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Chapitre 2 Revue de littérature

2.3 Aciers inoxydables austénitiques

Les aciers inoxydables sont principalement connus pour leur bonne résistance à la corrosion qui est obtenue grâce à une composition contenant au moins 10.5% de chrome. Ce type d’acier comporte aussi plusieurs autres propriétés très intéressantes qui diffèrent pour les 5 familles d’aciers inoxydables classifiées selon la composition de l’alliage soit, les aciers inoxydables austénitiques, ferritiques, martensitiques, duplex et à durcissement par précipitation.

La famille des aciers inoxydables austénitiques est la famille la plus couramment utilisée autant dans le domaine de la construction que dans la plupart des autres domaines, grâce à leur haute résistance à la corrosion, leur grande formabilité et leur grande soudabilité. Elle est aussi la famille d’acier inoxydable qui a été retenu aux fins de la présente recherche en raison de sa faible limite élastique et de sa très grande ductilité à l’état recuit, comparativement aux aciers structuraux utilisés couramment. À l’intérieur même de la famille austénitique, plusieurs types d’aciers coexistent, possédant des propriétés différentes selon leur composition chimique. Par exemple, le carbone et l’azote augmentent la résistance mécanique tandis que le chrome et le molybdène augmentent la résistance à la corrosion (SSINA 1998).

Une revue rétrospective très intéressante traitant de l’acier inoxydable utilisé dans le domaine de la structure a été réalisée par Annan (2013). Les informations fournies plus bas ne font part que des caractéristiques cycliques et de traction des aciers inoxydables austénitiques dans le but de ne pas trop alourdir la revue de littérature.

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La courbe contrainte-déformation en traction des aciers austénitiques est définie par une déviation de la linéarité à une valeur de contrainte plus basse que celle des aciers au carbone, suivie d’un fort écrouissage comparativement aux aciers au carbone qui démontrent un plateau plastique suivi d’un faible écrouissage. La figure 2.10 présente la différence de comportement en traction entre ces 2 matériaux.

Figure 2.10 – Comparaison du comportement en traction des aciers inoxydables et aciers au carbone (Tiré de Gardner 2005)

De plus, les aciers inoxydables démontrent une ductilité bien plus importante que les aciers au carbone avec des valeurs d’élongation à la rupture de 40-60% comparativement à 20-30% pour les aciers au carbone (Gardner 2005). McGuire (2008) fournit un tableau relatant les propriétés mécaniques pour différents types d’aciers inoxydables austénitiques dans différentes conditions, présenté à l’annexe A. Ce tableau permet de bien voir la variabilité des différentes nuances d’aciers inoxydables austénitiques ainsi que l’effet de différents traitements sur celles-ci. Il est à noter que les valeurs de limite élastique, étant identifiées comme minimales dans ce tableau, sont pratiquement impossibles à obtenir d’un fabricant d’acier américain vu le manque d’intérêt des clients à obtenir une limite élastique aussi basse.

Quelques études ont démontré un intérêt dans l’utilisation des aciers inoxydables austénitiques comme matériau pour des systèmes de reprise de charges sismiques de bâtiments. Les travaux réalisés par Di Sarno et al. (2003,2005 et 2008) ont étudié le comportement parasismique de différents systèmes de reprise de charges latérales (cadres rigides, cadres à treillis concentrique et excentrique) constitués d’éléments faits d’acier inoxydable et d’acier au carbone. Pour ce faire, des analyses statiques non linéaires (pushover) et des analyses dynamiques transitoires ont été exécutées afin de déterminer la performance des structures selon 4 critères étant leur résistance, leur déformation, leur absorption et leur capacité de redistribution d’énergie.

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Pour chacun des 3 systèmes de reprise des charges latérales, l’utilisation d’acier inoxydable a démontré une hausse de la sur-résistance structurale, de la capacité de déformation à l’ultime, de la capacité de dissipation d’énergie ainsi qu’une réduction du cisaillement à la base des bâtiments. De plus, 2 types de configurations pour les cadres à treillis excentriques, soit celle avec l’acier inoxydable localisé dans les colonnes et les contreventements et celle avec l’acier inoxydable localisé dans les contreventements et les liens ductiles, ont démontré des flèches latérales au sommet de la structure approximativement 35-40% plus basses que celles obtenues avec le modèle de référence fait d’acier au carbone. Des dispositions plus avantageuses et économiques pour chacun des 3 systèmes ont été définies soit : localisé dans les colonnes seulement pour les cadres rigides, dans les colonnes et les contreventements pour les cadres à treillis concentriques et dans les colonnes et les contreventements et dans les contreventements et les liens ductiles pour les cadres à treillis excentriques. Il a pu être démontré que dans tous les cas, il n’y avait pas d’avantages à utiliser l’acier inoxydable dans les poutres.

