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L’épreuve d’analyse d’une situation professionnelle de la session 2018 a) Présentation générale : corpus, déroulement et principes de l’épreuve

ÉPREUVE D’ANALYSE D’UNE SITUATION PROFESSIONNELLE LETTRES CLASSIQUES,

1) L’épreuve d’analyse d’une situation professionnelle de la session 2018 a) Présentation générale : corpus, déroulement et principes de l’épreuve

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ÉPREUVE D’ANALYSE D’UNE SITUATION PROFESSIONNELLE

164 dater de toute époque et être de toute nature (photogramme, photographie, reproduction d’un tableau, d’une statue, d’un objet, etc.) vient compléter l’ensemble et ouvrir le dossier vers d’autres domaines et perspectives.

À l’issue d’une préparation de trois heures, au cours de laquelle ils disposent d’ouvrages de référence, dictionnaires et usuels3, les candidats présentent au jury un exposé d’une durée maximale de 30 minutes, qui sera suivi, après un bref moment de délibération, d’un entretien d’une durée à peu près équivalente (il en sera question plus précisément dans la quatrième partie de ce rapport).

L’exposé du candidat doit s’organiser suivant un plan clair.

Dans une introduction dont les différents enjeux, moments et modalités ont été rappelés de manière détaillée dans le rapport de 2015, le candidat, dans un souci de contextualisation pertinente plus qu’érudite, présente les différentes pièces du dossier en les reliant à l’entrée du programme indiquée dans le libellé. Il met en valeur la cohérence du corpus proposé en en faisant jaillir les thèmes mais aussi les enjeux et les tensions, ce qui le mène à la présentation, problématisée, de sa séquence, dont il n’oubliera pas de préciser la place dans une progression pédagogique annuelle, mais également le titre et les objectifs. Il peut également annoncer brièvement les séances qui composeront son projet de séquence, sans toutefois égrener de façon exhaustive un plan de cours dès l’introduction. L’inventivité dont ont fait preuve plusieurs candidats, dans la formulation des titres de séquences mais aussi de certaines séances, mérite d’être soulignée : allant bien au-delà d’un simple exercice de rhétorique, ils ont, grâce à des trouvailles judicieuses, prouvé leur capacité à susciter l’intérêt des élèves et des membres du jury pour un corpus dont ils avaient su parfaitement s’approprier et incarner les aspects essentiels.

Après cette relativement brève introduction — la gestion du temps est aussi un critère fondamental pour évaluer les qualités d’un futur enseignant — vient la présentation de la séquence à proprement parler et des différentes séances qui vont la composer. Si la présentation chronologique est naturellement la plus pertinente pour mettre en avant la cohérence et la progression des différentes séances, elle ne doit pas pour autant se transformer en catalogue et devenir une sorte de litanie aussi artificielle que fastidieuse ; ainsi, des regroupements ou des parallèles judicieux établis entre les différents types de séances proposés (on peut penser à la séance introductive et à la séance conclusive notamment, mais pas seulement), ou encore la mise en valeur de la cohérence et de la diversité des approches proposées, sont autant d’éléments qui doivent être explicités, afin qu’apparaissent la richesse de la réflexion du candidat et la cohérence harmonieuse de ses propositions pédagogiques. Rappelons également à propos de l’exposé que, bien qu’il soit inutile de détailler le contenu précis de chaque séance, les objectifs de chacune d’elles doivent être clairement désignés ainsi que les étapes importantes et les démarches que le candidat envisage pour y parvenir. Il ne faudrait pas négliger non plus les différentes évaluations qui, sous diverses formes, interviendront dans la séquence, tout en veillant à proposer un nombre de séances raisonnable, et des objectifs pédagogiques réalisables dans le temps imparti.

Rappelons qu’une séance ne correspond pas nécessairement à une heure de cours, et que six à huit séances semblent une norme acceptable pour traiter des documents proposés dans le corpus.

