FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX-A.3ST3STE1E 1898-99 N° 2
CONTRIBUTION A L'ETUDE
la Grossesse cl le rAcconclienieDt
DANS LEURS RAPPORTS AVEC
LA TUBERCULOSE PULMONAIRE
THESE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
Présentée et soutenuepubliquement le 28 Octobre 1898
par
JOSEPH GIBERT
Né ci Ismaïlia(Egypte), le 19Octobre 1872
Ex-Interne des Hôpitaux et de la Maternité de Bordeaux.
Lauréat de la Faculté (Prix du.Conseil Général, 1898. Mention très honorable)
Ancien Moniteur d'accouchementsalaFacultédeMédecine(1896-97-98).
Membre et ancien Secrétaire de la Société d'Anatomie et de Physiologie
deBordeaux.
Examinateurs de la Thèse
MM. PICOT, professeur. Président.
FERRE, professeur. ,
C H AMBRELENT, agrégé.... ( juges.
AUCI1E, agrégé j
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DE GK DELMAS
10, Rue Saint-Christoly, 10 1898
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
M. deNABIAS Doyen. | M. PITRES Doyen honoraire.
PROFESSEURS :
MM.MICÉ )
AZAM (-or ,
DUPUY l .Professeurs honoraires.
Moussôus."° !
\
Clinique interne Cliniqueexterne Pathologieetthérapeu¬
tique générales Thérapeutique
Médecineopératoire...
Clinique d'accouchements...
Anatomiepathologique Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène
MM.
<PICOT.
IPITRES.
iDEMONS.
tLANELONGUE.
YERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
COYNE.
BOUCHARD.
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Médecinelégale Physique
Chimie
Histoire naturelle Pharmacie Matière médicale Médecine expérimentale.
Cliniqueophtalmologique Clinique des maladies chirurgi¬
calesdes enfants
Clinique gynécologique..
Clinique médicale des maladies des enfants..
Chimiebiologique
MM.
MORACHE.
BERGONIÉ.
BLAREZ.- GUILLAUD.
FIGUIER.
deNABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
P1ÉCHAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
AGREGES EN EXERCICE :
section de médecine (Pathologie interne et Médecine légale).
MM. CASSAET.
AUCHÉ.
SABRAZÈS.
MM. Le DANTEC.
HOBBS.
section de chirurgie et accouchements
Pathologie externe
MM. BINAUD.
BRAQUEIIAYE CHAVANNAZ.
. , . ( MM. CHAMBRELENT.
Accouchements
^ h1 JEUA
sectiondessciencesanatomiquesetphysiologiques
Anatomie. ( MM. PRINCETEAU.
/ CANNIËU. Physiologie MM. PACHON.
Histoire naturelle BEILLE.
section des sciences physiques
Physique.. M. SIGALAS. \ Pharmacie M. BARTIIE.
COURS COMPLÉMENTAIRES :
Clinique desmaladiescutanées etsyphilitiques MM. DUBREUILII.
Clinique des maladies des voies urinaires POUSSON.
Maladies dularynx, des oreillesetdunez MOURE.
Maladies mentales RÉGIS.
Pathologieexterne DENUCÉ.
Pathologie interne RONDOT.
Accouchements CHAMBRELENT.
Chimie DUPOUY.
Physiologie PACHON.
Embryologie CANNIEU.
Pathologie oculaire LAGRANGE.
Conférence d'hydrologieetminéralogie CARLES.
Le Secrétairede laFaculté:LEMAIRE.
Par délibération du 5 août1879, la Facultéaarrêtéque les opinions émises dansles Thèses qui luisontprésentées doiventêtreconsidéréescommepropres à leursauteurs, et qu'elle n'entend leur donnerniapprobation ni imprQbation.
A mon Président de Thèse,
Monsieur le Professeur PICOT,
Professeur de Cliniquemédicaleà la Faculté de Médecine deBordeaux,
Membre correspondant de VAcadémie de Médecine, Officierde l'Instructionpublique.
