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---Acte III, scène 1

Notes

- Vers 709 : «fureur» : Le mot est employé, ici encore, dans le sens de «folie». Chaque fois que paraît Oreste, Racine souligne, d’une manière ou d’une autre, qu’il est un véritable possédé.

- Vers 710 : «connais» : «reconnais».

- Vers 711 : «de saison» : La «saison» est «le temps propre pour faire quelque chose. Il se dit dans les choses morales.» (‘’Dictionnaire de l’Académie’’, 1694). La locution était familière et peu employée par les auteurs de tragédies.

- Vers 712 : Il définit exactement Oreste qui est le contraire même d’un héros cornélien.

- Vers 715 : «achever» : «rendre complet» (Littré).

- Vers 719 : «transport» : «mouvement violent de l’âme».

Racine avait d’abord écrit : «Faites taire, Seigneur, ce transport inquiet». Les deux impératifs juxtaposés donnent évidemment beaucoup plus d’émotion aux exhortations pressantes de Pylade.

- Vers 722 : Racine avait d’abord écrit : «Tout dépend de Pyrrhus, et surtout d’Hermione». Il supprima une simple préposition, mais, ce faisant, il transforma une formule banale en un beau vers où le mot

«Hermione», déjà allongé par la diérèse («Hermi-one») prot une ampleur souveraine.

- Vers 724 : Pendant l’entracte, Oreste a cherché Hermione sans la trouver.

- Vers 728 : «quel était» : «quel devait être», «quel aurait été».

- Vers 729 : «éperdu» : «qui est profondément troublé par la crainte ou par une passion quelconque.»

(Littré).

- Vers 733 : Ce vers annonce le dénouement. Dans l'Antiquité, selon Thucydide, l’Épire passait pour peuplée de barbares. L'’’Odyssée’’ plaça l'oracle des morts en Épire, au-delà du monde des vivants, dans la vallée de l'Achéron, dont le nom correspond à celui du fleuve des Enfers.

- Vers 734 : «bizarre» : Le mot signifiait «fantasque, bourru, capricieux, fâcheux, importun, désagréable» (‘’Dictionnaire de l’Académie’’, 1694). Pylade veut dire : «Vous accusez Pyrrhus d’être le responsable d’une situation bizarre que le destin a voulue.»

- Vers 737 : «le flatte» : «lui fait plaisir».

- Vers 738 : «il dédaignait» : L’imparfait a la valeur du conditionnel, mais marque une réalisation plus rapide que l’hypothèse.

- Vers 741 : «c’en était fait» : L’indicatif signifie que, pour Oreste, l’action est réellement accomplie.

«Hermione gagnée» : La construction participale donne force de réalité à l’illusion d’Oreste.

- Vers 743 : «confus» : «hésitant».

- Vers 749 : «quand» : «en admettant que».

- Vers 752 : Racine avait d’abord écrit : «Au lieu de l’enlever, seigneur, je la fuirais».

- Vers 754 : «détestera» : «vouera aux puissances infernales».

- Vers 755 : «hymen» : «mariage».

- Vers 762 : «inhumaine» : Terme de la langue des précieux fort à la mode à l’époque, et que Racine utilisa fréquemment, qui désigne une femme insensible à l’amour.

- Vers 765 : «succès» : «résultat, favorable ou défavorable» (sens latin de «successus»).

- Vers 767 : «États» : Les royaumes grecs dont Oreste est l’ambassadeur.

«soins» : «efforts», «mal qu’on se donne pour obtenir ou éviter quelque chose».

- Vers 770 : «la fable» : «le sujet de moquerie».

- Vers 771 : «Que veux-tu?» : Tournure familière comme on en rencontre assez fréquemment chez Racine. Ce mélange des tons, qui jamais ne manque de dignité, explique en partie le parfait naturel de son théâtre. Racine répugna à I'enflure, dont Corneille ne fut pas toujours exempt.

