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Les systèmes de comptabilité de gestion qui étaient adaptés aux organisations opérant sur des marchés stables ne le sont plus sur des marchés où les opportunités commerciales ont une durée de vie de plus en plus courte. Les organisations traditionnellement centralisées ne sont plus capables de fournir les informations requises par les gestionnaires d'aujourd'hui.

Actuellement les indicateurs non financiers sont de plus en plus recherchés pour les besoins de l’information comptable de gestion. Il est évident également que des entreprises dont les ressources sont affectées, en priorité, dans le cycle de vie des produits notamment aux phases de conception, de développement et d'études de marchés, exprime une demande de stratégie d'ensemble des coûts et des prix qui reflète cette évolution.

En outre, les études de marché récentes démontrent que l'appréciation des caractéristiques des produits par les clients change constamment. Le besoin d’être informé en temps réel de la situation du marché devient aussi important que d’analyser les variations dues aux conditions d’exploitation internes. La connaissance des clients et de la concurrence est cruciale.

Le comité des comptabilités financières et de gestion (Financial and Management Accounting Committee, FMAC), créé par la Fédération internationale des comptables (International Federation of Accountants), distingue quatre étapes historiques dans l’extension des domaines de la comptabilité de gestion1

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1re étape. Avant 1950, la comptabilité avait pour objet la détermination des

coûts et le contrôle financier avec l'emploi des techniques budgétaires et de comptabilité analytique.

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FMAC 1998. L'FMAC a pour mission de publier les principes de la comptabilité de gestion (Management Accounting Concepts) (http://www.ifac.org)

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2e étape. Aux alentours de 1965, l'intérêt s'est déplacé vers la planification

et le contrôle de gestion utilisant les notions de centres de responsabilités et d'analyse des décisions.

3e étape. Vers 1985, l'attention s'est concentrée sur la réduction du

gaspillage des ressources utilisées dans le fonctionnement des entreprises.

4e étape. À partir de 1995, le nouveau centre d'intérêt a été la création de

valeur grâce à l'emploi efficace des ressources, à la prise en compte des critères de détermination de la valeur par le client et à l'innovation.

Ces étapes mettent en relief l'évolution de la comptabilité de gestion dans les organisations. Dans la première étape, la comptabilité était considérée comme une activité technique nécessaire à la réalisation des objectifs de l'organisation. À la deuxième étape, elle était une activité de gestion, plus fonctionnelle que hiérarchique. Aux étapes 3 et 4, la comptabilité de gestion était devenue une partie intégrante des processus de gestion.

Deux phases importantes ressortent de cette évolution historique ; la première est celle ou la comptabilité analytique était confinée aux seuls comptables et techniciens de la profession. Cette technique était peu sollicitée par les patrons d'entreprise et l'information produite était beaucoup plus à posteriori. Ces informations servaient à vérifier les résultats de décisions "stratégique" prisent selon d'autres paramètres faisant plus appel à l'expérience et à l'aptitude des décideurs à évaluer l'avenir qu'à des techniques quantitatives évoluées.

La deuxième phase est celle ou la comptabilité de gestion est devenue un outil indispensable aux managers non pas parce qu'ils ont perdu leur capacité à prévoir les comportements du marché, mais à cause de la complexité, la diversité, et l'évolution effrénée du monde des affaires. Cela nécessite des apports informationnels pointus que le système de comptabilité de gestion, entre autres, tente de combler avec plus au moins d'efficacité.

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Selon cette logique, la comptabilité de gestion devait suivre ce chemin de complexité et devrait plus que jamais être ''la propriété'' des comptables et techniciens confirmés. Néanmoins cette tendance est inversée et ce grâce à l'évolution de l'informatique qui à simplifier considérablement l'utilisation de cette technique.

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3. Les insuffisances des comptabilités analytiques classiques

La comptabilité analytique et le contrôle de gestion ont des critères d'évaluation et des objectifs pertinents et cohérents avec la logique d'organisation taylorienne de la production.