CONTRIBUTION A
L'ÉTUDE
De la GROSSESSE et de l'AGGOUCHEMENT
DANS LEURS RAPPORTS AVEC
LA TUBERCULOSE PULMONAIRE
L'étude des rapports de la tuberculose pulmonaire et de la puerpéralité, a provoqué de nombreuses recherches dans les
deux derniers tiers de ce siècle. À mesure que l'on entrait plus avant dans le problème, surgissaient de nouvelles ques¬
tions. La découverte du bacille tuberculeux a donné un intérêt
nouveau au problème de l'hérédité tuberculeuse médiate ou immédiate. — L'influence paternelle a été mise en lumière
notamment par deux observations curieuses publiées dans les
archives de la Société d'Obstétrique, de Gynécologie et de
Psediatrie de Bordeaux. Enfin, la conduite à tenir a soulevé, surtout en Angleterre et en Italie, des polémiques aussi nom¬
breuses que passionnées.
Le sujet, tel qu'il se présente aujourd'hui, est donc extrême¬
ment vaste. Nous n'en avons étudié qu'une partie dans notre
travail. Il ne nous a pas paru nécessaire d'aborder la question
de l'hérédité tuberculeuse. Elle vient d'être mise au point récemment, enparticulier par la thèse de Kùss. — Nous l'avons
donc volontairement laissée dans l'ombre.
Nous avonsdivisé notretravailencinq chapitres. Aprèsun his¬
torique concis, nous avons montré l'influence de la grossesse
et de l'accouchement sur la tuberculose pulmonaire, et de
celle-
ci sur la puerpéralité.
Nous avons ensuite attiré l'attention sur la question de l'in¬
fluence paternelle. Enfin, nous avons essayé de tirer des
faits
un enseignement pour la conduite à tenir dans tous
les
casde
tuberculose et de grossesse coexistantes.
Avant d'entrer dans notre sujet, nous adresserons nos remerciements à tous les maîtres qui nous ont guidé et sou¬
tenu dans le cours de nos études.
MM. les professeurs Yergely et Boursier, MM. les docteurs
Courtin et Mandillon, ont été nos premiers maîtres dans les hôpitaux et nous leur sommes reconnaissant de leur constante
bienveillance et de leurs précieuses leçons.
Notre première année d'internat s'est écoulée chez M. le doc¬
teur Baudrimont, qui n'a cessé de nous témoigner pendant
tout ce temps un intérêt dont nous conservons le souvenir ineffaçable.
M. le professeur Lefour nous a initié à l'art obstétrical
dans son service de la maternité de Pellegrin. Il nous a pro¬
digué, pendant toute la durée de cette année, des marques si
nombreuses de sa bienveillance, que nous sentons vivement
combien ces quelques lignes sont impuissantes à lui dire notre
reconnaissance.
M. le professeur Picot sait à quel point tous ceux qui ont
suivi ses savantes leçons lui savent gré de ses fatigues et de
ses peines. — Nous 11e pouvons apporter ici qu'un témoignage
de plus. — Aujourd'hui, ce maître, nous
donnant
une nouvellepreuve de son intérêt, nous fait l'honneur de
présider
cettethèse. Nous lui en exprimons-notre bien sincère gratitude.
Nous adressons l'expression de notre vive reconnaissance à
MM. les professeurs agrégés Carrière et
Chavannaz,
quifurent
nos chefs de conférence d'internat.
C'est avec un bien vif regret que nous quittons l'internat.
Ce sentiment que tous nos prédécesseurs ont exprimé, nous le
ressentons bien profondément; mais nous espérons que nos ca¬
maradesvoudront biennousconserver leur précieuse sympathie.
