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CHAPITRE 2 : LE MEDIUM MUSICAL EN INTERDISCIPLINARITE

6 Modélisation du contexte de l’étude

6.3 Les acteurs-réseau humains

Nous caractérisonsun certain nombres d’actants en présence lors de la post production. La vision hierarchique et relationnelle du système uniquement humain peut se représenter comme suit et nous montre les interdépendances entre les acteurs humains. On peut y découvrir que les cas de figure MS interne à l’équipe (bleu et cadratins) et MS externe ne changent pas les relations :

Figure 20 : Réseau humain impliqué dans la post-production

Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, le métier de MS est encore émergent.Dès lors, il peut être considéré comme une perturbation du modèle typique existant. Il peut donc y avoir soit un acteur interne (MS per accidens) à la production qui sera, en général, un membre déjà actant sur une autre mission (e.g. le montage, le montage des directs, le montage des ambiances voire le mixage) ou un MS externe (MS per se). Nous verrons dans le prochain chapitre que dans le cadre d’un MS per accidens, c’est souvent le monteur qui assumera cette charge, ce qui implique une « double casquette » qui ne va sans doute pas dans le sens d’une optimisation ni du partage des tâches, ni de l’efficacité.

Le schéma de réseau que nous fournissons ici est déjà simplifié : ont été enlevés les éléments exceptionnels tels que les graphistes et autres compositeurs223 qui ne sont pas nécessaires à

toute production. Cependant, on voit aussi que dans ce schéma, certains actants ne sont pas concernés par la synchronisation musicale. C’est le cas de l’équipe d’étalonnage dont la mission est de traiter la colorimétrie du film et qui se fait, comme nous verrons aussi dans le chapitre suivant en parallèle et en déconnexion du traitement sonore. Ce schéma peut donc être simplifié en excluant ces derniers. Sous une logique différente, nous avons voulu représenter comme intriqués les uns aux autres les chefs locaux et leurs assistants. En effet, un assistant monteur ou un monteur son224 sont des délégués du chef-monteur et tous œuvrent à une

même tâche globale. Il sera donc possible de ne les représenter que comme un seul nœud « monteur », il en sera de même pour le « mixeur ». D’une part, par principe de cohérence, les actions des membres de l’équipe vont toutes dans le sens du chef de l’équipe et, d’autre part, dans le cadre de toutes petites équipes de production, il est possible aussi que de tels postes ne soient pas pourvus et donc que le monteur et le mixeur soient seuls sans pouvoir de délégation. Notons, aussi, que nous avons volontairement laissé une ambigüité entre le mixeur que nous avons détaché et le monteur son que nous avons intriqué au monteur image. Dans les faits, nous le détaillerons par la suite, l’équipe de montage est en charge du pré-montage son, c’est-à- dire de la mise en place des sons sur la timeline225. Les sons servent en effet au montage

puisqu’il s’agit aussi d’un jeu de rythme226. De plus, un grand nombre de plans sont, dans la

réalité, jetés à la poubelle car la prise n’était pas bonne au son ou que l’intonation de l’acteur n’allait pas.Dès lors il faut bien que le son soit présent pendant le montage. Aussi, la validation du montage final, du « final cut », avant de passer à la suite des étapes de la postproduction, se fait avec des non-techniciens : le réalisateur et le producteur. Or, si un monteur est capable de « voir » ce qui sera amendé en postproduction sonore, ce n’est pas nécessairement le cas d’un réalisateur, il faut donc que le prémix soit « audible » même s’il conserve des imperfections. Ainsi, parmi nos acteurs-réseaux humains, on pourra trouver,a minima :

223 Nous évoquons ici les compositeurs graphiques et non pas les compositeurs musicaux dans le sens

usuel.

224 Il y a, sur les productions traditionnelles de téléfilms et de films de cinéma, plusieurs monteurs son. Le

monteur des directs s’occupe du montage des sons qui ont été captés par les micros pendant le tournage (perche, lavalier, etc.). Il s’agit donc essentiellement des voix (on parle en anglais des « sync sounds »). Le monteur des ambiances monte les sons des éléments du décor (premiers bruitages, silences raccords, sons d’ambiance, etc.) (Dutrieux, 2017b). L’assistant monteur fait le lien avec les monteurs son puisque d’une part il contribue à la réalisation du « prémix » de validation et, d’une autre part, il est en charge des exports entre les stations de montage vidéo et son. Notons aussi que outre-Atlantique, il existe aussi des monteurs musicaux qui sont des personnes à part et dévolues au montage de la musique. De même, aux Etats-Unis, il peut y avoir un monteur des ADR (Additive Dialog Recordings - Voix postsynchronisées, i.e., les voix réenregistrées en postproduction) ainsi qu’un monteur des Foley (bruitages). En France, les « postsynchros » sont ajoutées au montage des directs et des bruitages et autres effets au montage des ambiances (que l’on peut aussi appeler sobrement « montage son ») (Dutrieux, 2017a).

