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Éléments de la simulation des grandes échelles

Introduction à la simulation des grandes échelles des équations de Navier-Stokes compressibles

3.3. Éléments de la simulation des grandes échelles

2 ∇ ⊙ v (x, t) − 2 3 (∇ · v (x, t)) δ(2)  . (3.2.8)

La viscosité dynamique µL n’est pas constante. Aux températures considérées, µL dépend uni-quement de la température. Cette dépendance peut être modélisée par la formule de Sutherland

µL = µref  T Tref 3/2 Tref + 110, 4 K T + 110, 4 K (3.2.9)

où Tref = 273, 15 K et µref = 1, 716 10−5 kg

ms. La viscosité cinématique νcins’obtient par la division de µL par la densité

νcin = µL ̺ .

Il reste encore à définir le flux de chaleur qth(x, t). La loi de Fourier permet de l’exprimer comme fonction de la température

qth(x, t) = −κth(T (x, t)) (3.2.10) où la grandeur κth est appelée la conductivité thermique. La conductivité thermique caractérise le comportement des matériaux lors du transfert thermique par conduction. Elle est étroitement liée à la diffusivité thermique αth par la formule

αth= κth ̺cp

où cp est la chaleur spécifique à pression constante. La diffusivité thermique caractérise la facilité avec laquelle la chaleur diffuse dans le matériau. Les valeurs de la viscosité dynamique et de la diffusivité thermique sont comparées entre elles au moyen du nombre de Prandtl

Pr = νcin αth

= µLcp κth

.

3.3. Éléments de la simulation des grandes échelles

Cette section présente les éléments de la simulation des grandes échelles (SGE) qui sont nécessaires pour modéliser la turbulence dans les simulations d’écoulement décrites dans les chapitres 13 et 14. La description donnée ici suit les lignes du livre [92] qui est un ouvrage de référence pour la simulation des grandes échelles dans le cas des écoulements incompressibles. L’adaptation des modèles au cas des écoulements compressibles reprend l’approche utilisée dans [75] et [17]. Le terme anglais pour simulation des grandes échelles est large eddy simulation, abrégé LES.

Considérons la simulation d’un écoulement de fluide. Pour obtenir un résultat très proche de la réalité physique, la simulation doit résoudre toutes les échelles de la dynamique de l’écou-lement. Cela signifie que les échelles de la discrétisation, c’est-à-dire le diamètre des mailles et le pas de temps, doivent être petites par rapport à toutes les échelles de l’écoulement. Notons Lsc

l’échelle de la dynamique qui porte le plus d’énergie et ηsc l’échelle de Kolmogorov, c’est-à-dire la plus petite échelle de la dynamique de l’écoulement. Pour un écoulement turbulent homogène et isotrope, il est possible d’estimer le rapport entre Lsc et ηsc par

Lsc

ηsc = O 

Re34



où Re est le nombre de Reynolds, cf. [92]. Pour simuler l’écoulement dans un cube de volume L3 sc

, il faut donc simuler ORe9/4

degrés de liberté. Une estimation similaire vaut pour le rapport des échelles temporelles.

À l’heure actuelle, les ordinateurs sont encore trop faibles pour pouvoir simuler un tel nombre de degrés de liberté. Dans les écoulements qui intéressent l’aéronautique, les nombres de Reynolds peuvent atteindre des ordres de grandeur de 108. Une solution consiste à simuler uniquement une partie des degrés de liberté de façon directe. L’interaction entre ces degrés de liberté et ceux qui ne sont pas simulés directement doit être prise en compte par un modèle. Cela se fait en général par l’ajout de termes spécifiques dans les équations qui gouvernent les degrés de liberté simulés. Ces termes décrivent alors uniquement une moyenne statistique de l’action des degrés de liberté négligés.

La simulation des grandes échelles réduit le nombre de degrés de liberté par une séparation entre grandes et petites échelles à l’aide d’une longueur de coupure ∆. Dans l’espace spectral, la longueur de coupure correspond à une fréquence de coupure. Les fréquences inférieures à la fréquence de coupure sont résolues par la simulation alors que les fréquences supérieures sont modélisées.