HISTORIQUE
Les médecins de la fin du xvie siècle et
du début du xviie
qui se sontoccupés de l'influence de la grossesse sur la tuber¬
culose, ont cru que la grossesse
s'opposait
audéveloppement ou
à l'évolution de la phtisie. « La grossesse,
dit Cullen, retarde
souvent chez les femmes les progrès
de la phtisie. Ce n'est
qu'après
l'accouchement
queles symptômes reviennent avec
plus de
violence et produisent la mort
enpeu de temps. » Sinis,
Baumes, Jos. Franck, Bordeu,
Brioude, partagent cette manière
de voir. Ce dernier (Traité cle la
Phtisie pulmonaire, t. II,
p. 7) parle «
d'une phtisie pulmonaire qui fut retardée non
seulement par la grossesse,
mais
encore parl'accouchement. »
Rosières de la Chassagne est encore
plus catégorique
: «De
deux femmes phtisiques au
même degré,
onpeut être sûr que
celle qui deviendra
enceinte portera
sonfruit à terme, tandis
que l'autre pourra
périr avant
cetemps.
»Andral, dansson livre de
clinique médicale, dit aussi
: «J'ai
pu me convaincre que
dans la majorité des cas, les symptômes
de la phtisie se
suspendent
ourestent stationnaires pendant le
cours de la grossesse.
Mais à peine celle-ci est-elle terminée,
l'affection reprend tout à coup une
activité singulière et la
malade meurt rapidement. »
Nous pouvons encore
citer, parmi les auteurs soutenant cette
opinion,
Larcher
etGubler. Pour étayer leurs idées ils ont
imaginé des
pathogénies ingénieuses qui n'ont pas reçu la
confirmation des recherches ultérieures.
— 10 —
Bien plus nombreux sont ceux qui soutiennent l'opinion dia¬
métralement opposée. Mauriceau dit que le meilleur conseil à donner aux femmes ayant eu des hémoptysies pendant leur grossesse serait« de ne plus faire d'enfants à l'avenir, car leur
•poitrine devient toujours d'autant plus mauvaise qu'elles ont plus d'enfants et elles périssent assez ordinairement parquelque
renouvellement de fluxion qui s'y fait presque toujours dans le temps de leur grossesse ou peu de temps après être accou¬
chées. »
Mauriceau fut longtemps seul de cet avis. Louis, dans ses
Recherches analomico-palhologiques sur laphtisie, se montre
hésitant; il ne se prononcepas. Cependant, Huguier rapportait,
en 1830, un cas de mort' subite pendant la grossesse et que
nous reproduisons plus loin.
La périodevraiment féconde enobservations et en travaux ne commence guère qu'en 1847, époque où parurent dans Y Union médicale deux observations, une d'Hervieux, l'autre de Robert.
Il en ressort que la grossesse aggrava nettement la tuberculose dont les malades étaient atteintes. Hervieux concluait :
« l'assertion des auteurs qui, confiants dans la sollicitude de la nature pour le nouvel être, regardent la grossesse comme
une sorte de préservatif contre l'action des causes morbifiques,
ou comme une entrave à lamarche des maladies préexistantes,
a besoin d'être démontrée par de nouveaux faits. »
Dès lors les observations se multiplient,mais les conclusions, toujours défavorables, ne lesont pas toujours de la même façon.
Grisolle, dans la séance du 2 octobre 1849, lut à l'Académie de médecine un mémoire contenant vingt-sept observations,
dont dix de Louis. Chez toutes les phtisiques la maladie fut aggravée par la grossesse. Chez treize qui ont été suivies, la durée de la maladie a été très abrégée. « Véritablement on ne
comprendrait pas qu'il en fût autrement, car l'organisme,
affaibli par la diarrhée, par les sueurs nocturnes, par l'expecto¬
ration, et sans cesse miné par la fièvre hectique, ne doit pas moins pourvoir à deux existences. Ajoutons aussi que ces accidents divers, suites fréquentes de la gestation, en augmen-
tant les souffrances, apportent un obstacle de plus à la
nutrition, et doivent par conséquent favoriser les progrès de
la tuberculose. » Grisolle prétend cependant que l'accouche¬
ment et le post partum n'ont pas l'influence néfaste qu'on
leur a prêtée.