Au-delà de ce nombre, les candidats ont souvent paru prolonger artificiellement l’étude des textes et des documents qui leur étaient présentés. De plus, si le jury apprécie que les séances proposées offrent une certaine diversité, celle-ci ne doit pas pour autant devenir un impératif systématique.

Enfin, tous les objectifs et les propositions pour leur mise en œuvre doivent être en lien avec

3 Une liste indicative est donnée p. 153 du rapport 2014 : les candidats disposent d’usuels leur permettant des vérifications en histoire ancienne, histoire de la littérature antique, « mythologie » et bien sûr de dictionnaires de langue française et de langues anciennes nécessaires pour élaborer leurs traductions.

165 l’analyse précise d’un ou de plusieurs des documents, afin d’en faire émaner le sens et non se limiter à des activités pédagogiques artificielles et interchangeables, que l’on pourrait plaquer sur n’importe quel support textuel ou documentaire.

L’une des séances devra être développée et prendra appui sur une analyse littéraire précise d’un texte, ainsi que sur l’analyse d’un point de langue qui permettra d’en approfondir le sens.

C’est le lieu de rappeler la modification de l’intitulé des épreuves d’ASP pour Lettres classiques qui est intervenue lors de cette session 2018, et qui avait été annoncée dans le rapport de 20174 :

« Dans le cadre de l'enseignement du … en classe de … et plus particulièrement de l'objet d’étude …, vous analyserez le corpus proposé. Vous préciserez ses enjeux et les modalités de son exploitation, sous la forme d'un projet de séquence, dont vous développerez une séance, au choix.

La séance inclura obligatoirement l'étude de l'un des textes du corpus et d'un fait de langue pertinent pour l'interprétation de ce texte ».

L’intitulé oblige donc désormais les candidats à inclure l’étude d’un des textes et d’un fait de langue dans l’exposé de la séance développée. Le choix du texte ainsi que celui du fait de langue restent à la discrétion du candidat, libre de sélectionner ce qui lui paraît le plus pertinent dans son projet de séquence.

Cette modification est intervenue pour éviter deux écueils : le premier, observé les années précédentes, consistait à ne pas accorder une place suffisante à l’analyse des textes du corpus ou à n’en proposer qu’une étude comparée et trop superficielle, sans jamais mettre en avant les significations, l’intérêt et l’esthétique d’au moins l’un d’entre eux. Si elle s’inscrit dans la problématique proposée pour la séquence, cette étude doit donc s’attacher à mettre en avant les spécificités du texte lui-même, qu’elles soient d’ordre littéraire, philosophique, anthropologique, scientifique ou historique, dans sa langue originale. La traduction proposée ne saurait de ce fait être commentée à la place du texte latin ou grec, sauf si elle fait l’objet d’une utilisation pédagogique particulière. Le candidat doit au contraire être capable de se saisir des mots en langue ancienne qui lui semblent les plus pertinents pour commenter tel ou tel effet de sens. Le jury a parfois été surpris d’entendre les candidats ne citer que la traduction française dans leur commentaire : toutes brillantes que soient alors les analyses, il faut s’attendre, malheureusement, à un entretien qui insistera sur les faits de langue passés sous silence, bien plus que sur les heureuses trouvailles interprétatives. L’étude du texte, par ailleurs, ne saurait porter sur son seul contenu, aussi intéressant fût-il, mais doit comporter également une analyse des procédés stylistiques, du lexique et de la syntaxe, mise au service des significations du texte. Dans ce cadre, une traduction personnelle et commentée de quelques phrases du texte peut apparaître très pertinente, sans qu’elle soit obligatoire ni trop développée.

