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Évolution du comportement thermique de la conductivité électrique sous irradiation

IV. Caractérisation et corrélation des évolutions de la structure physico-chimique et du

IV.2.2. Évolution du comportement thermique de la conductivité électrique sous irradiation

On avait montré dans le chapitre III, grâce à la RPI et la SDD, que la conductivité DC du matériau filtré obéissait à une loi d‘Arrhenius. Cette dépendance avait été attribuée à un mécanisme de hopping entre plus proches voisins. Dans le matériau nominal, seule la RPI avait permis de mettre en évidence un comportement de type Arrhenius, du fait de la polarisation de MWS aux interfaces matrice/particules qui avait entraîné une disparition des plateaux DC sur en SDD.

IV.2.2.i. Spectroscopie diélectrique dynamique

Des mesures d‘impédance complexe ont été effectuées en SDD sur des échantillons de maté-riau nominal et filtré irradiés. Les évolutions des fonctions diélectriques , et sont présentées dans la suite.

IV.2.2.i.a Matériau filtré

En Figure IV.12 sont reportés – pour le matériau filtré vierge, irradié à et à – trois spectres isothermes ( , et ) de obtenus en SDD.

Figure IV.12 – Spectres isothermes de obtenus en SDD pour le matériau filtré vierge, irradié à et à .

Si les spectres des échantillons irradiés sont plus bruités que ceux de l‘échantillon vierge, le comportement universel de Jonscher est retrouvé. Des plateaux DC aux basses fréquences sont tou-jours observés mais sont décalés vers les faibles conductivités : diminue avec la dose ioni-sante. Au-delà de , l‘échantillon vierge présentait un phénomène de polarisation (basses fré-quences) aux électrodes. Il n‘est pas observé sur les échantillons irradiés : les spectres de de ces échantillons ne présentent pas d‘augmentation aux basses fréquences.

Le décalage vers les faibles conductivités des plateaux DC de se traduit sur les pertes diélectriques à basse fréquence ( ) par un décalage vers les hautes températures du front de conductivité, visible en Figure IV.13. Le niveau de bruit élevé dans la gamme de températures est dû aux limites de sensibilité de l‘appareil de mesure.

Figure IV.13 – Thermogrammes isofréquences ( ) des parties réelle ( ) et imaginaire ( ) mesurées en SDD sur le matériau filtré vierge et irradié à différents niveaux de dose.

La partie réelle de la permittivité diélectrique a une allure indépendante de la dose ioni-sante54. Ainsi, à l‘exception de la polarisation aux électrodes sur l‘échantillon vierge (entre et ), aucun processus impliquant un stockage d‘énergie ne se manifeste au-delà de . En d‘autres termes, seul le hopping contribue aux pertes diélectriques dans les échantillons filtrés vierges comme irradiés.

IV.2.2.i.b Matériau nominal

En Figure IV.14 sont reportés – pour le matériau nominal vierge, irradié à et à – trois spectres isothermes ( , et ) de obtenus en SDD.

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Les thermogrammes des échantillons irradiés ont été décalés verticalement et manuellement afin de les faire coïncider aux basses températures avec celui du matériau vierge. Les différences d‘intensité du saut de permit-tivité à sont attribuées aux incertitudes sur la mesure de l‘épaisseur de l‘échantillon.

Figure IV.14 – Spectres isothermes de obtenus en SDD pour le matériau nominal vierge, irradié à et à .

Aucune évolution significative n‘est observable, tant sur les niveaux de conductivité à que dans la zone linéaire aux hautes fréquences. Comme dans le cas de l‘échantillon nomi-nal vierge, aucun transport DC pur (sans stockage d‘énergie) n‘est observé dans les gammes de tem-pératures et de fréquences étudiées.

Les thermogrammes de la permittivité diélectrique relative et des pertes diélectriques

(mesurées à ) du matériau nominal vierge et irradié à différents niveaux de dose sont repré-sentés en Figure IV.15. Aux plus hautes températures, augmente avec la dose ionisante. Cette augmentation se manifeste également sur , trahissant la nature partiellement dipolaire du processus observé, i.e. impliquant un stockage d‘énergie.

Sur l‘échantillon nominal vierge, cette augmentation aux hautes températures et basses fré-quences a été attribuée à un processus de polarisation de MWS aux interfaces entre la matrice poly-siloxane et les particules de renfort (voir partie III.3.2.ii, p : 95). Le pic de pertes qui apparaît aux alentours de à n‘est pas impacté par la dose ionisante.

Un algorithme numérique développé par Steeman et Van Turnhout [224] et implémenté par E. Dantras a été utilisé pour calculer les transformations de Kramers-Kronig (K-K) des mesures dié-lectriques de l‘échantillon nominal le plus irradié ( ). En recalculant à partir de , la contribution de la conductivité DC pure peut être artificiellement éliminée. Ces transformations sont représentées sous forme de thermogrammes isofréquences en Figure IV.16, accompagnées de celles des mesures sur l‘échantillon filtré vierge.

