dynamiques qui ont lieu à l’échelle cellulaire lors de l’activation des lymphocytes iNKT. Dans le foie, organe particulièrement riche en lymphocytes iNKT (plus de 30% des lymphocytes Tαβ hépatiques murins sont des lymphocytes iNKT), les lymphocytes iNKT patrouillent le long des sinusoïdes vasculaires à une vitesse de l’ordre de 10-20 µm.min-1 [69]. L’activation par le TCR, après injection d’α-

41 GalCer ou de bactéries Borrelia vivantes, induit rapidement l’arrêt des lymphocytes iNKT nécessaire à, et déclenchée par, leur activation optimale [69, 70]. Dans le cas de la réponse au pathogène Borrelia, ce sont les cellules de Kuppfer qui ingèrent la bactérie et activent les lymphocytes iNKT via l’expression surfacique de complexes CD1d/glycolipides bactériens [70]. Un rôle clé de cellules macrophagiques dans la présentation des glycolipides aux lymphocytes iNKT in vivo a aussi été observé dans les ganglions lymphatiques. Ainsi, l’injection sous-cutanée de microbilles de latex recouvertes d’α-GalCer induit, dans le ganglion drainant, l’activation des lymphocytes iNKT par des macrophages sous-capsulaires ayant phagocyté les particules. Les lymphocytes iNKT, qui patrouillaient dans la zone T du ganglion avec le même comportement que les lymphocytes T conventionnels, reçoivent là aussi un signal « stop » et s’activent en engageant des interactions longues avec les macrophages CD1d+ présentant l’antigène [71]. Ces études in vivo montrent que le comportement dynamique des lymphocytes iNKT avant et pendant l’activation est semblable à celui des lymphocytes T conventionnels. Une différence majeure semble pourtant être le type de cellules leur présentant l’antigène : les lymphocytes iNKT sont facilement activés par des cellules de type macrophagiques (cellules de Kuppfer, macrophages sous-capsulaires). Cette observation est en accord avec le fait que, de part leur phénotype de lymphocytes T mémoire activé, les lymphocytes iNKT ne dépendent pas ou peu d’un signal de costimulation (engagement du CD28 par exemple) pour leur activation initiale [24, 72].

Après l’activation par le TCR, les lymphocytes iNKT réagissent systématiquement en produisant rapidement des quantités importantes de cytokines. La plupart des lymphocytes iNKT sont capables de produire à la fois des cytokines de type TH1 (IFN-γ, TNF-α) et TH2 (IL-

4, IL-5, IL-13) ainsi que d’autres cytokines bien caractérisées comme l’IL-2 et le GM-CSF [58]. A la suite de cette phase de production de cytokines, les lymphocytes iNKT activés perdent l’expression surfacique du marqueur NK1.1 et du TCR semi-invariant et deviennent ainsi indétectables par les méthodes classiques de cytométrie (environ 12-24H post- activation) [72, 73]. Une phase d’expansion proliférative des lymphocytes iNKT débute alors au cours de laquelle les lymphocytes iNKT recouvrent l’expression membranaire du TCR semi-invariant, mais pas de NK1.1, et deviennent ainsi à nouveau détectables par cytométrie. Cette prolifération atteint son maximum environ 3 jours après activation, où les lymphocytes iNKT peuvent représenter jusqu’à 10% des lymphocytes T de la rate, puis décroît progressivement jusqu’à ce que la population de lymphocytes iNKT retrouve son nombre initial environ 7-10 jours après activation [72, 73]. Suit alors une longue période réfractaire pendant laquelle les lymphocytes iNKT ne répondent pas ou peu à une nouvelle activation par le TCR [72]. Cette phase d’anergie est dépendante de l’expression de PD-1 à

42 la surface des lymphocytes iNKT activés (qui persiste à leur surface plus de 30 jours après l’activation initiale) et de ses ligands PD-L1 et PD-L2 à la surface des cellules présentatrices d’antigènes [74-76].