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Le parcours précédent conduit à faire le constat suivant : la technique financière en elle-même n’informe pas mais les principes implicites qu’elle mobilise voire l’absence de traitement dont elle témoigne, sont significatifs.

a) L’hypothèse d’une conduite des marchés grâce à quelques « mottos » qui fluctuent

Le marché financier fonctionne à l’aide d’un consensus obtenu sur quelques principes de gestion qui fluctuent au cours du temps et relèvent de la mode. Il y a ainsi eu la mode des conglomérats et des synergies (les fusions de la fin des années 1960 font monter les cours boursiers), puis l’engouement pour les valeurs sures à croissance modérée dans les années 1970, puis la mode de la biotechnologie dans les années 1980. La mode est un élément spéculatif et fonctionne selon le phénomène du label. Le dirigeant d’entreprise peut ne pas souscrire à la mode mais voit son cours pénalisé. Les principales modes actuelles sont la création de valeur, le recentrage sur le métier de base, les plans sociaux. Ainsi, la capacité des marchés à évaluer le potentiel d'une entreprise est sérieusement mis en cause mais, parallèlement, le rôle prépondérant des représentations partagées par les opérateurs du marché boursier permet la convergence vers une valeur de l'entreprise cotée en bourse.

On peut conclure de cet aperçu que le corpus de normes émanant des marchés financiers n'est pas universellement valable dans le temps et l'espace : pour les marchés financiers, il n'existe pas de règles universelles et intangibles de bonne gestion, pas plus que de revendications systématiques à faire valoir auprès des entreprises. Ce corpus varie au cours du temps et en fonction des contextes nationaux.

b) Des normes de gestion sociale sous-jacentes aux techniques d’évaluation

En matière de relation sociale, on a vu que les techniques d’évaluation sont peu bavardes. Il n’y a pas non plus de discours spécifique au marché financier, pas de corpus pour une « bonne » gestion sociale. Le marché financier évalue globalement à partir de quelques principes généraux qu’il véhicule sur la gestion sociale. Ainsi, l’analyse financière ne traite pas de la population de l’entreprise. Le corporate governance, quant à lui, met l’accent sur le contrôle de la rémunération des dirigeants et souhaite mieux relier rémunération et performance. Il ne traite pas explicitement de la gestion des autres couches de la population salariée de l’entreprise.

La recherche des profils « qualifiés » au détriment des autres ne fait pas l’objet de recommandations explicites mais semble plutôt fonctionner comme une norme diffuse sans fondement théorique ou empirique. Le marché financier semble reprendre à son compte le discours sur la valorisation des profils qualifiés sans pour autant l’expliciter.

C. CONCLUSION

Au terme de cette recherche sur les méthodes d’analyse financière, plusieurs pistes se dessinent. Si les acteurs du milieu financier semblent se préoccuper aussi peu de la gestion sociale de l’entreprise, hormis par défaut sous la forme d’un évitement des crises, n’est ce pas parce qu’ils estiment qu’il y a peu à gagner de ce côté là ? Ils considèrent que l’entreprise évolue dans un contexte juridique dont elle n’a pas la maîtrise. Les marges de manœuvre de l’entreprise sur la gestion sont largement contraintes par la législation et les gains substantiels que l’on peut obtenir émanent de changements nationaux plutôt que de transformations locales. Il ne servirait alors à rien d’analyser de façon détaillée la politique sociale d’une entreprise particulière. Il conviendrait en revanche pour l’investisseur d’évaluer les contraintes nationales (salaire minimum, durée légale du travail...) préalablement à un investissement dans un pays donné.

L’idée que les financiers ne prennent pas en compte la gestion sociale est une interprétation paradoxale : les modifications d’organisation du travail, les réductions d’effectifs, l’utilisation optimisée des différentes formes de contrat de travail constituent une préoccupation permanente de l’entreprise pour accroître son résultat opérationnel. Ces opérations sont chiffrées par les entreprises et communiquées aux analystes financiers qui traitent ces informations avec attention. Cela signifie-t- il que les analystes prennent en compte une information déjà formatée par l’entreprise sous un nom qui n’est pas « gestion sociale » ? Les analystes sont directement intéressés par les conséquences de ces opérations de gestion RH sur la concurrence, les parts de marché, les coûts mais ils ne se placent pas en position d’évaluer la pertinence d’une gestion de RH et « font confiance » aux dirigeants. Ils jugent qualitativement les actions en matière de RH selon un référentiel général diffus et mesurent seulement leurs conséquences chiffrées.

Cet état des lieux peut se justifier soit en disant que le risque social est complètement diversifié (et seule sa composante macro est observable au niveau du cours) soit en arguant du coût de traitement des données sociales du fait de leur grande complexité.

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IV. LES CARACTERISTIQUES ET LES COMPORTEMENTS DES INVESTISSEURS