Pour effectuer explicitement cette séparation des échelles, on applique un filtre aux équations de Navier-Stokes. Pour des raisons de simplicité, on suppose ce filtre isotrope et homogène, c’est-à-dire indépendant de la position et de l’orientation dans l’espace. Dans l’espace physique, un filtre homogène et isotrope peut être représenté par un opérateur de convolution. La partie résolue d’une variable φ (x, t) est donnée par

φ (x, t) = Z R3 Z −∞G x − x, t − tφ x, t dtdx (3.3.1)

où G est le noyau de convolution du filtre. Dans l’espace spectral, les transformés de Fourier obéissent à la relation

b

φ (k, ω) = bG (k, ω) bφ (k, ω) . La partie non résolue de φ est donnée par

φ(x, t) = φ (x, t) − φ (x, t) .

Afin de pouvoir manipuler les équations de Navier-Stokes après filtrage, on exige que le filtre préserve les constantes

φ0= φ0, (3.3.2)

qu’il soit linéaire

φ (x, t) + ψ (x, t) = (φ + ψ) (x, t) (3.3.3) et qu’il commute avec la dérivation

∂φ

∂t (x, t) = ∂φ

∂t (x, t) , ∇φ (x, t) = ∇φ (x, t) . (3.3.4) Il faut noter que le filtrage décrit ci-dessus n’est pas adapté aux équations de Navier-Stokes compressibles car il donne un nombre important de termes inconnus. Pour adapter la simulation des grandes échelles aux écoulements compressibles, on poursuit ici l’approche utilisée dans [75] et [17].

3.3. LA SIMULATION DES GRANDES ÉCHELLES 31

On commence par introduire un filtrage pondéré par la masse volumique qui s’inspire d’une démarche proposée par A. Favre et al., cf. [49]. Pour ce filtre, appelé filtre de Favre ou opérateur

de Favre, la partie résolue d’une variable φ (x, t) est notée eφ (x, t) et définie par e

φ (x, t) = (̺φ) (x, t)

̺ (x, t) . (3.3.5)

La partie non résolue de la variable φ (x, t) est définie par φ” (x, t), φ (x, t) − eφ (x, t) .

La partie non résolue φ” (x, t) s’appelle également la partie sous-maille de φ (x, t) car elle re-présente les échelles inférieures à la longueur de coupure ∆.

L’opérateur de Favre satisfait (3.3.2) et (3.3.3) mais ne satisfait plus (3.3.4). On peut consi-dérer ce filtrage comme un changement de variable qui est bien défini car ̺ (x, t) > 0. Son intérêt réside dans le fait qu’il donne des équations dont la structure est proche des équations de Navier-Stokes, cf. [75].

Afin d’obtenir les équations de Navier-Stokes filtrées, on applique d’abord le filtrage ho-mogène défini par (3.3.1) aux équations de conservation de la masse (3.2.4), de la quantité de mouvement (3.2.5) et de l’énergie (3.2.6). Les termes immédiatement calculables sont placés dans le membre de gauche et les termes sous-maille à modéliser dans le membre de droite. On omet la dépendance des variables par rapport à x et t pour rendre les formules moins encombrantes. L’équation de conservation de la masse devient, avec le changement de variables de Favre (3.3.5)

∂̺

∂t + ∇ · (̺ev) = 0 . (3.3.6)

L’équation de la quantité de mouvement pour la simulation des grandes échelles s’écrit sous la forme

∂ (̺ev)

∂t + ∇ · (̺ev⊗ ev) + ∇p − ∇ · eτ = −a1+ a2 (3.3.7) où les termes dans le membre de droite sont donnés par

a1 = ∇ ·̺^v⊗ v − ̺ev⊗ ev

(3.3.8)

a2 = ∇ · (τ − eτ) . (3.3.9)

Ces termes s’appellent termes sous-maille car ils représentent l’influence des parties sous-maille sur les échelles résolues.

Le terme a1 contient le tenseur

τ(sgs) , ̺v^⊗ v − ev⊗ ev

(3.3.10) qui s’appelle tenseur sous-maille. La décomposition de Leonard, cf. [77], permet d’écrire τ(sgs)

sous la forme τ(sgs) = ̺ ^ e v⊗ ev− ev⊗ ev + ̺ ^ v” ⊗ ev+ ^ve⊗ v”+ ̺ ^ v” ⊗ v”. (3.3.11) Le premier tenseur dans le membre de droite de (3.3.11) s’appelle tenseur de Leonard et décrit les interactions entre les grandes échelles. Il est directement calculable car il dépend uniquement des parties résolues de v et ̺. Le deuxième tenseur dans le membre de droite de (3.3.11) s’appelle

tenseur des contraintes croisées et le troisième est le tenseur de Reynolds qui décrit l’interaction

entre les échelles sous-maille.

