• Aucun résultat trouvé

L’évolution dans les rapports relatifs au droit des pratiques restrictives de concurrence. Nombre de lois modifiant le droit des pratiques restrictives de concurrence ont

II. L’évolution du droit des pratiques restrictives de concurrence : vers un contrôle du contenu des contrats

27. L’évolution dans les rapports relatifs au droit des pratiques restrictives de concurrence. Nombre de lois modifiant le droit des pratiques restrictives de concurrence ont

été précédées de rapports émettant des propositions, le plus souvent dans le sens d’une

218 V. Pironon, op. cit., n°541 ; M.-A. Frison-Roche et M.-S. Payet, op. cit., n°418 ; V. aussi : J.-L. Fourgoux : « le droit de la distribution doit-il encore comporter des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence ? », in dossier : « Les droits de la concurrence : chance ou contrainte pour l’entreprise ? », CCC, 2006, n°12, 26, spéc. n°9.

219 M.-A. Frison-Roche, M.-S. Payet : op. cit., n°418.

220 L. Nicolas-Vullierme : droit de la concurrence, théorie et pratique, op. cit., n°366.

221 J.-B. Blaise : Droit des affaires : commerçants, concurrence, distribution, Paris : LGDJ-Lextenso, 8e éd., 2015, n°905, v. aussi, n°950.

222 J.- C. Fourgoux et J.- L. Fourgoux : « La réforme de l’ordonnance du 1er décembre 1986 sur la concurrence.- La loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 : addition ou soustraction ? », JCP, G, 1996, n°44, 601, n°26 ; D. Ferrier : « Loi du 17 mars 2014 « relative à la consommation »… et pour un encadrement renforcé des relations entre professionnels », D., 2014, p. 889, où l’auteur estime que « les réformes sont plus facilement praticables que les pratiques réformables », réitérant une critique déjà formulée en 2005 in « Les rapports successifs et leurs effets », précité.

223 M. Malaurie-Vignal, op. cit., n°237 et 238.

224 G. Decocq : « en guide de synthèse » in dossier « Les droits de la concurrence : chance ou contrainte pour l’entreprise ? », CCC, 2006, n°12, 30, n°1.

225 D. Fasquelle : « Quel avenir pour les pratiques restrictives de concurrence ? Le Titre IV au regard des exemples étrangers : une exception française ? », in Vingtième anniversaire de l’ordonnance du 1er décembre 1986 Evolutions et perspectives, Colloque, sous la dir. de G. Canivet et L. Idot, Paris : LexisNexis Litec, Coll.

Colloques et débats, 2007, p. 111 à 122, spéc. p. 112.

226 G. Canivet : « L’histoire sans fin des lois éphémères ou de la régulation des relations entre la production et la grande distribution », in Etudes sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux, Mélanges en l’honneur d’Yves Serra, Paris : Dalloz, 2006, p. 69-89.

suppression des règles, ou d’une réduction de leur nombre227. Plus précisément, après avoir proposé la suppression de l’ensemble des règles228, sans avoir été entendus par le législateur229, un tournant peut être observé avec le rapport dit « Canivet »230, qui, tout en s’inscrivant dans une certaine continuité avec les rapports précédents231, proposait de faire du Titre IV du Livre IV du Code de commerce un ensemble de règles relatifs à la « loyauté dans les pratiques commerciales » 232, et ce faisant, de le voir davantage comme un instrument de régulation du contenu des contrats conclus entre professionnels, et notamment entre fournisseurs et distributeurs233. Les rapports suivants insistent également sur le déséquilibre de ces contrats234,

227 Pour une étude d’ensemble de ces rapports et de leur influence sur le législateur, V. : M. Martin : Le droit

français de la transparence et des pratiques restrictives de concurrence, th., préf. L. Vogel, PUAM, 2012, n°10 à

30.

