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Derrière les machines se profilent différents types de médecine, à la fois anciens et nouveaux99.

Technique et médecine chez Descartes.

Le postulat d’une interdépendance entre technique et médecine peut trouver une voie d’entrée dans la pensée cartésienne100. Nous le soulignons, il est question ici de « technique » et non encore de « technologie ».

Descartes soulève d’une part cette idée bien connue d’une technique comme devant être au service de l’humain afin de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature »101. Il précise d’autre part que ce pouvoir visé de l’humain sur la nature, grâce aux techniques, doit servir à consolider son bien-être et sa santé :

Ce qui n’est pas seulement à désirer [être maîtres possesseurs de la nature] pour l’invention d’une infinité d’artifices102, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien, et le fondement de tous les autres biens de cette vie : car même l’esprit dépend si fort du tempérament103, et de la disposition des organes du corps, que, s’il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu’ils n’ont été jusque ici, je crois que c’est dans la médecine qu’on doit le chercher104.

99 J. Pickstone, « Technologie », art. cit., p. 1115.

100 Bien que Descartes nous soit apparu comme le 1er auteur pertinent pour notre sujet, nous sommes bien conscients des traces préalables de ces liens techniques / médecine dès Platon et Aristote. Néanmoins, les pensées de ces derniers nous ont semblé trop éloignées des problématiques actuelles que nous souhaitons soulever.

101 Deux traductions ont été consultées pour cet ouvrage : - R. Descartes, Discours de la méthode (1637), op. cit., p. 153.

- R. Descartes, Discours de la méthode (1637), trad. par L. Renault, Paris, Flammarion, 2016, p. 99. Les deux traductions étant tout à fait similaires, nous avons choisi de conserver la première au sein de laquelle le traducteur et présentateur D. Moreau explicite davantage les passages choisis.

102 D. Moreau précise : « Des choses artificielles, des machines et des outils ».

103 D. Moreau précise : « La constitution du corps (« tempérament » est un terme technique de médecine médiévale qui désignait le mélange des « humeurs » dans les corps).

104 D. Moreau précise : La médecine est une des branches de « l’arbre de la philosophie » tel que le conçoit Descartes. On remarquera que la médecine dont il est question ici ne se réduit pas à la seule science descriptive du fonctionnement du corps et de ses organes : c’est une médecine qui rend « sage et habile » et qui a donc à voir avec la morale dont il était question plus haut, parce qu’elle permet de régler au mieux le comportement du « vrai homme » entendu comme l’union d’une âme et d’un corps.

53 La technique est chez Descartes inéluctablement liée à la médecine et inversement. Elle doit servir à la médecine dans le but de soutenir le bien-être humain, de panser leurs maux voire de les « exempter d’une infinité de maladies tant du corps que de l’esprit, et même aussi peut-être de l’affaiblissement de la vieillesse »105. Pour Denis Moreau, ce passage est un texte

« humaniste » - au sens [dit-il] où il fait de l’humain ce vers quoi il faut orienter le monde et toutes les choses qui le composent - qui rappelle la portée pratique de la philosophie de Descartes : elle sert à bien vivre ou elle ne sert à rien106.

Toujours selon Moreau, cette expression fameuse « nous rendre comme maître et possesseurs de la nature » est hyperbolique. L’alliance de la technique et de la médecine, de gestes de production et de connaissances, pourrait permettre à l’humain de se libérer de la vieillesse et des maladies.

Ce passage, faisant écho au mythe de Prométhée, place la technique comme instrument premier de l’humain. On peut interpréter ce mythe comme posant les bases d’une pensée instrumentale de la technique. Ce mythe nous rappelle en effet que la seule chose qu’on ait pu donner à l’homme ; feu et arts ou, autrement dit, la technique, permettra à ce dernier d’acquérir « ainsi la science propre à conserver sa vie »107. Et finalement, le premier instrument technique qui nous serait utile pour acquérir cette science pourrait bien être notre propre main. Dès Aristote, la main est considérée comme le premier des outils. Selon lui, l’homme a « obtenu des mains parce qu’il est le plus intelligent. Car les mains sont un instrument, et la nature distribue toujours, comme un homme intelligent, chaque chose à celui qui est capable de l’utiliser »108. Plus loin il développe :

105 R. Descartes, Discours de la Méthode, op. cit. trad. par D. Moreau, p. 154 et R. Descartes, Discours de

la méthode, op. cit., trad. par L. Renault, p. 99.

