• Aucun résultat trouvé

Les règles gouvernant l’action en justice : le défi de la nature collective du litige

Section 2 Les dérogations à l’exigence d’un intérêt personnel : une solution plus acceptable

2) Les évolutions réalisables

Le droit français s’avère bien outillé en matière d’actions attitrées. Faudrait-il franchir un pas et admettre que toute personne puisse agir pour défendre les intérêts de l’environnement ? Le droit français y est hostile. Alors que la Cour de cassation n’a jamais accepté la possibilité pour un particulier de faire-valoir des intérêts autres que ceux qui lui sont propres, le Conseil d’État affirme clairement que « les stipulations de l’article 9 de la Convention d’Aarhus n’ont en tout état de cause, ni pour objet, ni pour effet d’ouvrir à toute personne un droit au recours contre toute décision ayant une incidence sur l’environnement »132. Dans cette affaire, un particulier avait exercé un recours pour excès de pouvoir pour contester un arrêté ministériel relatif aux périodes de chasses. Or, le Conseil d’État a fait fi de l’intérêt que ce particulier « porte à la faune sauvage et à sa préservation, qui s’est traduit par la publication de nombreux articles dans des revues spécialisées, de son engagement, depuis plusieurs années, comme membre fondateur ou administrateur d’associations de protection de l’environnement, et de ce qu’il a pris part à la procédure de participation du public mise en œuvre, en application de l’article L. 120-1 du Code de l’environnement, sur le projet d’arrêté attaqué ». Il confirme sa jurisprudence selon laquelle les dispositions de la Charte de l’environnement, en particulier le droit à vivre dans un environnement sain (art. 1), « le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement » (art. 2), ou le droit à la participation (art. 7), n’impliquent aucunement d’accorder à toute personne qui l’invoque un intérêt à agir pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de toute décision administrative133.

131

Ainsi pour Laurent Neyret : « Nul doute qu'au-delà des personnes visées par l'article 1248 du code civil, les entreprises, les agriculteurs, les opérateurs de compensation, les communautés autochtones, et, plus généralement, tous les professionnels travaillant en lien avec l'environnement pourraient avoir un intérêt à agir en réparation du préjudice écologique », in « La consécration du préjudice écologique dans le Code civil, D. 2017, p. 924 et s. ; en ce sens aussi ; G. Viney, P. Jourdain et S. Carval, Traité de droit civil, Les régimes

spéciaux et l’assurance de responsabilité, LGDJ, 4e éd. 2017, spéc. n° 237.

132 CE, 26 oct. 2015, n° 392550, note de M. Deffairi, « La reconnaissance de la spécificité de l’intérêt à agir dans le contentieux administratif environnemental, encore une occasion manquée ? », Énergie-Environnement-

Infrastructures, Fév 2016, Comm. 12.

57

Qu’en penser ? D’un côté, l’on comprend la méfiance à l’égard de l’actio popularis et le risque d’encombrement des tribunaux et d’atteinte à la sécurité juridique qu’elle pourrait entraîner. Par ailleurs, en raison de leurs compétences dans leur domaine, les associations de protection de l’environnement s’avèrent naturellement plus à même de défendre les causes environnementales les plus importantes à leurs yeux. De plus, certaines actions banales permettent déjà d’aboutir à la défense des intérêts environnementaux en sus de leurs intérêts personnels. Il en est ainsi lorsque, à l’occasion de l’atteinte à un intérêt personnel, un requérant demande l’annulation d’un acte réglementaire ou une victime d’un trouble environnemental demande sa cessation. Dans les deux cas, le résultat de l’action profite à tous.

