*
■A.f nations un13s institut a?rio/in de developpement' economique
ee de planification dakar
idep/reproduction/211 c
5û5J 0
le_"congo
pr.angus"ati temps des grandes compagnies concessionnaires, 1896--1930
conclusion par
gatherune
_
coquery-vidrov
itchjanvier 1971
IDEP/REPRODTJCTION/21
1, Page 1L'évolution
économique
du Congo fut lente, et le démarragedifficile et postérieur à celui des autres territoires d'Afrique,
aussi -"bien des colonies à monopole autoritaire d'exploitation -
comme le Congo "belge - que des sones adonnées à une économie de traite de type concurrentiel - comme l'Afrique occidentale. Le sys¬
tème mis en place était déficient, et les-resulta-te-obtenus furent
souvent à l'opposé de ceux que l'on avait escomptés.
1. La stagnation concessionnaire.
En adoptant le système concessionnaire, on avait voulu sortir
du marasme où se trouvait le Congo depuis quinze ans. La puissance coloniale, officiellement convaincue de la richesse potentielle du territoire, opta pour un monopole d'exploitation concédé à des entre¬
prises privées. Mais les compagnies, conçues comme des
sociétés
d'investissement de biens d'équipement, apparurent, à l'usage, être
des entreprises commerciales vivant dans le court terme, dépourvues
de capitaux et pratiquant une économie de traite analogue à celle déjà mise en place en A.O.F. Il y eut bien ruptuream18î}8t190Q, - ;
et passage d'un état de type précolonial à une situation d'exploitation
coloniale. Mais celle-ci se révéla extraordinairement paralysante,
au moins jusqu'à la première guerre mondiale. Aussi avons-nous, par une appréhension thématique du sujet, cherché à insister sur la continuité plutôt que sur le changement, en évitant la schématisation
inutilement déformante de coupures chronologiques classiques du
point de vue européen, mais pas nécessairement justifiées en Afrique ;
ce qui importait, c'était le retard de la zone, et la lenteur remar¬
quable de son évolution. A la stagnation antérieure, due au caractère négligeable de l'intervention européenne, succéda un immobilisme économique non moins flagrant, résultat d'un système oppressif économiquement inefficace.
IDEP/REPRODUCTION/21 1
Page 2
Afin de mieux saisir les effets globaux de l'exploitation concessionnaire, nous avons entrepris de regrouper les données
concernant les sociétés effectives - c'est à dire toutes celles qui
ont exercé une action et réalisé des profits non négligeables.
Leur nombre demeure limité : ce sont la Société du Haut-Ogooué, les Oies du Haut et du Bas-Congo
(ï),
la G° des Sultanats, la Kotto,la M'Poko
(jusqu'en
19.11)
et, à partir de cette date, la C° ForestièreSangha-Oubangui. On trouvera ci-joint une série de graphiques
résumant les principaux résultats d'exploitation. Nous ne dissimulons
pas que ces chiffres restent insatisfaisants. Ils donnent de la
situation une vue partielle, puisqu'ils font abstraction de toutes los
autres entreprises
(compagnies
concessionnaires aux capitaux dilapidés en vain, ou sociétés"libres")
sur lesquelles nous nepossédons pas de renseignements comptables
(2).
Ils sont aussi schématiques, puisque nous avons "deflate" les diversesdonnées
en francs constants, opération hasardeuse mais aussi seul moyen
de confronter l'évolution du début du siècle à celle de l'entre-deux- guerres. Tels qu'ils se présentent, ils permettent
néanmoins
defaire un certain nombre de constatations.
La plus visible est que les taux de profit furent, avant la première guerre mondiale et en dépit de la
médiocrité
desrésultats
sur le terrain, tout à fait honorables pour les actionnaires.
(1)
Cette dernière, bien que non concessionnaire, .agitdès
sa fondation(I9IO-)
errétroite
liaison avec la. C.F.H.C.(2)
En 1914j les sociétés concessionnaires retenuesreprésentaient
22 millions sur un total de 40 millions de capitaux effectivement versés en A.E.F. par les entreprises concessionnaires et
privées,
soit un peu plus de la moitié.
* $
4
IDEP/REPRODU Cr-? ION/211
Pago 5
TAUX DE PROFIT GLOBAL DES SOCIETES CONCESSIONNAIRES OVEliALL RATE OF PROFITS FOR CONCESSION OWNING COMPANIES
"ÙO O
HI_ rS
j_ j
( PU à '■
LOv<\"/\n ^VÍ*lA c •^
4co oî I- 1
l<4-
! i
! !
v I
(_A rI '"'AOx ;•/£\s t.j| CP?!4fAL lNV?<iVó !3
JoC'O L
1 oo
.oo
Aoc L
I » i ; •
JJ
I J.1,
Ha
i
J
. O
,»;io
* *
IDEP/REPRODUCTION/21 1
Page 4W*\I(IÎcV3 \V c vV,V\vj*
SOCIETES CONCESSIONNAIRES
ETUDE GLOBALE
CONCESSION OWNING COMPANIES OVERALL STUDY
0O o-o
i OOv
ï c>e
-frj
l£,TÃl 5Éi httCft(i.|JflT!ONÍ
TJT^L ri* e & A&«trT5 .lo
!-- , j- , 7 r ~i"-,—r—i r—--,—r•
■i'JOe l'.'Jï .ttj4o Lv>'
-r --j- r—,
J i
.1*l<
IDEP/REPRODUCTION/21 1
Page 5Dès 1903 ? 1g régime commença de rapporter sensiblement
(7,5 c/o).