En 1852 parait le mémoire de Ch. Dubreuilh, de Bordeaux.
Il contient treize observations. Les accidents de la tuberculose
se sont aggravés dans tous les cas. Une femme même mourut
au septième mois sans être accouchée. Une conclusion
assez*
inattendue se rencontre dans ce travail. Dubreuilh croit que dans les derniers mois le travail morbide s'interrompt. La faiblesse, la toux, l'hémoptysie, la fièvre elle-même, auraient
subi un temps d'arrêt.
Il serait fastidieux de rapporter les opinions de tous les
auteurs qui ont vu dans la grossesse une cause d'aggravation
de la tuberculose. Nous 11e ferons que citer Gueneau de Mussy, Depaul, Gaulard, Hergott, Grancher, Budin, etc. A l'étranger, Spiegelbcrg, Scliroder, Hecker, Braun, Playfair, Duncan, Libe-
rioBorgesio, Maraglianio, partagent les mêmes idées. Scliroder,
tout en pensant à l'influence néfaste de la tuberculose, croitque la mort survient surtout pendant, les suites de couches. —
Hecker: « Le développement du fruit de la conception enlève à l'organisme maternel une quantité de matériaux nutritifs, d'où
il est facile de conclure a priori que la tuberculisation doit
faire de rapides progrès. »
Entre ces deux opinions extrêmes, il y avait place pour des opinions plus ou moins atténuées. Elles n'ont pas manqué de
se produire.
Gardien croit que dans les trois premiers mois de lagestation
l'état général est meilleur. Mais les accidents apparaissent vers le quatrième ou cinquième mois. — Capuron, Pidoux, Peter, le pensent aussi.
Portai avait soutenu tour à tour les deux opinions opposées.
Pour Montgomery: « Si, au début d'une
tuberculisation,
une femme devient enceinte, la maladie première diminue, se calmele plus souvent pendant le temps de la gestation,
mais d'un
autre côté, si la phtisie est à une période avancée au moment de la conception, l'issue fatale peut être dans certains cas améliorée. »
Paul Dubois fait aussi cette remarque, et Gendrin croit que l'état des fonctions digestives joue un grand rôle dans la marche des phénomènes morbides.
Enfin, Mercier, dans sa thèse inaugurale, soutient que « la puerpéralité n'a réellement sur la tuberculose aucune influence 'directe, » et parce que l'on a pu constater des aggravations ou des améliorations aussi bien au début qu'à la fin de la gros¬
sesse, il conclut que « ces faits contradictoires résultent bien d'unesimple coïncidence. »
On le*voit, les idées les plus diverses ontcours sur cetteques¬
tion. Actuellement les auteurs semblent plutôt éclectiques, mais
tout en reconnaissant la possibilité d'une amélioration, croient que le plus souvent il faut s'attendre à une aggravation. Cette aggravation peut d'ailleurs se manifester aux moments les plus
divers de la grossesse, ou bien au moment du travail, ou pen¬
dant les suites de couches.
Influence de la Tuberculose pulmonaire
SUR LA GROSSESSE ET L'ACCOUCHEMENT
On a cru longtemps que les
tuberculeux étaient irrésistible¬
ment portés aux excès
vénériens et
quela conception
sefaisait
avec une extrême facilité chez les femmes affectées d'un vice organique des poumons.
Murât (Dictionnaire
enGO volumes
— 1817) exprimenettement cette opinion.
La propension
des tuberculeux
auxexcès vénériens
nesemble
pas exister
réellement. Que les excès créent
uneprédisposition
à latuberculose, c'est indéniable. Toutes les causes de
débilDa¬
tion de l'organisme jouent ce
rôle. Mais cliez les tuberculeux,
surtout atteints de lésions organiques profondes,
l'excitation
des fonctions génitales est très rare.