Dans cette dernière traduction, L. Renault précise en note que Descartes aurait précisé, à la fin de sa vie : « au lieu de trouver les moyens de conserver la vie, j’en ai trouvé un autre bien plus aisé et plus sûr, qui est de ne pas craindre la mort » dans Lettre à Chanut du 15 juin 1646, AT IV, p. 441-442.

106 R. Descartes, Discours de la Méthode, op. cit. présentation par D. Moreau, p. 59. 107 Platon, Protagoras, trad. par E. Chambry, Paris, Flammarion, 2016, p. 53 (321c, 322d). 108 Aristote, Les parties des animaux, trad. par F. Gain, Paris, LGF, 2011, p. 239 (687a).

54 […] la main a l’air d’être non pas un instrument mais plusieurs : car elle est comme un instrument pour des instruments. C’est donc à celui qui peut recevoir le plus de techniques que la nature a donné l’instrument le plus utile de tous : la main109 (…), Car la main devient indifféremment un ongle, un sabot, une corne, une lance, une épée, ou n’importe quelle arme ou instrument : elle pourra en effet être toutes ces choses, parce qu’elle peut tout prendre et tenir110.

Une distinction est ici repérable entre techniques et outils. Là où les techniques représentent un ensemble, un processus de gestes adossés à des savoirs, l’outil devient le moyen de ces gestes et savoirs. Avec Aristote, on peut alors considérer l’outil comme objet performatif. Il permet, en tant que tel, une ou des techniques. En ce sens, il est nécessaire et contingent aux techniques111. De plus, l’outil dont nous parle Aristote n’est pas n’importe lequel : il est avant tout la main, partie instrumentalisée du corps permettant l’acquisition de techniques. La main est contingente et nécessaire à une ou des techniques. La pensée aristotélicienne est ainsi constitutive de ce que l’on nomme « organologie ». En effet, dans les prémisses et les fondements d’une philosophie des techniques, c’est bien d’une vision organique de la technique dont il semble être question. Plus encore, la technique est avant tout vue comme prolongation des organes et, particulièrement, prolongation de la main de l’homme. La main est ici condition de possibilité de la technique, elle-même condition de possibilité de notre pouvoir d’agir sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure. Les prémisses de la définition de l’organologie comme d’une relation transductive entre organe physiologique, organe technique et organe social112 sont présentes ici. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous aborderons les travaux de Ernst Kapp.

109 Ibid. p. 240 (687a). F. Gain precise en note que « La main est un organe qui précède les outils » et l’outil se réfère aux organes. F. Gain renvoie sur ce point au Protagoras de Platon dans le passage faisant spécifiquement référence au mythe de Prométhée que nous avons rappelé plus tôt.

110 Ibid. p. 241 (687b).

111 Au sein de ce processus, on aperçoit déjà la relation à la « machine » qui sera résultat d’un processus de type : Technique (Ensemble) > Outil (Moyen) > Machine (Résultat). Puis, la machine pourra permettre de produire de nouveaux outils et cela formera, potentiellement, un nouvel ensemble, une/de nouvelle(s) technique(s).

112 Cette idée de relation transductive est présente et explicité par B. Stiegler et Ars Industrialis, Réenchanter

le monde, Paris, Flammarion, 2006, p. 46-47 en note où l’auteur présente l’organologie ainsi : « Un organe

physiologique (y compris le cerveau, siège de l’appareil psychique – mais l’appareil psychique n’est pas réductible au cerveau, et suppose des organes techniques, des artefacts, supports de symbolisation, et dont la langue est un cas) n’évolue pas indépendamment des organes techniques et sociaux : leurs évolutions sont inscrites dans ce que Simondon appelle des relations transductives, c’est-à-dire des relations dont les termes sont constitués par la relation même, ce qui signifie aussi que l’évolution de l’un des termes de la relation implique une évolution corrélative de l’autre terme. L’organologie générale décrit une relation transductive ) trois classes de termes (physiologiques, techniques et sociaux) ». Stiegler nous renvoie sur ce point à un autre de ses ouvrages : B. Stiegler, De la misère symbolique 2. La catastrophè du sensible, op. cit., p. 29, 99.