Le terme a2est composé du tenseur des contraintes visqueuses des grandes échelles eτ, défini par e τ , µL  e T  2 ∇ ⊙ ev−23 (∇ · ev) δ(2)  , (3.3.12)

et du tenseur τ issu du filtrage du tenseur des contraintes visqueuses τ . Il est généralement admis que la viscosité dynamique µLet le gradient de la vitesse v sont décorrélés, ce qui permet d’écrire le tenseur τ sous la forme

τ = µL(T ) 

2∇ ⊙ v − 23(∇ · v) δ(2) 

. (3.3.13)

Le tenseur δ(2) dans (3.3.12) et (3.3.13) est le tenseur (5.2.23) dont les composantes sont le symbole de Kronecker.

Pour établir une équation pour la conservation de l’énergie des grandes échelles, on adopte la notion d’énergie calculable, proposée par Vreman dans [111] et définie par

[ ̺etot , 1

γ − 1p + 1

2̺ve· ev (3.3.14)

pour un gaz parfait à cp constant. Les grandeurs filtrées de la pression p, de la densité de masse ̺ et de la température eT sont reliées par la loi d’état filtrée

p = rair̺ eT . (3.3.15)

La dérivation en temps de (3.3.14) donne ∂ [̺etot ∂t = 1 γ − 1 ∂p ∂t + 1 2(ve· ev)∂̺ ∂t + ̺ev·∂tev. (3.3.16) Il est possible de reformuler les deux derniers termes dans le membre de droite de (3.3.16) en utilisant (3.3.6) 1 2(ev· ev)∂̺ ∂t + ̺ev·∂tev = −12(ev· ev)∂̺ ∂t +ve·  e v∂̺ ∂t  +ev·  ∂ev ∂t̺  = = −12(ve· ev)∂̺ ∂t +ev·∂ (̺∂tv)e = 1 2(ev· ev) ∇ (̺ev) +ve·∂ (̺∂tev). (3.3.17) L’utilisation de (3.3.17) dans (3.3.16) donne une équation d’évolution pour [̺etot

∂ [̺etot ∂t = 1 γ − 1 ∂p ∂t +ev·∂ (̺∂tev) +1 2(ve· ev) ∇ (̺ev) . (3.3.18) L’insertion de l’équation de la quantité de mouvement (3.3.7) dans (3.3.18) permet alors d’établir l’équation d’évolution de l’énergie calculable

∂ [̺etot

∂t + ∇ ·ev [̺etot+ p

− ∇ · (eτ· ev) + ∇eqth= −b1− b2− b3+ b4+ b5+ b6− b7 (3.3.19) où eτ est donné par (3.3.12) et eqth est le flux de chaleur calculable

eqth= −κthT .e (3.3.20)

La somme dans le membre de droite de (3.3.19) regroupe les termes sous-maille donnés par b1= 1 γ − 1∇ · (pv − pev) (3.3.21) b2= p∇ · v − p∇ · ev (3.3.22) b3= ∇ ·τ(sgs)· ev (3.3.23) b4= τ(sgs)• (∇ ⊗ ev) (3.3.24) b5= τ • (∇ ⊗ ev) − τ • (∇ ⊗ ev) (3.3.25) b6= ∇ · (τ · ev− eτ· ev) (3.3.26) b7= ∇ · (q − eq) . (3.3.27)

Afin de pouvoir résoudre le système des équations (3.3.6), (3.3.7) et (3.3.19), il est nécessaire de modéliser les termes sous-maille a1, a2 et b1à b7.

3.3. LA SIMULATION DES GRANDES ÉCHELLES 33

Le terme le plus important est le terme a1 qui est le seul terme présent dans le cas des écoulements incompressibles. Il contient le tenseur sous-maille τ(sgs) qui n’est pas directement calculable car il contient les échelles non résolues v” de la vitesse v. Un classement introduit par Sagaut [92, p. 72] permet de distinguer deux catégories de modèles.

(1) Les modèles structurels essaient d’approcher la structure du tenseur τ(sgs). Dans cette approche, l’hypothèse de modélisation consiste à exprimer v” ou τ(sgs) en fonction des échelles résolues ev, ce qui nécessite une bonne connaissance de la structure des petites échelles. La dynamique des petites échelles doit être indépendante de l’évolution des échelles résolues ou dépendre de façon suffisamment simple de cette dernière.