D’un autre côté, bien qu’un grand nombre d’associations de protection de l’environnement peuvent déjà agir en justice en raison de leur agrément134, l’on peut aussi supposer que, plus le nombre de personnes pouvant agir en justice pour défendre les intérêts collectifs liés à la protection de l’environnement sera important, plus le procès environnemental pourra s’ouvrir. En effet, un particulier pourrait combler l’inaction, à la fois du ministère public qui peut décider du classement sans suite et des associations qui, face au grand nombre de situations environnementales problématiques, pour des raisons d’effectifs et de coût, sont parfois appelées à faire un choix parmi les actions à engager. Par ailleurs, il est possible pour éviter tout abus de poser des conditions à l’actio popularis. Sans admettre que toute personne peut agir en défense de l’environnement au nom des différents droits fondamentaux reconnus dans la Charte de l’environnement, l’on pourrait ouvrir cet intérêt à agir à toute personne démontrant sa compétence spéciale dans le domaine concerné. C’est alors que, comme les autres personnes morales habilitées à agir pour cette même raison, elle pourra tout aussi bien contester la légalité d’un acte contrevenant au droit de l’environnement que demander la réparation des atteintes à l’environnement. L’on pourrait même aller plus loin et, poursuivant l’interprétation effectuée au sujet de l’article 1248 du Code civil créant l’action attitrée en matière de réparation du préjudice écologique, exiger aussi que le demandeur ait lui-même subi une atteinte à ses intérêts personnels. En sus de son action banale, il serait titulaire d’une action attitrée et contribuerait alors à renforcer, par le biais du procès, l’effectivité du droit de l’environnement. Ou encore en s’inspirant du droit chilien, l’on pourrait admettre que toute personne vivant dans le voisinage du lieu de pollution peut agir en défense des intérêts

134 V. la liste au niveau national : http://www.driee.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/liste-des- associations-agreees-et-associations-r1029.html

58

collectifs environnementaux135. Pour favoriser une plus grande ouverture du procès environnemental, consacrer une actio popularis encadrée pour éviter tout abus est donc possible. Reste que, du point de vue de l’opportunité, il conviendrait de regarder de plus près les droits étrangers la reconnaissant pour évaluer plus concrètement sa portée dans le contentieux environnemental avant d’initier toute réforme sur ce point.

135 V. l’encadré sur le droit chilien p. 153. Le tribunal environnemental chilien interprète en ce sens la disposition accordant un droit d’agir en réparation du préjudice écologique aux « personnes physiques ou morales, publiques ou privées, qui ont souffert d’un dommage ou d’un préjudice, les mairies, pour les faits qui ont eu lieu dans leur commune, et l’État, par l’intermédiaire du Conseil de défense de l’État ».

59

B/ Dans les autres pays : des résultats contrastés

Du côté des autres ordres nationaux, les solutions s’avèrent contrastées. Si l’exigence de la preuve de l’intérêt personnel à agir se retrouve de manière très semblable dans la plupart des droits étrangers, des exceptions existent. Il faut ici distinguer le cas des États européens influencés par la Convention d’Aarhus et la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) (1) des autres États (2).

1) En Europe

La majorité des pays européens demeurent réfractaires à la reconnaissance de la défense des intérêts collectifs et campent sur l’exigence de l’intérêt personnel à agir136 parfois clairement prévue par le législateur en matière civile, à l’instar des droits espagnol (Loi sur la procédure civile 7 janvier 2000) roumain (art. 33 § 1 du Code de procédure civile) ou italien (not. art. 100 du Code de procédure civile). Le juge joue un rôle déterminant puisque, de par son interprétation, il peut aussi refuser d’entendre souplement cette exigence. Ainsi, si en droit anglais, le juge admet que les associations puissent contester des décisions administratives, en revanche, pour demander réparation ou cessation des atteintes à l’environnement, elles doivent être titulaires d’un droit réel sur le terrain endommagé137. Quant au juge italien, il rappelle régulièrement que les personnes morales, collectivités territoriales ou ONG, ne peuvent demander réparation du préjudice écologique que si elles démontrent subir un dommage patrimonial ou extrapatrimonial en découlant138. De manière encore plus stricte, certains pays, en particulier l’Autriche, l’Estonie et l’Allemagne, subordonnent la recevabilité de l’action à la preuve de l’atteinte à un droit subjectif, c’est-à-dire à la lésion d’une norme spécifiquement adoptée pour protéger le droit subjectif139. En contraste, sans aller jusqu’à admettre au niveau constitutionnel, à l’instar du droit portugais, une actio popularis (art. 52-3)

136 V. pour un premier état des lieux le rapport « Access to Justice in Environmental Matters » pour la Direction

générale de l’environnement de la Commission européenne,

http://ec.europa.eu/environment/pubs/pdf/factsheets/accesstojustice/en.pdf

137 S. Taylor, « Law of Torts et préjudice écologique en droit anglais », Énergie-Environnement-Infrastructures, août 2016, Dossier 13.

