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Les situations de crise et d’urgence sont caractérisées par leur complexité et l’hété- rogénéité de l’information à laquelle le décideur a accès [Mendonça et al., 2007]. Pour mettre en place des mesures adéquates de gestion de crise, les décideurs doivent être en capacité de disposer et de comprendre cette information tout en sachant qu’une partie d’entre elles peut être manquante, incertaine ou encore erronée [Van de Walle et Turoff, 2008]. Ces situations amènent une grande part d’incertitude dans les choix des décideurs. Dans le cadre plus spécifique des crises routières, l’organisation de la réponse à la situation de crise peut faire intervenir plusieurs cellules de crise en fonction de l’échelle du territoire impacté par la crise. La crise peut en effet s’étendre sur plusieurs zones de la France comme en mars 2013 où la crise avait touché à la fois des départements de la Zone Ouest et des départements de la Zone Nord. Dans cette situation, le décideur d’une zone doit également prendre en considération les décisions prises sur une autre zone pouvant ainsi impacter sa propre décision.

Le décideur se trouve ainsi face à une situation complexe dans laquelle il doit :

• Définir la décision à prendre en choisissant parmi différentes alternatives ; • Prendre en compte un certain nombre d’aléas dans l’élaboration de sa décision ; • Être sensible aux potentiels impacts que peut avoir une prise de décision réalisée

par d’autres décideurs.

Il peut également avoir à sa disposition un ou plusieurs outils lui permettant de l’aider dans sa prise de décision. [Marquès, 2010] propose une démarche d’aide à la décision pour le management des relations industrielles en proposant de coupler le processus de prise de décision (modèle IMC) à celui de management des risques. Pour cela, la démarche se fait en trois étapes :

1. La définition de la situation de décision ; 2. L’évaluation des situations identifiées ; 3. L’évaluation de la situation de décision.

Ce mécanisme permet alors au décideur de disposer d’une vue d’ensemble des alter- natives de choix qui lui sont proposées dans un arbre de décision.

Un arbre de décision est une représentation graphique (au sens de la théorie des graphes) d’une procédure de classification. Il s’agit d’un mode de représentation permet- tant au décideur de disposer de l’ensemble des situations pouvant survenir. Dans [Bouys- sou et al., 2006], l’arbre de décision sert à représenter des situations de « décision dyna- mique dans l’incertain ». Il s’agit de présenter au décideur une représentation du monde à un instant t, cette représentation étant amenée à évoluer. Ces évolutions peuvent être d’une part exogènes, hors de portée du décideur, on parle alors d’aléa ou, d’autre part, elles peuvent être endogènes et générées par le décideur lui-même. Ces évènements sont respectivement représentés graphiquement par des cercles (pour les aléas) et des rectangles (pour les décisions).

La lecture d’un arbre de décision se fait en partant du nœud racine et en parcourant les branches de l’arbre jusqu’aux feuilles (noeud final). Chaque branche (chemin allant du noeud racine au noeud feuille) constitue un scénario. Il est possible de définir un scénario comme un ensemble d’évènements endogènes (décisions) ou exogènes (aléas) représentant l’évolution possible d’un système au cours du temps. Ainsi l’arbre de dé- cision comprend un ensemble de scénarios possibles d’évolution d’un système. Chaque scénario est ensuite évalué. Cette évaluation reflète l’aspiration ou l’aversion du décideur à se retrouver dans cette situation. Elle peut également comporter une notion de coût en quantifiant notamment l’utilisation des ressources. Il est possible de représenter l’en- semble des évaluations sous forme matricielle, en fonction des états possibles du système et des actions possibles.

Pour illustrer notre propos, prenons l’exemple d’un étudiant habitant Toulouse et étudiant à Albi. Pour se rendre dans son école, il prend le train tous les jours. Une fois à la gare d’Albi, il lui faut encore parcourir 5 kilomètres pour arriver dans son école. Il dispose de deux modes de transport pour s’y rendre : le vélo ou le bus. Le soir, il doit prendre impérativement le même mode de transport qu’il a pris le matin. Chaque matin il doit prendre la décision du mode de transport qu’il va prendre en ayant une connaissance incertaine de la météo du soir (aléa). Pour lui, le vélo est le moyen de

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transport le plus rapide et le moins cher, mais le moins confortable en cas de pluie. Le bus est plus onéreux et plus lent, mais présente l’avantage de ne pas arriver mouillé à la gare. Le tableau IV.2 représente cette situation sous forme matricielle et la figure IV.4 sous forme d’arbre de décision.

Décision Vélo Bus

Aléa Pluie -4 +2

Pas de pluie +6 -2

Table IV.2 – Exemple de matrice d’imputation

Décision   Aléa   Aléa   vélo   bus   pluie   pluie   pluie   pluie   pluie   pluie  

-­‐4  

+6  

+2  

-­‐2  

Figure IV.4 – Exemple d’arbre de décision

Une fois que l’arbre de décision a été construit, il est possible de réaliser une analyse numérique et d’ordonner les actions à prendre en fonction de critères établis par le déci- deur. Ces critères reflètent le comportement du décideur (optimisme, prise de risque...). À titre d’exemple on peut citer les critères de Laplace, Wald, Hurwitz, MinMax Regret dont une synthèse a été faite dans les travaux de [Marquès, 2010].

