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5. Interventions de soins pour l’aidant naturel s’occupant d’un proche atteint

5.6 Accompagner l’aidant dans sa gestion des épisodes de délire

L’état émotionnel de la famille est important à prendre en compte car il évolue au cours de la maladie (Schubart et al., 2008).

C’est pour cette raison que des programmes de soins de soutien doivent être orientés vers les patients et les aidants afin de soulager efficacement leur détresse et ainsi améliorer leur qualité de vie à tous les deux (Janda, Steginga, Langbecker, Dunn, Walker & Eakin, 2007).

Pour maintenir également leur bien-être psychosocial, il est important d’améliorer leur besoin de soutien ; évaluer la perception des aidants en ce qui concerne la satisfaction ou non de ce besoin serait la première chose à investiguer. Cela permettrait de déterminer si une aide est nécessaire ou si les ressources de l’aidant, sa capacité d’adaptation peut être améliorée (Ownsworth et al., 2010).

Selon Schubart et al. (2008), un plan d’information et de soutien qui suivrait la trajectoire de la maladie (du diagnostic au décès) devrait être mis sur pied. En effet, d’autres auteurs expliquent qu’un programme d’intervention serait bénéfique pour les aidants et les patients qui expriment un besoin de soutien élevé. Les aidants et les patients portent en effet de l’intérêt aux services qui peuvent leur fournir du soutien. Par exemple, la manière d’utiliser plus efficacement les services communautaires ou comment parler aux médecins et aux autres professionnels de la santé.

Une autre idée de ce programme serait de fonctionner par un système de référent, c’est-à-dire une infirmière qui serait attribuée à une famille et qui serait donc au contact direct du patient et des aidants, dès l’annonce du diagnostic et tout au long du parcours de la maladie.

Un modèle similaire a été testé avec succès auprès des femmes atteintes d’un cancer du sein. Les infirmières étaient disponibles pour les patients et les familles dès l’annonce du diagnostic. Si les familles le souhaitaient, elles pouvaient bénéficier d’un suivi sur toute la durée du traitement. Ce système fait

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actuellement partie des composants standard des centres d’excellence dans les traitements de cancer du sein (Janda, Steginga, Dunn, Langbecker, Walker & Eakin, 2008).

En effet selon, Arber et al. (2012), cela permettrait d’offrir au patient ainsi qu’aux aidants un soutien émotionnel et pratique. Cela pourrait également faciliter les discussions ; le professionnel pourrait ainsi répondre aux questions que se posent les familles et les orienter au sein du système de santé.

Une autre proposition serait de valoriser et soutenir la participation des aidants aux soins et ils devraient être inclus dans les plans de soins, par exemple (Schmer, Ward-Smith, Latham & Salacz 2008).

Un des besoins insatisfait des aidants naturels s’occupant d’un proche atteint d’une tumeur cérébrale est le fait de ne pas avoir eu l’occasion de parler avec quelqu’un ayant vécu une expérience similaire (Parvataneni Prados, Farber, Page, Kivett, Polley, Butowski, Rabbitt, DeBoer, Freeman, Liu, Fedoroff, Chang, Lamborn, Clarke, Clow & Hsieh (2011).

Les aidants n’ont malheureusement pas trouvé du soutien au sein de leur réseau social. En revanche, ils en ont trouvé au sein des groupes de soutien sur le cancer (Arber et al., 2012).

Les auteurs expliquent que les familles qui ont vécu une expérience similaire représentent une bonne source de soutien. Le partage d’expérience a été très utile pour la majorité des aidants qui en ont bénéficié (Arber, Hutson, De Vries, & Guerrero, 2012).

Les groupes de soutien permettent aux aidants de se décharger émotionnellement, d’exprimer leurs inquiétudes car cela leur permet d’échanger avec des personnes qui comprennent leur situation sans être jugés. L’échange de conseils, de stratégies d’adaptation efficaces pour faire face à certaines situations est favorisé.