Pendant huit années d'affilée(I904-I9II),
les sociétés furent rent de très bonnes affaires(de
25 à 58fo).
Ceci rend compte de l'en¬têtement des concessionnaires les mieux placés à s'accrocher au
pays, malgré les entraves dressées contre eux par l'administration
et l'apparente inefficacité de leurs procédés. A partir de la guerre, il en alla tout autrement .• Seules les années 1925-192? se révélèrent
à peu près correctes, bien que d'un rapport très inférieur à celui
connu auparavant, puisqu'il oscilla de 5 à 10 °/o année maximum
(1925)»
La confrontation des chiffres globaux confirme ce bilan ; pour deux périodes d'égale durée, 1900-1914(1)
et 1915-1928, le profit net total déclaré tomba de l'une à l'autre de près des deux-tiers
(de
40 à16,7
millions de francsconstants).
Ce fait majeur fut d'abord ressenti par les actionnaires. Le
ratio Profit
distribué/Profit
originel torn'-- • de 57Í°
pour la période 1900-1914 à 16,8 % pour la période 1915-1928(2).
En chiffresglobaux, les actionnaires touchèrent 22 millions dans la première période, et seulement 6,6 dans la seconde, dont près de la moitié
durant les seules années d'euphorie 1925-1926.
Pour le reste, en dépit des apparences, la politique des
firmes varia beaucoup moins qu'il ne semblerait au premier abord,
au vu des activités nouvelles de certaines d'entre elles
(S.H.O.,
C.E.H.C.,
C.F.S.O.,).
Après la guerre, tous les chiffresdécrûrent, mais dans de moindres proportions : les immobilisations
tombèrent de 12,5 s, 10,5 millions, les amortissements de 7 à 5?4
millions. L'autofinancement lui-même diminua légèrement
(de
19>7 à(1)
Compte tenu du fait que les résultats del'année d'entrée
en guerre furent à peu près inexistants.(2)
Nous retenons pour calculer le profit originel, c'est à dire le profit réel approché, par opposition au profit déclaré(nécessaire¬
ment
minimisé)
la méthode exposée par Bouvier(19)5
P«16
-21.Soit P1
(profit originel)
= P2(profit déclaré)
+ réserves + toutesles dépenses d'investissement
(travaux
neufs +amortissements).
idbp/reprobuction/21 1
Page6
19»3
millions)(1).
Au total, il dépassa à peine l'ensemble des capi¬taux appelés et seulement d'un tiers les profits distribués
(1900-1928»
Autofinancement ; 39 millions. Capitaux versés :32,5 aillions. Profits distribués ; 28,6
millions).
Autrement dit,la gestion devint moins saine et l'emprise sur lo pays moins
effective. Les entreprises concessionnaires ne cherchaient plus à dissimuler leur objectif commercial sous des apparences d'inves¬
tissements. à long terme. Qui plus est, les investissements en A.E.P.
s'amenuisèrent d'autant plus que, depuis la guerre, la majeure partie des immobilisations de la S.II.0. et de la C° forestière
s'adressaient au Cameroun et à l'Afrique occidentale. Ce phénomène
se traduisit par la chute du ratio
immobilisations/actif, passé
de 35ci" on 1914 à 10,8 c/c seulement en 1928.Au total, rien que nous ne sachions déjà s les sociétés en
place, aux structures périmées, eurent dans l'ensemble tendance
à dépérir après la guerre. S'il y eut des investissements
nouveaux, ils ne furent pas leur fait, mais celui de nouvelles entreprises, animées par l'Etat
(chemin
defer)
ou par des firmesforestières
(Consortium... )
dont l'apport ne fut certainement guère sensible avant 1925 au moins. Tout ceci confirmo lesindices d'appauvrissement de la zone décelés par ailleurs, et permet
de rendre compte du désarroi des populations entre les deux guerres.
.Alors prennent tout leur sens les révoltes tardives dont souffrit le
pays ; elles répondaient bien à une situation de crise, et tradui¬
saient lo désespoir des habitants devant un sort qui ne cessait de s'aggraver.
(+)
Suivant la méthode Bouvier(l9),p.20.
Autofinancement = "~"dépenses d'immobilisations + amortissements + réserves. La vérifica¬
tion : autofinancement = P1
(profit originel)
- P3(profit distribué)
laisse apparaitre un excès de plusieurs millions, révélant la
sous-estimation du profit distribué aux seuls actionnaires s il faudrait y ajouter la part de l'Etat
(redevance
fixe et pour¬centage sur les
bénéfices)
et un prélèvement non avoué, probablement considérable, des administrateurs(jetons
de présence, tantièmes,etc.ibep/reproduction/211
Page 7
Ce qui frappe donc surtout, dans l'exploitation concession¬
naire,1 e1 est la distorsion entre la rigueur de l'exploitation et la médiocrité" des résultats, soulignés par l'échec financier des
firmes. On est douloureusement frappé par ce bilan négatif, auterme
■de" tant__d_'efforts et de souffrances. On peut, certes, incriminer l'ignorance et la gestion maladroite des sociétés. Au cours de son
evolution, la C.-F.H.C. eut tendance à donner à ses immobilisations
une part trop importante
(achat
de terrains,d'hôtels, etc...)
qui gelaient ;ses bénéfices et la condamnaient à une sclérose progressive de même que sa pratique d'amortissements exagérés,destinés à
mini¬miser ses profits dans le but d'en soustraire une partie à l'Etat.
