• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Recension des écrits 6!

2.4 Équilibre 16!

2.4.7 Évaluations biomécaniques de l’équilibre 24!

Dans cette section seront présentés les principaux modèles biomécaniques d’évaluation de l’équilibre utilisés pour quantifier l’équilibre dynamique debout et lors de la marche. Ces modèles prennent en compte les différentes variables définies dans la section précédente (CM, CP, BS), excepté le modèle de stabilité dynamique locale et orbitale.

Certains auteurs se sont intéressés au CP global et sous chaque pied, principalement à son déplacement, sa vitesse et sa régularité (mesure de dispersion), en analysant les paramètres dans les directions antéropostérieure et médiolatérale (Chisholm et al., 2011; Genthon et al., 2008; Peurala et al., 2007; Roerdink et al., 2009). L’équilibre en position debout a aussi été évalué en mettant en relation le CM et le CP. La distance entre le CP et la projection verticale au sol du CM ainsi que la variabilité de cette distance ont été utilisées pour quantifier l’équilibre debout (Corriveau et al., 2004; Masani et al., 2007; Yu et al., 2008).

Il est à noter qu’à ce jour aucune relation entre l’équilibre en position debout et l’équilibre à la marche ou la performance de marche n’a été démontrée (Kang et al., 2006; Karimi et al., 2011; Shimada et al., 2003). Les auteurs attribuent ce résultat à des mécanismes de contrôle de l’équilibre fondamentalement différents entre ces deux tâches.

Lors de la marche, des mesures simples utilisant le CM et le CP sont considérées comme indicatrices de l’équilibre dynamique durant cette tâche. Par exemple, l’excursion maximale du CM en médiolatéral (Chou et al., 2003; Kuo et al., 2010; O'Connor et al., 2009) ou l’angle d’inclinaison formé par le vecteur représentant le CM et le CP (Lee et al., 2006) ont été utilisés. Ces mesures simples ne considèrent cependant pas certains paramètres importants de l’équilibre, tels que ceux inclus dans les modèles plus complexes présentés ci-dessous. Déplacements et accélérations linéaires du tronc et des autres segments

Les déplacements et les accélérations du tronc peuvent être mesurés par des accéléromètres sur le tronc ou par une analyse tridimensionnelle du mouvement (De Bujanda et al., 2004; Helbostad et al., 2003; Kavanagh et al., 2004; MacKinnon et al., 1993; Mazza et al., 2008; Zijlstra et al., 2003). Des accélérations plus élevées sont associées à des changements d’état plus grands (changements de vitesse et/ou de direction) qui pourraient être

reliés à des situations dans lesquelles l’équilibre est plus difficile à contrôler (Kavanagh et al., 2004; Mazza et al., 2008; Zijlstra et al., 2003). Par exemple, les résultats de l’étude de Mazza et al. (2008) démontrent que le contrôle de l’accélération de la tête est essentiel lors de l’implantation d’une stratégie locomotrice (changement de vitesse de marche) et que sa perte serait une des causes d’instabilité de la marche chez les femmes âgées.

Région possible de stabilité

Pai et al. (1997) ont démontré que la vélocité du CM doit être prise en compte pour évaluer l’équilibre de tâches dynamiques dans lesquelles le CM se trouve rarement à l’intérieur de la BS sans que l’équilibre soit pour autant compromis, comme lors de la marche. En effet, même si le CM est à l’extérieur de la BS, l’équilibre est possible si sa vélocité est suffisante et dirigée vers la BS. L’inverse peut aussi s’observer : le maintien de l’équilibre peut être impossible si la vélocité du CM est élevée et dirigée vers l’extérieur alors que le CM se situe dans la BS. Dans ces situations, le vecteur vélocité du CM doit être suffisamment grand pour rediriger le CM vers la BS (Kagawa et al., 2011). Ce modèle permet de prédire l’état d’équilibre lors d’une perturbation en fonction de l’état du CM (position et vitesse) par rapport à la région possible de stabilité. Cette région, définie dans les plans antéropostérieur et médiolatéral, englobe toutes les combinaisons possibles de position et de vélocité du CM pour lesquelles une perte d’équilibre est évitable (Hof et al., 2005; Pai et al., 1997; Yang et al., 2009). Plus précisément, un état initial du CM situé au-delà de la limite inférieure de la région de stabilité est plus instable et aura plus de chances de mener à une perte d’équilibre vers l’arrière. L’utilité de la région de stabilité est aussi de prédire, à partir de l’état du CM au décollement des orteils, à quel endroit, latéralement ou médialement par rapport au pied en appui, un pas doit être fait pour éviter une perte d’équilibre (Yang et al., 2009).

