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1. LE SENTIMENT D'EFFICACITÉ PERSONNELLE

1.4 Les états émotionnels et physiologiques

Les états émotionnels et physiologiques se définissent comme étant le niveau d’activation émotionnelle ressenti par l’individu. Une personne ne s’attendra pas à bien réussir une tâche si elle ressent une tension émotionnelle forte et à tonalité négative telle que de l’anxiété ou une peur intense. Ces sentiments peuvent ainsi constituer une entrave à la réussite d’une tâche. Lorsque les états émotionnels et physiologiques sont négatifs, l’individu a tendance à éviter la tâche alors que des états émotionnels et physiologiques positifs l’encouragent à approcher la tâche et à persister dans les difficultés (Bandura, 2007).

Les états émotionnels et physiologiques sont reconnus comme ayant une incidence sur la performance (Bandura, 2007). Certaines auteures et certains auteurs ont également relié les états émotionnels et physiologiques au SEP. À ce sujet, Thompson et Graham (2015) soutiennent que les interventions axées sur l’accompagnement des individus dans la régulation des émotions peuvent réduire les réponses émotionnelles négatives souvent associées à l’apprentissage de nouveaux comportements ou en lien avec l’accomplissement d’une tâche pour laquelle les croyances d’efficacité personnelle sont faibles. D’ailleurs, ces auteures affirment que l’intégration de stratégies de gestion de l’anxiété est une pratique courante dans diverses formes d’intervention. Elles ajoutent que l’apprentissage de l’autorégulation peut être combiné à la persuasion verbale de la personne conseillère d’orientation sous la forme de rétroaction à l’égard des états émotionnels et physiologiques par la validation des émotions de l’individu.

56 La figure 1 représente l’interaction entre les différentes sources d’information, le SEP et le comportement de l’individu. Ainsi, on retrouve les sources d’information qui nourrissent le SEP d’une part et d’autre part, les comportements qui en découlent.

Figure 1 : Le modèle du SEP de Bandura

Source : Bandura, A. (1977). Self-efficacy: Toward a unifying theory of behavioral change. Psychological Review, 84(2), 191-215.

Après avoir évalué et intégré les différentes formes d’information à partir des expériences passées, le SEP d’un individu affecte ses comportements d’approche ou d’évitement, de performance et de persistance par le choix des activités qu’il va faire et par le niveau d’effort et de persévérance qu’il sera prêt à investir :

Si les personnes n’expérimentent que des succès faciles, elles finissent par escompter des résultats rapides et sont facilement découragées par l’échec. Un sentiment résilient d’efficacité nécessite de vaincre des obstacles grâce à des efforts persévérants. Certains revers et difficultés dans les entreprises humaines sont bénéfiques, car ils enseignent que le succès requiert habituellement un effort soutenu. (Bandura, 2003, p.125) Expériences actives de maitrise Expériences vicariantes Persuasion verbale États émotionnels et physiologiques CHOIX Approche ou évitement PERFORMANCE PERSISTANCE SEP SOURCES D’INFORMATION COMPORTEMENTS

Ainsi, à partir des quatre sources d’information, l’individu construit son SEP qui influence ses croyances d’efficacité à l’égard d’une tâche. Lorsque les expériences actives de maitrise, les expériences vicariantes, la persuasion verbale et les états émotionnels et physiologiques sont intégrés positivement dans un niveau élevé de SEP, l’individu aura tendance à démontrer un comportement d’approche et de performance envers les tâches à effectuer tout en persistant face aux difficultés. Lorsque les quatre sources d’information ne créent pas les conditions nécessaires à un SEP fort, l’individu adopte un comportement d’évitement envers la tâche et ne réussit pas à se voir performer et persister face aux difficultés. C’est le cas lorsque l’individu vit plusieurs expériences actives de non maitrise (tâches non réussies), des expériences vicariantes non concluantes (modèles négatifs) et des états émotionnels et physiologiques négatifs en lien avec la même tâche.