Le second écueil observé était le fait de détacher l’étude du fait de langue des significations d’un texte,voire du corpus dans son ensemble. Avec la nouvelle formulation de l’épreuve, les candidats doivent donc intégrer une étude grammaticale à la séance développée. Cela ne leur interdit pas de présenter dans leur séquence d’autres séances consacrées à la langue, s’ils le jugent nécessaire. Autant que possible, dans la séance développée, il faut donc éviter l’étude de faits de langue passe-partout. Le jury est en revanche sensible aux justifications que les candidats donnent de leur choix et, en particulier, aux liens établis entre ce fait de langue et leur lecture du texte ou même avec les objectifs pédagogiques et la problématique proposés pour la séquence

4 Rapport 2017, p. 159-160.

166 dans son ensemble. Il n’est toutefois pas nécessaire de maîtriser des compétences stylistiques ou linguistiques érudites pour ce faire. Un corpus regroupant plusieurs textes narratifs se prête ainsi facilement, par exemple, à une étude des participes, qui permettent notamment d’ajouter un certain nombre de circonstances à l’action, qui enrichissent le récit ou parfois l’accélèrent. Des textes historiques faisant l’éloge d’une grande figure politique (dont sont détaillées les pensées prudentes pour la cité) se prêtent aisément aussi à une étude des propositions infinitives ou des complétives, qui développent les intentions du personnage. Les candidats trouveront d’autres remarques allant en ce sens dans le rapport de 20165. Ils veilleront enfin à prendre garde que l’étude de langue proposée s’intègre aux programmes de la classe mentionnée.

Tout au long de l’exposé, on attend des candidats la capacité à faire des propositions pédagogiques réfléchies, cohérentes — entre elles et par rapport aux documents proposés — et précises. Trop souvent, les modalités des activités proposées ne sont pas suffisamment détaillées et se limitent à des consignes floues telles que : « les élèves traduiront le texte » ou « les élèves feront le commentaire de la traduction » ou encore « on analysera l’image ». Outre le fait, pour ne retenir que le premier exemple, que différentes modalités de traductions sont possibles (traduction mot à mot, juxta-linéaire, littérale, littéraire, entre autres), il est important que le candidat précise la démarche qu’il compte adopter pour faire effectuer cette tâche aux élèves : s’agira-t-il d’un travail individuel ou en groupe ? Ce travail sera-t-il évalué ou non évalué ? La traduction proposée devra-t-elle être orale ou écrite ? Comment sera-t-elle restituée ? De quels outils disposeront les élèves ? Sur quel support sera proposé le texte ? Autant de questions auxquelles la proposition pédagogique du candidat doit répondre de manière un peu détaillée, et que le jury sera de toute façon amené à poser en entretien, s’il manque des éléments essentiels ou si la proposition faite par le candidat ne semble pas cohérente avec son projet de séquence ou avec le niveau de la classe visé.

À l’issue de ce développement organisé d’un plan de séquence et de cette étude plus précise d’un texte et d’un fait de langue dans la séance développée, le jury attend bien entendu une conclusion qui rassemble les principaux éléments apportés en réponse à la question ou problématique initiale. Des prolongements culturels, des ajouts de références ou de documents visuels qui viendraient compléter le corpus fourni par le jury sont alors particulièrement bienvenus. Cette année encore, le jury a été surpris que trop de candidats ne parviennent pas à exploiter dans leur intégralité les 25-30 minutes requises, s’en tenant à la surface de textes dont ils pensent trop rapidement avoir épuisé le sens, et escamotant la conclusion.

Une telle épreuve doit permettre d’évaluer la capacité du candidat à analyser et interpréter des textes de l’Antiquité en langue originale, à les replacer dans leur contexte de production, à les mettre en perspective avec les interprétations et réappropriations ultérieures qui conditionnent nécessairement la lecture que l’on peut en faire encore aujourd’hui. Trois qualités sont valorisées par le jury. D’abord la capacité à produire de chaque texte des analyses fines, fondées sur une bonne contextualisation, pour les comprendre au mieux. Ensuite, la propension à proposer une vision synthétique du corpus, qui en dégage fermement la cohérence intrinsèque. Il s’agit de donner envie (aux élèves et au jury) grâce à cet art de la synthèse, d’explorer un corpus défini. L’exploration doit être dynamique et guidée par le choix d’une problématique ou d’un questionnement efficaces. Le corpus donné au candidat n’a pas à être traité comme un réservoir de notions ou de realia que le candidat se contenterait de relever et d’énumérer comme pour les