Figure IV.15 – Thermogrammes isofréquences ( ) des parties réelle ( ) et imaginaire ( ) mesurées en SDD sur le matériau nominal vierge et irradié à différents niveaux de dose.

Figure IV.16 – Thermogrammes isofréquences (de à ) des pertes diélectriques (transformations de Kramers-Kronig) de l’échantillon nominal vierge (A) et irradié à (B). Les

Le mode au voisinage de d – attribué à une polarisation de MWS dans le chapitre III – est retrouvé sur les thermogrammes des pertes diélectriques du matériau nominal irradié. À plus haute température, et à basse fréquence, un front de pertes émerge de manière plus marquée sur l‘échantillon irradié. Les relations de K-K ont transformé mathématiquement l‘augmentation de à haute température et basse fréquence, visible en Figure IV.15, en ce front de pertes. Théoriquement, toute variation de s‘accompagnant d‘une variation de est associée à un processus de nature dipolaire, i.e. des charges liées. L‘augmentation plus marquée de ce processus conservatif dans l‘échantillon irradié peut être expliquée par des considérations sur l‘évolution de la conductivité DC de la matrice. Les thermogrammes des pertes diélectriques à du matériau filtré sont repré-sentées en traits pointillés sur la Figure IV.16. Ce sont les fronts de conductivité DC de la matrice. Le décalage vers les hautes températures de ce front suite à l‘irradiation met en exergue la contribu-tion de l‘orientacontribu-tion des macrodipôles à l‘origine de la polarisacontribu-tion de MWS. La diminucontribu-tion de la conductivité de la matrice limite la dissociation des macrodipôles qui, en retour, ont un impact plus important sur . En d‘autres termes, la diminution de la conductivité sous l‘effet du vieillissement favorise la polarisation de MWS ainsi que son observation.

La SDD ne permet pas d‘isoler l‘intégralité du mode MWS très étendu, ce dernier étant in-trinsèquement lié avec la conductivité. En permettant aux électrons de se déplacer dans la matrice et d‘atteindre les interfaces avec les particules, la conductivité est à l‘origine de la formation des ma-crodipôles, tandis qu‘elle entraîne leur dissociation lorsqu‘elle est suffisamment élevée. La polarisa-tion de MWS, en contrepartie, entraîne une dispersion fréquentielle de la conductivité du matériau (aucun plateau DC n‘est visible sur les spectres de , ce même à haute température et à basse fré-quence) : c‘est la Low Frequency Dispersion de Jonscher [225].

IV.2.2.i.c Formalisme du module électrique

La Figure IV.17 présente les résultats discutés jusqu‘ici dans le formalisme du module élec-trique . La conductivité DC des échantillons filtrés apparaît sous la forme d‘un pic à basse fré-quence sur la partie imaginaire de . Comme sur les spectres de à basse fréquence (voir Figure III.20), les valeurs absolues des pentes de part et d‘autres du maximum de ce pic55 sont proches de , ce qui est caractéristique d‘un transport DC. Sur l‘échantillon irradié, du fait de la diminution de la conductivité, ce pic est décalé vers les basses fréquences et son maximum n‘est plus visible.

Sur les spectres du matériau nominal vierge, les pentes de ce pic sont de l‘ordre de à , traduisant la dispersion du transport aux interfaces matrice/particules : son maximum n‘apparaît d‘ailleurs pas sur les spectres. En revanche, sur les spectres à haute température de l‘échantillon irradié, on peut deviner le maximum du pic : il est décalé vers les hautes fréquences par rapport à celui de l‘échantillon vierge. Par ailleurs, quelle que soit la température de mesure, les bases du pic de sont parallèles, annonçant la proximité du maximum ; ce n‘est pas le cas avec l‘échantillon vierge.

55 Dyre [233] met en garde sur l‘interprétation des pentes des pics dans le formalisme du module électrique, car elles sont proportionnelles à (c‘est également le cas pour l‘intensité du maximum). Néanmoins, Kremer [97, p. 81] considère qu‘étant donné la gamme effective restreinte de (entre 2 et 20 typiquement), cette influence peut être négligée et que les pentes des pics de sont principalement associées aux mécanismes de relaxation. Dans le cas du matériau étudié ici, les variations de sont effectivement négligeables devant les phénomènes de relaxation.

Figure IV.17 – Partie imaginaire du module électrique complexe à partir des mesures en SDD sur les échantillons vierges (bas) et irradiés à (haut).

Le formalisme du module électrique a la particularité de faire apparaître les phénomènes d‘origine dipolaire à plus haute fréquence que les formalismes et [206, p. 263]. La contribution plus importante de la polarisation de MWS (au sens dipolaire), du fait de la diminution de la conduc-tivité DC de la matrice, pourrait alors expliquer le décalage vers les hautes fréquences du pic de

de l‘échantillon nominal irradié.