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Quoi de neuf dans la physiopathologie des syndromes myélodysplasiques ?

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 1 - janvier-février 2017 16

R ÉSUM É Summary

Les syndromes myélodysplasiques (SMD) représentent un ensemble hétérogène de maladies clonales de la cellule souche hématopoïétique, caractérisées par une érythropoïèse inefficace, une dysplasie de la moelle osseuse et un risque accru de transformation en leucémie aiguë myéloblastique. Les mécanismes physiopathologiques conduisant à cette maladie englobent désormais un environnement médullaire infl ammatoire associé à de nombreuses anomalies génétiques somatiques qui touchent les cellules hématopoïétiques dès le stade le plus immature, mais aussi les cellules de l’environnement comme les cellules stromales mésenchymateuses. Dans cet article, nous développerons les avancées récentes sur le rôle de l’infl ammation dans la physiopathologie des SMD. Nous eff ectuerons également une mise à jour des avancées pronostiques et thérapeutiques dans l’exploitation des données de génomique à haut débit.

Mots-clés : Inflammation – Mutations – Myélodysplasie – Physiopathologie.

Myelodysplastic syndromes are heterogeneous diseases defi ned by ineffi cient erythropoiesis, bone marrow dysplasia, and an increased risk of progression to acute myeloid leukemia. Among the mechanisms which lead to this heterogeneity, an infl ammatory bone marrow environment and somatic genetic abnormalities are functionally involved in the physiopathology of the disease. In this paper, we will discuss the implication of infl ammatory proteins and pyroptosis. We will also focus about the interest of deep genomic data in terms of prognosis and potential therapeutic targets.

Keywords: Infl ammation – Mutations – Myelodysplasia – Physiopathology.

Quoi de neuf dans la physiopathologie des syndromes myélodysplasiques ?

What’s up in myelodysplastic syndromes’ physiopathology?

T. Cluzeau*, O. Kosmider**

* Service d’hématologie clinique, CHU de Nice,

Inserm U1065, Centre méditerranéen de médecine moléculaire, université Côte d’Azur, université Nice Sophia Antipolis, faculté de médecine, Nice.

** Service d’hématologie biologique, hôpital Cochin,

HUPC, institut Cochin, Inserm U1016-CNRS UMR8104, université Paris-Descartes, faculté de médecine, Paris.

L

es syndromes myélodysplasiques (SMD) sont des maladies hétérogènes de la cellule souche myéloïde. Ils se caractérisent par une moelle riche, contrastant avec des cytopénies périphériques.

Ce paradoxe est attribué à une apoptose excessive des précurseurs médullaires et à une diff érenciation inef- fi cace des progéniteurs myéloïdes, favorisées par un environnement médullaire propice à l’acquisition du phénotype myélodysplasique, et ce dès le stade de la niche hématopoïétique.

Implication des protéines de l’infl ammation

De récents travaux ont identifi é le rôle important de l’immunité innée et de l’infl ammation dans le déve- loppement des SMD, permettant de faire le lien entre l’expansion des cellules souches hématopoïétiques (CSH) et le phénotype myélodysplasique.

La reconnaissance antigénique par les cellules de l’immunité innée s’eff ectue grâce à l’interaction de PAMP (Pathogen-Associated Molecular Patterns) et des PRR (Pattern-Recognition Receptors) . Les TLR (Toll- Like Receptors) sont les membres les plus abondants des PRR (1, 2) . Les TLR activent de multiples voies de signalisation intracellulaire que nous allons détailler ci-dessous. Chez l’homme, 10 TLR (1 à 10) ont été iden- tifi és. Chacun est composé d’un ectodomaine riche en leucine, d’un domaine transmembranaire et d’un domaine TIR (Toll/Interleukin- 1 Receptor) . Le domaine TIR est responsable du signal de transduction intra- cellulaire via le recrutement de multiples molécules adaptatrices telles que MyD88 (Myeloid Diff erentiation primary response 88) , TIRAP (TIR-domain-containing Adaptor Protein) , TRIF (TIR-domain-containing adap- tor-inducing interferon-β) et TRAM (TRIF-Related Adaptor Molecule [3] . À l’exception de TLR-3, l’activation des TLR stimule − via MyD88 − celle des voies NF-κB (Nuclear Factor kappa-light-chain-enhancer of activated B cells) et