138Sur cette jurisprudence, M. Infantino, « L’action en réparation du préjudice écologique », Rapport

italien, in La responsabilité environnementale, Recueil des travaux du Groupe de Recherche Européen sur la Responsabilité Civile et l'Assurance (GRERCA), dir. P. Jourdain, Bruylant 2019, spéc. p. 291.

139 C. Pirotte, « L’accès à la justice en matière d’environnement en Europe : état des lieux et perspectives d’avenir », Revue Juridique de l’Environnement, 2009, numéro spécial, Le juge en Europe et le droit

60

pour défendre la qualité de vie, la protection de l’environnement et le droit à vivre dans un environnement sain et écologiquement équilibré et le devoir de le défendre (art. 66-1), les exemples hollandais et belge sont intéressants. Le droit hollandais se contente de la preuve d’un intérêt à agir « suffisant » et donne ainsi accès à la justice aux ONG au regard de leur objet social (art. 3 :303 du Code civil néerlandais : « Without sufficient interest no one has a right of action »). Le droit belge, grâce au juge, dépasse l’obstacle de l’intérêt à agir personnel (art. 17 du Code judiciaire) en admettant incidemment, en droit de la responsabilité civile, la possible défense des intérêts collectifs des ONG environnementales par le truchement du préjudice moral qu’elles subissent du fait de l’atteinte à leur objet social140.

Intérêt à agir et contentieux climatique

Les disparités entre les États membre de la Convention d’Aarhus en matière d’intérêt à agir se manifestent aujourd’hui dans le contentieux climatique. Du côté hollandais, alors que le juge de La Haye n’a pas admis l’intérêt à agir des citoyens eux-mêmes, l’ONG Urgenda a été jugé recevable à agir en raison, non seulement du fait qu’elle avait dialogué avec le défendeur pour lui demander d’effectuer certaines mesures (exigence supplémentaire prévue par le Code civil néerlandais), mais aussi de son objet social tourné vers la défense d’une société durable, des générations présentes et futures, des citoyens néerlandais mais aussi des intérêts plus largement des sociétés humaines subissant les effets du changement climatique141. Et si le juge autrichien a accordé aux ONG et certains citoyens le droit d’agir pour contester la validité de l’extension de l’aéroport de Vienne142 et le juge norvégien a admis la recevabilité notamment de l’ONG Greenpeace Nordic Ass’n pour contester les licences d’exploitation pétrolière en mère143, en revanche, la High Court of Ireland a dénié un droit d’agir à l’association « Friends of the Irish Environment » composée de particuliers pour là aussi contester l’extension d’un aéroport – celui de Dublin-144. Pour le juge, les requérants ne peuvent contester ce type d’actes car ils n’ont pas pris part au processus décisionnel en amont et que la Convention d’Aarhus n’est pas directement invocable145.

140 Cass. 11 juin 2013, P12.13989, N, TMR 2013/4, p. 393, note P. Lefranc. Sur ce développement, X. Thunis, Les préjudices écologiques, Rapport belge : encore du chemin à faire, in Le préjudice écologique en droit comparé, ouvrage préc., p. 271 et s.

141 Sur ce rappel, C. Cournil, A.-S. Tabau, « Nouvelles perspectives pour la justice climatique », RJE 2015/4, Vol. 40, p. 672 et s.

142 V. l’arrêt du 2 fév 2017, http://climatecasechart.com/non-us-case/in-re-vienna-schwachat-airport-expansion/ 143 Greenpeace Nordic Ass’n and Nature and Youth v. Ministry of Petroleum and Energy, 4 janvier 2018: http://blogs2.law.columbia.edu/climate-change-litigation/wp-content/uploads/sites/16/non-us-case-

documents/2018/20180205_16-166674TVI-OTIR06_press-release.pdf

144 Friends of the Irish Environment v. Fingal County Council, 21 nov. 2017: http://blogs2.law.columbia.edu/climate-change-litigation/wp-content/uploads/sites/16/non-us-case-

documents/2017/20171121_2017-No.344-JR_judgment.pdf 145 P. 13 du jugement.

