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MESURE, ANALYSE ET INTERPRETATION DES ANTICIPATIONS D’INFLATION

C. Les anticipations et la crédibilité

1. Un état de la littérature théorique

Une fois que la politique économique est annoncée, au fur et à mesure que le temps passe, les agents privés vont introduire toute l’information contenue dans les réalisations des variables qu’ils considèrent comme prioritaires, en ce qui concerne les paramètres des règles de politique économique, dans leurs anticipations de politique future. Ils vont combiner les réalisations de la politique avec leurs priorités dans le but de former une distribution postérieure pour les paramètres de politique qu’ils utilisent pour former leurs anticipations de politique future. Partant de cela, Baxter (1985) définit la crédibilité d’une politique économique comme « la probabilité subjective accordée au fait que l’autorité respecte ses règles de politique économique annoncée, par les agents privés de l’économie » et c’est par les anticipations que les agents privés la transmettent à l’économie. Dans leur travail, Cukierman&Meltzer (1986) suggèrent aussi que la crédibilité est définie comme la valeur

absolue de la différence entre les plans et les objectifs des faiseurs de politique et les croyances des agents privés dans ces plans : plus cette différence est petite, plus la politique monétaire décidée est crédible. Ils montrent cela à partir d’un modèle de choix de la croissance monétaire d’un décideur de politique dont les objectifs sont décrits à multi-périodes par une fonction d’objectif. A chaque période, le décideur choisit le taux de croissance monétaire maximisant la valeur de sa fonction sur la base de l’information dont les agents privés ne disposent pas. Cependant les agents connaissent la structure du processus de la prise de décision mais ne savent pas avec certitude l’état dans lequel la fonction de l’objectif se trouve. Ils forment alors des anticipations rationnelles sur le taux de croissance monétaire en utilisant l’information du taux de croissance passé et en mettant un poids accordé aux anticipations : plus ce poids est important, plus la mémoire des agents privés est importante et moins les développements récents sont importants pour la formation des anticipations et avec un poids faible, les politiques passées sont oubliées. Pour Cukierman&Meltzer(1986) l’hypothèse de la crédibilité et l’hypothèse des anticipations rationnelles doivent être considérées comme compléments plutôt que comme des substituts.

Johnson( 1997) essaye d’évaluer la crédibilité et l’efficacité de la politique monétaire dans 18 pays dans la période 1984 – 1995 et pour ce faire, il utilise deux méthodes différentes : Une mesure directe dans le cas où le pays en question adopte une politique de ciblage d’inflation consistant à comparer les anticipations d’inflation à la cible annoncée et une deuxième mesure pour comparer les anticipations d’inflation des agents privés au taux d’inflation effectif dans le cadre d’une analyse des erreurs de prévision. Cependant, Hutchison&Walsh (1998) considèrent la crédibilité comme le fait que les annonces d’une banque centrale sont crues par le public si celle-ci est averse pour l’inflation. Ils construisent une mesure de la crédibilité pour la politique monétaire de Nouvelle Zélande en prenant la différence entre le taux d’inflation anticipé pour les 12 mois suivants et les prévisions d’inflation de la Banque Centrale de Nouvelle Zélande annoncées. Pour les auteurs, ces prévisions sont des annonces à propos de leur intention de la politique et le degré auquel ces prévisions sont incorporées dans les anticipations est un indicateur de la crédibilité. Pour Blinder (2000), une banque centrale est crédible si les agents privés croient à ce qu’elle annonce sur ce qu’elle va faire. Si la banque centrale a une cible explicite pour une variable quelconque (pour l’inflation par exemple) et annoncée au public l’écart entre la cible et les anticipations peut être une mesure objective de la crédibilité. Dans le cas d’un objectif de politique annoncé, la crédibilité nécessite donc la cohérence entre les anticipations des agents avec l’objectif annoncé. On peut alors définir la crédibilité dans le cas d’une cible d’inflation explicite comme le cas où les

anticipations d’inflation coïncident avec la cible d’inflation et par contre, tout écart entre l’inflation anticipée et la cible va indiquer le manque de crédibilité. Une fois que les anticipations d’inflation peuvent être mesurées ou estimées à partir des enquêtes ou des courbes de rendement, Svensson (2000) construit une mesure explicite du degré de la crédibilité : dans le cas d’une cible d’inflation explicite, la crédibilité signifie pour lui, la stabilité des anticipations pour les 2 années suivantes autour de la cible et/ou la cohérence de ces anticipations avec la cible. Faust&Svensson (2001) définissent la crédibilité à partir des anticipations des agents privés en analysant l’importance de la transparence et de la crédibilité dans la politique monétaire en résolvant le modèle de Cukierman&Meltzer (1986b) pour différentes politiques monétaires. Ils montrent que la politique socialement optimale implique un taux d’inflation nul et mesurent la crédibilité de l’annonce de l’inflation nulle : plus les anticipations sont loin de 0, plus la crédibilité est faible. En absence d’une cible explicite, la crédibilité est donc moins définie et moins observable car, Svensson (2003) définit la mesure de la crédibilité d’une politique de ciblage d’inflation comme le degré de proximité entre les anticipations des agents privés et la cible d’inflation. Cechetti&Krause(2002), partant de la définition de la crédibilité de Cukierman&Meltzer (1986) construisent un indice de la crédibilité basé sur les anticipations des agents privés en donnant « 1 » quand le taux d’inflation anticipé annuel est plus petit ou égal à la cible. Une autre approche de mesure de la crédibilité est basée sur les anticipations d’inflation appliquée par Bomfim&Rudebusch (2000). Ils définissent d’abord deux types de cible d’inflation : cible ultime avec un taux d’inflation faible et cible intérimaire avec le taux d’inflation courant. Au début de chaque période, une banque centrale « délibérée » annonce une cible d’inflation ultime alors qu’une banque centrale « opportuniste » annonce à la fois une cible d’inflation ultime et intérimaire.