La S.H.O. fit des placements trop hâtifs un peu partout en Afrique occidentale, qui se-soldèrent par autant de-fiascos. Ce
phénomène
fut surtout sensible pour la CS Forestière qui, du seul point de vue de l'exploitation du caoutchouc, obtint des résultats très positifs, grâce, précisément, à la rigueur de ses méthodes. Mais elle en
reperdit prosqu'aussitôt le bénéfice, en voulant devenir une grande
société commerciale comparable à la S.C.O.A. D'où des achats incon¬
sidérés de locaux, de terrains, et des stocks inécoulables de mar¬
chandises. Mais ceci" vaut surtout pour l'après-guerre. Auparavant,
les investissements furent excessivement faibles. A y regarder de \
plus près, on constate que les seules
sociétés
concessionnaires quiont réussi avant 1914 - et fort bien-, mais les seules qui ont
échoué aussi nettement après 1914» furent celles qui exercèrent la déprédation la plus méthodique dans la zone tristement
privilégiée
de 1'Oubangui-Chari. Co ne fut pas un hasard : là où le
système
futle mieux appliqué, les rendements furent immédiats. Mais ils furent
aussi localisés, dans le temps et dans l'espace. Avant
1914»
alors s quertouto-s .les-.s-ocicLt-é.s._étalent en déficit ou se maintenaient avecdifficulté, comme la C.F.H.C. des frères Tréchot ou la
Société
duHaut-Ogooué. en Oubangui-Chari les bénéfices étaient
appréciables
;à elle.seule, en douze ans, la G° des Sultanats rapporta
autant à
l'Etat que toutes les autres réunies, avec des résultats très modes¬
tes en quantité
(-quelques
38 tonnés de caoutchouc et 35 tonnesd'ivoire par.
an),
mais remarquables en profits., puisque ses taux deIDEP/REPRODUCTIOÏÏ/21 1
Page 8profit furent presque constamment supérieurs à 50fo jusqu'en 19*12,
avec des pointes à plus de 100 fo. Dans une Qoindro mesure, la
M'Poko connut un taux de profit de 30
i°
en 1904 l il tomba à 0 en1907s à la suite de la découverte du régime de terreur qu'elle pratiquait, mais .remonta à 45
°/°
dès 1909» La Kotto avait aussi destaux de profit de l'ordre de 25
/&,
ce qui aurait été plus qu'honoraitble pour une entreprise métropolitaine. Pourquoi ? parce que c'est
en OubanguL-Chari, surtout, que fut intégralement exercé 11économie
de pillage, que l'on peut définir avec précision : il s'agissait de sociétés strictement commerciales qui, de plus, n'avaient fait
aucun investissement d'aucune sorte sinon, la première année, des
frais minimes de premier établissement | qui, par conséquent, n'a¬
vaient déularé aucun amortissement, puisqu'il n'y avait rien à
amortir, et n'avaientpratiqué aucun autofinancement, à la
différence,
précisément, de la C° Trèchot ou de la S.ÏÏ.O. Par conséquent, les bénéfices étaient, chaque année, à'peu près intégralementdistribués
aux actionnaires .et, du moment où le caoutchouc et l'ivoire ne rap¬
portaient .plus, les sociétés pouvaient arrêter leurs activités du jour au lendemain avec un minimum de perte. C'est d'ailleurs ce qu'elles firent dès que les super-bénéfices d'avant-guerre furent
révolus ; c'était bien du pillage intégral. Et celui-ci
n'est
pasétranger au fait que, tandis que partout ailleurs, après 1920, on s'efforçait d'inventorier des richesses nouvelles
(bois
auCongo,
palmistes au
Moyen-Congo),
en Oubangui-Chari rien ne futtenté
jusqu'à la veille de la grande crise(le
diamant, le café et lecoton se développèrent
ensuite).
Au contraire, le pays resta lebastion de l'économie de pillage, qui subsista dans un cas particu¬
lier, et de taille, puisqu'elle s'exerçait sur 18 millions
d'hecta-,
res : le territoire de la C° Forestière Sangha-Oubangui. Or, rneme
ce pillage ne permit pas de réaliser des profits comparables
à
ceux du Congo Belge. Une première raison en
était la pauvreté
relative en produits,..:
quoirçûo-îît
la C° des Sultanats, elle ne pouve.it pas exporter plus de caoutchouc que n'en renfermait sonterritoire, où il n'existait que sous la forme de lianes assez pauvres. De même, la concession de la S.H.O. était pratiquement
ÏDEP/REPRODÏÏCTION/211
Page 9
démunie de produits dits riches,
tels qu'ivoire
oulatex,
ou mène de cultures de plantation. Mais surtout le pillage devenait,à brève échéance, auto-destructeur.