La théorie sociale cognitive, par ce modèle proposé, constitue une base pertinente pour son application en counseling de carrière (Betz, 2007; Betz, Borgen et Harmon, 2004; Chang et Edwards, 2015; Gainor, 2006; Maddux et Volkmann, 2010; Thompson et Graham, 2015). Bandura (1986) affirme d’ailleurs que les croyances d’efficacité personnelle en counseling sont une considération importante puisqu’elles influencent l’engagement vers l’exploration d’un domaine d’activité ou l’évitement de ce même domaine. En ce sens, un individu qui obtiendrait du succès face à une tâche précise serait plus enclin à aimer cette tâche, à s’y engager et à persister lors des défis encourus. Au contraire, lorsque l’individu vit un échec dans l’accomplissement d’une tâche dans un domaine donné, il se désengage. En ce sens, une personne ayant vécu plusieurs échecs peut craindre de retourner sur le marché du travail et d’expérimenter un nouvel échec (Michaud et al. 2012).

Selon Bandura (2003), les croyances d’efficacité personnelle auraient une influence marquée sur la ligne de conduite d’un individu, sur son niveau d’énergie et d’effort déployé lors de l’accomplissement d’une tâche, sur sa persévérance devant

58 les difficultés et sur son niveau de stress et de dépression relié aux facteurs extérieurs. Le SEP serait ainsi rattaché aux attentes de résultats de l’individu et aux buts personnels qu’il se fixe par rapport à une tâche à réaliser. Le SEP fait référence aux croyances d’un individu dans sa capacité de réaliser une tâche (suis-je capable de faire ceci?) alors que les attentes de résultats sont rattachées aux conséquences et aux résultats de la réalisation d’un type d’action précis (si je tente de faire ceci, qu’est-ce qui va arriver?). Les buts que se fixe un individu se définissent par l’intention de ce dernier de s’engager dans une tâche et de trouver les moyens d’exercer son agentivité humaine dans son projet à accomplir.

Il est important de noter que les croyances d’efficacité personnelle sont sensibles aux facteurs environnementaux et sont susceptibles de se modifier au cours du temps par l’entremise des quatre sources d’information relatives aux expériences d’apprentissage (Bandura, 2007). En ce sens, l’auteur stipule que le passage à l’âge adulte est de plus en plus ardu d’un point de vue professionnel pour les individus à cause des récessions économiques, des déplacements d’emploi et des innovations technologiques. Or, dans ce contexte, le développement de carrière nécessite un SEP bien ancré afin de faire face à ces nombreuses difficultés en matière d’adaptabilité à la carrière.

En ce sens, les travaux de Bandura ont servi d’assises à l’élaboration d’une théorie sociale cognitive plus large qui englobe l’aspect de la carrière. Il s’agit de la théorie sociale cognitive de l’orientation scolaire et professionnelle (TSCOSP) de Lent et al. (1994). Ce modèle intégré de l’orientation scolaire et professionnelle explique comment les individus développent des intérêts professionnels, font des choix vocationnels et atteignent différents niveaux de stabilité et de satisfaction au travail. La TSCOSP est basée sur la théorie sociale cognitive de Bandura (1977) et met l’emphase sur l’interaction entre trois variables qui régissent l’autorégulation du

développement professionnel des individus, soit les croyances relatives au SEP, les attentes de résultats et les buts personnels.

Tout comme Bandura (1986), Lent et al. (1994) conçoivent que l’être humain possède la capacité de diriger son développement vocationnel (agentivité humaine), mais que l’influence de certaines variables personnelles (caractéristiques personnelles et prédispositions) et environnementales (barrières socioculturelles, handicap, etc.) peuvent contribuer à solidifier ou affaiblir son SEP dans son processus de développement de carrière. Selon la TSCOSP, les intérêts d’un individu pour une sphère d’activité quelconque se développent à partir d’expériences vécues au cours de la vie en relation avec les quatre sources d’information relatives à la construction du SEP et en lien avec les normes d’attentes de résultats. Qui plus est, l’individu qui réussit bien dans un domaine d’activité particulier aura plus de chances de développer un intérêt marqué pour ce domaine alors que des échecs répétés provoqueraient une aversion pour ce type d’activité. Le modèle identifié à la figure 2 explique comment les sources d’information et les attentes de résultat influencent le SEP et les intérêts de l’individu qui, à leur tour, ont un effet sur les buts et sur le niveau d’engagement de l’individu par rapport à une activité.