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 1 - janvier-février 2017 17 un panel de ligands, incluant le lipopolysaccharide (LPS)

qui déclenche les voies dépendantes de MyD88 et TRIF via l’interaction des molécules adaptatrices TIRAP et TRAM, respectivement. La production de cytokines via TLR-4 nécessite l’activation de chacune de ces 2 voies, à la diff érence des autres TLR. L’activation de NF-κB dépendante de MyD88 fait intervenir d’autres molécules telles que les IRAK (IL-1 Receptor-Associated Kinases) . Ces IRAK participent à la formation d’un large com- plexe multiprotéique impliquant TRAF6 (TNF Receptor- Associated Factor-6) , TAK1 (Transforming Growth Factor-β [TGF-β]) -Activated Kinase) , IKK (IκB kinase), TAB2/TAB3, et NEMO (4, 5) . La phosphorylation d’IKKβ par TAK1 déclenche celle des protéines IκB liant NF-κB, ce qui permet leur dégradation et libère ainsi NF-κB qui peut transloquer du cytoplasme vers le noyau de la cellule (fi gure) .

Les cytokines jouent un rôle primordial dans l’hémato- poïèse au cours de la diff érenciation des progéniteurs myéloïdes, mais également en cas de stress tel que l’infl ammation et les infections (6) . Ces cytokines ont un rôle de régulation dans la prolifération, la diff éren- ciation et l’activation des cellules hématopoïétiques.

Récemment, il a été mis en évidence que les cellules souches et progénitrices hématopoïétiques (CSPH) présentaient à leur surface des TLR, dont TLR-4, qui entraîne la prolifération de ces cellules après stimulation par lipopolysaccharide (LPS) . L’état de quiescence de ces cellules les protège de la mutagenèse : un milieu infl am- matoire pourrait entraîner un avantage prolifératif ainsi qu’une augmentation du risque d’acquisition de muta- tions somatiques (7) . Par ailleurs, plusieurs membres de la voie de signalisation des TLR ont été associés aux SMD. TLR-4 est surexprimé dans les CSPH des SMD et sa surexpression est corrélée à une augmentation de l’apoptose de ces cellule s (8) . Dans les SMD avec del(5q), il a été observé une augmentation de l’expression de TRAF6 impliqué dans la survie des CSPH (9) . IRAK1 est également surexprimé dans les SMD (10) .

En plus des PAMP, les DAMP (Damage-Associated Molecular Patterns) sont des molécules libérées durant l’inflammation et la mort cellulaire, et qui peuvent également moduler l’immunité innée via la voie de signalisation des TLR, et plus particulièrement TLR-4.

Récemment, il a été montré que S100A8 et S100A9 étaient des ligands de TLR-4 et pouvaient engen- drer une réponse infl ammatoire via des mécanismes autocrines ou paracrines (11) . Les ligands S100A8/A9

sont impliqués dans la progression tumorale de nom- breux cancers solides ou d’hémopathies. En 2008, P. Cheng et al. (12) ont montré in vivo que ce com- plexe S100A8/ A9 est impliqué dans la progression des SMD via la production de cellules myéloïdes suppres- sives (CMS) qui ne sont pas clonales, mais qui suppri- ment l’immunité antitumorale. Non seulement les CMS sont stimulées par S100A8/A9, mais elles produisent également les protéines de ce complexe, permettant ainsi une boucle de stimulation autocrine. L’équipe de A. List et S. Wei a mis en évidence une expansion des CMS exprimant le CD33 dans les SMD (13) . Cette expansion est médiée par la stimulation par S100A9 de la voie CD33, entraînant la production par les CMS de cytokines immuno suppressives telles que l’IL-10 et le TGF-β . Cette action immunosuppressive requiert le

Figure. Principales cascades de l’activation cellulaire en aval d’un récepteur TLR activé.

