• Aucun résultat trouvé

é valuer la connectivité écologique à partir des graphes paysagers

Deuxième partie

6.3. é valuer la connectivité écologique à partir des graphes paysagers

Les graphes paysagers composés uniquement de nœuds et de liens ayant chacun des attributs spatiaux sont adaptés à la représentation cartographique (igure 6.8). En revanche, cette représentation ne permet pas toujours de comparer les graphes entre eux car il est dificile d’identiier les nœuds et les liens différents entre les graphes. Il est donc préférable de comparer des graphes en calculant des métriques de connectivité, permettant de quantiier ces différences, plutôt que de les identiier visuellement.

6.3.1 l

esmétriquesdeconnectivité

Ces métriques permettent de quantiier la connectivité fonctionnelle potentielle du réseau écologique d’une espèce donnée. Elles peuvent être issues directement de la théorie des graphes ou dédiées plus spéciiquement à l’analyse de la connectivité du paysage (Dale et Fortin, 2010; Galpern et al., 2011; Rayield et al., 2011). Elles peuvent être calculées à plusieurs niveaux d’analyse, allant du graphe dans son intégralité jusqu’à l’élément de base du graphe, le nœud ou le lien. On distingue donc les métriques de connectivité globale (une seule métrique calculée pour l’ensemble du graphe) des métriques de connectivité locale, pouvant être mesurées pour chaque nœud/lien du graphe.

Les métriques de connectivité pondérées (Rayield et al., 2011) s’appuient sur le type de distance utilisé lors de la construction du graphe (distance coût ou distance euclidienne). Pour une population donnée, tous les individus ne se déplacent pas à la même distance lors de leur dispersion. Ain de prendre en compte la variabilité des capacités de déplacement des individus d’une même espèce, cette distance est transformée par une relation de probabilité. Dans son

E

ncadré

5 • g

raphab

,

unoutiLdédiéàLamodéLisationdEsgraphEspaysagErs

Dans ce travail de thèse, les graphes paysagers sont modélisés à l’aide de l’outil Graphab (version 1.3.30) développé au laboratoire ThéMA sous la direction de Jean-Christophe Foltête, et programmé en Java par Gilles Vuidel (Foltête et al., 2012a). Ce logiciel permet de réaliser de manière simple les opérations décrites dans cette section pour construire un graphe paysager. En entrée, deux types de cartes sont nécessaires : la carte d’occupation du sol, en format matriciel de type .TIFF avec un code attribué à chaque cellule en fonction de sa classe d’occupation du sol, et la carte de coûts associée, en format .TIFF également, présentant une valeur de coût pour chaque classe d’occupation du sol.

Dans tous les graphes modélisés dans ce travail, le mode 8-connexité a été utilisé, ce qui signiie que les déplacements des espèces peuvent se réaliser dans les diagonales. L’utilisateur doit ensuite

déinir quel type d’occupation du sol constitue l’habitat de l’espèce considérée et quelle est la surface

minimale des taches d’habitat. L’ensemble de ces paramétrages permet de déinir les nœuds du graphe, et le jeu de liens qui y est associé. À partir de ce jeu de liens, la distance de dispersion de l’espèce est convertie en distance coût. Cette valeur est ensuite utilisée pour seuiller le graphe paysager. À partir du graphe paysager ainsi créé, il est possible de mesurer la connectivité écologique à l’aide de différentes métriques.

modèle des métapopulations, Hanski (1994) propose de quantiier la probabilité de dispersion d’une espèce cible à partir de la distance inter-tache. Cette relation de probabilité est la suivante :

où p est la probabilité de dispersion entre les deux taches i et j, et dij la distance entre les taches

i et j et

où d est la distance de dispersion de l’espèce cible, et p la probabilité de dispersion à cette distance. α est souvent paramétré à l’aide de la dispersion maximale ou médiane de l’espèce. Pour une espèce dont la dispersion médiane est de 3 000 m, 50 % des individus opèrent une dispersion à plus de 3 000 m, donc p=0,5.

Certaines métriques de connectivité permettent d’estimer les lux de dispersion potentiels entre deux taches d’habitat. Ces métriques sont directement issues des modèles d’interaction spatiale comme le modèle de Huff (1964), utilisés pour mesurer un lux entre deux entités en fonction de la distance qui les sépare.

où Fij est la quantité de lux entre les entités i et j, Pi et Pj les masses respectives des entités i et

j, dij la distance qui sépare les entités i et j, et k une constante d’ajustement du modèle.

Ces modèles d’interaction spatiale sont adaptés pour modéliser les interactions potentielles entre deux taches d’habitat. Les métriques de calcul de lux sont calculées à deux niveaux : au niveau global et au niveau local.