Louis avait déjà remarqué
que les organes génitaux et
leurs fonctions participent à l'affai¬
blissement de l'organisme. — Grisolle
insistait à l'Hôtel-Dieu
sur la faiblesse génitale des
tuberculeux.
Quant à la conception, il faut distinguer.
Il n'est
pas rarede
voir l'aménorrhée s'installer au début de la tuberculose pulmo¬
naire ; mais si celle-ci n'a pas une allure trop grave,
si elle n'a
pas encore causé de
lésions très avancées, la fécondation est
possible. On trouve
dans la littérature médicale d'assez
nom¬breux exemples de grossesses
multiples chez des tuberculeuses.
Nous citerons l'observation suivante de Mauriceau :
Observation I. — Quatre grossesses aucours d'une tuberculose.
(Mauriceau,Traitésurlagrossesseet l'accouchement desfemmes et leursmaladies,1687.
Obs. CDLV,p.376, t. II.)
20 ans, premier accouchement à sept mois et demi à
la suite d'une
frayeur; cette malade était déjà trèsdébilitéepar une
fluxion de poitrine
14 —
avec crachement de sang; cette maladie, ayant beaucoup débilité la poitrine, me fit craindre que son crachement de sang ne se renouvelât pendant les efforts du travail, ce qui arriva le lendemainde l'accouche¬
mentpar les efforts d'une grandetoux. Malgré ces deux accidents, elle
seporta bien autant que la délicatesse de sa poitrine le lui permettait;
cette femme fittrois autres enfants desquels elle est accouchée à six ou
sept mois d'enfants morts depuis quelques jours; elle est morte quatre heuresaprèsledernieraccouchement, ayantété surprise d'uncrachement de sang et d'uneforte convulsion.
Lasègue et Beauvâis ont, rapporté une observation d'une tuberculeuse qui eut huit grossesses. Sa santé n'avait pas été fortement altérée dans l'intervalle; elle avait eu seulement
quelques hémoptysies, surtout audébut. Elle finit par succomber.
Pajot a vu une femme enceinte pour la quatrième fois et tuber¬
culeuse dès son premier accouchement,
Nous trouvons dans la thèse d'Ortéga l'intéressante observa¬
tion suivante :
Observation II. — Plusieurs grossesses au cours d'une tuberculose.
(Ortéga,Thèse deParis.187G,p.G9.)
Pendantun remplacement que je faisais l'an dernier à Saint-Gobain
(Aisne), je soignai la nommée Emilie, femme d'un ouvrier de la manu¬
facture de glaces, âgée de 23 ans ; les antécédents héréditaires sont
ignorés; dans sajeunesse, sasanté n'ajamais été bonne; régléeà 13ans irrégulièrement, elle s'enrhumait facilement les hivers; avant l'âge de 18 anselle apris pendantlongtemps de l'huilede foiede morue; mariée à 18 ans, elle devenait enceinte à 19; elle toussait beaucoup à la fin de la grossesse et accoucha à huitmois; l'enfantne vécut que peu dejours;
la toux continuacomme auparavant; à 20ans, deuxième grossesse;elle toussait beaucoupdès lecommencement; et, sansautrecauseque latoux, elle avorta à troismois; à 21 ans et demi, troisième grossesse; elle en était très malade à cause de la toux, mais cette fois elle peut aller jusqu'à huit mois; la toux diminua après l'accouchement. Elle a eu
quatrehémoptysies : la première, peu de temps après le premier accou¬
chement; la deuxième, quelquesjours après l'avortement; la troisième et laquatrième, il y adeux mois, sept mois après le dernieraccouche¬
ment. Le dernier enfant est vivant; au moment de sa naissance il était
très petit, et la mère n'a pu l'élever que pendant trois mois; il aété
ensuite élevé au biberon; je l'ai traité pendant deux mois pour une diarrhée, et lorsqueje le vispourla dernière fois, la diarrhée continuait
etdepuis quelques jours il vomissait; je crois qu'il n'apas survécu. La
mère est trèspâle, amaigrie, adesfrissons le soir, la fièvre et des sueurs
pendant la nuit. Fosse sous-claviculaire gauche : un point très doulou¬
reux, matité, souffle caverneux,frottements, râles sous-crépitants; fosse sous-épineuse gauche : matité, souffle, retentissement de la voix; fosse sous-claviculaire droite: expirationprolongée et soufflante, craquements
secs; fosse sous-épineuse : les signes sont à peuprès les mêmes; les rè¬
glesnesontpasrevenues.Lafemme dit qu'elleestplus maladequejamais.