Les mutations qui touchent les techniques et l'organisation de la production bouleversent le système d'information sur lequel s'appuient les outils classiques de gestion qui deviennent mal adaptés. Il faut donc réfléchir aux évolutions nécessaires pour rendre au système d'information sa pertinence par rapport aux besoins de l'entreprise.

D’une part, si la logique de production évolue, les critères de gestion pour la contrôler doivent eux aussi évoluer : la standardisation des modes de fabrications, la diversification, l'adaptabilité des produits, la dimension qualitative rendent plus complexes les processus à gérer.

De l’autre part, maîtriser ses coûts et parvenir à les réduire de manière régulière est un enjeu essentiel pour les entreprises, en ces périodes de concurrence exacerbée sur des marchés mondialisés. Pour ce faire beaucoup de questions se posent et dont les réponses à caractère stratégique peuvent avoir des conséquences dramatiques pour l’entreprise :

Quels sont les leviers d'action les plus prometteurs ? Faut-il d'abord réduire la diversité ou, au contraire, compléter la gamme et différencier le service ? Élever les rendements des équipements critiques ou investir dans de nouvelles capacités ? Changer certaines technologies ? Externaliser certaines activités ? Réduire les dépenses des fonctions indirectes ? Réorganiser les flux physiques ?

On a alors besoin d'un outil d'analyse qui permette de quantifier et comparer les enjeux, mesurer les gains espérés et piloter les notions de progrès continu. Face à ces exigences, les comptabilités analytiques classiques présentent un certain nombre d'insuffisances.

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3.1. Insuffisances structurelles :

- Le renversement de la pyramide des coûts : Les coûts directs représentaient il y a trente ans 90 % des coûts totaux. Il était donc envisageable d'asseoir l'analyse de l'activité sur cette base et de répartir arbitrairement et peu précisément les 10 % des coûts indirects restants. À l'heure actuelle, les coûts indirects représentent 70 % des coûts totaux, l’allocation sur la base des coûts directs ressemble à une pyramide renversée (figure 1.3.1) : les coûts indirects (base élargie de la pyramide) sont repartis par extrapolation de la répartition des coûts directs (pointe de la pyramide), l’imprécision qui en résulte est très grande. Il est difficile alors d'avoir une image correcte des coûts réels de l'entreprise et donc risquer de prendre des décisions sur ce système d'information biaisé.

Figure 1.3.1 – La pyramide renversée des coûts1

L’augmentation de la part des charges indirectes résulte notamment de l'automatisation des processus de production et de l'expansion considérable des

activités ; « tertiaires » : conception, recherche et développement, commercialisation et publicité, organisation, gestion de la qualité... Ces activités, dénommées également activités de soutien sont devenues indispensables, voir stratégiques, en particulier pour répondre aux exigences de diversification des produits et de segmentation plus fine de la

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Source : LORINO. P, “ Le contrôle de gestion stratégique ”, Édition Dunod, Paris 1996, p124 et DEMEESTERE. R, LORINO. P, MOTTIS. N “ Contrôle de gestion et pilotage de l’entreprise ”, 2e édition, Éditions Dunod, Paris 2004, p260

Coûts directs (30%) Coûts indirects (70%) Coûts directs (90%) Coûts indirects (10%)

Allocation des coûts

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clientèle. Mais,par ailleurs, leurs coûts sont difficilement maîtrisables. Ces technologies peuvent être fortement réduites sans que la rentabilité à court terme en soit affectée et même au contraire. Mais, inversement, leur diminution drastique hypothéquerait l'avenir de l'entreprise, voir sa survie. D'où l'intérêt, en ce qui concerne ces activités et plus généralement pour l'ensemble de ces charges indirectes, d'identifier :

 Les facteurs de causalité qui génèrent leur consommation de ressources ;

 Leur rôle en termes de création de valeur pour les biens et services de l'organisation : leur production, (leur output), leurs partenaires (clients et fournisseurs), internes ou externes...