B

C D E

F

Inflammation Régulation immune Prolifération Survie

MEKK1

MKK3/5 NF-κB

MKK4/7

MAPKp38

JNK

NF-κB TF

TRAF6

TAB1/2

IRAK2 IRAK1

IKKβ

TRAM TRIF MyD88 TIRAP

IRAK4

IKKα IKKy

κBα TAK1

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 1 - janvier-février 2017 18

motif ITIM (Immunoreceptor Tyrosine-based Inhibitory Motif) du récepteur CD33. Des souris transgéniques sur exprimant S100A9 présentent ainsi un phénotype de SMD caractérisé par des cytopénies périphériques, une dysplasie médullaire et certaines anomalies cyto- génétiques et moléculaires fréquemment retrouvées dans les SMD, ce qui souligne l’importance de ce méca- nisme dans la physiopathologie de ces maladies. En 2016, N.A. Zambetti et al. (14) ont également montré qu’une niche hématopoïétique infl ammatoire entraînait un stress génotoxique au niveau des CSH et favorisait la progression vers une leucémie. Une autre étude a aussi démontré qu’une haplo-insuffi sance du gène Rps14, responsable de l’anémie des patients souff rant d’un syndrome 5q–, induisait une production de S100A8/A9 suffi sante pour bloquer la diff érenciation érythroïde.

L’inhibition de S100A8/ A9 restaure ainsi une érythro- poïèse effi cace dans des cellules haplo-insuffi santes pour Rps14 (15) . Le blocage de l’axe S100A9/CD33/

TLR-4 par des inhibiteurs spécifi ques de S100A9 ou de l’interaction de ce ligand avec CD33 est également capable de restaurer une hématopoïèse effi cace in vitro, ce qui suggère que le ciblage de cette voie pourrait représenter un nouvel axe thérapeutique dans les SMD.

Bien que l’importance de l’infl ammation et de l’immunité innée semble désormais mieux établie dans la physio- pathologie des SMD, le mécanisme de mort cellulaire des précurseurs érythroïdes qui en résulte n’est pas claire- ment identifi é. Malgré des travaux antérieurs impliquant l’apoptose et l’autophagie dans les SMD, c’est un autre mécanisme de mort cellulaire, la pyroptose, qui a été récemment mis en avant. La pyroptose est un mécanisme de mort cellulaire pro-infl a mmatoire caspase-1 dépen- dante, identifi é il y a peu et qui n’était pas connu comme jouant un rôle dans les SMD. Au niveau du cytoplasme, elle entraîne la formation d’infl ammasome, une forma- tion protéique composée de NLR (Nucleotide-binding domain and Leucine-rich repeat pattern- recognition Receptors) [16] , dont le mieux caractérisé est NLRP3 (NLR family Pyrin domain-containing 3) . NLRP3 est activé en réponse aux multiples DAMP, et il recrute une famille de protéines à domaine ASC (Apoptosis-associated Speck- like protein) associées à l’apoptose. Après recrutement de NLRP3, ASC se lie à la procaspase-1 et entraîne son clivage et son activation. L’activation de la caspase-1 génère une condensation nucléaire, une conversion des précurseurs des cytokines inflammatoires dans leurs formes actives telles que IL-1β et IL-18, et une for- mation de pores membranaires entraînant un infl ux de cations conduisant à un gonfl ement et à une lyse osmotique de la cellule. S.L. Masters et al. (17) ont mis en évidence un lien entre pyroptose et hémato poïèse

via la formation d’un inflammasome NLRP1 médié.

Plus récemment, A.A. Basiorka et al. (18) ont montré un lien entre pyroptose et SMD. En eff et, les auteurs ont démontré que le complexe protéique S100A8/ A9 induit dans les cellules myélodysplasiques la formation d’infl ammasome NLRP3 responsable d’un phénomène de pyroptose. NLRP3 pourrait se lier à un canal calcique TRPM2 qui pourrait expliquer le gonfl ement de la cellule observé après induction de pyroptose (19, 20) . Cette activation de pyroptose a été observée dans les cellules de souris trans géniques surexprimant S100A9 et dans les CSPH issues de prélèvements médullaires de patients souff rant d’un SMD, ce qui confi rme l’importance de ce mécanisme dans la physiopathologie des SMD.

Nouveautés dans la biologie moléculaire

L’étude du paysage moléculaire des SMD au diagnostic permet désormais d’affi ner le pronostic, d’apporter des éléments de théranostique et d’aider à poser un diagnostic dans les cas douteux où la cytologie, la cyto- génétique et la cytométrie en fl ux s’avouent impuis- santes. Il est également désormais démontré que les nouvelles stratégies de séquençage appliquées à la génétique somatique sont incontournables quand il s’agit d’établir ce paysage moléculaire appelé “muta- tome”.