Centre de masse extrapolé et marge de stabilité

Hof et al. (2005) ont proposé un concept qui tient compte de la position et de la vélocité du CM, le «!centre de masse extrapolé!» (XCM). Ce modèle est utilisé pour évaluer l’équilibre lors de la marche naturelle et les conditions de marche avec des perturbations plus ou moins importantes. La distance entre le XCM et la limite de la BS est appelée «!marge de stabilité!» ; il existe deux types de marges de stabilité : la marge de stabilité spatiale représente

la distance entre le XCM et la limite de la BS (Bruijn et al., 2013) et indique l’impulsion minimale nécessaire pour amener le sujet en-dehors de son équilibre (Hof et al., 2005); et la marge de stabilité temporelle représente le temps nécessaire pour que le CM atteigne la limite de la BS (Bruijn et al., 2013; Hof et al., 2005). Ce modèle permet de déterminer le temps nécessaire aux individus pour retrouver leur stabilité après une perturbation (Hof et al., 2005), c.-à-d. la rapidité avec laquelle le placement du pied relativement au XCM retourne à la normale (Bruijn et al., 2013). Quand l’équilibre est menacé, les personnes priorisent une augmentation de la marge de stabilité vers l’arrière, limitant les chances d’une perte d’équilibre vers l’arrière (Bierbaum et al., 2010; Hak et al., 2012). Les stratégies possibles pour augmenter la marge de stabilité antéropostérieure et médiolatérale durant la marche sont la modification des paramètres spatiotemporels, par exemple l’augmentation de la largeur de pas pour une plus grande marge de stabilité médiolatérale (Espy et al., 2010; Hof et al., 2005; Hof, 2008; Hof et al., 2007).

Modèle de stabilité dynamique locale et orbitale

Le modèle de stabilité dynamique locale et orbitale permet de quantifier la sensibilité naturelle du système locomoteur humain à des perturbations infinitésimales internes et externes, survenant lors de la marche et sa capacité à revenir à une trajectoire stable (Kao et al., 2014). En d’autres mots, les exposants de Lyapunov, ou de divergence locale, mesurant la stabilité locale, quantifient tout au long du cycle comment le système neuromusculaire répond à de petites perturbations locales intrinsèques (Dingwell et al., 2006). La stabilité locale est mesurée à court terme (au cours du cycle de marche) (Bruijn et al., 2013; Dingwell et al., 2006). Quant à la stabilité orbitale, elle est mesurée localement dans l’espace par le multiplieur maximal de Floquet à un instant du cycle et est comparée entre les cycles (Kang et al., 2008; Kao et al., 2014). La mesure de la stabilité orbitale analyse un système dynamique non linéaire strictement périodique qui prend en compte la dynamique de tout le cycle de la tâche (Riva et al., 2013) et quantifie la fréquence de convergence/divergence des variables de marche continues (par exemple, des mouvements segmentaires et des angles articulaires) (Bruijn et al., 2013). Ces mesures sont calculées à partir d’un patron de marche stable («!steady-state!») sans perturbation externe et reflètent donc la capacité à répondre à de petites perturbations naturelles et à revenir à une trajectoire normale avec une vitesse appropriée après ces

perturbations pour lesquelles un changement de comportement n’est pas requis (Bruijn et al., 2013). La stabilité locale à court terme est une mesure valide pour estimer la probabilité de chutes, contrairement à la stabilité locale à long terme (4e-10e cycle) et la stabilité orbitale (Bruijn et al., 2013). Toutefois, le calcul de ces mesures est complexe et nécessite de moyenner un nombre élevé de cycles (Bruijn et al., 2013).

Un aspect intéressant de ces mesures de stabilité locale et orbitale est qu’elles se font habituellement avec des marqueurs ou des accéléromètres placés au niveau du tronc ou du segment dont on veut mesurer la stabilité (Dingwell et al., 2006; Kang et al., 2008; Kao et al., 2014). Ce type d’instruments est aussi utilisé pour quantifier les déplacements et accélérations du tronc, illustrant dans une certaine mesure l’équilibre d’un individu, puisque le maintien de l’équilibre du haut du corps est un aspect critique de la locomotion (Grabiner et al., 2008; MacKinnon et al., 1993). Cependant, ces paramètres ne sont pas analysés par rapport à la BS. Modèle d’équilibre dynamique : forces stabilisante et déstabilisante

Le modèle d’équilibre dynamique (Duclos et al., 2009) est celui retenu dans le cadre de cette thèse. Il sera décrit plus en détail dans le chapitre 4 Méthodologie.

Le principe qui sous-tend le modèle d’équilibre dynamique, développé par Duclos et al. (2009) se base sur les deux éléments importants à contrôler pour maintenir l’équilibre : la position et la vélocité du CM (Pai et al., 1997). Le modèle quantifie la difficulté à contrôler ces deux paramètres et mesure l’équilibre en termes de forces (Newton) plutôt qu’en distance (mètre) ou temps (seconde) requis pour déplacer le CM jusqu’à la limite de la BS. Il permet de quantifier la difficulté à maintenir l’équilibre dynamique lors de n’importe quelle tâche dynamique dont la marche, au moyen de deux concepts : la force stabilisante et la force déstabilisante. La première est une force théorique nécessaire pour arrêter les déplacements du corps à chaque instant de la tâche. Elle représente l’aspect dynamique de l’équilibre, à savoir le contrôle des déplacements du corps. Les deux composantes de la force stabilisante sont l’énergie cinétique (1/2 mv2) incluant la vélocité du CM et la distance entre le CP et la BS. La force déstabilisante est une force théorique nécessaire pour déstabiliser le corps par rapport à sa BS. Elle évalue plutôt la composante posturale de l’équilibre, à savoir la posture du corps par rapport à la BS. Elle est définie par la force de réaction verticale, la hauteur du CM,

représentant toutes deux la position du CM, et la distance entre le CP et la BS. Cette dernière composante est commune aux deux forces et représente la distance disponible pour générer une réaction posturale puisque le CP traduit l’activité du système sensorimoteur pour réaliser la tâche et maintenir l’équilibre.

