Optique. Sur une nouvelle doctrine de la vision (extrait d’une lettre au rédacteur des Annales)
Annales de Mathématiques pures et appliquées, tome 15 (1824-1825), p. 364-367
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364
OPTIQUE.
Sur
unenouvelle doctrine de la vision.
( Extrait d’une lettre
auRédacteur des Annales. ) P H É N O M È N E
Il
y a
.,Monsieur , déjà plus
d’un an quej’ai lu p
dans lesfeuilles
publiques
queM.
C. J.Lehot, ingenieur
desponts
et chaus-sées,
à ce queje crois ,
trouvant sans doute de graves inconvé- mens à ce que desimples images
desobjets
extérieurs fussent ap-pliqués
tout àplat
sur larétine ,
avait décidé souverainement quedésormais
cesobjets
sepeindraient ,
enrelief,
aux différenspoints
de l’humeur
vitrée ;
que , pour de bonnesraisons
sansdoute ,
ils’était adressé à l’Académie de
médecine ,
depréférence
à celledes
sciences ,
pour y faireenregistrer
son édit sur cesujet ;
etque cette société
savante
l’avaitengagé
àpoursuivre
ses travauxsur le
phénomène
de la vision.M Lehot
paraît
avoir mis ce conseil àprofit ,
carje lis ,
dansle Bulletin universel-de M. le Baron
de Férussac (février I825 ,
page
I04 , n.° I25 ) qu’il
croit avoirdécouvert,
par desexpé-
riences
qu’il
a faites l’andernier ,
la LOIMATHEMATIQUE qui
dé-termine la
grandeur apparente
des corps , loiqu’il exprime
ainsi :Les
grandeurs apparentes
des corps sont en raisoncomposées
dela directe des
grandeurs réelles ,
de la directe deslogarithmes
desdistances réelles et de l’inverse de ces mêmes
distances.
M. Lehot pense
qu’on
pourratraiter ,
à l’aide de sonprincipe,
une multitude de
problèmes
dont on avait donnejusqu’ici
quedes
solutions
erronées ; qu’on
pourra , par son secours, non seulementexpliquer ,
mais même mesurermathématiquement
laplupart
desphé-
nomènes connus
sous
le nom d’illusionsoptiques ; tels,
parexemple
que celle de l’allée d’arbres de
Taquet
, dont vous vous êtes oc-cupé, Monsieur ,
dans le volume de l’Académie du Gard .pourI807 ;
et
qu’en
un mot ceprincipe
doit donner naissance à une science toutà fait
nouvelle ;
etje
nepuis
me refuser à penser, avec M.Lehot ,
que cette science sera très-nouvelle en effet.
Soit un corps
placé
à une distance variable del’0153il, représentée
par x ; et
soit,
à cettedistance , y
sagrandeur apparente.
Suivant M.Lehot,
on devra avoirA étant une constante à déterminer par
l’expérience.
Je ne dirai.rien du cas où le corps en
expérience
serait situé derrière la tête del’observateur ;
nous rencontrerions alors les courbesponctuées
et
pointillées
de M. Vincent(*),
et il arriverait ainsi des chosestout à fait merveilleuses.
mais
en se bornant aux seules valeurs po- sitives de x, on voit que cetteéquation
est celle d’unecourbe , qui ) ayant
pourpremière asymptote
l’axe des ynégative ,
vientcouper l’axe des x
positives ,
passe de l’autre côté de cet axe, s’enéloigne jusqu’à
un certain terme ,puis
redescend lentement verslui ,
pour en faire sonasymptote.
(*) Voyez
la page I.re du présent volume.J. D. G.
