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CHAPITRE 1 TRAITEMENT DE SEMENCES PAR PLASMA HORS EQUILIBRE

IV. A.2. Effets engendrés par les espèces du plasma

Les effets des espèces réactives du plasma sur le vivant ont été massivement étudiés ces dernières années dans le cadre de la thématique « plasma-biologie » avec des bactéries ou des cellules eucaryotes (animales ou végétales) comme modèles biologiques.

La réactivité des plasmas d’air est particulièrement étudiée dans ce contexte. Leur constitution importante en espèces ionisées, UV et réactives de l’oxygène et de l’azote (RONS :

Reactive Oxygen and Nitrogen Species) permet d’accentuer des phénomènes déjà existants dans

l’atmosphère terrestre, favorisant ou inhibant le développement des cellules. Les émissions UV agissent directement sur l’ADN lorsqu’elles arrivent à l’atteindre tandis que les ions et les RONS interagissent avec les surfaces des différentes cellules et dénaturent les nutriments.

Espèces chargées dans un champ électromagnétique – Un champ électromagnétique permet la circulation dirigée des espèces chargées, électrons et ions. Les cellules fongiques et végétales possèdent des minéraux (ions) localisés dans la vacuole. Elles sont protégées par une membrane semi-perméable qui gère les échanges ioniques avec le milieu extracellulaire en régulant la pression osmotique au sein de la cellule. En présence d’un champ électrique ou d’un champ magnétique externe, la membrane se charge en surface et des pores se forment entraînant sa perméabilisation [131], [132]. Le processus est réversible tant que l’électroporation est régulée et permet d’apporter les nutriments nécessaires au développement de la cellule. Lorsque la tension devient trop importante, une rupture de la membrane est observée. Cette dernière libère son contenu intracellulaire, la vacuole se déshydrate et conduit à une atrophie de la cellule qui n’est plus fonctionnelle. Moon et al. [133] ont observé une modification de la vitesse et des taux de germination de graines de tomates soumises à un champ électrique ou magnétique alternatif. Leur étude a mis en avant la présence d’un couple champ électromagnétique-temps d’exposition permettant d’accélérer la levée de dormance de manière optimale. Celle-ci est inhibée lorsque le champ dépasse une valeur seuil de tension ou de durée d’exposition.

Lors d’un traitement plasma, une électroporation des membranes cellulaires contrôlée par le champ électromagnétique incident peut alors être favorable à la germination ou engager le processus d’inactivation des cellules.

Ultraviolets (UV) – Les photons UV compris entre 100 et 320 nm (UV-C et UV-B) sont capables d’induire des réactions photochimiques aux molécules constitutives d’un substrat biologique [134]. Ces UV correspondent à la gamme d’absorption des protéines, de l’ARN et de l’ADN (maximale à 260±5 nm) présents dans les cellules. Leur capacité de pénétration dans la matière est faible, de quelques micromètres, leur efficacité germicide se retrouve alors plus facilement sur les microorganismes. Si les UV atteignent l’ADN des spores, ils réalisent des liaisons entre des acides nucléiques non complémentaires [135]. Ce processus conduit à réduire la prolifération de la moisissure, celle-ci ne pouvant plus se reproduire.

A pression atmosphérique, le rayonnement UV du plasma est négligeable devant les autres processus ayant un effet biocide. Les photons UV entrent en collision avec les molécules de dioxygène de l’air ambiant avant d’atteindre les substrats. Au contraire, les procédés de plasma à basse pression sont caractérisés par de fortes émissions dans l’UV. Moisan et al. [136] ont évalué la contribution des UV dans un traitement de spores bactériennes par une post-décharge de plasma d’azote-oxygène à basse pression. La cinétique d’inactivation des spores est décrite suivant trois phases présentées sur la Figure IV-1.

- La première étape est caractérisée par une forte implication des UV, responsables de lésions sur l’ADN des cellules directement exposées à la source.

- La seconde consiste en une synergie d’action entre les UV et les RONS. Elle est initiée par la photo-désorption des UV sur les cellules, entraînant l’érosion des membranes et la formation de composés volatiles carbonés provenant de la cellule. Les émissions d’un plasma d’air dans cette région UV du spectre électromagnétique permettent la formation de RONS (e.g. monoxyde d’azote, radicaux hydroxyle et oxygène atomique). En quantité suffisante, ces espèces, notamment l’oxygène atomique, participent à l’inactivation des cellules en érodant les membranes cellulaires. Les microorganismes étant agglomérés les uns sur les autres, les UV, dont la capacité de pénétration dans la matière est faible, ne peuvent pas atteindre l’ADN de toutes les cellules.