Un aidant s’occupant d’un proche atteint d’une tumeur cérébrale raconte qu’il a rencontré un autre aidant via le groupe de soutien et qu’une amitié entre eux s’est créée. Un des aidants avait lu un livre qui décrivait justement la situation

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d’un homme s’occupant de son épouse atteinte de la maladie d’Alzheimer. Ce livre a permis à ces deux aidants de s’identifier et de se reconnaitre dans le récit de cet homme. Ils ont eu l’impression que quelqu’un comprenait enfin leur situation. En effet, lorsqu’ils essaient d’expliquer ce qu’ils vivent à leur réseau d’amis, celui-ci n’arrive pas à se représenter véritablement leur rôle. Ce livre leur a également permis de prendre un peu de recul sur ce qu’ils vivent avec leur proche.

Un des aidants met en évidence l’importance d’avoir un ami ou quelqu’un qui est extérieur à la situation familiale et qui comprend ce que cela représente de s’occuper d’un proche qui est malade. Souvent au sein de la famille même des aidants, ils leur est difficile de communiquer, de parler de certaines choses avec les autres membres car ils n’arrivent peut-être pas à comprendre le point de vue de l’aidant ou ce qu’il traverse.

Cet aidant a trouvé cela beaucoup plus facile de parler à un voisin ou à un ami. Dans cette situation, cela a même permis à l’aidant de garder un emploi à temps partiel. En effet, ses voisins étaient ambulanciers de profession et savaient quoi faire lorsque le proche atteint d’une tumeur cérébrale chutait ou avait des comportements difficiles (Arber et al., 2012).

Dans l’étude d’Arber et al. (2012), l’aidant et son proche qui ont participé à un groupe de soutien ont pu bénéficier de conseils et de thérapies complémentaires, de consultations, de massages et de Reiki. Ils pouvaient y aller une fois par semaine et ils s’y sentaient en sécurité car du personnel soignant était à disposition. Les patients ont pu se faire des amis, par exemple. Cela a été une expérience très positive pour les aidants et les patients. Le cadre était convivial et leur permettait de se détendre, de sortir de leur domicile et de se retrouver, par exemple, autour d’un déjeuner.

Parvataneni et al. (2011), proposent de rencontrer un psychologue qui pourrait être une aide, tout comme les groupes de soutien. La création d’un plan thérapeutique englobant les aspects médicaux, psychologiques et sociaux serait important. Par ailleurs, offrir des soins individualisés est primordial. La nécessité de partager leur expérience est très importante pour les aidants. Les groupes de soutien, la mise sur pied de séances éducatives au sein des

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hôpitaux pourraient satisfaire ce besoin. Il est important de distinguer les besoins des aidants et des patients.

Whisenant, M. (2011), souligne qu’une réévaluation constante des responsabilités est à faire. L’importance d’offrir du soutien aux aidants naturels leur permet de retrouver un sentiment de sécurité. Il est important d’adapter les soins de soutien aux aidants.

Par exemple, les aidants s’occupant d’un proche atteint de démence expriment des besoins différents de ceux s’occupant d’un proche atteint d’une tumeur cérébrale. Pour les aidants s’occupant d’un proche atteint de démence, ils ont besoin de plus de soutien dans les soins et de se faire «remplacer » parfois. Ils se sentent souvent coupable mais pour surmonter la culpabilité ressentie (par les familles), ils ont besoin de disponibilité de la part des professionnels de la santé en vue de l’évolution rapide la maladie.

Selon le même auteur, (2011) les aidants naturels s’occupant d’un proche atteint d’une tumeur cérébrale utilisent 6 sources d’énergie dont il faut être conscient et que les soignants peuvent renforcer.

Ces 6 sources ou thèmes qui ont été mis en évidence au sein des résultats sont les suivantes ; l’investissement sur le long terme, la gestion des attentes, la négociation des rôles, prendre soins de soi et une nouvelle perception.