61

Face à cette diversité, l’adhésion à la Convention d’Aarhus peut-elle conduire à certaines évolutions ? La réponse est nuancée. Certes, les États membres de la Convention d’Aarhus doivent respecter ses termes. Celle-ci a été approuvée au nom de la Communauté européenne146, elle s’impose donc à l’Union et à chacun des États membres147. Toutefois, rappelons que si son article 9-3 consacre bien un droit au juge en matière d’environnement, il permet clairement aux États parties d’établir des critères spécifiques auxquels les membres du public habilités à contester les violations du droit de l’environnement doivent répondre. Il ne consacre en aucune manière un accès inconditionnel des membres du public à la justice, une actio popularis environnementale148. Par ailleurs, tout comme la CJUE qui, estimant que la disposition ne contient aucune obligation claire et précise de nature à régir la situation des particuliers149, conclut à l’absence d’effet direct de l’article 9-3, les juridictions internes interdisent aux requérants de se prévaloir des dispositions de la Convention d’Aarhus pour justifier leur droit d’agir. C’est ce qu’a récemment rappelé le juge irlandais, à l’instar du juge français, dans la décision précitée « Friends of the Irish Environment ».

Certes encore, le comité chargé du respect de la convention pointe du doigt les défaillances. Ainsi, à l’occasion de l’examen de la législation belge, il a affirmé que les États devaient veiller à ce que les conditions prévues concernant le droit d’agir des associations de protection de l’environnement ne doivent pas être rigoureuses au point d’« empêcher la totalité ou quasi- totalité des associations de l’environnement de contester des actes ou omissions allant à l’encontre du droit national de l’environnement »150. De plus, au-delà de l’exigence trop stricte de l’intérêt à agir personnel, c’est aussi le coût trop important de l’action qui est régulièrement critiqué151. N’oublions pas en effet que l’article 9-4 demande aux États parties de veiller à ce que le coût des procédures ne soit pas prohibitif. Toutefois, il ne s’agit ici que de recommandations : le comité ne peut juger un État membre et prescrire des sanctions.

146 Décision 2005/370, du 17 février 2005, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, JOCE du 17/05/2005, n° L 124.

147 C. Pirotte, « L'accès à la justice en matière d'environnement en Europe : état des lieux et perspectives d'avenir », RJE, 2009, numéro spécial Le juge en Europe et le droit communautaire pp. 25-29.

148 K. Andrusevyvh, Case Law of the Aarhus Convention, 2004-2011, p. 80.

149 CJUE arrêt du 8 mars 2011,Lesoochranárske zoskupenie VLK, aff. C-240/09, Rec. p. 1255. 150 V. la recommandation du 28 juillet 2006, C/11.

62

Comme le rappelle Estelle Brosset et Eve Truilhé dans cette étude, tout autre chose est l’influence exercée par la Cour de justice de l’Union européenne dans ce domaine. Face aux réticences de certains États, la Cour a développé une jurisprudence très favorable à l’élargissement de l’accès au juge des ONG afin qu’elles puissent défendre les intérêts collectifs152. Malgré la non applicabilité directe de la Convention d’Aarhus, dans l’affaire emblématique153 des ours bruns slovaques154 elle a admis qu’ : « [i]l appartient [...] à la juridiction de renvoi d’interpréter, dans toute la mesure du possible, le droit procédural relatif aux conditions devant être réunies pour exercer un recours administratif ou juridictionnel conformément tant aux objectifs de (…) la convention d’Aarhus qu’à celui de protection juridictionnelle effective des droits conférés par le droit de l’Union, afin de permettre à une organisation de défense de l’environnement (…) de contester en justice devant une juridiction une décision prise à l’issue d’une procédure administrative susceptible d’être contraire au droit de l’Union de l’environnement »155.

