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L’évolution des taux directeurs de la Banque Centrale de Turquie et du second marché

CHOCS GEOPOLITIQUES ET EFFICACITE DE LA POLITIQUE MONETAIRE

B. L’évolution des taux directeurs de la Banque Centrale de Turquie et du second marché

On vient de voir que pour que la politique de ciblage d’inflation menée par la Banque Centrale de Turquie soit efficace, il faut que le taux directeur de la Banque Centrale puisse influencer le taux directeur du second marché et que ces deux taux évoluent de la même façon

à long terme. Par contre, si l’évolution de ces deux taux diffère, ça veut dire qu’il peut y avoir un problème d’inefficacité de la politique. C’est pour cette raison qu’on va qualifier ces périodes comme des périodes de chocs et qu’on va essayer de les expliquer.

Le graphique 1, montre l’évolution des taux directeurs de la Banque Centrale de la Turquie et du second marché pour la période allant du début de 2002 jusqu’au premier trimestre de 2006 (23 mars 2006). Conformément à la méthodologie de la Banque Centrale de Turquie, la série du taux directeur de la Banque Centrale a été calculée à partir de la série du taux d’intérêt au jour le jour obtenue sur son site Web. La série du taux directeur du second marché a été construite à partir des données obtenues sur le site Web de la Bourse d’Istanbul (IMKB) et représente le taux d’intérêt du titre le plus négocié.

Graphique 1: Les taux directeurs de la Banque Centrale et du second marché

0,000 10,000 20,000 30,000 40,000 50,000 60,000 70,000 80,000 90,000

Janv.

2002

Janv.

2003

Janv.

2004

Janv.

2005

Janv.

2006

%

tx directeur_BC tx directeur_SM

Source : Banque Centrale de Turquie et Bourse d’Istanbul (IMKB)

A la lecture de ce graphique, on constate tout de suite que le taux directeur de la Banque Centrale et le taux directeur du second marché évoluent parallèlement pendant toute la période même si le taux d’intérêt du second marché est beaucoup plus volatile et connaît des périodes ponctuelle de hausse et de baisse.

Dans les premiers mois de la période considérée, on constate une chute du taux d’intérêt du marché secondaire mais de façon parallèle à la chute du taux de la Banque Centrale. Cette chute des taux d’intérêt continue jusqu’au mois d’avril 2002 et tout d’un coup le taux d’intérêt

du second marché commence à augmenter : Cela est dû à un choc politique causé par la maladie du premier ministre et par les spéculations sur d’éventuelles élections anticipées.

C’est donc une période d’incertitude associée à l’environnement de politique économique, qui à son tour peut être une source de perte de crédibilité puisque dans cette période d’incertitude, les agents privés ne sont pas capables de faire une bonne prévision des réformes politiques..Cette hausse du taux d’intérêt du second marché continue et il dépasse le taux de la Banque Centrale pendant les mois de mai et de juin.

Cette hausse se prolonge jusqu’au mois de juillet 2002 : C’est une période marquée à la fois par des incertitudes quant à la tenue d’élections anticipées et par les débats au parlement devant aboutir à l’adoption d’une série de lois dans le but d’aligner la législation turque sur l’acquis communautaire européen et les critères de Copenhague. Dès que ces lois sont adoptées, en août 2002, et que la date des élections législatives anticipées est fixée pour novembre, la confiance en la continuité de la politique de ciblage d’inflation est rétablie.

Les taux se détendent avant de répartir à la hausse sous la pression du débat politique liée aux élections législatives de 3 novembre 2002 et des événements internationaux. Le résultat des élections législatives donnant une majorité absolue des sièges à l’AKP (parti musulman démocrate) permet d’écarter le scénario d’un gouvernement de coalition. La confiance se rétablit et le taux d’intérêt du second marché commence à baisser et à s’approcher de celui de la Banque Centrale.

A partir du début de l’année 2003, on constate de nouveau une augmentation du taux d’intérêt du second marché. Cette fois-ci, cette hausse est due d’une part à la guerre en Irak et d’autre part, aux inquiétudes liées au sommet du Conseil de l’Europe des 19 et 20 juin. Les chefs d’Etat européens affirment que les négociations ne s’ouvriront que si « la Turquie satisfait les critères de Copenhague ».