228 V. : Rapport du groupe d’experts pour l’élaboration d’un nouveau droit de la concurrence, présidé par J. Donnedieu de Vabres, 1986 qui préconisait de ne sanctionner pénalement que les refus de vente et les revente à perte, les autres pratiques n’étant plus sanctionnées per se, mais seulement en cas d’atteinte au marché ; Sur ce point, v. : J.- M. Mousseron et V. Sélinsky, op. cit., n°137 et 140 ; J.-J. Robert, Rapport d’information sur l’avenir de l’urbanisme commercial, Commission des affaires économiques, juin 1993 ; J.-P. Charié, « Un enjeu de société : vers une concurrence libre et loyale », rapport d’information n°836, 1993 ; v. aussi, du même auteur : « Pour une libre concurrence à dimension humaine : redéfinir les règles de loyauté », Rapport d’information n°2187, 1995 ; C. Villain : rapport sur les relations entre l’industrie et la grande distribution, janvier 1995, qui préconisait la suppression des pratiques restrictives de concurrence ; J.-Y. Le Déaut, rapport d’information n°2072 sur l’évolution de la distribution, enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 11 janvier 2000 (http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i2072-1.asp), J.-P. Charié, avant-propos dudit rapport, p.11, proposant des « améliorations », et une « réorganisation de certaines pratiques de négociation » dans l’objectif de « rééquilibrer les relations commerciales […] gravement perturbées par l’existence de faits abusifs déloyaux » (p. 118 et s.) ; P. Rey et J. Tirole : Régulation des relations entre fournisseurs et distributeurs, rapport, Conseil d’analyse économique, Paris : La documentation française, 2000, spéc. p. 15 où les auteurs estiment que les pratiques restrictives de concurrence sont une « réglementation tatillonne des contrats entre fournisseurs et détaillants » et que le droit des pratiques anticoncurrentielles serait mieux à même de répondre aux problématiques de la grande distribution, tandis que le droit commun pourrait répondre aux difficultés qui se posent dans les relations contractuelles (p. 39).

229 V. : l’ord. de 1986 qui a bien dépénaliser les pratiques visées dans le rapport, mais pour les sanctionner par un régime de responsabilité civile, per se, et non pas simplement pour les voir comme des exemples d’ententes ou d’abus de domination ; loi de 1996 ajoutant des pratiques prohibées au titre des pratiques restrictives de concurrence ; loi de 2005 ajoutant également des pratiques prohibées ; sur ces législations, v. supra, n°24-25.

230 G. Canivet : rapport du groupe d’experts constitué sur les rapports entre industrie et commerce, Paris : La Documentation Française, 2004.

231 En effet, le rapport se prononce lui aussi pour une suppression du droit des pratiques restrictives de concurrence, qui pourraient être appréhendées sur le fondement des pratiques anticoncurrentielles, et qui sont vues comme « entravant la liberté des opérateurs et porteuses de perturbations dans le jeu concurrentiel normal (spéc. p. 99) ; v. aussi, pour une proposition de modification de la législation en matière de prix, accusée d’être factrice d’inflation, M. Camdessus, le sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France, Paris : la documentation française, 2004, p.114.

232 Rapp. préc., spéc. p.97.

233 Cf. la définition de la coopération commerciale comme un contrat dont le contenu serait prévu par les règles relatives à la transparence, spéc. p. 94 du rapport ; la proposition de l’insertion de la concurrence déloyale dans le Code de commerce, pour permettre dans la loi la distinction entre la sanction d’un comportement déloyal sur le marché, et la sanction des pratiques déloyales entre contractants, spéc. p. 98 et Annexe 3.

234 J. Attali : rapport de la commission pour la libération de la croissance française, Paris : XO Editions, la documentation française, 2008, p.144 et s., où les auteurs insistent sur le gel de la situation du marché avec l’absence de nouvel entrant, ce qui a entrainé un « rapport de force favorable aux enseignes existantes dans les négociations avec leurs fournisseurs, contraints d’accepter des conditions tarifaires et de services inéquitables » (p. 147), et sur le fait que les grandes enseignes de distribution ne « devront pas abuser de leur pouvoir de négociation face aux fournisseurs indépendants » (p. 148).

lesquels ne sont pas suffisamment bien saisis par les règles du droit des contrats235, et l’un d’eux propose de voir les pratiques restrictives de concurrence à l’image du dispositif consumériste de lutte contre les clauses abusives236, soit comme un instrument de régulation du contenu des contrats conclus entre professionnels entrant dans le champ d’application de la matière.

28. Le droit des pratiques restrictives de concurrence, matière permettant un contrôle du contenu des conventions conclues entre professionnels. L’affirmation de l’objectif de contrôle du contenu des conventions conclues entre professionnels pour le droit des pratiques restrictives de concurrence lui permet assurément de dépasser un certain nombre de critiques doctrinales. En effet, la matière a pu être considérée comme une succession de règles « complexes »237, « pointilleuses »238, « inefficaces »239 ou « inutiles »240, « manquant de clarté »241, « hétéroclites »242 ou encore « hétérogènes »243. Pour autant, l’évolution de la

235 M.-D. Hagelsteen : La négociabilité des tarifs et des conditions générales de vente, Paris : La documentation française, 2008, spéc. p. 22.