366
P H É N O M È N E
Ainsi ,
il demeure décidé par M. Lehotqu’il
y atoujours
unedistance de l’0153il à
laquelle
lagrandeur apparente
dechaque
ob-jet
estmaximum,
de telle sortequ’en partant
de cettedistance,
- soit
qu’on l’approche
soitqu’on l’éloigne
duspectateur,
sa gran- deur apparente diminueégalement ;
mais que, tandisqu’il
fautl’éloigner
à l’infini pour que sagrandeur apparente
deviennenulle ,
il ne le faut
rapprocher
del’0153il,
aucontraire
que d’unequantité
médiocre,
pour obtenir le mêmerésultat ; qu’en
lerapprochant
unpeu
plus
del’0153il ,
ilreparaît
etgrandit
sans cesse , mais sous unaspect renversé , jusqu’à
cequ’enfin
il soit tout à faitappliqué
con-tre
l’oeil , auquel
cas sonirnage
est infini.Quelque piquans
que soient cesrésultats , j’ai grand’peur ,
Mon-sieur, qu’ils
n’obtiennent pas une faveurgénérale ,
et que beau- coup de gens ne s’obstinent à penser que lesjugemens
que nousportons
sur lagrandeur
desobjets éloignés ,
secomposant à
la foiset de
l’angle
souslequel
ils s’offrent à’ nous ,indépendamment
denotre
volonté ,
et del’opinion
souvent erronée que nous nous for-mons sur l’intervalle
qui
nous ensépare ;
etqu’une
multitude de.circonstances accidentelles
pouvant
faire varier le dernier de cesélémens,
enplus
ou enmoins,
c’estperdre
tout à fait soutemps
et ses
peines
que de chercher ici une loimathématique.
Ces
gens-là
continueront donc à croire que , parexemple ,
si le:peuple
sefigure
le soleil et la lune à peupris
de mêmegrandeur,
c’est
qu’il
voit ces deux astres à peuprès
sous le mêmeangle, et
q ’il les croit fixés à la même
voûte;
et que si la lune leurparaît
à eux-mêmes d’une
grandeur
démesurée àl’horizon,
bien quepourtant
ellesoit vue la sous un
plus petit angle qu’en
tout autrepoint
de soncours , c’est que , par l’effet de diverses causes , faciles à
décrire,
il
s’exagère
alors l’intervallequi
les ensépare. Qui
sait mêmesi,
trop
dominé par l’ascendant despréjugés mathématiques y
vous ne per- sisterez pasvous-même , Monsieur,
à penser, comme vous le fai- siez enI807 ,
que , du moins dans les circonstances lesplus
or-dinaires ,
pour que lesdeux rangées d’arbres
d’une avenueparais-
sent
parrallèles ,
il faut tout bonnementqu’elles
le soient en effet.Je vais
plus loin , Monsieur ,
etj’appréhende
fortque quelques
raisonneurs obstinés ne
prétendent
que,puisque
des couleurs ap-pliquées ,
avec tant soit peud’art ,
tout àplat
sur unetoile ,
sufli-sent pour nous faire
éprouver
le sentiment durelief ;
il se pour-rait ,
en touterigueur,
que l’auteur de la nature n’eût pas misplus
de finesse dans
l’organisation
del’0153il ,
etqu’une peinture
faite toutà
plat
sur la rétine futégalement
suffisante pour nous avertir de laprésence
des corpsextérieurs ,
et pour nous en faire connaître les formes réelles. Voilà donc des gensqui pourront
bien ne fairequ’un
cas fort médiocre de la nouvelle théorie de lavision, pré-
sentée l’an dernier à l’Académie de
médecine
par M.Lehot ; je
nevois pas même
trop
comment l’auteur pourra les ramener à sonopinion ;
de sortequ’il
se trouveracontraint ,
commel’auteur
dela
Philosophie générale ,
d’enappeler
à lapostérité.
Quant
à sonprincipe mathématique
sur lagrandeur apparente
desobjets,
c’est une toute autreaffaire ;
et , attenduqu’il
est bienconnu
qu’en
toutes chosesexpérience
passescience
,je conseillerai.
à M.
Lehot, afin
de convaincre lesplus incrédules ,
de faireplan-
ter une avenue d’arbres conformément à son
principe,
etd’appeler
le
public
commejuge
entre lui et ses adversaires. Il nes’agit,
eneffet, que
deplanter
ces arbressuivant
la courbe dontl’équation serait
et suivant une autre courbe
qui
seraitsymétrique
avecelle,
par rap-port
à l’axe des x, et de seplacer
àl’origine
descoordonnées.
Cette courbe n’est autre
chose que
celle de lafigure
I2du
Mé-moire de M. Vincent
déjà cité.
-