- Vers 772 : Phèdre connaîtra les mêmes tourments et pour les mêmes raisons ; elle aussi sera marquée par la fatalité, et elle en sera consciente. Pas plus qu'Oreste elle ne pourra connaître le repos, mais seulement des répits.

- Vers 775 : On peut le traduire par : «Quelle que soit la partie de mon existence que je considère.»

- Vers 778 : C’est un cri de révolte religieuse : puisque, de toute façon, les dieux se comportent de manière cruelle avec les mortels, mieux vaut justifier leur courroux. N'y aurait-il pas là la plainte orgueilleuse du janséniste inquiet qu’était Racine?

- Vers 781 : Chez Euripide (‘’Oreste’’), Oreste dit de même : «Infortuné ! je vois que mes maux vont encore retomber sur toi.»

- Vers 783 : «séduit» : «te détourne du droit chemin» (sens étymologique).

- Vers 787 : «cœur» : «courage» (sens étymologique).

- Vers 788 : «amitié» est ici employé dans son sens propre, et non (par litote) dans le sens d’«amour»

qu’il a au vers 903.

- Vers 790 : Il y a élargissement du lieu par un décor hors palais.

- Vers 791 : Dans ‘’Bajazet’’, on lit : «Nourri dans le sérail, j’en connais les détours.»

- Vers 800 : «Dissimulez» : Pylade répète ce qu’il a déjà conseillé au vers 719.

- Vers 801 : «Gardez» : «Prenez garde que».

«le coup» : Le mot n’a pas ici le sens familier qu’il a pris aujourd’hui ; il signifie «une action mauvaise, ou tout au moins une action hardie» (Littré).

- Vers 803 : «voi» : Pour faciliter la rime, les poètes du XVIIe siècle utilisaient les verbes «faire»,

«dire», «craindre», «prendre», «croire», «devoir», «savoir», «voir», sans «s» à la première personne du singulier du présent de l’indicatif. C’est d’ailleurs l’orthographe étymologique.

Intérêt de l’action

Le revirement de Pyrrhus, lui-même résultant directement de la vexation qu’Andromaque lui fit subir par ses comparaisons avec Hector, a pour conséquence de provoquer le désarroi et le désespoir d’Oreste, que Pylade essaie de tempérer.

La scène se déroule ainsi :

1. La «fureur extrême» d’Oreste (vers 709-733).

2. Sa haine pour Pyrrhus (vers 734-747).

3. Sa volonté d’enlever Hermione quelles que soient ses dispositions à son égard (vers 748-785).

4. La mise au point du projet d’enlèvement (vers 786-804).

Oreste prend une décision qui annonce le dénouement (le vers 764 correspond aux vers 1581-1582), que Racine, conformément à sa conception de la structure d'une tragédie, préfigura ici. D'ailleurs, au vers 730, Oreste pressent sa folie, et, au vers 733, laisse prévoir le meurtre de Pyrrhus.

Oreste et Pylade imaginent tous les deux leur avenir, mais, pour Pylade, il est au futur (vers 764, 766), et, pour Oreste, au conditionnel (vers 767-768), ce qui ne l'empêche pas de parler au présent pour envisager I'avenir qu'il veut vraiment réaliser (vers 760-764).

Au vers 804, le spectateur, qui embrasse les intérêts d’Oreste, se demande s’il aura la force de se maîtriser malgré ses affirmations.

Intérêt psychologique

Pylade, s’il est plein de bon sens et de clairvoyance, s’il traite Oreste en malade, se montre d'une soumission absolue. Le plus qu'il espère obtenir de lui, c'est la dissimulation (vers 719) ; il ne tente même pas de le dissuader. Il essaie de le retenir, mais, se rendant compte de l’impossibilité d’une telle tentative, il n’entre dans ses desseins que pour ne pas le heurter de front. Il fait donc passer l’impulsion de son sentiment avant les exigences de sa raison, conservant cette attitude qui lui faisait dire, dans les premiers vers de la pièce, «Craignant toujours pour vous quelque nouveau danger».