236 Idem, p. 31.

237 J.-M. Mousseron, V. Selinsky : Le droit français nouveau de la concurrence, 2ème éd., Préf. J. Donnedieu de Vabres, Paris : Litec, Coll. Actualités de droit de l’entreprise, 1986, n°141 ; J. Mestre, M.-E. Pancrazi, I. Arnaud-Grossi, L. Merland et N. Tagliarino-Vignal : Droit commercial, droit interne et aspects de droit international, 29ème éd., Paris : LGDJ-Lextenso, Coll. Manuel, 2012, n°114 ; M. Chagny : « « Modernisation des relations commerciales » par la loi PME du 2 août 2005. D’une action opportune à un résultat déceptif sur le droit français de la concurrence », JCP, G, 2005, n°40, I, 173, n°19 et s. ; J.-L. Fourgoux : « La loi en faveur des PME et la modernisation des relations commerciales ou comment faire compliqué quand on peut faire simple », Gaz. Pal., 2005, n°263, p.2 ; Y. Picod, art. cit, in le nouveau droit des pratiques restrictives de concurrence, op. cit, p. VIII.

238 M. Malaurie-Vignal : Droit de la concurrence interne et européen, précité, n°238 ; M. Martin : op. cit., n°562 ; M. Chagny : « L’empiètement du droit de la concurrence sur le droit du contrat », précité.

239 D. Legeais, op. cit., loc. cit ; F. Dekeuwer-Défossez, E. Blary-Clément : Droit commercial : actes de

commerce, fonds de commerce, commerçants, concurrence, précité, n°827 ; D. Mainguy, M. Depincé, op. cit.,

n°142-5 ;

240 M. Malaurie-Vignal : Droit de la distribution, 3ème éd., Paris : Sirey, Coll. Université, 2015, n°845, où l’auteur considère que « certaines dispositions sont restées lettre morte », et parle de « gaspillage de temps et d’intelligence », une critique à relativiser puisqu’elle s’adresse à la prohibition des primes de référencement et des avantages sans engagement sur les volumes d’achat ; F. Dekeuwer-Défossez et E. Blary-Clément, op. cit., loc.

cit. ; D. Mainguy : « L’esprit et la lettre du nouvel article L.442-6 du Code de commerce », article précité, n°3 où

l’auteur estime que « la rigueur de ces textes est un échec cuisant », n°15 où il estime que « la responsabilité ne peut être une technique de régulation des rapports entre fournisseurs et distributeurs », et n°17 où il en conclut qu’il s’agit d’un droit jurisprudentiel ; M. Malaurie-Vignal : « L’article L.442-6 du Code de commerce, une disposition restée lettre morte ? », CCC, 2006, n°6, étude 10, n°2 où l’auteur explique que « l’article L.442-6 du Code de commerce ne sert à rien ! ».

241 F. Dekeuwer-Défossez, E. Blary-Clément, op. cit., loc. cit., où les auteurs estiment que les textes sont « touffus, peu lisibles et emprunts de casuistique » ; J.-B. Blaise : Droit des affaires : commerçants, concurrence,

distribution, Paris ; LGDJ-Lextenso, Coll. Manuel, 8e édition, 2015, n°950 ;

242 Y. Reinard, S. Thomasset-Pierre et C. Nourissat, op. cit., n°224 où les auteurs évoquent un rassemblement de « règles disparates » ; V. Pironon, Droit de la concurrence, Paris : Gualino Lextenso éditions, Coll. Fac universités, Master pro, 2009 ; J.-L. Fourgoux : « Le droit de la distribution doit-il encore comporter des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence ?, art. précité, n°9 ; G. Cerutti : « Quel avenir pour les pratiques restrictives de concurrence ? », in Vingtième anniversaire de l’ordonnance du 1er décembre 1986 Evolutions et perspectives, Colloque, sous la dir. de G. Canivet et L. Idot, Paris : Lexis-Nexis Litec, Coll.

Colloques et débats, 2007, p. 101 ; J.-L. Fourgoux : « Quel avenir pour les pratiques restrictives de concurrence ? », à l’occasion du même colloque, p. 138.

matière dans le sens d’une appréhension de pratiques situées à l’intérieur même de contrats ou à l’occasion de ceux-ci permet d’analyser les différentes dispositions comme une volonté législative de saisir, parfois très précisément, ces pratiques. Les textes se veulent ainsi très concrets, et nombre d’entre eux ont démontré leur utilité en pratique244.