Métriques globales

Ce type de métrique caractérise la connectivité globale du réseau, qu’il soit connexe (une seule composante) ou non (plusieurs composantes). Deux métriques globales sont fréquemment utilisées pour caractériser la somme des interactions sur le réseau entier : Integral Index of

Connectivity (IIC) (Pascual-Hortal et Saura, 2006) et Probability of Connectivity (PC) (Saura et

Pascual-Hortal, 2007).

La métrique IIC est une métrique de connectivité pour les réseaux dont les liens ne sont pas pondérés. Cette métrique estime la possibilité de dispersion d’une tache à une autre pour toutes les autres taches du réseau. Sa formule est la suivante :

où ai et aj sont les surfaces respectives des taches i et j, le nombre de liens appartenant au parcours entre la tache i et j, et la surface totale de la zone d’étude. Pascual-Hortal et Saura (2006) ont comparé dix autres métriques de connectivité par rapport à leur utilité et leur eficacité pour l’aménagement du territoire et la conservation des paysages et ont conclu qu’au regard de ces critères, l’IIC était la métrique la plus performante. C’est pourquoi nous ne présentons pas ici

��� =�−���� � =− ln(�) ��� =�������� ��� =∑ ∑ ���� 1 +���� � �=1 � �=1 ��2 ���� ��

d’autres métriques globales de connectivité, hormis le PC, développé ultérieurement à partir de la métrique IIC.

Comme la métrique IIC, la métrique PC permet également de caractériser la probabilité de dispersion d’une tache à une autre pour toutes les autres taches du réseau. Mais dans le cas du PC, les liens sont pondérés. Cette métrique mesure la probabilité que des individus placés au hasard dans la zone d’étude se situent dans des taches d’habitat connexes. Elle intègre la probabilité de dispersion directe p en fonction de la distance entre les taches d’habitat.

où ai et aj sont les surfaces respectives des taches i et j, le produit maximum des probabilités de dispersion de tous les parcours possibles entre la tache i et j et la surface totale de la zone d’étude.

En étant normalisé par la surface de la zone (comme l’indice IIC), l’indice PC s’interprète comme une probabilité. Ses valeurs sont donc comprises entre 0 et 1. S’il n’existe pas d’habitat dans la zone d’étude, PC = 0 puisque ai=0. S’il n’y a qu’une seule tache dans la zone d’étude avec

ai = , donc ai = aj par conséquent pij = 1 et PC = 1.

Dans le cadre de ce travail, nous souhaitons que la métrique utilisée réponde à un certain nombre de critères :

– Elle doit prendre en compte à la fois l’étendue des surfaces d’habitat (potentiel démographique) et leur degré de connectivité (potentiel de mouvement).

– Sa valeur doit être normalisée, ain de pouvoir établir des comparaisons entre les différents graphes paysagers créés pour chaque scénario d’urbanisation.

– Sa valeur doit être plus faible en cas de diminution de la surface des taches d’habitat par exemple si de nouveaux espaces bâtis y sont construits.

– Elle doit considérer la modiication éventuelle des chemins de moindre coût entre

les taches si les valeurs de coût attribuées à la matrice paysagère sont changées suite aux variations du traic ou à la construction de nouveaux espaces bâtis. Elle doit donc prendre en compte l’augmentation potentielle de la distance entre les taches d’habitat. – Elle doit considérer la perte de toutes les taches d’habitat, qu’elles soient connectées ou non connectées. À ce titre, la valeur de la métrique doit également diminuer plus fortement si une tache ayant une fonction de pas japonais (stepping-stone) clé est supprimée.

L’utilisation de la métrique PC permet de répondre de manière satisfaisante à l’ensemble de ces critères (Saura et Pascual-Hortal, 2007). Le PC est donc la métrique globale retenue dans ce travail pour mesurer la connectivité de l’ensemble des réseaux écologiques modélisés. Par rapport à l’IIC, le PC présente l’avantage de prendre en compte la pondération des liens en fonction de la

�� =∑��=1∑��=1������� ∗ �2

��� ∗

��

distance séparant les taches d’habitat. La distance maximale de dispersion (en unités de coûts) est utilisée de manière indicative pour déterminer le facteur α nécessaire au calcul de la probabilité de dispersion pij de l’espèce considérée.

Les métriques globales sont calculées pour l’ensemble du réseau et ne permettent pas de savoir quels éléments du graphe présentent le plus fort (ou le plus faible) degré de connectivité.

