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5. RECOMMANDATIONS : ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES DEUX ÉTUDES DE CAS

5.1. Établir un modèle participatif : un déterminant important

L’examen des études d’impact Eastmain-1-A-Rupert et la Romaine démontre que la mise sur pied d’un modèle participatif constitue une composante importante dans la planification d’une démarche de collecte et d’utilisation du STA dans une étude d’impact. Ce modèle participatif devrait par ailleurs se décliner à deux niveaux : une collaboration du promoteur avec les communautés autochtones pour mener à bien l’ensemble de la procédure d’évaluation environnementale du projet, ainsi qu’une participation des communautés autochtones à la démarche spécifique de collecte et d’utilisation du STA dans l’étude d’impact.

5.1.1. Impliquer les communautés autochtones dans le processus de l’étude d’impact

Le premier niveau du modèle participatif à mettre en œuvre est lié à la participation des communautés autochtones au processus relatif à la réalisation de l’étude d’impact. Cette composante dépasse le cadre de cet essai, mais elle mérite d’être soulignée dans la mesure où la mise en place d’un modèle participatif favorise une compréhension commune du projet et de ses enjeux par le promoteur et les communautés autochtones concernées, et par là même, une relation basée sur un partenariat. En effet, comme mentionné au chapitre 2, les relations entretenues entre les communautés autochtones et le promoteur constituent d’importants préalables à la réalisation d’une démarche de collecte et d’utilisation du STA.

Derrière ce modèle partenarial se profile un enjeu politique, relatif aux droits des communautés autochtones sur leur territoire. En effet, le contexte politique relié à la reconnaissance du droit des autochtones constitue une composante importante à la mise en place d’un modèle participatif dans le cadre d’une étude d’impact. Certaines ententes prises avec le gouvernement permettent en effet de baliser les projets de développement et d’assurer aux communautés autochtones la reconnaissance entre autres, de leur mode de vie traditionnel. Cet enjeu, bien que n’étant pas uniquement du ressort du promoteur, peut largement influencer l’accueil que les communautés autochtones peuvent réserver à un projet de développement. Un tel projet peut en effet raviver

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certaines questions politiques. À ce sujet, le projet Eastmain-1-A-Rupert a montré qu’un encadrement politique des projets de développement constituait un préalable à leur réalisation en territoire cri. En effet, la Paix des Braves, entente conclue entre les Cris et le gouvernement du Québec, a instauré une condition dorénavant préalable aux projets : l’obligation pour les promoteurs de définir des modèles à l’intérieur desquels les Cris seraient des parties prenantes des projets de développement, ainsi que la prise en compte de leur mode de vie traditionnel dans la réalisation de tels projets (ministère du Conseil exécutif. Secrétariat aux affaires autochtones, 2002). Le projet la Romaine, quant à lui, a démontré l’influence patente de la question politique liée aux revendications territoriales dans la réalisation de l’étude d’impact. En effet, la reconnaissance des droits des Innus sur le territoire a constitué sans aucun doute la pierre d’achoppement à la mise en place d’une approche collaborative entre le promoteur et les communautés autochtones relativement tôt dans le processus d’évaluation et d’examen des impacts.

Les ententes établies entre le promoteur et les communautés autochtones qui encadrent les modalités de réalisation de l’étude d’impact permettent de répondre à certains enjeux développés au chapitre 1. Ces ententes facilitent en effet une collaboration effective du promoteur avec les communautés autochtones, permettant notamment d’accroître le pouvoir de négociation de ces communautés relatif au projet de développement. La collaboration étroite des communautés autochtones à une étude d’impact est illustrée par le projet Eastmain-1-A-Rupert. Dans ce projet, le modèle participatif impliquant les communautés cries a été encadré par la Convention Boumhounan et le Comité Boumhounan, qui était alors l’organe assurant la participation de ces communautés au projet. La mise en place de ce cadre collaboratif établi par le promoteur et les communautés autochtones a permis un rapprochement culturel entre autochtones et allochtones. En effet, selon deux participants aux entrevues, ce rapprochement culturel a fait en sorte qu’aujourd’hui, il y a ‹‹ plus de respect ›› entre les Cris et Hydro-Québec (entrevues). Cette nouvelle forme d’association a permis aux communautés cries de se sentir valorisées, écoutées et ‹‹ elle équilibre les rapports [entre le promoteur et les communautés autochtones concernées] ›› (entrevue).

De plus, les ressources constituent un des points d’orgue de la réussite d’un modèle participatif. Comme l’a démontré le projet Eastmain-1-A-Rupert, la mise en place d’un cadre collaboratif

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nécessite le déploiement de ressources, notamment pour mener l’ensemble des activités de communication, pour la formation des membres cris du Comité Boumhounan, pour l’intégration des Cris aux équipes de travail ou encore pour l’organisation des ateliers de travail et de discussion par exemple.

En somme, l’étude du STA et son utilisation dans une étude d’impact devraient s’insérer dans un modèle de participation dans lequel les communautés autochtones seraient perçues comme des interlocuteurs officiels et des partenaires tout au long du processus d’évaluation et d’examen des impacts d’un projet.

5.1.2. Impliquer les communautés autochtones dans la démarche de collecte et d’utilisation du STA

Le deuxième niveau du modèle participatif est relié à l’implication proactive des communautés autochtones dans la démarche de collecte et d’utilisation de leur savoir traditionnel pour la réalisation de l’étude d’impact.

L’implication effective des communautés autochtones leur permet d’exercer un contrôle adéquat lors de la recherche sur leur savoir traditionnel, de s’assurer que le traitement des informations issues de ce savoir respecte les points de vue autochtones et que les exigences des communautés autochtones concernées relatives à la démarche de collecte et d’utilisation du STA soient prises en considération. Cette collaboration constitue en outre un gage de transparence lors de la réalisation de l’étude sur le STA. Dans le projet la Romaine, l’étude sur les plantes médicinales incarne un modèle dans lequel la communauté d’Ekuanitshit élabore le projet sur leur savoir traditionnel en collaboration avec le promoteur, et ce, de l’étape de la planification à celle de la réalisation du rapport.

La réalisation de projets relatifs à l’étude du STA faisant une large place à la participation autochtone n’est pas toujours aisée dans les entreprises. D’ailleurs, l’étude sur les plantes médicinales, réalisée dans le cadre du projet la Romaine, était avant-gardiste chez Hydro-Québec. Les modalités de réalisation de cette étude ont nécessité de l’intérêt et de la souplesse de la part du promoteur. En effet, cet exemple renvoie à un enjeu, développé au chapitre 1, lié aux éventuelles incompatibilités entre la culture autochtone et la gestion d’entreprise. À ce sujet, deux participants aux entrevues soulignent qu’il est important que la direction des entreprises, les

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chargés de projets et les spécialistes qui vont sur le terrain (ex. : biologistes, spécialistes du milieu humain par exemple) comprennent que ‹‹ les projets sur le STA demandent de l’intérêt et de l’adaptation ›› (entrevues).

Ainsi, la démarche de collecte et d’utilisation du STA devrait impliquer très largement les communautés autochtones et une telle collaboration demande de l’adaptation de la part du promoteur.

 Recommandations :

 s’enquérir du contexte politique vécu par les communautés autochtones;

 définir un modèle participatif avec les communautés autochtones qui permet à celles-ci d’être impliquées de manière proactive dans la démarche de collecte et d’utilisation de leur savoir traditionnel;

 reconnaître les particularités et les exigences des études reliées au STA par le promoteur et les équipes chargées de la réalisation de l’étude d’impact.