• Aucun résultat trouvé

---Situation à la fin de l’acte I

Il s’est terminé sur une décision. Jacques Scherer (‘’La dramaturgie classique en France’’) fit remarquer : «Chaque acte de la pièce se termine par une décision. Ces décisions ne mettent qu'en apparence le point final aux divers actes. Elles ne sont jamais des solutions, elles sont au contraire lourdes de conséquences ; issues de conflits, elles engendrent nécessairement d'autres conflits. Le spectateur, loin de considérer qu'un problème est réglé, ne peut que se demander quel sera le prochain problème.»

---Acte II, scène 1

Notes

- Vers 386 : «Je lui veux bien» : On peut noter le ton de consentement désabusé d’Hermione : c’est plus de l’accablement que de la hauteur.

- Vers 389 : «funeste» : Même aux yeux de Cléone, les évènements sont dominés par le destin et la mort (latin «funus»).

- Vers 390-391 : L’effacement de la césure au premier vers l’allonge, et l’enjambement le rend interminable.

- Vers 391 : Alors que Pylade, plus objectif, avait dit : «Quelquefois elle appelle Oreste à son secours»

(vers 132), Cléone, avec l’exagération de la suivante, dit «cent fois».

- Vers 392 : La «constance» est précisément la qualité qui manque le plus à Pyrrhus.

- Vers 394 : «rude» : pénible à supporter.

- Vers 397 : «fière» : Littré définit le mot («qui a un orgueil se montrant dans la contenance, dans les paroles») et cite le vers.

- Vers 401 : «ces indignes alarmes» : «Ces alarmes qui sont indignes de vous».

- Vers 403 : Le verbe «croire», avec le sens dubitatif qu’il a ici dans une phrase interrogative, entraîne le subjonctif à valeur hypothétique («pourrait venir»).

- Vers 405 : «un père» : L’indéfini est plus fort que le possessif «votre». La volonté paternelle, en soi, a une valeur universellement reconnue.

- Vers 406 : «retardements» : «Action de rendre tardif» (Littré). Le mot est plus précis que «retard», qui marque un fait et non une intention.

- Vers 407 : «Troyen» : L’emploi du nom propre d’origine pour le nom du personnage est un témoignage de mépris, souvent utilisé dans la tragédie.

- Vers 410 : «Pyrrhus a commencé» : Le refus de Pyrrhus à Oreste est une déclaration de guerre.

- Vers 413 : «gloire» : «réputation», «honneur». C’est un des mots-clés de la psychologie cornélienne.

- Vers 416 : Toute une psychologie de l’amour sort de ce vers.

- Vers 419 : «m’assurer» : «Me rendre plus sûre de moi-même», «m’affermir».

- Vers 422 : «en» : Chez tous les auteurs du XVIIe siècle, on trouve le pronom «en» se rapportant, selon l’usage de l’ancienne langue, à des personnes, et remplaçant un pronom personnel de la première ou de la deuxième personne avec «de».

- Vers 423 : «Aimer une captive» : Cléone essaie d’éveiller l’orgueil d’Hermione : quel mépris dans ce mot qui, dans la bouche d’Andromaque, attendrissait : «Captive, toujours triste…» (vers 301).

- Vers 427 : «irriter» : «réveiller» (du latin «irritare»).

- Vers 428 : «en l’état où je suis» : Andromaque déjà avait employé ces mots (vers 376).

- Vers 432 : Émile Faguet y vit un de ces mots plaisants dont, selon lui, l’acte II est plein.

- Vers 434 : «son indigne conquête» : «N’envions plus à Andromaque sa conquête de Pyrrhus» et non la conquête de Pyrrhus.

- Vers 436 : Ce pourrait être un souvenir de ‘’Sertorius’’ de Corneille :

«Vous savez à quel point mon courage est blessé, Mais s’il se dédisait d’un outrage forcé,

S’il chassait Émilie et me rendait ma place,

J’aurais peine, Seigneur, à lui refuser grâce.» (vers 267-270).

- Vers 437 : «foi» : «fidélité».

- Vers 439 : «Amour» : La personnification mythologique de l’amour.

- Vers 443 : «forçant de» : Construction admise jusqu’au XVIIIe siècle ; nous dirions : «forcer à».

«nœud» : «mariage».

- Vers 449 : Andromaque avait demandé à Pyrrhus :

«Quels charmes ont pour vous des yeux infortunés

Qu’à des pleurs éternels vous avez condamnés?» (vers 303-304).

- Vers 455 : Racine avait d’abord écrit : «Pourquoi tant de froideur? Pourquoi cette fierté?».

- Vers 457 : Hermione reconnaît qu’elle n’a pas observé la règle de la discrétion, qui était essentielle pour la société galante du XVIIe siècle, qu’on voit bien illustrée dans ‘’La princesse de Clèves’’ de Mme de La Fayette, où est menée de si délicate manière la scène du portrait qui permet à Mme de Clèves et à M. de Nemours de s’apercevoir mutuellement de leur amour.

- Vers 462 : «une amour» : «Amour» s’employait souvent au féminin singulier ; on en trouve encore un exemple chez Musset : «une amour ignorée».

Ce vers , ainsi que le vers 443, annonce les vers 1311-1312.

- Vers 463 : «l’œil qu’il me voit» : «Avec lequel il me voit» ; tournure habituelle au XVIIe siècle.

- Vers 468 : «feux […] ardents» : «Sentiments passionnés». Image précieuse.

Intérêt de l'action

Le début de l’acte II termine l’exposition. Le vers 408 propose encore une solution possible : le retour d’Hermione en Grèce.