(2) Au lieu d’approcher le tenseur τ(sgs), les modèles fonctionnels tentent de modéliser l’action des échelles sous-maille v” sur les échelles résolues ev par l’introduction de termes dissipatifs ou dispersifs dans l’équation de la quantité de mouvement. Dans cette approche, l’hypothèse de modélisation consiste essentiellement à exprimer ∇ · τ(sgs) en fonction des échelles résolues ev. Cette approche nécessite une bonne connaissance des mécanismes d’échange interéchelle. Il faut que la dynamique des petites échelles soit universelle et indépendante des échelles résolues de l’écoulement.

Les calculs effectués dans le cadre de cette thèse reposent sur l’approche fonctionnelle.

Le cadre naturel pour l’approche fonctionnelle est la théorie de la turbulence développée par Kolmogorov, cf. [72]. Le processus de transfert d’énergie entre les différentes échelles de la turbulence peut être présenté sous une forme simplifiée, la cascade de Kolmogorov.

(1) L’écoulement moyen transmet de l’énergie cinétique aux grosses structures tourbillon-naires.

(2) L’énergie cinétique est ensuite transférée d’une échelle supérieure vers l’échelle immé-diatement inférieure par des phénomènes d’étirement tourbillonnaire.

(3) Aux plus petites échelles, la viscosité moléculaire dissipe l’énergie cinétique sous forme de chaleur.

La cascade de Kolmogorov donne lieu à la notion de viscosité sous-maille qui repose sur l’hypo-thèse que le mécanisme de transfert d’énergie des échelles résolues vers les échelles sous-maille ressemble aux mécanismes moléculaires de diffusion. Cela permet de représenter le tenseur sous-maille τ(sgs) comme un tenseur de contraintes visqueuses

τ(sgs) = µ(sgs)L 

2 ∇ ⊙ ev− 23 (∇ · ev) δ(2) 

(3.3.28) où la viscosité sous-maille µ(sgs)

L doit être modélisée.

Un exemple important de modèle sous-maille est le modèle de Smagorinsky [92, p. 107] qui exprime la viscosité sous-maille sous la forme

µ(sgs)L = CS∆2p

2 (∇ ⊙ ev) • (∇ ⊙ ev) (3.3.29) où ∇ ⊙ ev est le tenseur des taux de déformation, ∆ est la longueur de coupure et CS est une constante. Sous l’hypothèse que le spectre d’énergie de l’écoulement reste constant dans le temps [92, p. 98] la constante CS s’évalue à

CS≈ 0, 18 .

Pour les besoins de la simulation, ∆ peut être identifié au diamètre des mailles. Les équations (3.3.28) et (3.3.29) permettent donc de modéliser le terme a1 en fonction des échelles résolues.

Vreman et al., cf. [112] ont effectué des simulations numériques directes d’une couche de mélange pour évaluer l’importance des différents termes sous-maille. Le résultat indique qu’il est possible de négliger la contribution du terme a2 par rapport à celle de a1. Parmi les termes b1

à b7 dans l’équation de l’énergie, les termes b1, b2 et b3 sont jugés prépondérants et les termes b4 à b7 peuvent donc être négligés.

Dans le modèle de Smagorinsky, le terme b3 devient directement calculable grâce aux équa-tions (3.3.28) et (3.3.29). L’introduction d’une conductivité thermique sous-maille κ(sgs)th et l’ana-logie de Prandtl, cf. [112, 76], permettent de modéliser la somme de b1 et b2 comme

b1+ b2 = −∇ ·κ(sgs)th ∇Te .

La conductivité thermique sous-maille κ(sgs)th peut être calculée au moyen du nombre de Prandtl

sous-maille Pr(sgs) par la formule

κ(sgs)th = µ

(sgs) L cp Pr(sgs)

où cp est la chaleur spécifique à pression constante. Dans le cadre de cette étude, le nombre de Prandtl sous-maille a été fixé à

Pr(sgs) = 0, 9

qui est la valeur de cette constante pour les modèles RANS, cf. [17].

Le modèle de Smagorinsky a été implémenté dans Cedre dans le cadre de la thèse de N. Bertier [17]. Concernant la présente étude, le modèle de Smagorinsky a servi pour les calculs tridimensionnels décrits dans les chapitres 13 et 14.

CHAPITRE 4