Les agents privés évoluent alors la fiabilité de ces cibles : d’une part ils jugent l’intention de la banque centrale et essayent de voir si la cible annoncée représente le vrai objectif de la banque centrale et d’autre part, ils essayent de comprendre si l’action de la banque centrale est crédible ou non, par regarder si la banque centrale a la capacité d’atteindre la cible annoncée.

Bomfim&Rudebusch (2000) mesurent alors la crédibilité en analysant si la cible annoncée est crue par les agents privés ou non. Ils construisent un indice de crédibilité pour la cible ultime calculée par la moyenne pondérée da la cible courante et du taux d’inflation des 4 périodes récentes, par un poids accordé la cible d’inflation : Si le poids de la cible atteint 1, la crédibilité est parfaite et les anticipations d’inflation à long terme des agents privés seront égales à la cible de log terme annoncée. Si le poids est nul, il n’y a pas de crédibilité et la

cible d’inflation n’est pas prise en compte dans la formation des anticipations. Enfin, si le poids a des valeurs entre 0 et 1, il est possible de parler de crédibilité partielle.

On peut constater qu’il est facile de définir la crédibilité mais il est difficile de la mesurer puisqu’il n’y a pas de moyens de mesure communs. Mais la plupart des auteurs mesurent la crédibilité d’une politique monétaire, plus particulièrement celle de la politique de ciblage d’inflation à partir des anticipations des agents privés ou bien encore, à partir de l’écart entre les anticipations des agents privés et la cible d’inflation annoncée. De même, la plupart des auteurs ont fait leurs analyses dans le cadre des modèles avec l’hypothèse des anticipations rationnelles, conformément à la théorie de la crédibilité. Il existe presque toujours une erreur d’anticipation non nulle puisque les taux d’inflation anticipés ne sont jamais égaux aux taux d’inflation effectifs. Pour considérer cette erreur d’anticipation en tant qu’un indicateur de crédibilité, la condition nécessaire est que les anticipations des agents privés soient rationnelles, ce qui implique que l’erreur d’anticipation soit un bruit blanc, ce qui veut dire que cette erreur doit être orthogonale avec toute l’information passée. Cela veut dire qu’elle ne doit pas être corrélée avec ses propres valeurs passées et qu’elle ne doit pas non plus être corrélée avec n’importe quelle autre variable passée.

Cependant dans des périodes de transition d’une politique à l’autre, la nouvelle politique nécessite un certain apprentissage et une certaine crédibilité et peut causer des changements dans le processus de la formation des anticipations. Taylor(1983) insiste sur le fait l’hypothèse des anticipations rationnelles peut être irréaliste pendant la période de transition juste après la mise en adoption d’une nouvelle politique et pour lui, cette hypothèse a un sens quand une politique est adopté depuis de longues années. C’est parce que les agents privés ajustent leur comportement selon la politique adoptée et les anticipations de politique et des autres variables ont tendance à être non biaisées. Cependant, dans la période juste après la mise en adoption d’une nouvelle politique, les agents cherchent à connaître ou comprendre la nouvelle politique et à décider de croire ou non si les faiseurs de politique sont sérieux dans la continuité de cette politique. Supposer simplement que les anticipations sont rationnelles et que les agents connaissent la règle de politique peut perturber le mécanisme de la nouvelle politique pendant cette période. Au lieu de cela, les agents peuvent baser leur anticipation partiellement sur l’étude de la politique passée dans une procédure bayésienne ou essayer d’anticiper la crédibilité de la nouvelle politique en évaluant les engagements passés des faiseurs de politique ou en évaluant si la nouvelle politique marche ou non. Comme les anticipations convergent graduellement pendant la période de transition, l’impact de la règle de politique sur l’économie peut être assez différent de ce qui est projeté par une analyste qui

a des anticipations rationnelles et comme il peut exister des rigidités dans l’économie empêchant les agents à changer leur comportement instantanément, dans les périodes de transition on peut ne pas chercher à satisfaire l’hypothèse des anticipations rationnelles.