Nous ne pouvons citer sans restriction les observations
Mercier. Il rapporte un cas de tuberculose pulmonaire pendant laquelle se produisirent onze grossesses; un second où il y en
eut cinq; un troisième enfin où il y en eut sept. Ces observa¬
tions 11e sont pas à l'abri de toute critique.
La première est sujette à caution. Il s'agit d'une malade de
45 ans, tuberculeuse au premier degré, ayant commencé à
tousser à 20 ans, et n'ayant jamais présenté d'hémoptysies.
Elle toussait seulement un peu plus et souffrait ducôté pendant
ses grossesses. Il semble que le diagnostic de grossesse dès l'âge de 20 ans a été admis avec une trop grande complaisance.
Il en est de même de la seconde observation. La malade
« a toujours toussé et s'est plainte toujours du dos etde l'esto¬
mac. Elle a craché parfois quelques filets de sang, mais très
peu. » On comprend combien des symptômes aussi peu marqués
eussent nécessité le contrôle de l'examen des crachats.
Quant à la troisième, on ne peut admettre le diagnostic de
tuberculose dès le premier accouchement. Il s'agit d'une femme
de ,36 ans toussant depuis un an. Elle a en la gourme dans
son enfance, des points de côté à gauche. Ellene toussaitpas.
Mère de sept enfants, elle a craché du sang seulement entre
les deuœ dernières grossesses, et après la dernière, elle a présenté les signes de tuberculose au second degré. Il faut
avouer que rien n'autorise à placer le début de cette phtisie
avant le premier accouchement.
Ces trois observations ne peuvent donc être comptées. Mais
il faut bien admettre que la fécondation est possible, même plusieurs fois, chez les tuberçuleuses. Evidemment, elle ne se
produit pas dans les formes granuliques ou lorsque la malade
est arrivée à un état presque cachectique.
Sur trente-deux femmes qui toussaient avant la grossesse et dont quinze seulement présentaient des signes de phtisie plus
ou moins avancée, Ortéga n'a trouvé qu'une seule femmeayant des cavernes qui ait pu devenir enceinte. Les lésions sont trop avancées, l'organisme trop débilitépourpermettrela conception.
Mais il semble aussi que les femmes tuberculeuses à un
degré moindre deviennent rarement enceintes. Cela tient-il à
leur état de maladie qui les met moins souvent dans le cas
d'être fécondées? Ou bien y a-t-il là un état véritablement impropre à la fécondation? Delafond a démontré queles vaches phtisiques, même au premier degré, restent assez souvent
infécondes.
Sans doute ces deux causes interviennent. Ce qui est certain,
c'est que les femmes tuberculeuses enceintes sont relativement
rares. Que l'on compare la population hospitalière médicale et
la population des maternités, on trouvera une différence consi¬
dérable dans le pourcentage des tuberculeuses. Il est rare que dans une salle de quarante lits, il n'y ait pas sept ou huit
tuberculeuses en pleine vie génitale. Or, à la Maternité de Pellegrin, dans une année, nous n'en avons trouvé que trois
sur sept cent trente malades.
Quelleest l'influence de la maladie pulmonaire sur la marche
de la grossesse?
Presque toujours, les troubles que l'on rencontre ordinai¬
rement dans les divers appareils sont aggravés. Du côté du
tube digestif, les vomissements sont souvent plus opiniâtres,
et il n'est pas rare de voir survenir l'anorexie qui contribue à augmenter considérablement le mauvais état général des
malades.