55 En 1937, Georges Canguilhem nous offrait une analyse pertinente de ce rapport humain - technique chez Descartes dans « Descartes et la technique ». Canguilhem y détaille la place centrale occupée par la médecine dans ce rapport. Il nous confirme premièrement que l’« on est en droit de penser que la réflexion sur la signification de la technique est centrale dans le système cartésien »113. Par opposition et rupture avec une philosophie stoïcienne, l’humain cartésien devient responsable et maître de ses buts. Là où pour les stoïciens, l’humain n’a pas d’emprise sur la nature et le monde car c’est le divin qui la possède, pour Descartes, comme nous l’explicite Canguilhem :

Rendre l’homme « maître et possesseur de la nature », souhaiter l’invention d’une infinité d’artifices utiles, s’exempter des maladies et peut-être aussi vaincre la mort, tous ces vœux clairement formulés sont présentés comme tout autre chose que des songes114.

Selon Canguilhem et à la différence de Denis Moreau, ce vœu cartésien n’est donc pas qu’une hyperbole. Il est révélateur d’une « foi en l’efficacité créatrice de la technique ». Canguilhem a ce mérite d’insister sur l’idée que la technique est au cœur de la pensée cartésienne au même titre que la médecine : « La médecine c’est essentiellement pour lui l’art de prolonger la vie humaine »115. La technique en est un instrument. Descartes rompt ainsi avec cette tradition scolastique faisant de l’humain, le simple jouet d’un ordre divin. Comme nous le rappelle Canguilhem :

Il fallait admettre une fois pour toutes, avec toutes ses conséquences, la fin de la philosophie grecque, se représentant le monde comme un cosmos, comme une sphère parfaite et achevée où tous les êtres se voyaient assignée leur place hiérarchique, c’est-à-dire leur qualité propre et leur fin116.

L’humain est un être de volonté et en cela, il est capable d’action et plus précisément il possède une « latitude d’action »117 lui permettant d’user de cette faculté créatrice et technicienne. L’humain doit user de cette faculté pour combattre ses propres maux. Les plus importants nous sont rappelés par Canguilhem, dont deux sont centraux pour notre propos :

113 G. Canguilhem, « Descartes et la technique » (1937) dans Œuvres complètes Tome I, « Écrit philosophiques et politiques 1926-1939 », Paris, Vrin, 2011, p. 490-498.

114 Ibid. p. 491.

115 G. Canguilhem, « Descartes. L’homme maître et possesseur de la nature » (1956) dans Œuvres

complètes Tome IV « Résistance, philosophie, biologie et histoire des sciences 1940-1966 », Paris, Vrin,

2015, p. 695-702. 116 Ibid., p. 700.

56 « rendre la vue aux aveugles (…) rendre les hommes sages et heureux par la médecine »118. La médecine et ses finalités de « conservation de la santé » sont au cœur des espoirs cartésiens.

Canguilhem nous précise que ces espoirs de Descartes sont clairement évoqués dans la

Correspondance avec Élisabeth (1643-1648)119. Autrement dit ici, la technique chez Descartes se doit d’être au service des humains, de la santé des humains et donc de la médecine. En cela, l’importance d’une pensée des méthodes de la technique est centrale. C’est à ce sujet que Canguilhem, explicitant la position cartésienne, en viendra à dire :

Faire sans comprendre, c’est le propre du technicien qui n’est que tel, promettre sans effectuer c’est la définition du charlatan, obtenir à volonté des effets par l’intelligence des causes, c’est l’ambition cartésienne. La conscience du possible technique nous est donnée par la connaissance du nécessaire théorique120.

