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Conclusion générale

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Academic year: 2021

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Au terme de ce travail, le premier élément que nous souhaitons souligner concerne les rapports entre les traditions céramiques observées sur le terrain et les traditions relatives à l’histoire des populations concernées. L’analyse de la chaîne opératoire des potières de l’Arewa et de l’est du Kurfey (chapitre II) montre notamment que la technique de façonnage est relativement identique sur l’ensemble de la zone, puisque les potières rencontrées pratiquent le moulage sur forme convexe et la mise en forme des colombins par battage. Les répertoires formel, décoratif et technique semblent par ailleurs communs aux potières de l’ensemble de la zone. Cette homogénéité technique contraste avec les traditions orales portant sur l’histoire du peuplement de l’Arewa et du Kurfey oriental. Comme nous le notions, si l’histoire de cette région est conçue comme une succession de couches de peuplements, il est à noter que la diversité des origines ne se matérialise pas au niveau du processus de fabrication des récipients. Un raccourci rapide réduirait toute la complexité de l’histoire de la technique de façonnage du moulage sur forme convexe à la seule dimension ethnolinguistique. Si l’on s’en tient à la catégorie générique du moulage sur forme convexe, les potières de notre zone d’étude s’ancrent en effet dans une tradition technique identique, du point de vue du façonnage du fond et des moitiés inférieure et supérieure des récipients.

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Trois questions se sont alors posées : comment expliquer que toutes les potières d’un même village, alors qu’elles n’en sont pas nécessairement issues, fassent la même chose ? Comment expliquer ces regroupements villageois face à la diversité rencontrée au sein de la zone d’étude ? Et comment expliquer la pérennité de ces ensembles à travers le temps ?

Si la comparaison des données techniques nous a permis d’identifier des variantes et des similitudes, elle ne nous a pas toujours permis de les expliquer. Pour comprendre la dynamique dans laquelle sont engagées les artisanes, nous avons pris en compte la dimension sociale de la production. Faire de la poterie ne s’exerce pas dans une bulle temporelle et contextuelle particulière, ce n’est pas une pause dans l’espace-temps des individus. C’est une activité qui s’inscrit, au contraire, dans le quotidien des artisanes. Par ailleurs, si la pratique céramique s’exerce dans le contexte domestique, elle investit également l’espace extra villageois par le fait, notamment, que certaines étapes de la chaîne opératoire se déroulent hors de la concession. Lorsqu’une potière réalise un récipient, elle n’est pas isolée, mais inscrit sa pratique dans un monde connu et habité. Sa technique est autant marquée par son apprentissage que par son identité familiale, villageoise, linguistique ou encore par les interactions qu’elle entretient avec des artisanes de son village ou d’ailleurs, par ses amitiés ou ses inimitiés. Partant de ce constat, il était impératif de mettre en évidence les situations de pratiques autant que les cadres dans lesquelles ces situations se développent.

Dans le chapitre V nous avons présenté les divers cadres de pratiques relatifs à la poterie, et dans lesquels se développent diverses formes d’interaction : le site d’extraction, l’atelier, le site de cuisson et le marché. Ces cadres de pratiques sont associés à quatre moments propices au développement de connaissances sur les « façons de faire » et les « façons de voir » des autres potières du village, mais également sur les représentations de la clientèle et sur les changements qui permettent éventuellement l’amélioration de la technique. Ces quatre cadres correspondent, lorsqu’ils sont collectifs, à des espaces dans lesquels les artisanes d’une même localité participent à une « entreprise commune » (une cuisson collective, par exemple) et sont engagées dans une pratique partagée avec des artisanes issues du même village ou d’autres localités (sur le site d’extraction ou au marché). Nous avons donc divisé l’analyse spatiale en deux niveaux: le niveau villageois (atelier et site de cuisson) et extra-villageois (site d’extraction de l’argile et marché), afin d’approcher les mécanismes responsables des configurations techniques en présence dans la zone d’étude.

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Cette notion permet en effet de mettre en exergue le processus de co-construction et de diffusion de connaissances. C’est par le biais de l’apprentissage que nous avons retracé la manière dont l’artisane s’inscrit dans une communauté. Trois constats majeurs ont pu être faits à propos de l’apprentissage de la poterie.

Premièrement, si l’acquisition de connaissance est tributaire de la participation, cette dernière est source de réévaluation de la pratique. En effet, participer dans des cadres précis et multiples implique d’être confronté à différentes manières de procéder, même si les différences sont subtiles, et provoque une réflexion sur son propre travail par rapport à celui des autres, et inversement. Deuxièmement, c’est la participation à l’activité commune qui semble engendrer la coopération et l’acquisition du savoir, car, sans participation, il n’y a pas de confrontation ni même d’échanges. Enfin, l’acquisition et la co-construction des connaissances deviennent signifiantes puisqu’elles permettent de « mesurer » la place qu’occupe l’individu au sein de sa communauté : ces connaissances sous-tendent en effet son évolution au sein du groupe. Combinées aux compétences, elles deviennent des « marqueurs identitaires » à la fois individuel et collectif.