Il est possible d’établir un lien entre l’identification et la validation des ressources personnelles (traits de personnalité, qualités personnelles, intérêts, valeurs) et environnementales (ressources matérielles, financières, soutien social, etc.) du modèle de BC de Michaud et al. (2007a) et les variables personnelles et environnementales de la TSCOSP (Lent et al. (1994). Cependant l’aspect de la mobilisation des ressources, qui est central dans le modèle du BC qui sera présentée ci-après, est présenté comme des caractéristiques d’une personne à un moment donné dans la TSCOSP. Cette présentation en termes de variables tient donc peu compte de l’interaction dynamique et de la mobilisation de ces ressources.

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Figure 2 : Le modèle du développement des intérêts professionnels fondamentaux au cours du temps

Source : Lent, R.W., Brown, S.D. et Hackett, G. (1994). Toward a unifying social cognitive theory of career and academic interest, choice and performance. Journal of Vocational Behavior, 45, 79-122.

Il n’y a toutefois pas que les intérêts qui guident le choix professionnel des individus (Lent, 2005). Plusieurs facteurs peuvent influencer le parcours professionnel tels que la socialisation, les facteurs socioéconomiques ou tous autres facteurs liés à des obstacles environnementaux ou à des opportunités limitées tel que démontré dans la figure 3. Les facteurs personnels et environnementaux ainsi que les facteurs liés à l’expérience peuvent devenir aussi importants que les intérêts dans le choix de carrière d’un individu.

En ce sens, un individu peut faire un choix en se basant sur les types de travail qui lui sont accessibles et qui rencontrent ses compétences en lien avec son SEP (je suis capable de faire cela) et avec ses attentes de résultats (le salaire me satisfait) (Lent et al., 1994). Or, les facteurs personnels ainsi que les facteurs environnementaux et les facteurs liés à l’expérience peuvent devenir aussi importants que les intérêts dans le choix de carrière d’un individu.

Sources d’auto efficacité et attentes de résultats Sentiments d’efficacité attendus Attentes de résultats Intérêts Intentions\buts Engagement dans l’action Sélection et mise en œuvre de l’activité Résultats de l’activité (but atteint, développement des capacités)

Selon les modèles décrits à la figure 2 et la figure 3, les expériences vécues par un individu à partir des quatre sources d’information relatives au développement

Figure 3 : Le modèle des facteurs personnels, contextuels et liés à l'expérience, qui affectent le comportement du choix professionnel

Source : Lent, R.W., Brown, S.D. et Hackett, G. (1994). Toward a unifying social cognitive theory of career and academic interest, choice and performance. Journal of Vocational Behavior, 45, 79-122.

du SEP et l’interaction entre la personne (ses caractéristiques personnelles), ses comportements et son environnement seraient à l’origine de l’agentivité humaine menant au choix professionnel, aux buts que l’individu se fixe et au niveau d’engagement de l’individu face à ces buts en vue de l’atteinte d’un résultat.

Il devient ainsi intéressant de décrire et de comprendre l’évolution du SEP de personnes en emploi dans un processus de counseling de carrière ayant pour objectif un BC.

62 Maintenant que le SEP a été défini et exploré, il importe de s’attarder au processus de counseling de carrière ayant pour objectif un BC qui constitue le cœur même de cette recherche.

2. LE PROCESSUS DE COUNSELING DE CARRIÈRE AYANT POUR

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