4. Cadres d’analyse des déterminants de la sécurité alimentaire et de la malnutrition
4.1. Évolution des approches de la sécurité alimentaire
Au fil des ans, la sécurité alimentaire a été perçue selon différentes approches. Les paragraphes ci-dessous vont étayer ces diverses approches.
4.1.1. Approche de la disponibilité alimentaire ou approche malthusienne (les années 70 et 80)
Cette approche préconise de considérer la question de la sécurité alimentaire sous l’angle de l’équilibre entre la population et la nourriture disponible. Dans le cadre de cette approche, il faut que le taux de croissance de la disponibilité alimentaire demeure supérieur à celui de la croissance de la population (Burchi et De Muro, 2016). De ce fait, selon cette approche, la sécurité alimentaire dépend de la disponibilité alimentaire, qu’elle provienne de la production ou du commerce des produits alimentaires (FAO, 2001). Étant donnée la prédominance de cette mentalité à l’époque, c’est sans surprise que la définition de la sécurité alimentaire émise par la conférence mondiale de l’alimentation de 19747
insiste sur l’aspect de la disponibilité alimentaire (Burchi et De Muro, 2016).
4.1.2. Approche basée sur l’accès physique et économique ainsi que la stabilité de cet accès (les années 80-90)
En 1981, les travaux d’Amartya Sen ont permis d’élargir le concept de sécurité alimentaire en l’attachant aux droits des personnes et des ménages (expliqués en détail plus loin). Ainsi, il a été reconnu qu’un approvisionnement alimentaire à lui seul ne suffisait pas à garantir la sécurité alimentaire, encore fallait-il que les populations vulnérables et pauvres puissent avoir un accès autant physique qu’économique à ces denrées alimentaires disponibles. De ce fait, en 1983, le concept de sécurité alimentaire a été révisé et s’est trouvé associé à trois
7La sécurité alimentaire est la capacité, en tout temps d’approvisionner le monde en produits de base, pour
soutenir une croissance de la consommation alimentaire, tout en maîtrisant les fluctuations et les prix (FAO, 2012).
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objectifs majeurs, à savoir la disponibilité alimentaire suffisante, la stabilité des approvisionnements alimentaires et des marchés ainsi que la sécurité de l’accès aux denrées (FAO, 2012).
4.1.3. Approche basée sur les aspects alimentaires et nutritionnels (les années 90-2000) Lorsque, dans les années 80, les spécialistes se sont intéressés à la question de la disponibilité alimentaire et de l’accès à la nourriture, la faim et la malnutrition sont apparues sous un autre jour. En effet, après la publication en 1986, par la Banque mondiale, du livre Poverty and Hunger (la pauvreté et la faim), l’approche dans la lutte contre l’insécurité alimentaire a pris en considération la pauvreté et l’insuffisance des revenus des ménages comme causes de la famine chronique et de l’insécurité alimentaire. Il fallait donc adresser la totalité des facteurs à l’origine du maintien des ménages dans la pauvreté (FAO, 2012).
C’est dans ce sens que l’UNICEF a présenté en 1990 un cadre conceptuel des causes de la malnutrition. Ce cadre, représenté ci-dessous (Figure 9), établit une distinction entre les facteurs liés à l’alimentation et les autres facteurs comme la pratique des soins et la santé.
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Figure 9 : Les causes de la malnutrition
Source : Unicef, 1998
Comme le montre cette figure, les causes de la malnutrition se retrouvent dans plusieurs secteurs différents, notamment l’alimentation, la santé et les pratiques des soins. Ce diagramme a le mérite de présenter les causes de la malnutrition sous trois classes, notamment, les causes immédiates, les causes sous-jacentes et les causes fondamentales. Parmi les causes immédiates, au niveau individuel, on pourrait citer la maladie et l’alimentation inadéquate. Pour ce qui concerne les causes sous-jacentes, il s’agit d’un faible accès à la nourriture, des soins inadéquats aux enfants et à leurs mères, des services de santé, d’assainissement et d’approvisionnement non appropriés. Pour leur part, les causes fondamentales de la malnutrition infantile se rapportent à la quantité et la qualité des ressources existantes, des ressources potentielles ainsi que de leur contrôle (Unicef, 1998).
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Ce cadre conceptuel de l'UNICEF définit la nutrition et saisit la causalité multifactorielle de la malnutrition.
Ainsi, en 1996, lors du sommet mondial de l’alimentation, les participants ont adopté une définition de la sécurité alimentaire en y retenant les aspects liés à l’alimentation, à la santé et aux pratiques des soins formant la base d’une bonne nutrition (FAO, 2012). Cette définition a été formulée à partir des quatre dimensions de la sécurité alimentaire qui sont la disponibilité, l’accès, la stabilité et l’utilisation. En ce sens, la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active (FAO, 2012).
4.1.4. Approche sociale de la sécurité alimentaire et nutritionnelle (2000-2009)
Lors du Sommet mondial de l’alimentation de 2009, les participants ont convenu d’ajouter l’adjectif « social » à la définition de la sécurité alimentaire adoptée en 1996. Ainsi, il s’agit d’un accès physique, social et économique (FAO, 2012). Durant ce même sommet, les experts de la FAO ont tenu à souligner l’importance des aspects nutritionnels dans la sécurité alimentaire. De ce fait, ils ont ajouté la mention suivante : « Les quatre piliers de la sécurité alimentaire sont la disponibilité, l’accès, l’utilisation et la stabilité. La dimension nutritionnelle fait partie intégrante du concept de sécurité alimentaire et des travaux du Comité sur la Sécurité Alimentaire. » (FAO, 2012).
Au bout de ce long processus, depuis 2009, le terme « sécurité alimentaire et nutritionnelle » est utilisé par toutes les organisations internationales. C’est pour souligner que la sécurité alimentaire et nutritionnelle est influencée par trois grands facteurs, à savoir l’alimentation, la santé et les soins.
Ainsi, la sécurité alimentaire et nutritionnelle existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture en quantité suffisante et de qualité appropriée en termes de variété, de diversité, de teneur en nutriments et de sécurité sanitaire pour satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires et peuvent ainsi mener une vie saine et active, tout en bénéficiant
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d’un environnement sanitaire et de services de santé, d’éducation et de soins adéquats (FAO, 2012).
Cette évolution de la compréhension du concept de la sécurité alimentaire et nutritionnelle se base sur les travaux des divers experts. Ces travaux constituent les cadres d’analyse de la sécurité alimentaire et nutritionnelle. La partie suivante présentera les divers cadres d’analyse développés par les experts.