Nous nous sommes ensuite penchés sur un cas particulier, afin de voir comment s’organise la pratique à l’échelle villageoise et comment (et où) se construisent les pratiques collectives entre les potières d’une même localité villageoise. Ce zoom nous a permis de situer les limites d’une communauté de pratique, non pas à l’échelle villageoise, mais selon des petits groupes de pratiques cristallisés autour de la cuisson et au sein d’ateliers communs. L’atelier et le site de cuisson apparaissent d’une part, comme le terrain de micro-différences et de discussions à propos des manières de faire et d’autre part, comme les miroirs de la prédominance de certaines relations. Alors que les artisanes sont généralement associées à un

tout à l’échelle villageoise, la cuisson collective, les interactions et les relations entretenues et

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Cela étant, il nous fallait comprendre dans quel contexte et selon quelles modalités se construisait l’appartenance à la communauté villageoise, dans la mesure où cette appartenance entraîne notamment une homogénéité technique ou stylistique telle que l’adoption d’une même recette de pâte ou d’une même décoration. Un nouveau changement de focale a permis d’apporter une réponse, en se plaçant cette fois à l’échelle extra-villageoise.

Certaines activités telles que l’extraction de l’argile ou la vente sur le marché se déroulent en effet en dehors de la localité. Si les espaces de pratiques au niveau local sont parfois propres à certaines potières, les cadres de pratiques en dehors de la localité sont partagés par l’ensemble des potières d’une même entité villageoise. Nous avons donc suivi la piste de ces cadres de pratiques extra-villageois afin d’identifier la dynamique dans laquelle les potières semblaient être engagées en dehors de leur atelier et de leur site de cuisson. Dans cette partie, nous avons mis en évidence que l’attachement entre les potières d’une même communauté villageoise prend également tout son sens en dehors de la localité, dans le cadre des mises en relations qui dépassent l’échelle villageoise. L’homogénéité technique à l’échelle villageoise est donc aussi à mettre en rapport avec ce qui se déroule hors du village. Si nous voulons comprendre les différentes dynamiques dans lesquelles sont engagées les artisanes et comprendre leur impact éventuel sur la fabrication des potières, il nous faut nécessairement imbriquer ces différents niveaux d’analyses.

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Ainsi, alors que la technique se modifie au fil des générations, l’évolution spatiale de ces configurations ne semble pas être aussi mouvante. Le site d’extraction et le marché font donc partie du « lot d’héritage » de l’apprentissage et/ou de l’appartenance à une communauté.

Enfin, l’arrêt des décorations dans le centre ainsi qu’au sud-est de la zone d’étude, illustre que les plaintes ou les besoins de la clientèle, recueillies lors d’une pratique extra locale (la vente sur le marché), sont parfois intégrées dans la production des artisanes concernées, et sont donc des éléments qui expliquent certains changements dans la pratique des artisanes. Cet élément montre bien que les sphères locales et extra locales sont intrinsèquement imbriquées et qu’une série d’acteurs doivent être pris en compte pour comprendre le ou les changements assimilé(s) au fil du temps.

On comprend également qu’il existe parfois une dynamique extra-villageoise, à l’échelle micro-régionale, qui peut être rapprochée de celle que l’on retrouve au niveau villageois en termes de partage de connaissances. Si l’homogénéité technique au niveau villageois est issue du fonctionnement d’une communauté de pratique, l’homogénéité technique à l’échelle micro-régionale est, quant à elle, liée au partage de cadres de pratique, sur laquelle se fondent une conscience commune d’appartenance à un même espace régional et un partage du répertoire technique.

Que retenir de tout cela ?

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Les études qui se sont intéressées au fonctionnement des communautés de praticiens (Bowser, 2006 ; Geslin et Salembier, 2002), se sont souvent confinées au cadre villageois ou à celui d’une communauté donnée, sans tenir compte des multiples configurations spatiales dans lesquelles ces communautés s’inséraient. S’attacher à comprendre les situations collectives de co-construction des savoirs et savoir-faire (Geslin et Salembier, 2002 :246) au sein d’une communauté de pratique n’est qu’un aspect spécifique de l’étude d’une collectivité informelle. Saisir comment se construisent et évoluent les savoirs au sein d’un groupe nécessite de situer la communauté dans son contexte global de pratique et d’établir les connexions éventuelles avec les membres d’autres communautés. Ainsi, alors qu’il est reconnu que les artisanes sont souvent engagées dans une dynamique de groupe au niveau villageois, notre étude tend à montrer qu’une pareille dynamique est présente à une échelle plus large.

Même lorsque l’artisane est isolée au sein de son village, elle s’ancre dans un espace particulier et tisse des relations - ou, tout au moins, entre en interaction - avec d’autres praticiennes par le biais d’opérations collectives hors du contexte villageois. Négliger les cadres de pratiques et les interactions qui s’y déroulent, c’est en quelque sorte nier le contexte et l’histoire quotidienne qui a façonné et continue à façonner les « traditions techniques ». Partant de l’homogénéité flagrante au niveau villageois et apparente au sein de zones micro- régionales, la coopération et la constance des cadres de pratiques semblent constituer deux facteurs explicatifs des configurations techniques en présence dans notre région d’étude.

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Références

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