Les travaux réalisés par Nip et al. (2010a) ont étudié le comportement de profilés tubulaires, soumis à des chargements cycliques, faits d’acier inoxydable formé à froid et d’aciers au carbone formés à froid et à chaud. Pour ce faire, des essais uniaxiaux en laboratoire avec un protocole de chargement préétabli ont été effectués sur ces profilés tubulaires afin de comparer l’hystérésis, la résistance en compression, les déformations latérales, la dissipation d’énergie et le nombre de cycles à la rupture pour les différents matériaux. Les spécimens faits d’acier inoxydable ont démontré un meilleur écrouissage cyclique ainsi qu’une meilleure résistance post-flambement comparativement à ceux faits d’acier au carbone. L’énergie dissipée lors d’un cycle de chargement est sensiblement la même pour les 2 types d’acier, mais comme le nombre de cycles à la rupture est légèrement plus élevé pour les profilés faits d’acier inoxydable, l’énergie dissipée cumulative l’est aussi. De plus, le matériau formé à chaud a démontré une plus grande ductilité que celui formé à froid dans le cas de l’acier au carbone.

Dans un même ordre d’idée, Nip et al. (2010b) ont aussi effectué des essais en fatigue oligocyclique pour des amplitudes de déformation entre 1 et 7%, sur les matériaux composants les profilés tubulaires dont il est question dans le paragraphe précédent. Pour chacun des 3 matériaux, les propriétés de traction, les relations d’écrouissage cyclique, de durée de vie en fatigue oligocyclique ainsi que les paramètres d’un modèle d’écrouissage mixte ont été déterminés. Encore une fois, les échantillons d’acier inoxydable ont démontré un plus grand durcissement cyclique que ceux d’acier au carbone. Malgré les pourcentages d’élongation plus élevés de l’acier inoxydable lors des essais de traction, sa durée de vie en fatigue oligocyclique est similaire à celle obtenue pour l’acier au carbone. Par contre, l’acier au carbone formé à chaud présente une meilleure durée de vie en fatigue oligocyclique que sa version formée à froid.

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Les travaux de Colin et al. (2011) ont étudié le comportement en fatigue d’un acier inoxydable de type 304L. Le but premier de ces travaux était d’analyser les effets du pré-écrouissage, de la contrainte et déformation moyenne ainsi que de l’effet de la séquence de chargement sur la vie en fatigue de ce type d’acier. Dans ce but, des essais de traction et des essais de fatigue à amplitude de déformation constante variant entre 0.25 et 2% ont été effectués permettant de déterminer les propriétés de traction et les propriétés cycliques du matériau à l’essai. Un résumé de ces propriétés est donné au tableau 2.1.

Tableau 2.1 – Propriétés de traction et propriétés cycliques de l’acier inoxydable 304L (Colin et al. 2011)

Propriétés de traction :

Module d’élasticité, E (GPa) 193

Limite élastique (0.2% offset), σy (MPa) 202

Contrainte ultime, σu (MPa) 608

Réduction de l’aire de la section, RA (%) 83 Coefficient de résistance, K (MPa) 804

Exposant d’écrouissage, n 0.255

Contrainte vraie à la rupture, σf (MPa) 1763

Ductilité vraie à la rupture, εf (%) 178

Propriétés cycliques :

Module d’élasticité cyclique, E’ (MPa) 193 Coefficient de résistance en fatigue, σ’f (MPa) 2.558

Exposant de résistance en fatigue, b -0.239 Coefficient de ductilité en fatigue, ε’f 0.522

Exposant de ductilité en fatigue, c -0.557 Coefficient de résistance cyclique, K’ (MPa) 2.224 Exposant d’écrouissage cyclique, n’ 0.341 Limite élastique cyclique, σy’ (MPa) 238

Les résultats pour chacun des essais à déformation contrôlée sont fournis au tableau 2.2 où les valeurs de contraintes et de déformations fournies sont obtenues à partir des données à la demi-vie des éprouvettes testées. Les valeurs de εa et εm représentent respectivement l’amplitude de déformation et la déformation

moyenne, σa et σm représentent respectivement l’amplitude de contrainte et la contrainte moyenne et 2Nf

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Tableau 2.2 – Résultats des essais de fatigue oligocyclique à déformation contrôlée (Colin et al. 2011)

Δεt (%) εm (%) Δσt (MPa) σm (MPa) 2Nf 2.00 -0.02 571 1.0 442 2.00 -0.02 603 0.3 468 1.00 0.00 417 1.3 1950 1.00 0.00 417 0.4 2308 0.60 0.00 339 0.7 5478 0.60 0.00 317 0.8 5140 0.50 0.00 304 0.9 21886 0.40 0.00 271 0.9 43414 0.40 0.00 271 5.6 34590 0.30 0.00 287 -2.3 1057360 0.30 0.00 261 -0.4 625746 0.25 0.00 316 -4.6 >4043156

Cette étude a aussi démontré la présence de durcissement secondaire pour les amplitudes de déformations plus basses que 0.3%. Ce durcissement secondaire est présent dans certains aciers austénitiques et est défini par un durcissement initial lors des premiers cycles de chargement suivi d’un adoucissement et d’une seconde période de durcissement se produisant jusqu’à la rupture de l’éprouvette. Des essais de dureté, sur la section réduite des éprouvettes pour lesquelles l’écrouissage secondaire a été observé, ont démontré une dureté plus importante, portant à croire que cet écrouissage secondaire serait principalement dû à la transformation martensitique se produisant dans la structure austénitique de certains types d’acier.