En plus de mesurer les deux composantes de l’équilibre, posturale et dynamique, considérées comme fondamentales pour l’équilibre (Horak, 2006; Massion et al., 2004), le modèle d’équilibre dynamique inclut deux variables importantes dans l’équilibre, le CP et le CM, alors que dans les modèles présentés précédemment seul le CM est pris en compte (Hof, 2008; Pai et al., 1997). Il tient également compte de la modification continue de la BS dans une tâche dynamique, telle que la marche dans laquelle les pieds sont constamment en mouvement. C’est un modèle instantané et non prédictif puisqu’il quantifie l’équilibre à chaque instant de la tâche. Toutefois, bien qu’il mette en évidence ce qu’il faut contrôler et qu’il quantifie ce qui est disponible pour ce contrôle (distance entre le CP et la BS), il ne prend pas en compte les capacités à déplacer le CP, car les forces mesurées sont des forces absolues, théoriques en fonction des caractéristiques des mouvements réalisés et non les efforts que déploie le sujet pour se stabiliser.

La sensibilité de ce modèle est supportée par des résultats montrant l’augmentation du niveau de difficulté de maintien de l’équilibre lors de la marche avec perturbations (Ilmane et al., 2015). Il a ainsi la capacité de mesurer les réponses à de grandes perturbations, provoquées par des changements de vitesse (accélérations et décélérations) d’une des courroies du tapis roulant proportionnels à la vitesse de marche durant la phase d’oscillation. Dans une étude évaluant le niveau d’équilibre des jeux sur une planche d’équilibre, les forces stabilisante et déstabilisante ont également différencié les exigences posturales et dynamiques d’équilibre entre les différents jeux de stabilité en position debout et la marche au sol (Duclos et al., 2012). Les modifications de la difficulté à maintenir l’équilibre mesurées chez des personnes en santé ou hémiparétiques au cours d’une perturbation proprioceptive lors de la marche (Mullie et al., 2014) ou chez des personnes avec une lésion médullaire lors de la marche au sol (Lemay et al., 2014) ou dans une pente (Desrosiers et al., 2014) supportent aussi la sensibilité au changement de ce modèle. Il a l’avantage de pouvoir identifier les phases les plus instables d’une tâche dynamique. Les analyses ont montré qu’à la marche au sol ou sur tapis roulant, la

phase d’appui unipodal est la période la plus instable puisque c’est à cette période que se situent les valeurs sommets de chacune des forces (Duclos et al., 2009; Duclos et al., 2012). Comme les études le montrent, le modèle d’équilibre dynamique indique le niveau de difficulté d’une situation dans laquelle le sujet n’est pas instable. Toutefois, il n’a pas encore été testé pour sa capacité à déterminer le risque de chutes de patients présentant des déficits d’équilibre.

Variabilité des paramètres de marche

Pour évaluer la stabilité dynamique lors de la marche, certains auteurs ont utilisé une méthode basée sur la variabilité des paramètres de marche cinématiques et spatiotemporels. Plusieurs indices caractérisent la variabilité de ces paramètres, par exemple, l’écart médian absolu (Chau et al., 2005), l’écart-type ou le coefficient de variation (Beauchet et al., 2009). Toutefois, les études révèlent qu’une marche stable peut être caractérisée par une augmentation ou une diminution de la variabilité du cycle de marche chez les personnes âgées (Beauchet et al., 2009). De façon similaire, Brach et al. (2005) ont montré qu’une trop grande ou une trop petite variabilité de la largeur de pas était associée à un risque de chutes élevé. Une augmentation de la variabilité de la marche serait indicative d’une diminution de stabilité et donc d’une probabilité augmentée de chutes, mais elle pourrait aussi refléter les multiples degrés de liberté du système qui contrôle l’équilibre (Bruijn et al., 2013). Une diminution de la variabilité pourrait illustrer une incapacité à ajuster les mouvements des membres inférieurs lors de la marche et à s’adapter à l’environnement, ce qui pourrait engendrer un déséquilibre voire une chute. Par contre, bien qu’elle soit une mesure indirecte de la stabilité de la marche, les mesures de variabilité du cycle de marche auraient l’avantage, tout comme le modèle de stabilité locale, de prédire avec succès la probabilité de chutes, ce que n’ont pas réussi à démontrer les autres modèles ou approches (Bruijn et al., 2013).