Hermione n’a pas paru au premier acte parce qu’il fallait tenir à l’écart cet autre protagoniste, important certes, mais dont les difficultés constituent comme une deuxième intrigue, sous-jacente à la première cependant et, surtout, intimement mêlée à celle-ci. D’autre part, nous avons vu Oreste espérer beaucoup de cette entrevue. Racine ménagea donc un suspens en nous montrant assez tard le véritable état du cœur d’Hermione.

La scène se déroule ainsi :

1. Hermione éprouve de la honte à accueillir enfin celui qu’elle a longtemps repoussé (vers 385-404).

2. Elle est soumise à des fluctuations, trouvant, malgré le rappel des réalités, autant de raisons de s’incruster à la cour de Pyrrhus (vers 405-470).

3. Cependant, elle prend cette décision finale : elle verra Oreste (vers 471-476).

Intérêt littéraire

Dans les deux tirades d’Hermione, la composition est à la fois logique et sentimentale. Ainsi, dans la première (vers 427-448), nous notons :

- l’introduction (vers 427-428) qui pose le problème, et annonce l’objet ;

- la manifestation de la lucidité d’Hermione qui voit ce qu’il faudrait faire (vers 429-438) ; - les illusions d’Hermione (vers 436-440) ;

- la conclusion, logique mais haineuse (vers 441-448).

Le vers 432 est admirable, et cependant très simple ; sa beauté vient de la profonde vérité psychologique et de la force de l’émotion.

Intérêt psychologique

Cléone a la lucidité cruelle de la confidente (vers 391-392 ; 409-412) et I'irritante simplicité de ceux qui ne sont pas directement intéressés à une affaire. Comme Ménélas, elle se substitue à la volonté défaillante d'Hermione. Cette espèce de supériorité dans I'initiative l'autorise, autant que sa qualité de confidente, à user d'un langage parfois familier (vers 411). Elle intercède pour Oreste, dont la présence est l’annonce d’une solution heureuse. Elle pousse Hermione à devancer Pyrrhus auprès de l’ambassadeur afin de le mettre dans une mauvaise position. Elle a aussi le mépris d’une humble pour une humiliée, manifestant, au vers 423, une brutalité presque chirurgicale. D’autre part, elle n’a pas de I'amour la même conception qu'Hermione.

Hermione a ici un rôle purement passif, ce qui n'est pas conforme à son véritable caractère.

Mais elle apparaît bien comme une jeune princesse grecque hautaine qui s’est éprise du roi d’Épire avant de le connaître, parce qu'elle a été «de sa gloire éblouie» (vers 464-469). Elle a fait de lui le prince charmant de ses rêves, son amour étant ambition de conquérir le vainqueur de Troie.

Elle garde quelque chose de jeune et de candide, montre une fraîcheur naïve, ne sait pas feindre.

Comme elle est touchante lorsqu'elle se confie à Cléone, implore son secours, évoque avec tendresse le souvenir des jours heureux où Pyrrhus répondait à son amour !

Elle croit encore naïvement être aimée parce qu’elle aime. Au vers 413, comme Chimène, elle évoque le souci de sa «gloire». Mais, cruellement déçue dans ses espoirs les plus chers, elle passe sans transition des révoltes de l’amour-propre (vers 414-415) à l’aveu du vers 416, où elle s’exclame :

«Ah ! je I'ai trop aimé, pour ne le point haïr !», traduisant brusquement ses véritables sentiments, qu’elle essayait de se cacher ! On peut remarquer que c’est un des aspects de l’ironie tragique de Racine que de montrer la douloureuse proximité entre l’amour et la haine ; que d’indiquer que l’amour,

quand il est violemment contrarié, devient haine et cruauté. Elle ressent le besoin de se venger avec une violence qu’annonce le vers 420.

Elle veut alors se persuader qu’ellle peut aimer Oreste, mais elle appréhende sa vue parce qu’elle se rend compte qu’elle va se présenter à ses yeux dans une position d’infériorité, situation intenable pour un être aussi hautain, trop orgueilleux pour s’avouer sa défaite. Elle redoute par-dessus toute chose ses sarcasmes (vers 397-400), témoignant ainsi qu'elle ne le connaît pas. Admettant que son ingratitude constante est coupable, elle consent (vers 385) à ce qu'il la voie (et non pas à le voir), condescend (vers 386) à lui «accorder» une «joie». Mais c’est uniquement parce qu’il est un allié possible dans les efforts qu’elle fait pour amener Pyrrhus à se déclarer.

La tirade qui s’étend des vers 427 à 448 expose encore les revirements de son âme. Elle se veut d’abord convaincue de ne plus aimer Pyrrhus, et semble même se décider à le fuir. Puis elle imagine un changement d’attitude radical chez lui, se déclarant prête, «si I'ingrat rentrait dans son devoir», à I'accueillir encore (vers 436-440). Mais à cette illusion enchanteresse vient se substituer l’attristante réalité. Elle comprend qu’elle a commis I'erreur de montrer à Pyrrhus qu’elle était conquise ; qu’il faut

«contre un amant qui plaît» affecter de la «fierté», pour tenir son désir en haleine. Elle regrette : «Hélas ! pour mon malheur, je l’ai trop écouté.

Je n'ai point du silence affecté le mystère.» (vers 456-457).

Hautaine, orgueilleuse, maladroite, et par là antipathique, elle est aussi une faible jeune fille, et même une enfant gâtée, qui rejette ses responsabilités sur les autres (vers 470), et pousse loin la versatilité puérile. Être de passion, qui ne raisonne pas, se souvient, mais ne veut pas comprendre le présent, elle garde un fond de naïveté qui, à défaut de sympathie, lui vaut de la compassion.