- Les coûts de main-d'œuvre : La comptabilité analytique porte son attention à 75 % sur la main-d'œuvre directe, qui ne représente en fait que 10 % des coûts totaux, alors que la matière en constitue 55 % et la structure 35 %.

- Les coûts de production : La comptabilité analytique ne s'intéresse qu'à la phase de production. Or à l'heure actuelle 70 à 90 % des coûts sont des coûts de conception (en amont de la production) et des coûts de maintenance et de services liés au produit (en aval de la production). P ro d u c ti o n 3 0 % Coûts directs 30% MOD 10% Aval Services 30% Coûts indirects 70% Am ont Con cep tion 40% Sous-traitance 35% Ch am p d ’a p pl ic a tio n de la c o m pta bil ité an alyt ique Matières 55%

Figure 1.3.2 – La répartition des coûts et la place de la comptabilité analytique1

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- Les coûts externes : Si la stratégie dominante des années 60-70 était l'intégration verticale pour mieux maîtriser les coûts, celle des années 90 serait davantage l'impartition, c'est-à-dire «faire faire» par d'autres entreprises avec un coût moindre. Le système d'information devra élaborer des indicateurs pour mesurer l'efficacité et l'efficience des alliances et des coopérations, tant avec des sous-traitants, des fournisseurs, des concurrents nationaux ou internationaux. Cette stratégie d'externalisation des coûts doit être réintroduite dans le calcul du coût de revient.

3.2. Insuffisances des approches :

Les approches « classiques » donnent de bons résultats si les coûts sont en majeure partie directs et/ou variables avec le volume. Ces conditions étaient à peu près remplies au début du siècle. La main d'œuvre directe représentait alors une part prépondérante des coûts industriels et le raisonnement en taux horaires (ou en coûts fixes/variables) conduisait à des approximations tout à fait acceptables.

Dans les conditions actuelles, ces conditions ne sont plus satisfaites. La structure globale des coûts, dans l'industrie mais aussi dans les services (distribution, banque, transport, bureau d’étude…), a fortement sous le triple effet de l’automatisation des opérations manufacturées, de l’informatisation des opérations administratives et de la différenciation des produits et des marchés. La pertinence donc des analyses des coûts et de marges est rarement réalisée avec les méthodes traditionnelles de comptabilité analytique, coût complet ou coût partiel (direct costing)

3.2.1.

La méthode des coûts complets : La méthode des coûts complets passe généralement par une allocation des coûts indirects aux produits au prorata des coûts directs. Ce type de méthode suppose que les coûts indirects varient effectivement comme les coûts directs (selon le volume de production ou de vente). Or les coûts indirects (coûts administratifs, soutiens méthodologiques, coûts de gestion, projets de changement, qualité et non-qualité...) répondent le plus souvent à des logiques de variation totalement indépendantes au volume d'activité, et aux coûts directs, mais plutôt avec la complexité (des produits, des process, de l'organisation, du

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marché), la diversité (nombre d’article, nombre de produits finis), la fréquence du changement (lancements de nouveaux produits, modifications de process ou d'organisation, lancements de projets…), la segmentation logistique (nombre de lots, les séries).

Figure 1.3.3 – Comptabilité en coûts complets1

3.2.2.

La méthode du direct costing : Les adversaires du coût complet constatent

donc à juste titre que cette méthode crée l'illusion d'une liaison coûts/produits via le volume d'activité qui n'existe pas pour une part significative des coûts indirects. Cela peut conduire à construire des coûts de revient fortement biaises. Pour parer à cette difficulté, les tenants du direct

costing suggèrent de n'analyser la profitabilité des produits que sur la base

des coûts variables, dont le lien avec le volume du produit est incontestable (les coûts variables étant, par définition, ceux qui varient avec le volume de l'activité). Les coûts fixes doivent alors être couverts par la marge

contributive (marge sur coûts variables). Cette position n'est pourtant pas

non plus satisfaisante, car :