- L’érosion des composés organiques réalisée dans la deuxième phase permet aux UV de terminer le processus de décontamination dans la troisième phase en atteignant l’ADN.

Espèces réactives de l’oxygène et de l’azote (RONS) – Les cellules aérobies telles que celles constituant les graines et les moisissures ont besoin de dioxygène pour croître [137]. Le mécanisme de respiration cellulaire conduit majoritairement à la formation de molécules d’eau par réduction du dioxygène pour permettre son développement. Une partie des électrons entraîne la production de radicaux oxygénés (ROS). Ces derniers peuvent également être produits par les composants de la cellule en réponse à différents stress (la température, la sécheresse ou la salinité du sol, les particules métalliques, les agents biologiques extérieurs) [138], [139].

- Au sein des cellules, les RONS sont assimilables à des messagers. Ils transmettent des informations à la cellule favorisant ou inhibant sa croissance en fonction des agents extérieurs (environnementaux ou vivants). En quantité raisonnable dans la cellule, les RONS, notamment le monoxyde d’azote 𝑁𝑂, sont capables d’activer la levée de dormance

Figure IV-1 Processus d'inactivation des micro-organismes en trois phases mettant en jeu les UV et les RONS d’un plasma à basse pression reproduit à partir de Moisan et al. [136]

stress oxydatif, conduisant à la mort cellulaire. Les premiers ROS produits pendant la respiration cellulaire sont le radical superoxyde, le radical perhydroxyle ainsi que le peroxyde d’hydrogène (non radicalaire). Ces derniers produisent ensuite des espèces réactives cytotoxiques telles que le radical hydroxyle et le monoxyde d’azote. Le radical hydroxyle 𝑂𝐻, très réactif, agit dans l’inactivation cellulaire à travers l’ensemble de ses constituants biochimiques (lipides, protéines, ADN) [141]. Par exemple, les lipides présents dans la membrane cellulaire peuvent être oxydés par les ROS, notamment 𝑂𝐻. Cette peroxydation des lipides est causée par la rupture des liaisons chimiques et entraîne la perméabilisation de la membrane. 𝑂𝐻, pouvant agir directement sur l’ADN, est considéré comme le ROS le plus toxique. Il peut alors causer des mutations génétiques et conduire à l’inactivation de la cellule [142].

- Un mécanisme de défense est alors mis en place dans la cellule pour équilibrer les actions positives et négatives des RONS. Ce mécanisme est basé sur la présence d’antioxydants, mis en jeu pour réguler la présence des RONS. Les antioxydants enzymatiques catalysent les réactions entre les ROS et les antioxydants enzymatiques. Chaque antioxydant non-enzymatique possède une fonction qui réagit de manière spécifique à une région cellulaire. Par exemple, les flavonoïdes éliminent les ROS dans la vacuole [138].

Les plasmas d’air produisent les espèces radicalaires 𝑂𝐻 et 𝑁𝑂, détectables par spectroscopie d’émission optique. Après une exposition au plasma, l’analyse de la surface des graines présente des marqueurs de l’interaction entre les RONS et la surface. Gomez-Ramirez et al. [143] ont montré une oxydation de l’enveloppe et de la paroi de graines de quinoa et une libération des ions potassium, corrélées à une augmentation du taux de germination après une exposition au plasma. L’oxygène atomique 𝑂, formé par dissociation des molécules de dioxygène agit également sur la membrane cellulaire. En faible quantité dans l’environnement, il facilite la perméabilisation de la surface. En excès, il entraîne la gravure des parois cellulaires par désorption de la surface des cellules. Cette érosion en surface est irréversible [144].

Différents agents du plasma peuvent être responsables de modifications de substrats biologiques, positives ou négatives en fonction du taux présent. Le monoxyde d’azote 𝑁𝑂 favorise la levée de dormance permettant d’enclencher le processus de germination des semences. A l’inverse, la présence de RONS en grande quantité peut engendrer un stress oxydatif suffisant pour induire la mort cellulaire. Le radical hydroxyle 𝑂𝐻 peut notamment causer la peroxydation des lipides, l’oxydation des protéines et la dégradation de l’ADN. L’oxygène atomique 𝑂 et les espèces chargées peuvent être responsables d’une perméabilisation membranaire. Ces espèces participent au développement des cellules ou entraînent la libération du contenu intracellulaire en fonction de la quantité et de la taille des pores. Les conditions opératoires sont décrites par les interactions thermiques entre le plasma et le substrat, difficiles à définir et par la basse pression, pouvant mettre les cellules en état de dormance et retarder la germination.