225 Dans un NLE (Non-Linear Editor - Système de montage non-linéaire), la séquence montée est

symbolisée par une timeline, une ligne temporelle, sur laquelle on vient faire se succéder les plans. Le terme est utilisé en anglais dans l’argot technique audiovisuel.

226 Le monteur image (chef monteur) utilisera en général un « mixdown » [tr. « mixage à plat », jamais

traduit, ndt] stéréophonique avec, à gauche, les perches mixées ensemble et, à droite, les lavaliers (Dutrieux, 2017a).

• Un producteur qui est le porteur du projet et du risque. Il est à la tête de la structure hiérarchique et surtout financière, mais peut être représenté par un directeur de post- production. En effet, les producteurs, au sein de leurs sociétés de production, peuvent être amenés à travailler en parallèle sur plusieurs projets et donc à déléguer. Comme il est à la tête de la structure hiérarchique, il est le seul en pouvoir de réellement signer le contrat de synchronisation et donc finaliser le processus. De même, dans le cas de l’engagement d’un MS externe ou dans l’attribution de la mission de recherche de musique à tout autre acteur interne, c’est lui qui a le pouvoir de décision puisqu’il a le pouvoir d’engagement et de gestion.

• Un réalisateur qui est le porteur artistique du projet. Dans le monde musical, on pourrait l’assimiler à un directeur artistique227. Il a le fin mot sur la structure du film d’après la loi,

même si nous savons qu’il est tout de même subordonné au producteur dans la réalité. Le réalisateur a le fin mot sur le choix de la musique sur des critères esthétiques. En somme il est le producteur esthétique du film, au titre de la loi mais aussi dans sa relation aux autres. • Un mixeur ou ingénieur du son qui est un technicien. Son rôle est de mixer le film, c’est-à-

dire de rendre audible et harmonieuse la bande son. La musique choisie faisant partie de la bande son, il est naturellement influencé dans sa tâche par le choix de synchronisation musicale. Au vu de l’étalement du spectre d’amplitude et de fréquence d’une musique, il doit travailler dans le compromis pour que chaque chose que le réalisateur veut mettre en avant puisse l’être. Par expérience personnelle, cette tâche peut être excessivement compliquée par le choix d’une musique qui par malheur couvre les dialogues alors que le réalisateur veut les entendre et qu’il ne veut pas changer de musique. En effet, la synchronisation musicale se fait sur le montage final228. Or, le mixeur entre en jeu après. Dès

lors si la musique n’est pas propre à mixer et qu’elle est déjà payée, on est dans une situation bloquée menant à divers bricolages.

• Un monteur ou chef monteur, ou monteur image qui est aussi un technicien. Le statut du monteur sur le plan artistique est en débat de longue date dans l’audiovisuel. Dans les faits, le monteur réécrit le film au montage ce qui peut être vu comme la troisième écriture229.Tout comme pour le mixeur, c’est un poste hautement qualifié qui nécessite des

227 Il existe de plus en plus des réalisateurs musicaux. Il s’agit d’une profession hybride entre ingénieur du

son, directeur artistique, arrangeur et musicien, qui se développe de plus en plus. Les réalisateurs musicaux sont, en quelque sorte, des « couteaux suisses » musicaux qui interviennent depuis le choix et le placement des micros (qui a une importance fondamentale) jusque la direction du mastering final. Il s’agit d’une profession en essor dont le cadre d’intervention n’est pas encore bien figé mais qui tend à remplacer les arrangeurs tout en proposant un poste plus polyvalent (Lafontaine, 2015). La terminologie n’est pas non plus figée puisque l’on pourra parler de directeurs artistiques ou de producteurs de musique (à ne pas confondre avec le producteur de phonogramme) quand les réalisateurs musicaux sont moins impliqués dans la technique (Bordier, 2012).

228 Après l’étape dite de « picture lock » en anglais.

229 L’équipe scénaristique fait la première écriture à partir d’une idée « ex nihilo » ou en adaptant une

œuvre déjà existante. Le scénario devient une première écriture audiovisuelle puisqu’il ne s’agit pas d’un ouvrage littéraire autonome, il est déjà découpé en séquence et on peut déjà y trouver de nombreuses indications audiovisuelles (« ouverture au noir sur », « musique : », etc.). La deuxième est assurée par le réalisateur qui traduit le scénario en une succession de plans au travers du découpage technique. L’agencement réel des plans dans le montage, qui est toujours différent de la succession interne du découpage technique, est l’affaire du monteur. Un découpage technique n’est jamais un plan de montage puisque le tournage n’a pas encore eu lieu avec son amoncellement de compromis et de confrontation à la réalité. Le découpage est purement idéel et idéal et n’a rien à voir avec la structure du film final. Le

connaissances à la fois théoriques du cinéma, techniques, esthétiques mais aussi d’interaction dès lors que le réalisateur peut « venir mettre son nez ». Tout comme le mixeur, son action est celle d’un agrégateur des matières premières pour que le film raconte quelque chose à partir de l’assemblage des rushes.

• Un MS (per se ou per accidens) qui est en charge de la recherche des musiques. Nous détaillerons cela dans le chapitre suivant.