Le Congo français ne
possédait
pasl'infrastructure
dont le roi Léopold avait doté l'Etat voisin, au prix de
-quinze
années d'efforts à fonds perdus. Pourquoi n'avait-on toujours rien
fait; en Oubangui-Chari, près de vingt ans
après
queles sociétés
concessionnaires les plus déprédatrices eurent
quitté le territoi¬
re, alors que la présence du diamant
était connuedepuis 1913 0)>
et que les conditions d'exploitation
n'étaient, finalement,
pas tellement plus difficiles que cellesaffrontées depuis le début
du siècle au Congo belge ? En partie,
assurément,
parcequ'il
n'y avait eu aucun investissement d'aucune sorteavant les années
20, mais, en revanche, exploitation intense des forces vives
du
pays, en ressources
(caoutchouc, ivoire)
et en hommes(portage).
Dans cette zone aux densités de population'déjà exceptionnel¬
lement faibles, où les méthodes exercées accentuaient encore
le
recul démographique et la pénurie de main
d'oeuvre, le refus
d'investir au départ avait eu de
multiples•conséquences, dont la
moins néfaste no fut pas le manque de moyens de transport : sans voie ferrée, sans bateaux, sans pistes carrossables, et surtout
sans perspective d'amélioration à court terme et
à grande échelle,
tout espoir de promotion économique était un leurre.
La responsabilité n'en incombait pas seulement au
régime
concessionnaire. Certes, celui-ci favorisa'les
procédés
les plus archaïques et les plus radicaux, parce qu'il caricaturait jusqu'àl'absurde l'impasse à laquelle conduisait, au Congo, la
politique
métropolitaine. Mais on peut su demander dans quelle mesure unrégime de libre concurrence comparable à celui de l'A.O.P.
eût
donné de meilleurs résultats, compte tenu des
difficultés spécifi¬
ques-du pays
(climat,
foret,sous-peuplement),
et surtoutdu
refustardif de l'Etat de participer aux investissements, que ce
fût
(ï)
C° du Kouango Français, bilan 1913» A.G. des actionnaires,2|S Juin 1914, Arch. Cré,it Lyonnais.
IDEP/BEPRODUCT-ION/211
Page 10
on régime concessionnaire ou en
régiae
deliberté.
Sans doute, seulement, n'aurait-on pas vu prendre corps à ce point l'associa¬tion entre 1 ' administration ot l'entreprise, qui aboutit à l'ex¬
ploitation des populations,
décimées, épuisées,
durement etdurablement marquées.
Cependant, la conception coloniale qui
prévalut
en Á.E.F.n'aboutit pas à un système comparable à celui du Congo
léopoldien.
C'est qu'elle manqua toujours de cohésion. Il n'y eut pas,
à
pro¬prement parler, de système ; on n'avait ni
l'énergie
dele concevoir,
ni, surtout, les moyens de l'appliquer. Il y eut davantage le refusobstiné de reconnaître, lucidement, que les mesures prescrites impliquaient un système de fait, fondé sur l'oppression, voire
sur des atrocités. Ce refus relevait-il seulement de l'ignorance
ou de la négligence des organes de direction ? On ne peut
s'empêcher
de penser qu'il n'était pas dénué d'hypocrisie - car il y eut des enquêtes et des verdicts, nais ils furent délibérément
ignorés.
Dans ce pays pauvre, ou du moins qui aurait
exigé,
pour sa mise en valeur, d'énormes investissements, préalables(pour
la créa¬tion des plantations, l'équipement forestier ou la prospection mi¬
nière),
on continuait de se heurter à un double obstacle s le manque de capitaux et l'insuffisance du peuplement. Ce handicap, on ne l'i¬gnorait pas à l'époque. Certes, les adversaires du
régime
congolaiseurent beau jeu de le proclamer dans une série de pamphlets. Mais
les hommes à l'ouvrage au Congo en étaient tout aussi conscients ; de I9OO à I93O et au-delà, les rapports des fonctionnaires
dénoncè¬
rent inlassablement les mêmes maux, et proclamèrent leur impuissance
tant qu'il n'y serait pas porté remède. Tant qu'on ne leur accorde¬
rait ni crédits, ni matériaux, ni personnel, ils en seraient
réduits
à se démettre ou à s'imposer par la force. Le Gouvernement général
le savait, ot le Ministère en était averti. Pourtant, on s'obstina
dans cotte voie jusqu'à la limite du possible, pour des raisons
(conquête
"prestigieuse" du Tchad, refus du Parlement de voterles crédits
coloniaux)
qui relevaient surtout de la politiquegéné¬
rale française et qui, à ce titre, no nous concernent pas direct
te10C- it•
IDEP/REPRODUCTIOIty-í 1
Page 11Les principes qui avaient, avant la guerre cle 1914, prési¬
dé à la solution concessionnaire, ne furent pas abandonnés ensuite malgré son échec. La colonie devait non seulement se suffire à elle-nene, nais aussi rapporter, enfin, à la métropole. Puisqu'on
ne disposait ni d'argent, ni de bras, l'usage de la contrainte, que
ce fût de la part des concessionnaires ou surtout, après 1920, de celle de la fonction publique, était inévitable, avec toutes ses
séquelles s abus, famines, passivité ou révoltes des villageois
hors d'état, l'auraient-ils voulu, de répondre à ce que l'on exigeait
d'eux
(impôt,
corvées,travail).