5 Rapport 2016, p. 149-150.

167 faire apprendre par cœur à une classe docile d’un autre temps. Il doit au contraire faire sentir, à partir des textes, la complexité de telle ou telle question. La problématique jaillit assez naturellement parfois des textes anciens eux-mêmes, choisis parce qu’ils présentent des points de vue divergents et contradictoires sur un même thème ou une même figure, ou bien peut être formulée grâce aux documents complémentaires. Ces derniers permettent bien souvent de mettre en relief l’écart entre une représentation ancienne et une représentation moderne ou permettent de souligner une réappropriation de l’Antiquité par la modernité qui n’est que partielle, décalage qui aide souvent à saisir en retour la spécificité d’un discours ancien sur tel ou tel sujet. Capable de comprendre les textes, de les faire comprendre en donnant envie de les explorer par des jeux de comparaisons et de confrontation, le futur professeur doit enfin être à même de faire voir à son public ce que l’Antiquité a pu apporter au monde moderne, contribuant encore aujourd’hui à alimenter la réflexion sur un certain nombre de sujets contemporains. Ce que l’Antiquité garde de singulier et d’irréductible dans la comparaison avec la modernité est source de nouvelles questions. Dans cet aller-retour heuristique, à partir des textes, le candidat fera donc voir les continuités et les écarts qui permettent de nourrir un véritable dialogue, encore aujourd’hui, avec les cultures antiques.

b) Bilan de la session 2018 : quelques chiffres

Rappel des statistiques générales pour le CAPES de Lettres classiques Public (CAPES)

Nombre de postes offerts : 183 Nombre d'inscrits : 260

Nombre de présents aux épreuves écrites : 138 Nombre d'admissibles : 105 (barre à 7) Nombre de reçus : 80 (barre à 7,45) Moyenne des reçus : 12,22

Privé (CAFEP)

Nombre de postes offerts : 25 Nombre d'inscrits : 55

Nombres de présents aux épreuves écrites : 27 Nombre d'admissibles : 25 (barre à 7)

Nombre de reçus : 22 (barre à 8,5) Moyennes des reçus : 11,05

Pour l’épreuve orale d’ASP pour Lettres classiques.

Pour 119 candidats, 32 ont eu une note égale ou inférieure à 7, c’est-à-dire une note les mettant dans des conditions défavorables pour l’admission, étant donné le coefficient 2 attribué à cette épreuve6. 34 candidats ont obtenu entre 7 et 12. 53 candidats ont obtenu plus de 12, c’est-à-dire une note les mettant dans des conditions très favorables pour être admis. Parmi ceux-là 11 candidats (soit 9, 2 % du total des admissibles en lettres classiques) ont obtenu entre 18 et 20, offrant des prestations de très haute tenue. 36 candidats ont aussi obtenu de bons résultats, soit des notes égales ou supérieures à 12.