Mais il choisit d’aider Oreste. Encore le fait-il avec réflexion et circonspection, déterminant quel doit être le meilleur moyen d’arriver à leurs fins. D’où ces conseils de prudence, de dissimulatuion.

Cependant, il ne peut s’empêcher de reprocher à Oreste l’inutilité de son emportement (vers 728), de lui montrer combien la situation de Pyrrhus est semblable à la sienne (vers 735-736), de faire sentir combien il doute d’un changement d’attitude chez Hermione (vers 747). Oreste se calmant, il se permet de revenir à son idée première, à sa solution sage : la fuite loin d’Hermione, la recherche de l’oubli. Mais son ami s’animant de nouveau, il objecte timidement qu’il s’attirera l’opprobre de ceux qui avaient confiance en lui. Enfin, il est l’allié fidèle, le comparse docile, poussant, aux vers 787-794, le culte de l’amitié jusqu’au sacrifice. Cette attitude a été diversement interprétée : pour Saint-Marc Girardin, elle est «l’admirable réponse d’un ami dévoué et intelligent» : pour Géruzez, elle évoque la complaisance des valets de comédie. Mais un rôle aussi ingrat n’expose-t-il pas à de telles ambiguïtés?

La scène découvre des aspects nouveaux du caractère d’Oreste.

Il est d’abord encore pleinement lucide : s'il évoque sa folie, c'est à I'imparfait (vers 725-726) ou bien au conditionnel (vers 729). Il exerce pour la première fois sa volonté (vers 715-716).

Mais, bientôt, l’outrance de ce passionné, chez qui l’amour n’est plus qu’un instinct, apparaît sous un jour violent. Poussé au désespoir, il est en proie au désarroi, et n’a d’autre recours que la violence et

la vengeance. Frustré dans ses aspirations, il se retourne comme un fauve blessé sur ceux qui causent sa douleur ; sur Pyrrhus qu’il hait parce qu’il sent qu’il vient d’en être le jouet ; sur Hermione, car il sait qu’il en a toujours été le jouet. Il n’exprime plus que la velléité d’une cruauté gratuite, inutile.

Si sa vie doit être un enfer qu’elle en soit un aussi pour Hermione (vers 756 et suivants). Le tragique pour lui est d'être conscient de cette manipulation, et de ne pouvoir toutefois s’empêcher de s’y prêter.

Au vers 760, la passion le rend égoïste, mais ce n'est pas tant par cruauté que par désir d'égalité dans le malheur, de farouche besoin de revanche. La Rochefoucauld aurait pu penser à lui, quand il écrivait : «Si l'on juge de l'amour par la plupart de ses effets, il ressemble plus à la haine qu'à I'amitié.» En reprenant, grâce à la «rage», une certaine virilité, il restitue à I'homme son rôle traditionnel qui est de s'imposer (vers 762). Il montre aussi un goût instinctif du mal, une attirance vers le crime qui, jusque-là refoulé, n’est plus maintenant contenu par une barrière (vers 771 et suivants). Il rejette avec désinvolture le fardeau de l’innocence, exprimant avec franchise une attitude humaine, ce besoin qu’aurait l’être humain de, soudain, ne plus s’en tenir à aucune règle, de se complaire dans le désordre et l’anarchie, contrepoids des contraintes sociales qu’il doit accepter.

Ainsi, la malédiction qui le frappe mais qui ne sera plus imméritée (vers 777-778).

Remarquons encore que Racine parle en psychologue. En effet, du clinicien, il a : - Le vocabulaire : «fureur» (vers 709) ; «transport» (vers 719) ; «éperdue» (vers 729).

- Le diagnostic : la folie est un dédoublement de la personnalité, ou, plus exactement, une dissociation (vers 710) dont le sujet peut être conscient (vers 726).