S’il est un outil d’aide à la décision relativement confortable pour le décideur, l’arbre de décision reste toutefois assez lourd et fastidieux à concevoir. En effet, le nombre potentiellement important d’aléas ou de décisions impactant le système complexifie ma-

thématiquement l’arbre de décision par explosion combinatoire. En outre, la pertinence de l’arbre de décision réside dans sa capacité à proposer une description exhaustive des états possibles du monde. Ceci implique que le concepteur de l’arbre soit en mesure d’avoir une vision claire des évènements susceptibles d’arriver dans le futur. Enfin, l’arbre de décision présente une flexibilité limitée puisque chaque changement d’un noeud de l’arbre implique une reconfiguration complète des branches en aval de ce noeud.

[Marquès, 2010] propose d’enrichir le modèle classique des arbres de décision en y adjoignant les composantes suivantes :

• La prise de décision se fait dans un contexte multi décideurs, c’est-à-dire que le concepteur de l’arbre de décision tient compte de potentielles décisions associées à des décideurs différents.

• Chaque décision peut être évaluée au travers d’indicateurs de performance diffé- rents. Ainsi, à chaque scénario est associé un ensemble de valeurs d’indicateurs de performance.

• Chaque décideur possède un comportement différent face aux aléas se présentant devant lui. Ainsi, si chaque aléa est modélisé de la même manière (même proba- bilité) pour chacun des décideurs, la perception de ceux-ci peut être différente en fonction du décideur considéré.

De ce fait l’arbre de décision proposé par [Marquès, 2010] représente la vision qu’un décideur a sur les comportements induits par les décisions des autres décideurs.

Chaque branche de l’arbre de décision ainsi construit correspond à un scénario dans le sens où elle est une représentation possible de l’évolution que peut prendre le système dans son état futur. Dès lors se pose la question de la manière dont ces scénarios sont construits. [Bradfield et al., 2005] propose un état de l’art sur les différentes méthodes, parfois conflictuelles, d’élaboration de scénarios. Ainsi, il est possible de retenir les trois grandes approches suivantes [Van Notten et al., 2003] :

• L’approche analytique, fruit de l’école « française » [Godet et al., 2000] selon laquelle les scénarios sont bâtis à partir d’une combinaison et d’une variation de paramètres d’entrée d’un modèle de simulation établi. Cette approche assez rigide est utilisée pour la résolution de problèmes très formalisés.

• L’approche intuitive selon laquelle les scénarios sont établis de manière quali- tative, et sont le fruit de discussions collectives entre différents experts du do- maine [Anastasi et al., 1999]. Cette approche repose sur la créativité des acteurs participant à la longue élaboration du scénario et n’est pas appropriée dans des situations d’urgence.

• L’approche formelle, apparaît comme un compromis entre les deux précédentes, et permet la création de scénarios par la variation de paramètres clés du système dont les liens de cause à effet sur les autres variables du système sont connus [Rot- mans et al., 2000]. L’identification de variables clés couplée au diagramme de cause à effet reprend l’approche analytique (et donc présente l’avantage d’être in- formatisable) tout en conservant un degré de liberté important issu de l’approche intuitive.

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incertitude c’est à dire à la fois sous risque (il connait la probabilité d’occurrence des aléas) et dans l’ignorance (les probabilités d’occurrence des aléas ou les aléas eux-mêmes ne sont pas connus). Pour faire face à cette problématique, [Comes et al., 2011] proposent une procédure de construction de scénario par une approche formelle à partir des étapes suivantes :

• Identification des critères d’évaluation des scénarios : il s’agit de mener une ré- flexion avec les experts métiers sur les indicateurs de performance pertinents à mettre en place pour évaluer chaque scénario. Ces indicateurs sont construits sur la base des objectifs de réponse à la situation de crise.

• Construction d’un diagramme de causes : il s’agit d’identifier les variables du système (décisions, aléas) afin de mettre en relief leurs dépendances les unes par rapport aux autres. Ce sont des variables hétérogènes c’est-à-dire que les décisions peuvent être prises par différents décideurs et les aléas proviennent de sources différentes.

• Construction des scénarios : à partir du diagramme précédent, il est possible de construire plusieurs scénarios compte tenu des valeurs que peuvent prendre les différentes variables. Ces valeurs peuvent être binaires (vrai ou faux) si ce sont des décisions ou prendre des valeurs de probabilité si ce sont des aléas.

• L’évaluation des différents scénarios : chaque scénario est ensuite évalué en se basant sur les critères d’évaluation définis lors de la première étape.

L’évaluation de scénario pour la construction d’arbres de décision apparaît donc comme une solution envisageable pour réaliser un pilotage proactif et anticipatif de la réponse à une situation de crise. Toutefois, la construction de scénarios repose sur une analyse des impacts des variables les unes par rapport aux autres. Notre système étant composé d’un réseau routier, il nous apparaît donc indispensable de réaliser une présentation de la modélisation du trafic routier.