Les mutations somatiques retrouvées aff ectent les gènes codant pour des protéines impliquées dans la transcrip- tion et la signalisation intracellulaire , la régulation épi- génétique au sens large incluant méthylation de l’ADN et compaction de la chromatine via les mutations qui touchent les composants du complexe PRC2, dans l’épis- sage via les composants du complexe du splicéosome et, enfi n, dans la bonne ségrégation des chromosomes au cours de la mitose via les mutations aff ectant les gènes codant pour les cohésines . Les fonctions associées à ces familles de gènes ainsi que les autres processus dérégulés dans les SMD ouvrent théoriquement la voie à de nombreuses pistes thérapeutiques, d’autant plus qu’elles sont identifi ées dès le stade des CSH.

D’un point de vue descriptif, il n’y a pas eu de grandes avancées quant au mutatome des SMD depuis les publications de 2013 et 2014 (21, 22) dans lesquelles les auteurs, comme dans tous les autres travaux publiés , ont montré que les gènes les plus fréquemment mutés dans les SMD étaient identiques d’une étude à l’autre ( TET2 , SF3B1 , ASXL1 , DNMT3A , RUNX1 et SRSF2 ). Les dernières descriptions concernent le gène de la caséine kinase 1A qui, situé sur la région commune de délétion des SMD avec del(5q), présente des mutations inactivatrices de

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 1 - janvier-février 2017 19 fi ées chez des patients sans hémopathie au moment de

l’analyse (25), ce qui introduit la notion d’hématopoïèse clonale liée à l’âge, car la fréquence de ces anomalies augmente avec l’âge des patients. Les auteurs, par une

soires ont été proposées : hématopoïèse clonale de potentiel indéterminé (CHIP), cytopénie idiopathique de signifi cation indéterminée ( Idiopathic Cytopenia of Undetermined Significance [ICUS]) et cytopénie

Tableau. Fréquence des anomalies des principaux gènes étudiés dans les SMD.

Gène Fréquence des mutations Localisation chromosomique Impact pronostique Composant du splicéosome

SF3B1 20 à 75 % (RARS) 2q33.1 Favorable ?

SRSF2 10 à 15 % 17q25.1 Défavorable

U2AF1 7 à 10 % 21q22.3 Défavorable

ZRSR2 3 à 11 % Xp22.1 Défavorable

PRPF8 1 à 4 % 17p13.3 Non évalué

Régulation épigénétique Méthylation de l’ADN

TET2 20 à 30 % 4q24 neutre

IDH1/IDH2 3 à 5 % 2q33.3/15q26.1 Défavorable

DNMT3A 10 % 2p23.3 Défavorable ?

Modifi cation des histones

ASXL1 10 à 20 % 20q11.2 Défavorable

EZH2 5 à 7 % 7q36.1 Défavorable

Rôle dans la signalisation cellulaire et la transcription

RUNX1 (AML1) 10 % 21q22 Défavorable

TP53 5 à 10 % 17p13 Défavorable

ETV6 2 à 5 % 12p13.2 Défavorable

EVI1 1 à 2 % 3q26 Défavorable

JAK2 5 à 50 % (RARS-T) 9p24.1

NRAS 5 à 10 % 1p13.2 Défavorable

KRAS 2 % 12p12.1 Défavorable

FLT3 1 à 4 % 13q12

CBL 2 à 4 % 11q23.3 Défavorable

Rôle dans la ségrégation des chromosomes (cohésines)

STAG2 7 à 10 % Xq25 Défavorable

RAD21 1 à 2 % 8q24

SMC3 1 à 2 % 10q25

Autres fonctions

SETBP1 4 % 18q21.1 Défavorable

BCOR 4 % Xp11.4 Défavorable

CSNK1A1 7 % 5q32 Défavorable

NF1 4 à 6 % 17q11.2

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 1 - janvier-février 2017 20

clonale de signifi cation indéterminée ( Clonal Cytopenia of Undetermined Significance [CCUS]) [26] . Dans les 3 situations, les patients présentent moins de 5 % de blastes dans la moelle osseuse. Les CHIP sont caracté- risées par la présence d’une anomalie moléculaire, la plupart du temps détectée par des techniques sensibles car la représentation de la mutation dans l’échantillon est souvent assez faible. Contrairement aux CHIP, les ICUS et les CCUS sont caractérisées par l’existence d’une cytopénie, mais en l’absence d’une dysplasie suffi sante ou d’une anomalie cytogénétique permettant de poser un diagnostic formel de SMD. Alors que les ICUS sont dépourvues de mutations dans les gènes cités, les CCUS présentent une anomalie moléculaire. De prochaines études à large échelle permettront de déterminer à quelle fréquence les CCUS évoluent en SMD.