29. Droit des pratiques restrictives de concurrence et autres dénominations proches. L’étude de l’évolution du droit des pratiques restrictives de concurrence, dans le sens d’un contrôle du contenu des contrats conclus entre professionnels invite à s’interroger sur sa dénomination. Plusieurs expressions peuvent être vues comme synonymes de celle de pratiques restrictives de concurrence, à condition toutefois de prendre un certain nombre de précautions. C’est ainsi qu’inspirés par le Code de commerce lui-même245, certains auteurs parlent, pour les désigner, de « pratiques abusives »246. D’autres, inspirés par l’action, en ce domaine, de l’Union européenne247 et le droit de la consommation248, évoquent les « pratiques commerciales déloyales »249. Ces dénominations sont de prime abord séduisantes, mais s’avèrent être de possibles sources de confusions avec le droit de la consommation. L’expression « pratiques abusives » paraît très proche de celle, consumériste, de « clauses abusives », certains auteurs estimant que l’équivalent de la disposition consumériste est

243 M.-A. Frison-Roche, M.-S. Payet : op. cit., n°423 ; J.-L. Fourgoux : Jcl Commercial, Fasc. 281 : Transparence

et pratiques restrictives de concurrence, 2013, n°8.

244 Pour se convaincre du caractère utile de la réglementation en matière de pratiques restrictives de concurrence, v. N. Ferrier, CEPC, DGCCRF et Faculté de Droit de Montpellier, bilan annuel des décisions judiciaires civiles et pénales, de 2005 à 2012 ; v. aussi : D. Ferré : « Regards sur l’efficacité du titre IV, livre IV du Code de commerce à l’occasion d’un bilan », in Dossier : Droit de la distribution 2007 : bilan(s) et perspective(s), Cah. dr. ent., 2007, n°3, dossier 13.

245 V. C. com. art. L.442-6 IV qui prévoit que « Le juge des référés peut ordonner, au besoin sous astreinte, la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire ».

246 V. not. : H. Kenfack, M. Pédamon : Droit commercial – commerçants et fonds de commerce, concurrence et

contrats de commerce, 3ème éd., Paris : Dalloz, Coll. Précis, 2011, n°657 ; M. Martin, op. cit., n°299 ; L. Nicolas-Vullierme : Pratiques restrictives de l’article L.442-6 du Code de commerce, Fasc. Précité, n°14 ; G. Canivet : « Du rapport du groupe d’experts sur les relations entre industrie et commerce à la loi n°2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises : un essai (partiellement ?) transformé », in Le nouveau droit des

pratiques restrictives de concurrence, précité, p. 16 ; dans le même op. : G. Cerutti : « Les objectifs et les effets

attendus de la loi du 2 août 2005 », p. 23 à 29, spéc. p. 25 ; C. Jamin : « Réseaux intégrés de distribution : de l’abus dans la détermination du prix au contrôle des pratiques abusives », JCP, G, 1996, n°38. I. 3959 ; J.-P. De la Laurencie, L. Givry et alii. : « Loi NRE : régulation de la concurrence », RLDA, 2001, supplément au n°40 ;

247 Cf. Infra, n°437 et s. ; n°509 et s. ; Cf. Supra, n°14.

248 V. : Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales des professionnels vis-à-vis des consommateurs, et art. L.120-1 C. conso.

249 C. Montfort : La loyauté des pratiques commerciales en droit communautaire du marché, thèse dactyl., Université Jean Moulin Lyon 3, 2004, p. 419 et s. ; L. Roberval : op. cit., n°324 et s. ; L. Zevounou : op. cit., n°47 ; M. Chagny : « Vers un droit européen des pratiques commerciales déloyales entre professionnels ; Quels modèles pour un droit européen des pratiques commerciales déloyales entre professionnels ? », in Droit européen

des pratiques commerciales déloyales, évolution et perspectives, Colloque sous la dir. de E. Terryn et D. Voinot,

Bruxelles : Larcier, Coll. Code économique européen, 2012, p. 145 à 156 ; G. Cerutti : « Quel avenir pour les pratiques restrictives de concurrence ? », in Vingtième anniversaire de l’ordonnance du 1er décembre 1986, évolutions et perspectives, précité.

apparue dans le Code de commerce250. L’expression « pratiques commerciales déloyales » est identique à l’expression consumériste, mais présente aussi l’avantage d’être celle qui a été retenue par l’Union européenne, qui mène une réflexion pour sanctionner certaines de ces pratiques entre professionnels. Cependant, et même si cela pourra être consacré dans un futur proche, les « pratiques commerciales déloyales » ne font pas, entre professionnels, partie du droit positif. Cette expression peut davantage être vue comme synonyme de celle de pratiques