Le Congo ne sortit, et ne pouvaitsortir de sa médiocrité que le jour où l'on consentirait à y mettre
le prix, le jour où l'industrialisation accrue permettrait le
développement spectaculaire d'activités adaptées au sous-peuplement.
2. Le "démarrage" relatif de l'entre-deux-guerres.
La première guerre mondiale annonçait, cependant, un tour¬
nant. La rupture
économique
se dessina après 1920, et surtoutaprès
1925» Les concessions trentenaires prenaient, en principe, fin en1929» à la veille de la grande crise. Mais l'analyse de la décennie 1920-1930 posait des problèmes spécifiques. Il ne s'agissait plus
d'étudier les compagnies concessionnaires au Congo - puisqu'on fait
la plupart avaient disparu - mais l'ensemble des problèmes économique congolais. L'appréhension du sujet était autre.
Pour la première phase d'exploitation, l'étude avait
été
relativement plus simple. L'option économique était précise ; toute l'organisation de la colonie tournait autour de la mise on place, du
fonctionnement et du contrôle des sociétés. Finalement, les résultats
d'ensemble eux-mêmes étaient prévisibles, puisque personne ne mot plus en doute la nocivité du système, môme si ses rouages n'avaient
pas encore été démontés de- façon satisfaisante. Mais au fil
do
la disparition des concessions, l'évolution économique du Congo se fai¬sait plus diffuse. L'étude perdait son caractère statique, indiscu¬
table jusqu'à la guerre, pour devenir enfin dynamique. Do nouveaux
IDEP/REPRODÏÏCTION/21
1 Page 12problèmes se faisaient jour : Comment avait évolué le système concessionnaire, comment s'était-il transformé, dilué dans l'or¬
ganisation économique générale, pour donner naissance au Congo mo¬
derne. Entre 1920 et 1930 on perçoit, en
même
temps quel'idée
con¬cessionnaire a fait son temps, que l'exploitation du Congo entre
enfin dans l'économie mondiale. L'évolution fut d'abord sensible dans le commerce des bois, puis dans la mutation des principales
sociétés qui, concessionnaires ou non à l'origine, sans assise financière et sans programme d'exploitation, devinrent progressive¬
ment des entreprises résolument orientées vers le commerce, les plantations ou les mines, habiles, pour celles qui subsistèrent,
à
tirer davantage-des--privilèges d'antan
(notamment
par l'attributionde vastes terrains en toute
propriété),
tout en adoptant des métho¬des plus conformes à l'économie moderne de traite.
Après la guerre, en effet, la pression de l'administration remplaça celle des concessionnaires, et le commerce
privé
prit lepas sur le monopole. Les banques, enfin,
commençèr&nt d'intervenir.
Certes, dans les faits, les changements restèrent imperceptibles,
sauf au Gabon. Ailleurs, malgré l'extension du salariat, sévit toujours, sous des formes à peine dissimulées, le travail forcé.
La production demeura souvent stationnaire. Cependant, avec le
recul de l'histoire, la période apparaît comme fondamentale, parce qu'elle contenait en germes les transformations ultérieures, devenues évidentes au sortir de la crise de 1930-1935» Les sociétés conces¬
sionnaires s'étaient reconverties vers des activités imposant, désor¬
mais, un minimum de capitaux
(établissements
commerciaux de la S.H.O., surtout hors A.E.F., ou industrialisation timide de laC.F.H.C.).
Elles cédèrent surtout leurs droits à de nouvelles entre¬prises, dont la mécanisation accrue exigeait de s'appuyer sur les banques
(C.C.A.E.F.,
C.E.F.A., ConsortiumForestier) (1).
(ï)
Les bilans des sociétés forestières de cette époque ancienne n'ontpas été retrouvés. L'IJnion Minière et Financière Coloniale représen¬
tait en 1928
(en
francscourants)
un capital appelé de 10 millions(contre $
on1926)
et déclarait au total 1,3 M. d'immobilisations, 1,9 d'amortissements, 1,1 de réserves et report de bénéfice et 2,6 millions de profit net contre 393*000 francs seulement l'année précédente. Elle fut déficitaire à partie de 1930. Arch. Crédi'Lyon.iD-EP/kÉPRODÏÏ CTION/21 1
Page 15Ces exploitations de type moderne, portant sur dos
rieîsfesèos réelles
en veie d'industrialisation
(bois,
aines et, dans uno certaine clo¬sure, produits de plantation s cacao',
café.et surtout palmistes et coton),
supposaient l'apport,soit
de la, part del'Etat, soit de la
part d'| entrepreneurs••privés, d' investissements bien plus considéra¬
bles que par le passé. Outre l'essor de
l'okoumé
auGabon,
onvit
donc s'ébaucher les grandes firmes à venir,
a-êmë
si elles,étaient
encore: déficitaires, se constituer les premières plantations des¬
tinées à prospérer, entrer en exploitation
les richesses'minières,
enfin se mettre en place les principaux travaux d'infrastructure,
routes et voies ferréës, bref s'amorcer le démarrage économique
que l'on attendait depuis le début du
sièoïe.