La CJUE invite alors les juges nationaux à accorder aux associations de défense de l’environnement un droit d’agir suffisant pour défendre la cause environnementale. En ce sens, elle a aussi affirmé que les règles procédurales étatiques « ne doivent pas risquer de vider de toute portée les dispositions communautaires selon lesquelles ceux qui ont un intérêt suffisant à contester un projet et ceux aux droits desquels celui-ci porte atteinte, parmi lesquels les associations de protection de l’environnement, doivent pouvoir agir devant les juridictions compétentes »156. C’est ainsi que la CJUE a imposé à l’Allemagne – puis à la Suède et la Slovaquie – dans un arrêt rendu le 12 mai 2011 dans l’affaire Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland157, d’interpréter plus souplement la théorie des droits publics subjectifs, en particulier l’exigence d’atteinte à un droit, pour la rendre compatible avec les objectifs de la Convention d’Aarhus, appropriée à garantir un large accès à la justice et au

152 V. aussi. J.-F. Delile, « La protection juridictionnelle dans le domaine environnemental en droit de l’Union européenne : la victoire de l’incohérence », in : Le droit d’accès à la justice en matière d’environnement, déjà cité, p. 100.

153 Elle l’est car elle concerne une décision d’une autorité publique d’autoriser la chasse à l’ours brun, dérogeant aux dispositions de la directive « Habitats » dont les dispositions « ne visent pas à protéger les personnes mais l’environnement, dans l’intérêt général du public ».

154 CJUE, 8 mars 2011, Lesoochranárske zoskupenie VLK, Affaire C-240/09, Rec. p. 1255. 155 Pt. 51 de l’arrêt.

156 CJCE, 15 oct. 2009, Djurgarden-Lilla Värtans Miljöskyddsförening c. Stockolm kommun genom dess

marknâmnd, C-263/08 Rec. p. I – 9967.

157 CJUE arrêt du 12 mai 2011, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband

63

respect des normes concernées tournées vers l’intérêt général158. À cette occasion, elle n’a pas hésité à affirmer qu’il « serait contraire à l’objectif d’assurer au public concerné un large accès à la justice » que d’empêcher les associations de protection de l’environnement « de faire valoir l’atteinte à des normes issues du droit de l’Union de l’environnement au seul motif que celles-ci protègent les intérêts collectifs »159. Précisons malgré tout que si la jurisprudence de la Cour invite à la défense des intérêts collectifs, elle ne prône aucunement la mise en place d’une actio popularis. Comme l’a affirmé Eleanor Sharpston dans ses conclusions du 2 juillet 2009 au sujet de l’affaire Djurgarden-Lilla Värtans Miljöskyddsförening, le droit d’agir des associations constitue « un contrepoids à la décision de ne pas instaurer une action populaire sur les questions d’environnement »160.

Accès et juge et coûts de l’action en justice

Il s’agit d’éviter que les requérants ne soient pratiquement empêchés de former ou de poursuivre un recours juridictionnel à cause de la charge financière qui pourrait en résulter, ce qui participe à l’évidence au principe d’effectivité́ des recours. La jurisprudence de la Cour s’intéresse à cet aspect de l’accès à la justice et devrait conduire les États à lever les obstacles à l’accès à la justice non seulement en élargissant l’intérêt à agir mais également en limitant le coût des coûts de procédure. Le paragraphe 4 de l’article 9 de la Convention exige que les procédures prévues soient objectives, équitables et rapides et que leur coût ne soit prohibitif. L’article 9-5, de la Convention prévoit, en ce but, l’obligation de mise en place de mécanismes appropriés d’assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l’accès à la justice. Dans le même esprit, l’article 47, troisième alinéa, de la Charte des droits fondamentaux prévoit le principe d’une aide juridictionnelle. En l’absence de mise en place de mécanisme particulier en matière de protection de l’environnement, la CJUE est intervenue à propos de certains systèmes nationaux, en particulier le système juridictionnel britannique. Dans l’affaire Edwards et Pallikaropoulos161, elle a considéré que dans le cas des particuliers et des membres d’associations, le coût d’une procédure ne doit « ni dépasser les capacités financières de l’intéressé ni apparaître, en tout état de cause, comme objectivement déraisonnable »162. L’affaire a conduit à ce que le juge se prononce sur la règle « perdant payeur ». Sans remettre en cause le principe de la condamnation de la partie défaillante, la Cour affirme que l’exigence de coût non-prohibitif oblige à tenir compte tant de l’intérêt de la personne qui souhaite défendre ses droits que de l’intérêt général lié à la protection de l’environnement. Dans le cadre de cette appréciation, le juge national ne saurait se fonder uniquement sur la situation économique de l’intéressé, mais doit également procéder à une analyse