 La première source d’énergie est l’investissement, la motivation sur le long terme ; elle est caractérisée par un sentiment de responsabilité, par le fait d’être présent, d’avoir du soutien, de faire passer les besoins des patients avant les siens et enfin d’avoir le sentiment d’être lié au patient et d’avoir renforcé la relation de manière positive.

 Le thème de la gestion des attentes se caractérise par le fait d’envisager le futur avec un sentiment d’espoir et ce, malgré l’inconnu et la peur qui peut être ressentie, le fait de trouver un sens à la maladie et de s’y préparer en se basant de leur expérience et connaissance antérieures.

 La négociation des rôles est le moment où l’aidant anticipe et se prépare à retrouver une vie ordinaire en acceptant la réalité.

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 Une autre source d’énergie est celle de prendre soin de soi ; elle est lié à l’application d’habitudes de vie saine (alimentation, activité physique). Il est également important de conserver un espace pour soi et de se retrouver un instant dans une certaine normalité.

 La dernière source est le fait d’avoir une perception nouvelle de la situation, plus positive, en aménageant par exemple le domicile avec des moyens auxiliaires pratiques et adéquats qui permettent d’être à l’aise lors des prestations de soins ; cela peut aider les aidants à favoriser leur croissance personnelle.

Les professionnels peuvent donc accompagner les aidants afin d’identifier les sources d’énergie qu’ils utilisent et/ou qu’ils peuvent mettre en place pour maintenir leur rôle. La reconnaissance de l’engagement et les responsabilités dont font preuve les aidants lorsqu’ils font face au déclin cognitif et fonctionnel est importante. La validation et la valorisation de leur rôle peut leur permettre de participer de manière active, d’être un peu plus intégré à l’équipe de soins de santé (Whisenant, M., 2011).

Il est bien évidemment important, comme le précisent Bruera, Bush, Willey, Paraskevopoulos, Li, Palmer, Cohen, Sivesind, Elsayem (2009), d’avant tout diminuer les épisodes de délire du proche par une approche interdisciplinaire, en utilisant de manière optimale les neuroleptiques, les moyens non pharmacologiques comme la diminution des stimuli de l’environnement, en réorientant la personne dans l’espace et le temps. L’infirmière peut enseigner ces éléments aux aidants afin qu’ils se sentent utiles, qu’ils sachent quoi faire lorsqu’ils assistent à de telles scènes et qu’ils aient un sentiment de contrôle. Elle augmente ainsi les ressources des aidants (évaluation secondaire) et leurs stratégies d’adaptation (coping centré sur le problème) selon Bruchon-Schweitzer (2001) ou le type de réponse selon le modèle de l’adaptation de Roy (1991). L’enseignement permet à la relation entre l’infirmière et l’aidant de se développer, de s’équilibrer car elle lui transmet ses connaissances et lui permet de grandir selon le partenariat de collaboration (Gottlieb & Feeley, 2007).

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L’étude de Bruera & al., (2009) suggère que les aidants observent plus souvent et de manière plus fine les épisodes de délire que le personnel soignant. A son tour, l’aidant pourra apporter au fil des rencontres des informations cruciales à l’infirmière (Gottlieb & Feeley, 2007).

Les chercheurs de cette étude ont émis l’hypothèse que les infirmières présentaient moins de stress que les aidants lorsqu’elles assistaient à un épisode de délire. Selon les auteurs, cela serait grâce à leur formation. En effet, elles comprennent les raisons de ces épisodes, possèdent des connaissances spécifiques et elles bénéficient également du soutien de la part de l’équipe de soins. L’information et l’enseignement sont donc très importants et permettraient aux aidants de diminuer leur sentiment de détresse.

Toujours selon Bruera & al. (2009), des outils d’évaluation utilisables au chevet du patient seraient nécessaires pour dépister de manière précoce les épisodes de délire. Les auteurs proposent de demander aux aidants de noter régulièrement les observations faites sur leur proche.