Pour rendre sensibles ces transformations, nous avons privi îégié doux approches. lia-première-, quantitative-et descriptive, con¬
cernait l'évaluation économique proprement dite. Mais, du
coté
des sociétés, le travail devenait plus délicat s à ladifférence
des compagnies concessionnaires, le "commerce privé" ne devait plus decomptes
à l'Etat. En outre, cette première phase ''d'expansion futencore en grande
partie1
redevable à dfes entrepreneursindividuels,
notamment dans le secteur de pointe de l'okoumé, dont la comptabi¬
lité. a disparu, soit qu'elle ait été tenue de façon'épisodique,
sòit qu'elle n'ait guère trouvé d'écho en métropole. Memo lorsqu'il s'agit do firmes plus importantes, les documents sont rares, car ces premières expériences furent Souvent décevantes, et les bilans
rarement imprimés ou diffusés. Force fut de "nous tourner vers d'au¬
tres sources; au premier '-chef .les données du commerce atlantique : ïiûtis o&onc cherché à estimer et'comparer lhéí
productions
dupays, apprécier leur croissance, confronter le volume des exporta¬
tions de produits et des importations do marchandises, retracer
le
mouvement des prix, reconstituer, autant quo faire se peut,
la
courbe du revenu par tote, enfin retrouver, sous la sécheresse des chiffres, les faits concrets qu'ils
recouvraient'
i comment se fit l'adaptation du pays à cette exploitation, comment évoluèrent les techniques, comment surtout réagit la main d'oeuvre progressivement intégrée au circuit prr lagénéralisation
du salariat.IDEP/PlEPE0DïïCTI0N/21 1
Pago 14Il ests en effet, un autre- champ d'exploration, qui permet
de mieux appréhender la
réalité
du pays ; celui des populationsellos-aeD.es. Notre propos ne fut pas, en ce domaine, de procéder
à une description ethnographique d1ensemble. Cela débordait large¬
ment du cadre économique fixé, et nous aurait
entraîné
trop loin.Aussi bien, de ce point do vue, avons-nous seulement repris les peuples du Congo là où nous les avions quittés au terme d'une étude précédente, résumant ces premiers résultats
d'enquête
et renvoyant,pour plus ample informé, à l'ouvrage déjà publié
(ï),
veillant sim¬plement à compléter les chapitres qui n'avaient pas encore été
abordes
(par
exemple : la zone de la Sangha ou des Sultanats du Haut-Oubangui, sur lesquelles nous nous sommes attardés àdessein).
Le but était précis : il s'agissait d'analyser l'insertion progressive de ces populations à la vie économique du pays : suivant quel processus elles furent extraites de leur milieu traditionnel, e dans quelle mesure elles participèrent aux transformations en cours.
Deux critères ont été retenus : le problème général du déficit do
la population, et celui plus précisément, de la main d'oeuvre.
Sur le premier point, notre contribution s'était bornée à apporter des informations supplémentaires, d'ordre historique, à
l'oeuvre de M. Gilles Sautter. Malgré le caractère fragmentaire dos
sources, nous on avons conclu qu'au Moyen-Congo, par exemple, la population régressa de 191? à 1923, sinon du tiers, comme tendraient
à l'indiquer des chiffres hasardeux, du moins très sensiblement.
Ensuite, malgré les progrès sanitaires, la population rosta, au mieux, stationnaire jusqu'en 1933? tout en continuant probablement
de régresser vers l'intérieur. Même phénomène en Oubangui-Chari où
la population aurait reculé, de 1920 à 1933? tie plus de 100.000
habitants dans la zone concédée à la C° Forestière.
Ce recul était assurément lié aux conditions d'exploitation Compte tenu du sous-peuplement du pays, le problème, tel qu'il était posé, était,en effet, insoluble s la mise en valeur qui se précisa
(1) (80)
IDEP/REPRODUCTION/211
Page 15
après la guerre exigeait de la nain d'oeuvre, une nain d'oeuvre d'autant plus nombreuse que la pénurie de capitaux, aggravant le
déficit technique, incitait à remplacer par des hras ce qu'on ne
pouvait pas encore confier à la machine. Insuffisante et mal rému¬
nérée, la main d'oeuvre était impérativement recrutée par la force.
Cette ponction s'exerçait aux dépens d'un fragile équilibre vivrier
traditionnel. L'organisation socio-économique préexistante fut
brutalement désorganisée et ce processus fut, sinon la seule cause, du moins un élément générateur de troubles graves, tels que famines
ou révoltes.
Parfois, même, l'exploitation congolaise aboutit au para¬
doxe. Ce fut le cas pour le caoutchouc de la C° Forestière. La pro¬
duction annuelle connut son maximum
(2
à 5*000tonnes)
entre 1920et 1930, en un temps où elle était devenue un non-sens économique, puisque le produit, supplanté partout ailleurs par le caoutchouc
de plantation, ne trouvait plus preneur qu'à vil prix. Or, faute
d'un produit de remplacement, on se trouvait dans
l'impossibilité
d'en supprimer la cueillette, à moins de renoncer, du
mémo
coup,à l'impôt dont elle était le seul support, et qui représentait précisément, dans le système congolais, le préalable supposé
nécessaire à tout mise au travail des Africains.
