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C 1 Certains acteurs de l’apoptose ne sont pas toujours indispensables.

III L'apoptose contredit-elle les dynamiques endodarwiniennes ?

III. C 1 Certains acteurs de l’apoptose ne sont pas toujours indispensables.

Les deux voies principales de l’apoptose sont constituées d’acteurs impliqués dans des cascades de réactions dont la détermination apparente est le socle permettant de caractériser l’ensemble comme un " programme d’autodestruction ". Néanmoins les rôles connus de ces acteurs ne sont pas toujours en cohérence avec leur

intervention supposée dans la voie de l’apoptose. En particulier, l’absence d’un certain nombre de ces acteurs décrits comme cruciaux n’empêche pas l’apoptose, mais la retarde seulement. Cela ne signifie pas que l’ensemble du phénomène d’apoptose doive être pour autant intégralement repensé. On observe en effet un certain nombre d’invariants dans les processus apoptotiques qui sont plus nombreux que les exceptions à la règle. Néanmoins, observer les éléments de variations, les partenaires non indispensables, cela permet d’avoir une approche plus probabiliste de la mort cellulaire " programmée ".

Parmi les acteurs moléculaires qui jouent un rôle central, on peut noter le cas du cytochrome C, dont la liaison avec Apaf-1 est cruciale dans la voie d’apoptose mitochondriale (Figure 14, p.124). Le relargage du cytochrome C suite à la perméabilisation de la membrane mitochondriale externe, est décrit comme un épisode fondamental de cette voie (même si le processus de perméabilisation reste non déterminé). Il s’avère que des expériences réalisées en l’absence de cytochrome C n’ont pas aboli la fonction apoptotique. Celle-ci a été retardée, mais a bien eu lieu (Li, et al., 2000).

De même le partenaire Diablo/Smac qui inhibe une famille de protéines inhibitrices d’apoptose (IAPs) ; en son absence, l’apoptose n’est pas modifiée (Okada, et al., 2002).

Par ailleurs des expériences de mutants caspases-9 -/- ou d'Apaf-1-/- dans certains cas d’apoptoses stress dépendantes, n’ont montré aucune variation dans leur taux de morts cellulaires (Marsden, et al., 2002). Il est à noter que cela ne concerne que certains types de telles apoptoses. D’autres expériences vont dans le sens inverse et plaident en faveur de la nécessité de ces acteurs. Il faut ajouter à ces nuances, que les effets de ces mutants avaient des pénétrances variables, qui allaient jusqu’à la

130 possibilité d’obtenir une certaine proportion (minoritaire) d’adultes bien portants (Honarpour, et al., 2000). Ceci tendant à relativiser l’univocité des voies d’apoptoses tout comme on a pu précédemment relativiser l'importance des voies de signalisation spécifiques en mettant en évidence des nombreuses voies de recours.

Certaines figures d’apoptose, comme la dégradation et la fragmentation du génome, pourtant canonique de ce phénomènes semblent parfois n’être pas observées et ne sont donc pas strictement indispensables au bon déroulement du phénomène.

Ces divers éléments épars ne sont pas de nature, répétons le, à remettre en cause le phénomène d’apoptose, dans sa dimension de voie organisée conduisant à l’autodestruction. Mais pourraient changer la conception qu'on a du contrôle de ce phénomène en introduisant une plasticité peu compatible avec la notion de programme, rigide par définition.

On peut par exemple envisager que certains acteurs, même absents, puissent être remplacés par des homologues structuraux recrutés ad hoc. De même certaines caspases pourraient en suppléer d’autre dans les expériences de mutants double récessifs. Ces hypothèses de travail doivent être testées. Cela étant, en parallèle aux investigations complémentaires suggérées on est aussi en droit de proposer une réinterprétation partielle des rôles de ces acteurs. En effet, les observations ci- dessus forment un ensemble de données qui ont troublé certains auteurs qui tendent désormais, pour certains types de mort apoptotiques, notamment stress induites, à redéfinir le rôle de l’apoptosome. Puisqu’en son absence, l’apoptose peut avoir lieu, avec retard et avec un taux de caspases moindre, il semble que celui-ci puisse être interprété comme un amplificateur du phénomène apoptotique plutôt que comme sa véritable cause (Marsden, et al., 2002).

Cela peut être corrélé au fait que l’un des déclencheurs de la voie d’apoptose mitochondrie dépendante est la dégradation de l’ADN. Or la dégradation d’ADN est aussi la conséquence de l’activation de cette voie, en tant qu’elle est une des figures des phases finales de l’apoptose. Il peut paraître paradoxal que la conséquence d’une voie d’apoptose en soit le déclencheur. Ceci se comprend peut-être mieux à la lueur de ce qui vient d’être suggéré : tout se passe en fait comme si l’apoptosome était pris dans une classique boucle de rétroaction positive, ici parfaitement cohérent avec le rôle proposé dans la littérature d’apoptosome comme amplificateur.

Il a été noté et démontré que, si, chez C. elegans, la voie d'apoptose semblait, univoque, elle pouvait inversement, chez les mammifères, procéder selon de multiples voies, différentes pour chaque type cellulaire, mais aussi pour un type cellulaire donné, différentes pour chaque "signal" déclencheur (Ameisen, 2002).

Cela n’abolit pas son rôle effectif, mais cela le replace dans un ensemble plus vaste, où, dans certains cas, et notamment, notons-le ici, dans certains cas de stress, les cellules peuvent puiser dans leur génome différents outils, différentes voies permettant d’aboutir au phénotype de mort. Sans remettre en cause les voies classiques d’apoptoses, on peut imaginer qu’il en existe un certain nombre d’alternatives. Encore une fois il n'y a donc pas de spécificité à proprement parler, Et cela aboutit encore une fois à remettre en cause la notion de programme, puisqu'on peut replacer ces phénomènes dans un contexte d’expression aléatoire due au stress aboutissant à l’une ou l’autre des voies qui enclenchent une dynamique dont la fin est commune. Cela ne donne toujours pas de rationalité à cette fin, nous y viendrons, mais cela rationalise le mécanisme et le replace dans un contexte où la

Bcl-2 Bax Bid Bik BH4 BH3 BH1 BH2 TM D’après Hengartner, 20 00 Groupe 1 2 3

Figure 15 : La famille des protéines Bcl-2.

Ces protéines interviennent notamment dans la voie mitochondriale. On voit que les protéines Bcl-2 et Bax ont une séquence très proche. C'est cette homologie qui leur permet de se neutraliser en s'hétérodimérisant.

détermination n’est qu’apparente et due à un effet d’entonnoir où plusieurs mécanismes différents, et aléatoirement déclenchés produisent le même effet.