- elle fait l'impasse, parmi les coûts « fixes », sur tous ceux qui sont bel et bien liés aux produits, non via le volume, mais via leur complexité, leur diversité (les options), la fréquence de leurs modifications, la taille de leurs commandes ; les produits complexes ou problématiques sont ainsi traités comme les produits simples et de série. En d'autres termes, les

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Source : LORINO. P, “ Méthodes et pratiques de la performance ”, Editions d'Organisation, Paris 2003, p224

Coûts directs

Coûts indirects Revenus

PROFIT

Coûts complet

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coûts dits « fixes » sont rarement fixes, mais varient avec d'autres facteurs que le volume.

- cette impasse sur les coûts « fixes » n'est pas très grave tant que la majeure partie des coûts varie avec un même paramètre, généralement le volume d'activité, car les coûts « fixes » représentent alors une part faible du total, mais, comme pour les coûts indirects, cela est de moins en moins le cas. Les facteurs de variation des coûts sont multiples. Les coûts liés au développement et au maintien d'une structure organisationnelle, technologique, sociale, informatique, commerciale tendent à peser d'un poids relatif croissant.

Figure 1.3.4 – Comptabilité en directe costing1

La part des coûts directs (respectivement des coûts variables) est devenue le plus souvent inferieure à celle des coûts indirects (respectivement des coûts fixes). Or, coûts indirects et fixes sont de plus en plus des coûts induits par la complexité ou par l’instabilité. En conséquence, les méthodes traditionnelles d’allocation tendent à sous-estimer les coûts de la complexité et de l’instabilité et pénaliser les produits standards, simples et de grandes séries. Les subventions croisées qui en résultent peuvent être substantielles et inspirer de mauvais choix stratégiques.

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Source : LORINO. P, “ Méthodes et pratiques de la performance ”, Editions d'Organisation, Paris 2003, p225

Coûts variables

Revenus

Marge contributive (marge sur coût

variable) Coûts Fixes

Volume d’activité ; H. travail direct Qté. matière...

Volume des ventes

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3.3. Les subventions croisées :

Le terme de « subventionnement croisé » désigne la situation dans laquelle une part insuffisante du total des charges est imputée à certains produits dont le coût est ainsi sous-estimé. La conséquence est que ces charges sont imputées à d'autres produits dont le coût est ainsi surestimé. Les produits surestimés « subventionnent » les produits sous-estimés. Un exemple classique est celui où une charge est répartie uniformément entre plusieurs utilisateurs sans tenir compte de la consommation effective des ressources par chacun.

Exemple : Prenons le cas d’un diner au restaurent de quatre personnes. Chacun fait une commande distincte comprenant une entrée, un plat principal et une boisson. La note (en dinars) du restaurent est détaillée comme suit :

Entrée Plat principal Boisson Total

Mohamed 160,00 550,00 40,00 750,00 Omar 0,00 440,00 20,00 460,00 Ali 180,00 300,00 20,00 500,00 Yasser 130,00 400,00 40,00 570,00 Total 470,00 1 690,00 120,00 2 280,00 Moyenne 117,50 422,50 30,00 570,00

La répartition uniforme des frais, sur la base de la moyenne de 570,00 DA par repas, fait payer le même prix à tous les convives : Omar et Ali sont surtaxés, Mohamed paie trop peu, seule Yasser paie une somme équitable.

L'exemple du restaurant est simple et intuitif. Le montant du subventionnement croisé est immédiatement calculable, car tous les postes de dépenses peuvent être directement affectés à chaque convive. Des difficultés apparaissent quand il y a des charges indirectes à répartir entre plusieurs convives comme, par exemple, le coût d'un "Méchoui" consommée à plusieurs.

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Ces pratiques peuvent être substantielles de 10 à 100% et inspirer de mauvais choix stratégiques. Cela peut aussi conduire à abandonner des produits en croyant supprimer les coûts correspondants et perdre ainsi les revenus de ces produits en conservant la majeure partie des coûts qui ne partent pas avec les produits.