En tout état de cause, le phénomène dominant de la
période
1920-1930 fut l'appauvrissement relatif des populations, au furet à mesure qu'elles sortaient de l'économie vivrière ou commerciale
traditionnelle. En dépit de certains progrès," les conditions demeu¬
raient rudimontaires : les Africains, désorientés par vingt années
de contrainte, les récentes famines
(pays Fang)
ou les derniers-soulèvements
(dissidence baya),
se.mettaient lentement aux cultures marchandes, dont l'obligation était encore supportée avec réticence.Les salariés commençaient de rejoindre volontiers les chantiers d'exploitation ou do travaux publics. Mais compte tenu de la dépré¬
ciation des cours des produits d'exportation, compte tenu également
de l'inflation en métropole, subie au Congo sur le prix de vente
des marchandises sans que le salaire payé au producteur en
fût
idep/reproduction/21
1 Page 16
modifié pour autant, le pouvoir d'achat du Congolais entré dans le cycle de production colonial décrût sensiblement de 1913 à 1925,
en même temps que la durée du travail s'allongeait, proportionnel¬
lement aux augmentations successives du taux de èapc3p±±ahion<,
Le mouvement fut seulement enrayé, à la fin de la période,
dans une zone privilégiée mais restreinte à la côte et à la région
des lacs, par la mise en place d'une exploitation véritablement productrice et en voie sérieuse d'industrialisation, celle du
bois d'ôkoumé.
La décennie 1920-1930 contenait donc les prémisses d'une
dTrahhformation profonde des conditions économiques. Mais elle fut
aussi une phase coloniale dure, qui se traduisit par la détérioration
du sort des populations, engendra de graves révoltes et aboutit à
une misère dramatique au moment de la grande crise.
3« Les résultats.
En définitive, si nous cherchons à le chiffrer, quoi fut le
bilan économique global do la période ? Avant 1920, il fut pratique¬
ment nul - sinon négatif. Il n'y eut presqu'aucun investissement.
Avec un capital social de 70 millions entre 1900 et 1913 les entre¬
prises, concessionnaires ou privées, apportaient peu, en regard de
l'énormité du territoire. Quant à la participation de l'Etat, qui comptait précisément sur l'option concessionnaire pour s'en déchar¬
ger, elle resta, sur l'ensemble du territoire, plus que modeste jusqu'à la guerre s emprunt d'Etat de doux millions en 1900, de
21 millions en 1909> subvention annuelle rarement supérieure à 5 ou 600.000 francs
(1).
Le résultat était prévisible % l'économie1
)
La subvûhiion oscilla de 5 à 700.000 francs, sauf en 1900 2.178.000 francs, antérieurement à la loi sur l'autonomie budgé¬taire des
colonies),
en 1901(où
fut voté un crédit supplémentaire de 2.489.600 francs pour éponger les dettes do la MissionMarchand)
et en 1911
(où
l'octroi de 1.265.000 francs permit d'assurer lapremière annuité de
l'emprunt).
D'après les budgets annuels de la co¬lonie, 1900 à 1905, G.C. IX-15s 16 et 25, les arrêtés et décrets re¬
latifs aux budgets de l'A.E.P. et les discours d'ouverture du G.G.
au Conseil du Gouvernement, publiés au J.O.C.F. et au J.O.A.E.F., 1906 à 1913.
IDEP/PLEPROBÏÏCTION/21 1
Page 17du Congo resta non seulement stationnaire, mais aussi à la merci
des crises périodiques qui affectaient les produits de la traite,
au premier chef le caoutchouc
(1901,
1907?1911-1913)*
Après 1920, toutefois, les conditions se modifièrent. L'E¬
tat consentit enfin les emprunts nécessaires aux équipements-de
base s 393 millions
(courants)
fumnt accordés de 1914 à 1930, 1.513 millions de 1931 a 1939? soit, au total, près de 300 millions .de._£rancs.-or, plus de dix fois la somme libérée durant la périodeprocédante
(ï).
Quant au secteur privé, il commençait de ressentirles effets du repli des capitaux français sur l'empire, surtout
manifeste en Afrique occidentale.
Pourtant., au 1er Janvier 1929? il n'existait encore en A.E.F. que 107 entreprisescommerciales, industrielles, minières,
bancaires et de transport, dont le capital s'élevait à309 millions
de freines
(contre
350 Oeiétés environ au Congo belge, comptant 6.667 ..établissements et disposant d'un capital approximatif de sept milliards(2).
En 1939? en revanche, la capitalisation bour¬sière des entreprises approchait les deux milliards
(220
millionsde
francs-or);
les immobilisations en A.E.F.(plantations
et exploitationsforestières)
s'élevaient alors à plus d'un milliardde francs-or
(3).
(1)
Bloch-Lainé(17) (2)
Bruol(69).p.
477(3)
Evaluations données par Dresch(31)
p. 235? d'après l'enquêteeffectuée en 1943 par le Comité d'Organisation du Crédit aux Colonies.
IDBP/REPRODUCTION/21 1
Page 18
.INVESTISSEMENTS EN A.E.F.
Aide publique Capital sociétaire privé
Dates
Subventions de ÎEaprunts garan- la métropole !tis par l'Etat
francs
or
francs ! francs courants! or
(1) !
francs courants
francs-or francs courants
1900-1913 11 ,9 ! 23 69,5
1914-1930
env.
11
(2)!env.
48,3 !! 85
(3)
393
env.
75 330
1931-1939 !
!env.