Selon le philosophe des sciences Jean-François Braunstein, le XVIIe siècle, au sein duquel la pensée de Descartes s’inscrit, pose dès lors les prémisses des « systèmes médicaux » développés au siècle suivant121. Les découvertes expérimentales des anatomistes et physiologistes posent les bases d’une médecine scientifique. Néanmoins, les résultats thérapeutiques sont alors quasiment nuls. C’est peut-être pourquoi le désir vif de « conserver sa santé », de s’« exempter d’une infinité de maladies », pour finalement repousser la mort, représente, selon les propos de Canguilhem, toute autre chose qu'un songe. Pour ce faire, la technique doit être indissociable de la science et de ses méthodes. Toujours selon l’auteur, la connaissance est condition de possibilité de la technique122.

118 G. Canguilhem, « Descartes et la technique », op. cit., p. 493.

119 R. Descartes, Correspondance avec Elisabeth, Descartes à Elisabeth, Paris, Juillet 1644 : « Et je ne sache point de pensée plus propre pour la conservation de la santé, que celle qui consiste en une forte persuasion et ferme créance, que l'architecture de nos corps est si bonne que, lorsqu'on est une fois sain, on ne peut pas aisément tomber malade, si ce n'est qu'on fasse quelque excès notable, ou bien que l'air ou les autres causes extérieures nous nuisent ; et qu'ayant une maladie, on peut aisément se remettre par la seule force de la nature, principalement lorsqu'on est encore jeune ». Cette correspondance est accessible en ligne [URL : https://fr.wikisource.org] consulté le 13 novembre 2018.

120 G. Canguilhem, « Descartes et la technique », op. cit. p. 494.

121 J-F. Braunstein, « Système Médical » dans D. Lecourt (dir.) Dictionnaire de la pensée médicale…, op.

cit., p. 1111.

122 Selon nous, ce propos est aujourd’hui réversible. En effet, la technique peut tout aussi bien être considérée comme condition de possibilité de la connaissance. Tout dépend du point de départ dont il est question. Prenons l’exemple d’un microscope : le microscope s’est construit sur la base de connaissances permettant sa conception et sa création mais dans le même temps, le microscope permet d’obtenir de nouvelles connaissances. Par conséquent, nous pourrions souligner que, dans ce cadre, connaissances et techniques forment toujours un aller-retour.

57 L’héritage platonicien est proche : sans connaissance ou autrement dit, sans raison, la technique est vouée à l’échec ou à n’être rien. C’est ici, comme nous l’indique Canguilhem, tout un héritage d’une pensée du passage de la théorie à la pratique qui ne se fait cependant pas sans entrave puisqu’il y a nécessité d’un « tâtonnement empirique ». « La science cartésienne avoue la nécessité du tâtonnement expérimental »,123 nous rappelle Canguilhem. C’est donc par « tâtonnement » que l’on pourra viser la connaissance vraie124. La technique se doit donc d’être rigoureusement méthodique, basée sur des savoirs scientifiques quand bien même elle comporte des risques d’échecs, inhérent à sa pratique et sa nature empirique et expérimentale. Et cette technique doit avant tout être dédiée à l’humain et à son potentiel créatif et créateur :

L’initiative de la technique est dans les exigences du vivant […] Et puisque « nous ne saurions nous faire un nouveau corps » (VII, 148), nous devons ajouter aux organes intérieurs des organes extérieurs (VII, 148), aux organes naturels, des organes artificiels (VII, 165). C’est dans les besoins, l’appétit et la volonté qu’il faut chercher l’initiative de la fabrication technique125.

Hyperbole ou non, vœu pieux ou métaphorique, on se rend compte ici de la pertinente actualité de la pensée cartésienne réutilisée couramment par les courants trans et/ou post humanistes actuels. Certains d’entre eux caractérisent la vieillesse comme un mal sur lequel il est possible d’agir126. De notre point de vue, l’utilisation prométhéenne et cartésienne semble donc servir de rhétorique.