6 Pour la liste exacte des épreuves et coefficients d’écrit et d’oral, voir le rapport de 2014, p. 147.

168 2) Les attendus

a) Les connaissances

Culture littéraire et anthropologique

Des connaissances solides sur les auteurs majeurs de la culture grecque et latine sont évidemment nécessaires. De ce point de vue, les candidats doivent avoir un socle de connaissances en histoire de la littérature, ce qui implique une bonne maîtrise de la chronologie des auteurs et des genres littéraires. Tous ces savoirs pourront bien sûr être réactivés le jour du concours par l’usage des usuels dans la salle de préparation. Forts de ces connaissances, qu’on oserait dire canoniques, d’histoire de la littérature, les candidats doivent se sentir à l’aise sur un certain nombre de sujets et être à même d’analyser notamment des corpus consacrés à de grandes figures historiques ou légendaires. Cette année, des groupements de textes attiraient par exemple l’attention sur Didon, Socrate ou encore le premier Brutus. Face à de tels sujets, les candidats ne doivent pas donner l’impression d’être totalement démunis, et se garder de confusions élémentaires, même quand certains textes du corpus incitent à des rapprochements (il y a bien entendu deux grands Brutus hostiles aux tyrans à Rome… mais à des époques très différentes).

Outre ces grands repères, les candidats doivent s’appuyer sur un travail de lecture approfondi, bien en amont du concours. Après au moins quatre années passées dans l’enseignement supérieur, la fréquentation personnelle d’un certain nombre de textes de la culture antique est requise. Pour chaque grand domaine de la production littéraire (philosophie, rhétorique, histoire, poésie, théâtre, science), il convient d’avoir très nettement à l’esprit des œuvres de référence, lues dans leur intégralité, qui pourront servir de point de départ à des comparaisons thématiques ou à des questionnements génériques. C’est ce rapport personnel aux textes anciens qui permettra une problématisation fine des enjeux du texte analysé le jour du concours, et sa caractérisation adéquate parmi d’autres textes qui lui sont comparables, sans lui être superposables. En tant que futur professeur certifié de Lettres, le candidat doit en particulier montrer la capacité à distinguer les genres littéraires anciens des genres modernes, qui sont parfois leurs homonymes mais constituent autant de « faux-amis » à repérer pour éviter certaines dérives interprétatives : la lyrique grecque n’est pas la lyrique des modernes, la tragédie grecque relève d’un dispositif scénique et choral particulier qui ne se retrouve pas dans la tragédie classique à la française ; la même vigilance est attendue pour les notions d’histoire, de « roman » ou d’autres encore 7. Cette attention aux différences est d’autant plus requise que les corpus du concours peuvent mettre en confrontation des textes modernes qui se réclament des genres anciens : il faut alors garder une saine méfiance et ne pas lire systématiquement les choses en termes de continuité ou d’héritage.

Ajoutons que l’épreuve d’ASP, dont les corpus sont constitués pour correspondre aux entrées thématiques des programmes de collège et de lycée, met par définition l’accent sur des questions anthropologiques et culturelles. Des sujets demandaient cette année par exemple de considérer, à travers différents textes et documents, les représentations que peut se faire une société de la figure de l’étranger, des vieillards et de la vieillesse, de l’amitié, de la mort et de l’au-delà, de l’éducation, du rêve, ou encore du soin du corps. On ne peut attendre du candidat une préparation parfaite et exhaustive sur toutes les questions possibles sur les cultures anciennes. En revanche, sur des thématiques majeures, dont certaines sont des classiques d’une approche de l’Antiquité redevable des sciences sociales, il existe des ouvrages en français, très connus ou facilement accessibles, que les candidats gagneront à consulter et lire au moins en partie au cours de leur formation. Ainsi en est-il par exemple de la question des relations familiales, du féminin, de la

7 Voir d’autres conseils de cet ordre dans le rapport 2015, p. 173-174, particulièrement au sujet de l’élégie. Voir aussi infra sur la notion de « fantastique ».

169 sexualité, ou encore des sacrifices, banquets et pratiques d’élevage, d’éducation ou de transmission.