! 190
(3)
1513
(ï)
Sur les-dévaluations successives du franc(1
914-1 928-1934-1936
—1937-1938)
et la réévaluation des francs courants, \roir Bloch-Lainé(17)
p. 108 et 329-(2)
Le détail en est donné dans Bruel(69)9
p.456-457
(Subventions
annuelles, assistance médicale, installations diverses,non conpris les subventions pour le service de
l'emprunt).
(3)
Chiffres effectiveaent versés à la suite des lois d'emprunt A.E.P. de I914(171 aillions),
1924(JOO aillions),
1931 et 1953(I57O aillions)
et 1939(60 aillions).
Bourcier de Carbon(18)
p. 115. Bloch-Lainé
(17)
P« 109. Picqueaal "les exportations de capitaux français dans les colonies", Economie et Politique, août*oeptenbre 1957s P« 66-76.IDEP/REPRODUCTION/21 1
Page 19Jusqu'à la grande crise, le capital privé s'accrût donc peu du moins en valeur-cr. Ce qui fut modifié, ce fut l'usage qui en était fait : les anciennes sociétés furent remplacées ou s 'adaptè¬
rent | dans certains cas
(compagnies forestières),
il est probableque les immobilisations augment èrent. Mais la part du capital pu¬
blic resta prépondérante et l'inversion du rapport fut postérieure
à la période
(ï).
Ce role moteur de l'Etat dans l'économie étaitrévélateur d'un pays pauvre, qui n'inspirait pas encore confiance
et où le secteur privé avait pris, de longue date
(en
dépit des espoirs contraires suscités par le régimeconcessionnaire),
l'habi-tudé de laisser à la puissance publique la charge des énormes dépen¬
ses d'équipement
(2).
Les entreprises commerciales dominèrent longtemps. Or, le
peu de besoins d'une population clairsemée leur interdisaient
de connaitre un essor comparable à celui de l'A.O.P. Ces quelques sociétés n'en contrôlaient pas moins l'économie du pays en drainant
les produits d'exportation, en répartissant les marchandises impor¬
tées et en agissant sur les prix, dans le cadre d'une économie de traite, c'est "à dire fondée sur des échanges mercantiles entre pro¬
duits de cueillette ou agricoles bruts ou semi-bruts d'une part, et biens de consommation courante d'autre part. C'est seulement après 1926 que les premières expériences sérieuses de plantation, les premiers investissements forestiers et miniers furent entrepris.
(ï)
Après 1930, nos chiffres tendent en effet à prouver que le capital privé commença de l'emporter sur le capital public, ce quicorrobore l'assertion de Dresch
(29), p.61,
suivant laquelle Frankel(32),
p.159-161, a sous-estimé le capital privé investi on A.E.F.en ne tenant compte que des sociétés cotées en bourse.
(2)
Le budget des Travaux publics passa on A.E.F. do326.000
francsen 1900 à 32,3 millions en 1922. Sarraut
(48),p.
311»IDEP/REPRODUCTION/211
Page 20
Nous avons évoqué le boon forestier qui se produisit au Ga¬
bon. Les prospections ninières furent égalenent décidées vers cette époque. Ce n'est pas un hasard si l'on mit alors en chantier l'or
du Mayonbe
(ï)
et le diamant de 1'Oubangui-Chari, où la missionCitroën venait de prendre, en
1926-1927,
dos pernis de prospectionsur 660.000 hectares. L'or avait pourtant été repéré sur les bords
du Kouilou dès
1906,
et le dianant identifié sur le territoire de 1'ex-compagnie concessionnaire du Kouango français depuis1913-(2).
Les pernis miniers, figurant au bilan pour un franc, n'en
avaient pas moins été oubliés, avant d'être repris par la société belge de 1'Inter-tropicale Confina. Les nines du Kouango furent
seulement "redécouvertes" après qu'en 1926 le groupe Desouches
(do
l'Union Minière et FinancièreColoniale)
eut repris l'affaire destinée à donner naissance à 1'Equatoriale des Mines(3).La
produc¬tion de l'or s'élevait en 1931 à 271 kilos, celle du diamant à 1509 carats, chiffre de nouveau atteint seulenent après la crise, en
1936
(1998 carats) (4).
(1)
Sur 1'or,voir P. Vennctier, Pointe-Noire et la' façade maritimedu Congo-Brazzaville, Paris 1968, "Gisements minéraux et industries extractives", p. 225-227»
(2)
Bilan 1913s A. G. des actionnaires, 26 Juin I9I4,Arch.Créd.
Lyon.(3)
Vie Financière,6
oct.1926,
et C.R. annuels à l'A.G. des action¬naires du Kouango français, 1926, Arch, Crédit Lyonnais. Los actions
du Kouango français furent échangées en 1934 contre des actions de
1'Equatoriale des Mines, à raison d'une action de
1'Equatoriale contr
16 "actions Kouango ou" 48 parts de fondateur. Lettre-de la Soc. Fin.
de Transp. et d'Etudes au Crédit Lyonnais, 14 Mars 1934s Arch.
Crédit Lyonnais.
(4)
Oubangui-Chari. Production d'or brut(en kilos)
:1929 2,8 1931
271,6
1930 63,3 1932 478,5 1933 826,6
La production du Moyen-Congo, animée par le colon Romanot,
débuta,
en 1935 avec 2 tonnes
(33,5
t. en1936).
Annuaire Statistiquede l'A.E.F., 1951, p.127-128.