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D ÉFINITION DU CRIME D ’ ATTEINTES À LA DIGNITÉ DES PERSONNES (R ADOMIR K OVAC )

a) L’Appelant (Kovac)

157. Selon l’Appelant Kovac, tout acte humiliant ou dégradant n’étant pas nécessairement une atteinte à la dignité des personnes, il convient de définir quels actes sont susceptibles de constituer des atteintes à la dignité des personnes, et il soumet également que la Chambre de première instance ne l’a pas fait213.

158. De plus, l’Appelant soutient que pour déclarer une personne coupable d’atteintes à la dignité des personnes, il est nécessaire d’établir l’existence d’une intention spécifique d’humilier ou de dégrader la victime214. Or, d’après lui, la Chambre de première instance n’a pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable qu’il a agi dans l’intention d’humilier les victimes, son but étant uniquement d’ordre sexuel215.

b) L’Intimé

159. Répondant à l’allégation de l’Appelant selon laquelle la Chambre de première instance n’a pas identifié les actes susceptibles de constituer des atteintes à la dignité des personnes, l’Intimé rappelle que la Chambre a estimé qu’il a été prouvé au-delà de tout doute raisonnable que, lors de leur détention dans l’appartement de Kovac, les victimes furent régulièrement violées, humiliées et dégradées216. Le fait qu’elles aient été contraintes à danser nues sur une table, qu’elles aient été « prêtées » et vendues à d’autres hommes, et que FWS-75 et FWS-87

213 Mémoire d’appel de Kovac, par. 145 et 150.

214Ibid., par. 145.

215Ibid., par. 146.

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aient été violées par Kovac alors que celui-ci faisait jouer le « Lac des Cygnes » constituent autant d’actes justement qualifiés par la Chambre de première instance d’atteintes à la dignité des personnes.

160. En ce qui concerne l’exigence d’une intention spécifique, l’Intimé, s’appuyant sur la jurisprudence du Tribunal, affirme que l’auteur d’un crime d’atteintes à la dignité des personnes doit seulement avoir conscience que son acte ou son omission pourrait être ressenti par la victime comme humiliant ou dégradant. Il n’est aucunement nécessaire que l’auteur de cet acte connaisse les conséquences réelles de celui-ci, la connaissance de ses conséquences « éventuelles » étant suffisante. L’Intimé soutient donc que c’est à bon droit que la Chambre de première instance a conclu qu’il suffisait que Kovac ait su que son acte ou omission pourrait être ressenti par ses victimes comme humiliant ou dégradant.

2. Examen

161. La Chambre de première instance a jugé que le crime d’atteintes à la dignité des personnes requiert217 :

i) que l’accusé soit l’auteur ou le complice d’un acte ou d’une omission généralement perçu comme gravement humiliant, dégradant ou autrement gravement attentatoire à la dignité humaine, et

ii) qu’il ait su que l’acte ou l’omission pourrait avoir pareil effet.

a) Définition des actes susceptibles de constituer le crime d’atteintes à la dignité des personnes 162. Contrairement aux allégations de l’Appelant, la Chambre d’appel estime que la Chambre de première instance n’était pas tenue de définir quels actes spécifiques sont susceptibles de constituer des atteintes à la dignité des personnes. Elle a plutôt choisi, à juste titre, d’exposer les critères sur lesquels elle s’est basée pour mesurer le caractère humiliant ou dégradant d’un acte ou d’une omission. La Chambre de première instance, citant l’affaire Aleksovski, a affirmé que l’humiliation de la victime doit être suffisamment intense pour que toute personne sensée en soit outragée218. Ce faisant, elle ne s’est pas uniquement basée sur l’appréciation purement subjective de l’acte par la victime pour établir qu’il y avait eu une atteinte à la dignité des personnes, mais a

216 Réponse unique de l’Accusation aux mémoires d’appel, par. 5.141.

217 Jugement, par. 514.

218 Jugement Aleksovski, par. 56, cité in Jugement, par. 504.

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utilisé des critères objectifs permettant de déterminer dans quels cas un acte constitue un crime d’atteintes à la dignité des personnes.

163. En affirmant que les atteintes à la dignité des personnes sont constituées par « tout acte ou omission dont on reconnaîtrait généralement qu’ils causent une humiliation, une dégradation grave ou qu’ils attentent autrement gravement à la dignité des personnes »219, la Chambre de première instance a défini avec justesse le seuil objectif à partir duquel un acte constitue une atteinte à la dignité des personnes. Elle n’avait pas l’obligation d’énumérer les actes constituant des atteintes à la dignité des personnes. Pour cette raison, ce moyen d’appel est rejeté.

b) Élément subjectif

164. Pour la Chambre de première instance, le crime d’atteintes à la dignité des personnes requiert que l’accusé ait su que son acte ou omission pouvait avoir un effet gravement humiliant, dégradant ou autrement gravement attentatoire à la dignité humaine220. L’Appelant, en revanche, soutient que ce crime requiert que l’accusé ait su que son acte ou son omission aurait pareil effet221.

165. La Chambre de première instance s’est livrée à une étude minutieuse de la jurisprudence relative à l’élément moral du crime d’atteintes à la dignité des personnes222. La Chambre de première instance n’a jamais été directement confrontée à la question spécifique de savoir si le crime d’atteintes à la dignité des personnes requiert une intention spécifique d’humilier, de dégrader ou de porter autrement gravement atteinte à la dignité humaine. Toutefois, elle a justement démontré, après examen de la jurisprudence pertinente, que le crime d’atteintes à la dignité des personnes requiert seulement une connaissance des conséquences « éventuelles » que pourrait avoir l’acte ou l’omission incriminé. Le paragraphe pertinent du Jugement se lit comme suit223 :

Étant donné que l’acte ou l’omission constituant l’atteinte à la dignité des personnes est un acte ou une omission qui est généralement perçu comme causant une humiliation, une dégradation grave ou attentant autrement gravement à la dignité des personnes, l’accusé est nécessairement conscient qu’il en va ainsi de son acte ou de son omission, c’est à dire qu’il pourrait causer une humiliation, une dégradation ou attenter autrement gravement à la dignité des personnes. Autre chose est d’exiger qu’il ait eu conscience des conséquences réelles de son acte.

219 Jugement, par. 507 (non souligné dans l’original).

220 Ibid., par. 514.

221 Mémoire d’appel de Kovac, par. 145.

222 Jugement, par. 508 à 514.

223 Ibid., par. 512.

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166. Attendu que de par leur nature, les actes commis par l’Appelant à l’encontre de FWS-75, de FWS-87, de A.S. et de A.B atteignent indéniablement le seuil objectif fixé dans le Jugement pour que l’infraction d’atteintes à la dignité des personnes soit constituée, la Chambre de première instance a estimé, avec raison, que ses actes auraient été perçus par toute personne sensée comme « causant une humiliation, une dégradation grave ou attentant autrement gravement à la dignité des personnes »224. De ce fait, il est hautement improbable que l’Appelant n’ait pas eu conscience que ses actes pourraient avoir pareil effet. En conséquence, ce moyen d’appel est rejeté.

224 Ibid.

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VI. CUMUL DE QUALIFICATIONS

167. Les Appelants soutiennent que les accusations portées à leur encontre ont donné lieu à un cumul abusif. La Chambre d’appel a régulièrement rejeté cet argument, aussi est-il inutile de répéter ici cette jurisprudence constante225. Ces moyens d’appel sont par conséquent rejetés.

VII. CUMUL DE DÉCLARATIONS DE CULPABILITÉ