Après la fin « officielle » de la guerre, le taux d’intérêt du second marché et le taux d’intérêt de la Banque Centrale commencent de nouveau, à baisser de façon parallèle, le taux d’intérêt du second marché restant supérieur à celui de la Banque Centrale.

Du mois de décembre 2003 jusqu’à mai 2004 (date du référendum sur la réunification de Chypre) le taux d’intérêt du second marché reste inférieur à celui de la Banque Centrale mais après les résultats décevants du référendum, il dépasse ce dernier.

Au mois de mai 2004, les tensions sur les marchés internationaux de capitaux suite aux spéculations sur une hausse du taux directeur de la Fed font de nouveau augmenter le taux d’intérêt du second marché.

On remarque que le taux d’intérêt du second marché s’éloigne de celui de la Banque Centrale en septembre 2004 : ce sont les discussions sur le nouveau code pénal (et surtout au sujet de l’adultère), qui font que le taux d’intérêt du second marché dépasse le taux d’intérêt de la Banque Centrale.

Jusqu’au 3 octobre 2005, date du sommet des chefs des pays membres de l’Union Européenne qui doit ouvrir les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, l’écart entre les deux taux diminue de plus en plus, mais le taux d’intérêt du second marché reste quand-même supérieur au taux directeur de la Banque Centrale. Une fois que les négociations commencent, les anticipations deviennent positives, le taux directeur du second marché descend en dessous du taux d’intérêt de la Banque Centrale.

Par conséquent, on peut dire que la volatilité des taux d’intérêt du second marché peut s’expliquer au moins jusqu'en juin 2004, par un contexte géopolitique particulièrement tendu.

Par contre, à partir de la deuxième moitié de 2005, les taux directeurs de la Banque Centrale et du second marché sont très proches et évoluent parallèlement, ce qui peut permettre de dire que la politique monétaire suivie, c’est-à-dire le régime de « ciblage d’inflation » est efficace et qu’elle a une certaine crédibilité de la part des agents privés.

II. Efficacité du ciblage d’inflation : Une approche empirique

Dans le cadre de la nouvelle politique monétaire, l’instrument principal de la Banque Centrale Turque est le taux directeur à court terme. La Banque Centrale doit donc, non seulement avoir une maîtrise parfaite sur le niveau de son taux directeur, mais en plus, ce taux doit influencer la dynamique de celui du second marché et il faut que les deux taux évoluent de la même façon à long terme.

On va faire une analyse de la dynamique jointe de long terme de ces deux taux ; c’est-à-dire, on va analyser les dynamiques jointes du taux directeur de la Banque Centrale et celui du second marché à l’aide d’un modèle vectoriel à correction d’erreur. Cette analyse va nous permettre de tester non seulement l’efficacité potentielle de la politique de ciblage d’inflation, mais aussi de mesurer si les événements géopolitiques ont perturbé cette efficacité. De cette façon, on saura si les événements géopolitiques ont joué un rôle sur la crédibilité de la Banque Centrale et sur l’efficacité de sa politique monétaire.

En effet, l’analyse statistique de la dynamique jointe des deux taux, c’est-à-dire du taux directeur de la Banque Centrale et du taux du second marché, va nous permettre, non

seulement de tester si ces deux taux évoluent ensemble sur le long terme, ce qui veut dire que le différentiel de taux est stationnaire et si la dynamique à long terme du taux directeur de la Banque Centrale est bien indépendante de celle des marchés (le taux directeur est faiblement exogène), mais aussi de mesurer l’efficacité à long terme de la politique monétaire à travers l’estimation de la vitesse de convergence du taux du second marché vers sa valeur d’équilibre (coefficient de la force de rappel). Les tests de changement de structure de Seo (1998) vont permettre de vérifier la stabilité dans le temps de l’équilibre de long terme ainsi que la constance de la vitesse de convergence en cherchant de façon endogène un éventuel changement de structure.

L’analyse empirique que l’on propose est très différente de celles qu’on trouve dans la littérature empirique. Avant de présenter cette approche originale, on va faire un résumé des différentes approches disponibles dans la littérature.

A. Une revue de la littérature empirique sur l’efficacité du ciblage