La toux est aussi une grande cause de fatigue. Elle s'accom¬
pagne de douleurs intercostales très pénibles. Elle s'accom-
pagne fréquemment de vomissements, prenant le caractère do
la toux émétisante de Morson, et contribuant à entretenir le mauvais état gastrique signalé plus haut.
La dyspnée, fréquente pendant la grossesse, est ici la règle.
La lésion pulmonaire diminue le champ de l'hématose, et apporte son contingent aux troubles respiratoires très pénibles qui rendent les malades incapables du moindre effort ou d'une
course un peu rapide.
A cela s'ajoutent les sueurs nocturnes, la fièvre à allures très irrégulières, la sensation d'extrême fatigue due à l'intoxi¬
cation tuberculeuse. En sorte que ces malheureuses femmes
mènent une grossesse troublée. A mesure qu'elle avance, la dyspnée va s'accentuant, et elles arrivent à leur accouchement souvent dans un état d'extrême fatigue.
Elles n'arrivent pas toujours au terme, d'ailleurs. Si nous réunissions les statistiques de Grisolle, Dubreuilh, Bourgeois, Ortéga, nous trouvons sur 284 femmes :
Soit près de 18 p. 100 de grossesses interrompues avant leur
terme. Cette proportion est au-dessous de la vérité parce qu'elle comprend des cas où la tuberculose était fort peu avan¬
cée, et où elle n'a pu influer sur l'évolution de la grossesse.
La phtisie à marche rapide est particulièrement funeste
pour la grossesse. L'avortement dans ces cas survient fré¬
quemment. Guinsbourgue cite le fait suivant :
« Une personne de 27 ans, mère do trois enfants, avec
prédisposition héréditaire à la phtisie, eut pendant sa qua¬
trième grossesse de la fièvre à type irrégulier. Au bout de
deux semaines, alors qu'elle était arrivée au quatrième mois de sa grossesse, elle fit une fausse couche sans complications.
La fièvre ne cessa pas après l'avortement. On fit chez elle le
diagnostic de tuberculose pulmonaire aiguë à laquelle elle
succomba quatre mois plus tard. » Accouchements à terme ...
Accouchements prématurés Avortements
238 37 14
p
— 18 —
Dans les deux observations suivantes, la tuberculose, très aggravée par la gestation, a réagi sur celle-ci, en provoquant l'expulsion prématurée du fœtus.
Observation III. — Tuberculose pulmonaire à marche rapide. — Accouchement prématuré. — Mort.
(Rémy, Archives de Tocologie. Septembre 1894.)
Mme Sch... nourrissait son premier enfant, lorsqu'elle vint me con¬
sulter, vers le quatrième mois de l'allaitement, pour une toux sèche quinteuse. Je trouvaiau sommet dupoumon droit des signes évidents de
tuberculose commençante.Je fiscesser immédiatement la lactation etje
combattis la lésionpulmonaire quicessadevantla médication énergique.
Tout allaitbien, la santé s'était raffermie, lorsqueau commencementde
l'année 1894, elle redevint enceinte. Les dernières règles apparurent à
peuprès fin janvier. La toux reprit aussitôt, et l'estomac présenta une irritabilité telle, que la malade ne put conserver qu'une alimentation
très légère. Des vomissementsrépétés rejetaient les aliments, et bientôt
survint de l'anorexie, del'amaigrissement progressif, etdes signes évi¬
dents de tuberculisation du sommet droit. En vain nous luttâmes contre tous ces phénomènes par des traitements variés : la malade éprouvait
undégoût insurmontable pour tout aliment, de telle sorte quela situa¬
tion devint de jour en jour plus critique. L'infiltration tuberculeuse
gagna toutle lobe supérieur, et l'affaiblissement fut tel que la malade
ne put quitter le lit. Des douleurs internes firent craindre à plusieurs reprises un début de travail et furent combattues par des lavements
laudanisés. La malade ne mangeanttoujours pas, expectorant et minée
par la fièvre, présenta un état excessif de maigreur. Je prévins la
famille que nous n'atteindrions pas le terme; en effet, le 30 juillet, à
uneheure du matin, elleperditles eaux sans douleurs. Celles-ci appa¬
rurent, le col s'effaça et le travail aboutit à l'expulsion d'un enfant
chétif de 6 mois qui vécut environ 36 heures. Lapuerpéralité en elle-
même neprésenta rien d'anormal, ily eut même une période de calme relatif,bien que lepouls battît toujours 120. Vers le milieu d'août, les phénomènes s'aggravent; la patientene se nourrissantpas, l'affaiblisse¬
ment devient excessifet la malade meurt le 30 août, un mois après son accouchementprématuré.