D’une part en effet, Descartes et sa référence au mythe de Prométhée permet à ces courants de démontrer le fait que la visée d’un surhomme ou d’un « au-delà de l’homme » est un antique rêve propre à l’humain127.

123 G. Canguilhem, « Descartes et la technique », op. cit., p. 496.

124 Cela nous renvoie à des propos tenus par G. Canguilhem sur l’erreur comme inhérente à l’histoire de la connaissance, aux processus de la connaissance et inhérente aux découvertes qui concernent la vie. Voir « le concept et la vie » dans Revue Philosophique de Louvain, 1966, Troisième série, tome 64, n°82, p. 193- 223.

125 G. Canguilhem, « Descartes et la technique », op. cit., p. 497. 126 Pour l’un des plus connus d’entre eux, voir notamment :

-N. Bostrom “The future of human evolution”, Death and Anti-Death: Two hundred years after Kant, fifty

years after Turing, (ed. C. Tandy), Ria University Press, Palo Alto, California, 2004.

-N.Bostrom N. “Why I want to be a Posthuman When I grow up”, Medical Enhancement and

Posthumanity, (eds. B. Gordijn, R. Chadwick) Springer, 2008, p. 107-137.

127 Cette interprétation du mythe apparait cependant discutable. Il est en effet possible de lire le mythe de Prométhée comme mettant en exergue l’idée d’un humain séparé et exclu de la divinité ; l’humain ne peut pas faire parti des Dieux, il n’a pas obtenu sa part du lot divin à cause de Prométhée puni par les Dieux.

58 D’autre part, l’utilisation de Descartes semble servir à justifier une prémisse philosophique. Le mythe antique d’une technique qui permettrait de conserver la vie et la santé persiste, voir s’intensifie dans les discours actuels et communs traitant des avancées médicales. Pourtant les conditions de santé actuelles ne peuvent être confondues avec celles du XVIIe siècle.

À la suite du siècle de Descartes se dégage une multiplication de descriptions fines d’objets techniques, sous l’impulsion de la Renaissance et du siècle des Lumières. Avec la publication de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, les objets deviennent symboles de libération puisqu’ils représentent, avant tout, des moyens de construction, d’utilisation et donc quelque part d’émancipation128. En effet, comme l’explicite le philosophe Xavier Guchet :

Au XVIIIe siècle, l’humanisme devait libérer l’homme des limitations imposées à son activité par les aspects hiérarchiques de la rigidité sociale, par le morcellement des communautés. L’encyclopédisme de ce siècle a alors voulu rendre aux hommes leur liberté par rapport à ce morcellement, par rapport aux cloisonnements rigides qui fragmentaient la société, en leur montrant la signification universelle de l’effort de la pensée humaine dans l’invention technique. L’idée de progrès est optimiste, elle met en évidence une accumulation continue, universelle, indifférente « aux barrières et prohibitions que les usages avaient instituées129.

C’est de ce contexte tiré du XVIIe au XVIIIe siècles que naît la pensée d’Ernst Kapp, précurseur de la pensée organologique, dont les prémisses ont été posées cependant dès Aristote, comme nous l’avons vu. Kapp s’inscrit nettement dans une logique continuiste et optimiste du progrès technique que nous rappelle Guchet.

Organologie chez Ernst Kapp.

En philosophie, nous l’avons dit, l’organologie est une méthode transductive de pensée consistant à relier l’organe au sens biologique, à l’organe au sens technique/technologique, à l’organe au sens social130.

128 Voir à ce sujet X. Guchet, Pour un humanisme technologique. Culture, technique et société dans la

philosophie de Gilbert Simondon, Paris, PUF, 2010, p. 111.

129 X. Guchet, Pour un humanisme technologique…, op. cit. p. 110-111. La citation de fin de paragraphe est empruntée par l’auteur au philosophe Gilbert Simondon sur lequel nous nous arrêterons tout particulièrement plus loin.

59 Les trois items sont interdépendants les uns des autres. Autrement dit, s’il y a mouvement dans l’un des items, les autres seront inéluctablement touchés.

L’organologie a été introduite avec Aristote comme nous l’avons vu, et prolongée par