Anomalies moléculaires de l’environnement des SMD

L’environnement médullaire des CSH a également été passé à la loupe du point de vue du génotype.

Principaux constituants de cet environnement dans la niche hématopoïétique, les CSM n’ont pas échappé à l’engouement pour des études de génomique à haut débit. Nous savons depuis 2011 (27) que les CSM peuvent être également porteuses d’anomalies géné- tiques qui sont cependant distinctes de celles identi- fi ées dans les cellules hématopoïétiques des mêmes patients. Dans ce travail, les CSM présentent de façon générale des anomalies chromosomiques aff ectant principalement les chromosomes 5, 7, 11 et Y. Ces anomalies cytogénétiques peuvent être à l’origine de la sélection clonale de ces CSM pathologiques, alors impliquées dans des dérégulations d’autres processus importants pour l’homéostasie de la niche, comme les sécrétions de cytokines assurées par les autres compo- sants cellulaires mis en jeu (SCF, CXCL4, ANGPT1, etc.).

Les pistes de recherche dans ce domaine résident dans l’étude des interactions bidirectionnelles entre les CSH et les CSM qui participent aux diff érentes étapes de la leucémo genèse (28) . Dernièrement, le rôle central des CSM dans les capacités des CSH à greff er et à reproduire la maladie dans des modèles murins immunodéprimés a été décrit (29) . Les expériences conduites dans ces modèles suggèrent que les CSM de patients souff rant de SMD soutiennent mieux l’hématopoïèse myélodyspla- sique que des CSM issues de patients ayant une moelle normale, soulignant là encore le rôle des anomalies de l’environnement médullaire dans la physiopathologie des SMD : ce dialogue entre CSM et CSH pathologiques

semble impliquer des facteurs tels que la N-cadhérine, l’IGFBP2 , le VEGF-A et le LIF . De nouveaux progrès des techniques de xénotransplantation, notamment la reconstitution d’une niche ectopique et humanisée sous forme d’“ossicules”, devraient permettre une étude plus systématique de ce dialogue (30) .

Mutations, impact pronostique et théranostique : du nouveau ?

La publication de référence en 2011 (31) avait rapporté le génotypage étendu d’une cohorte de 439 patients atteints d’un SMD, tous risques confondus selon l’IPSS, et avait montré un impact péjoratif sur la survie des mutations de 5 gènes : TP53, EZH2, ETV6, RUNX1 et ASXL1 . L’année suivante (32) , la même équipe a éga- lement rapporté l’impact péjoratif des mutations d’ EZH2, RUNX1, TP53 et d’ ASXL1 sur une cohorte de 288 patients souff rant d’un SMD de risque IPSS faible ou intermédiaire-1, démontrant clairement l’impact pronostique du génotype au diagnostic. Ce message a depuis été corroboré par de nombreuses publica- tions. La quasi-totalité des études menées à ce jour sur des nombres conséquents de gènes et de patients ont soulevé le rôle pronostique majeur du nombre de mutations identifi ées (21) . L’incorporation des don- nées moléculaires au prochain score pronostique des SMD pour constituer un IPSS moléculaire est au centre d’un eff ort international dans le cadre de l’International Working Group for the Prognosis of MDS (IWG-PM).

De manière plus récente et pour marquer l’importance des données de génotypage dans le cadre des SMD, les mutations de SF3B1 sont désormais intégrées par la nouvelle version de la classifi cation OMS à la défi nition des SMD avec sidéroblastes en couronne, notamment lorsque le nombre de ces cellules obervées en micros- copie est inférieur à 15 % (33) .