Il convient toutefois de rassurer d’emblée ici les candidats. Le jury n’attend pas nécessairement des connaissances littéraires et historiques pointues sur tout type de texte, et n’est pas à l’affût de telle référence bibliographique précise sur telle question de culture ancienne. La capacité à s’approprier un contenu et à faire montre d’une réflexion pertinente est également essentielle pour un futur professeur. Les concepteurs des sujets ont parfois volontairement cherché des thématiques et des documents plus surprenants, sur lesquels n’étaient pas nécessairement attendus de connaissances très précises. C’était le cas, par exemple, d’un corpus de textes grecs autour du rêve et de son utilisation dans la médecine ancienne, dans le cadre du programme de langue et culture grecque de Terminale8. Si l’on peut attendre de tout étudiant titulaire d’une licence de lettres classiques qu’il ait déjà croisé des textes hippocratiques, le détail de ce corpus composite lui échappe naturellement, tout comme certains enjeux épistémologiques de son analyse. Ce sont alors les bons réflexes du candidat qui sont valorisés : bien souvent une analyse et un découpage intelligent d’un texte, même d’un auteur dont on ignore beaucoup, préserve des principaux risques de contresens. Un candidat qui ne connaissait pas le traité du Régime d’Hippocrate et n’avait jamais lu de près des extraits des traités hippocratiques, s’est tout de même lancé dans une analyse audacieuse comparant la théorie du rêve qui y était exposée avec la théorie de l’âme de Platon. La prise de risque, en ce qu’elle a conduit à lire de près le texte hippocratique, a été valorisée quand bien même ce rapprochement n’était que partiellement pertinent, étant donné la conception matérialiste de l’âme défendue par l’auteur médecin. A contrario, la maîtrise de certains faits culturels ou historiques ne doit pas mener les candidats à proposer des grilles interprétatives préconçues qui pourraient grandement fausser voire être contradictoires avec le contenu des textes proposés. Un sujet composé d’extraits de l’Enquête d’Hérodote, du Busiris d’Isocrate et du Timée de Platon, demandait une réflexion sur la complexité du regard que les Grecs ont pu poser sur la civilisation égyptienne : ce dernier a été trop souvent réduit à une xénophobie réductrice, trace d’une naïveté archaïque simpliste.

Connaissances en langue

La connaissance de l’ensemble de la syntaxe et de la morphologie dans les deux langues est absolument requise. Le jury demande presque systématiquement au candidat de traduire ou de retraduire un passage jugé utile à l’interprétation proposée, ou qui présente une difficulté particulière. La présence de traductions pour chacun des textes latins et grecs dans le corpus ne dispense donc pas de continuer à perfectionner sa maîtrise de la langue à l’issue des épreuves de version, entre l’écrit et l’oral. Les questions du jury peuvent être de tous ordres mais il s’agit souvent de l’identification de formes sur lesquelles plane un doute. On a pu s’apercevoir cette année que la morphologie n’est pas tout à fait maîtrisée par un certain nombre de candidats. Outre des confusions étonnantes (viri et vires aux sens allègrement interchangeables), certains candidats ont peiné à exposer des plans de cours complets sur tel ou tel fait de langue pourtant majeur, particulièrement en grec. Par exemple, l’étude des pronoms grecs dans une scène de Ménandre (le choix était pourtant judicieux) n’a pas conduit à l’étude du pronom autos / αὐτός qui se trouvait pourtant dans le texte en tant que pronom de troisième personne ; on a donc

8 Textes : Texte 1 – Homère, Odyssée, 19, v. 536-569, trad. V. Bérard, CUF, 1924. Texte 2 – Collection hippocratique, Régime IV, c. 87-89 (texte datant du Ve ou IV e siècle avt. J.-C.), trad. R. Joly, CUF, 1968. Texte 3 – Inscriptiones Graecae IV, 1, 121-22 (IV siècle avant J.-C., trouvée à Epidaure), trad. V. Longhi inédite 2018.

Documents complémentaires : Document – Piero della Francesca (1416-1492), Songe de Constantin, 1458-1466, Fresque, Basilique San Francesco, Arezzo (partie de « La Légende de la Vraie Croix »), 329 cm × 190 cm. Texte – Sigmund Freud (1856-1939), Introduction à la psychanalyse, 1916-17, (trad. Samuel Jankélévitch, Payot, 1961).