Métriques locales

Les métriques locales de connectivité permettent, elles, d’estimer la connectivité d’un élément (lien ou tache) du réseau. Leur utilisation permet ainsi la spatialisation des mesures de connectivité ain, par exemple, d’identiier les taches d’habitat les plus importantes à protéger pour assurer le maintien de la connectivité écologique globale d’une zone donnée.

La métrique globale PC peut être transposée localement par la méthode de retrait des taches (patch removal) et le calcul du delta PC (Saura et Rubio, 2010) tel que :

où dPCk est la valeur du delta PC pour la tache k, PC la valeur de PC globale, et PCk la valeur du PC globale après le retrait de la tache k. Cependant, la comparaison de plusieurs valeurs de dPC suppose que le PC global soit constant. Dans notre cas, le PC global varie puisque des graphes sont construits pour chaque scénario d’urbanisation. Ain de permettre la comparaison des valeurs locales de PC pour chaque scénario, nous préférons utiliser la métrique locale PClux, proposée par Foltête et al. (2014).

Le PClux caractérise la contribution de chaque tache à l’indice PC global. L’utilisation de cette métrique permet de comparer sa valeur avant et après simulation d’un scénario d’urbanisation. Pour une tache donnée j, PClux(j) correspond à :

où ai et aj sont les surfaces respectives des taches i et j, le produit maximum des probabilités de dispersion de tous les parcours possibles entre la tache i et j et la surface totale de la zone d’étude. Ainsi, la somme de toutes les valeurs de PClux de chaque tache est égale à la valeur globale du PC calculée pour le même graphe.

Interpolation spatiale des métriques locales

Dans ce travail, des graphes paysagers sont construits pour plusieurs espèces ayant des taches d’habitat et des capacités de déplacements très diverses (voir chapitre 7). Il n’est donc pas possible de comparer directement la connectivité locale entre leurs réseaux. Plusieurs travaux ont montré que l’on pouvait établir un lien entre le degré de connectivité local issu de la modélisation et la présence des espèces relevée sur le terrain (Awade et al., 2012; Foltête et al., 2012b; Lookingbill

et al., 2010b; Ribeiro et al., 2011). Partant de cette relation, il apparaît pertinent de généraliser

les valeurs des métriques locales calculées dans les taches (espace discret) à l’ensemble de la ����= 100 × ����� ������(�) = ∑ ������� ∗ � �=1 �2 ��� ∗ ��

mosaïque paysagère (champ de valeur continu) (Foltête et al., 2012b; Galpern et Manseau, 2013). Dans le cas présent, ce type d’interpolation doit faciliter la comparaison entre les espèces ayant des réseaux écologiques différents. La méthode d’interpolation spatiale consiste à attribuer à n’importe quel point de l’espace :

– soit la valeur de la métrique de la tache la plus proche (rattachement unique selon Foltête et al. (2012b))(igure 6.9a).

– soit la somme pondérée des valeurs des taches dans une distance inférieure ou égale à la distance de dispersion (multi-rattachement) (igure 6.9b).

La valeur de connectivité associée à la tache diminuant à mesure que l’on s’en éloigne, chacune de ces valeurs est pondérée selon une fonction décroissante de la distance telle que :

où est le facteur de pondération, α un facteur de la distance propre à l’espèce considérée, et dij la distance entre le point d’interpolation i (cellule) et la tache j. Comme dans le calcul des métriques précédentes, cette distance est calculée en unités de coûts. L’interpolation spatiale prend donc en considération la résistance de la matrice paysagère. Dans ce travail, la méthode d’interpolation utilisée est celle du multi-rattachement, présentée en igure 6.9b et formalisée de la manière suivante :

où correspond à la métrique interpolée à la cellule i, j correspond à la tache à partir de laquelle la métrique est interpolée et au facteur de pondération entre la cellule i et la tache j.

Ce type d’interpolation permet d’obtenir une valeur de connectivité potentielle pour chaque cellule de la matrice paysagère de chaque espèce. Plus les cellules sont éloignées du réseau écologique, moins leurs valeurs de connectivité potentielle sont élevées.

��� =�−���� ��� �� = ∑ ������(�)× ��� � �� ���

Rattachement à la tache la plus proche (3)

Rattachement aux taches accessibles par l’espèce en fonction de sa distance maximale de dispersion

(1, 3 et 4) a b 1 2 5 4 3 A 1 2 5 4 3 A

chemin de moindre coût inter‐taches tache d’habitat

connexion d’un point A de la matrice au graphe paysager

(rattachement à la tache la plus proche)

connexion d’un point A de la matrice au graphe paysager

(multi‐rattachement)

pas de connexion d’un point A de la matrice au graphe paysager

(distances supérieures à la distance maximale de dispersion de l’espèce)

Marc Bourgeois ‐ ThéMA/CNRS 2015