Dernièrement, le gène GFI1 , un répresseur transcrip- tionnel à doigts de zinc impliqué dans la myélopoïèse, a fait son entrée dans le domaine des potentiels mar- queurs pronostiques dans les SMD. Une expression diminuée de GFI1 est associée à une accélération de la leucémo genèse dans un modèle murin (34) . Cette expression diminuée pourrait être un facteur participant à la transformation des SMD en leucémie aiguë myélo- blastique (LAM). D’un autre côté, le polymorphisme qui entraîne la substitution du résidu asparagine de GFI1 par une sérine (anomalie S36 > N), et qui est détecté à hauteur de 9 % dans une cohorte de 723 patients atteints d’un SMD, serait un facteur de mauvais pro- nostic indépendamment des autres paramètres

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Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. XII - n° 1 - janvier-février 2017 21 F. Cluzeau et O. Kosmider déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

En termes de théranostique, les données sont encore peu nombreuses à ce jour, mais elles se confi rment.

Parmi tous les gènes présentant des mutations dans les SMD, seuls quelques-uns ( TET2, DNMT3A, ASXL1, SF3B1 et TP53 ) semblent avoir un intérêt théranostique validé. En 2011, un travail français a pour la première fois rapporté que la présence d’une mutation de TET2 était associée à un meilleur taux de réponse au traitement par azaci- tidine (36) , ce qui a été par la suite confi rmé et affi né.

Plusieurs études américaines suggèrent notamment que seule la combinaison TET2 muté/ ASXL1 non muté est associée à un taux de réponse supérieur aux agents hypométhylants ( 37, 38) . L’indication d’une allogreff e dans les SMD repose à ce jour sur le score pronostique IPSS. En 2014, une première étude a rapporté dans une cohorte de 87 patients recevant une allogreff e de moelle que la présence d’une mutation de TET2 , TP53 ou DNMT3A , confère un pronostic plus péjoratif (39) . Deux ans plus tard, une étude menée sur 401 patients souff rant d’un SMD ou d’une LAM secondaire a mon- tré que seules les mutations d’ ASXL1 , RUNX1 et TP53 sont prédictives d’une survie inférieure après allogreff e de CSH, par rapport à l’absence de mutation (40) . Ces 2 études soulignent l’importance de la détermination du statut mutationnel de TP53 de manière systéma- tique afi n de correctement évaluer le risque de rechute post-allogreff e. Enfi n, il a été récemment suggéré que la présence d’une mutation de DNMT3A pourrait conférer à des patients atteints d’un SMD sans délétion 5q une meilleure réponse au lénalidomide (41) .

Mutations et nouvelles thérapies ciblées dans les SMD ?

S’il reste à ce jour diffi cile de cibler thérapeutiquement les mutations aff ectant la régulation épigénétique, des

ne sont pas spécifi ques des SMD. Il est désormais établi que la préservation d’un allèle sauvage dans les cellules porteuses d’une mutation de l’un de ces 3 gènes était indispensable à la survie de la cellule leucémique. Ainsi, ces cellules s’avèrent plus sensibles à une perturbation pharmacologique du complexe d’épissage, même aspé- cifi que, que toute cellule non mutée. Les premières données ont été générées avec un composé vieux de 10 ans, la splicéostatine A ( 42) , et utilisé récemment dans des cellules de leucémie lymphoïde chronique (LLC) ou de cancer du sein avec mutation SF3B1 . Partant de ce principe, l’équipe d’O. Abdel-Wahab (43) a éga- lement montré l’activité de l’E7107, un inhibiteur du splicéosome, sur les cellules présentant la mutation P95H de SRSF2 . De manière quasi simultanée, l’équipe de B. Ebert ( 44) a montré l’effi cacité de la même molé- cule sur un modèle murin récapitulant l’érythropoïèse pathologique des SMD par introduction de la mutation K700E de SF3B1 . Enfi n, l’équipe de M.J. Walter vient de montrer l’effi cacité d’un autre composé, la sudémycine, sur les cellules porteuses de la mutation récurrente S34F de U2AF1 (45) . Ces données récentes suggèrent des pistes thérapeutiques nouvelles et spécifi ques dans les SMD, même si l’utilisation clinique de ces classes pharmacologiques risque de s’avérer délicate.

Conclusion

L’étude de l’environnement médullaire infl ammatoire et l’exploitation des données de génotypage à haut débit des patients souff rant de SMD permettent de pro- gresser dans la compréhension de la physiopathologie complexe de ces maladies hétérogènes. Ces avancées laissent augurer la possibilité de thérapies ciblées dans les SMD, jusqu’à ce jour réservées au lénalidomide dans

les SMD avec délétion 5q. ■

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