19
Observation IV. —Tuberculosepulmonaire. —Grossesse. —Accouchement prématuré spontané.— Mort de la mère. Mortde l'enfant.
(Auché et Chambrelent. — Congrès de médecine de Montpellier 1898.) (Résumé)
Mme MarieC..., domestique, 40 ans, entre à l'hôpitalSaint-André le
31 mai 1897.
A. H. — Mère morte à 71 ans de pneumonie. Père mort accidentel¬
lement à 45 ans. Cinq frères ou sœurs dont un mort de tuberculose pulmonaire; les quatre autres enbonne santé.
A.P. — A4 ans, affection pulmonaire aiguë (broncho-pneumonie ?) Règles à 12 ans; menstruation régulière. A eutrois enfants; le dernier
est âgé de 6 ans. Toussont bien portants. Suites de couches toujours normales; pas d'autres maladies. Alimentation ordinaire, pas d'excèsde boisson. Réglée une quinzaine de jours avant son entrée à l'hôpital, la malade n'aplus vurevenirses menstrues.
Maladie actuelle. —Vers le milieudu mois de mai 1897, la malade éprouve de violentesdouleurs dans tout le membre inférieurgauche, qui n'est d'ailleurs ni augmenté de volume ni douloureux à la pression. La persistance de ces douleurs engage la malade à entrer à l'hôpital le
31 mai1897.
Elle est maigre et tousse etcrache un peu, principalement le matin.
Al'hôpital, les douleurs du membre inférieur gauchese calment légère¬
ment; mais latoux etl'expectoration augmentent. Le 10 novembreelle
se montre à notre examen très amaigrie, sans forces, se plaignant de
sueurs nocturnes.
Touxfréquente,expectoration muco-purulentepeu abondante. Dyspnée considérable, exagérée par les mouvements, la parole, la toux. A l'auscultationon note unetuberculose au premier degré du côté droit, au second degré à gauche. Rien d'anormal du côté de l'appareil circulatoire.
Du côté dutube digestif, pas de troubles dyspeptiques graves, mais desvomissements rares ettoujours provoqués par des quintes de toux.
Quelques détails diarrhéiqucs. Pas d'augmentation notable du foie, ni de
la rate.
A l'examen obstétrical, grossesse d'un peu plus de cinq mois, les dernières règles remontant environ au milieu de mai. A la palpation
on sent les mouvements du fœtus, les bruits du cœur fœtal s'entendent nettement. Pertes blanches abondantes. Pas deperte de sangau cours de lagrossesse.
— 20 — Fièvre vespérale constante, mais peuélevée.
Dans les jours qui suivent, les lésions de tuberculose s'aggravent rapidement, des cavernes se forment, la dyspnée devient très intense,
lesforces achèvent dedisparaître, la diarrhée revient plusfréquemment annonçant des localisations tuberculeusessurl'intestin, la fièvrepersiste,
bref lacachexie apparaît assezrapidement.
La gravité de la situation de la mère fait surgir la question de la possibilité et de l'utilité d'une intervention destinée à sauver l'enfant, dontles mouvements et les bruits du cœur sontparfaitementperçus.
La solution de cette question est donnée par la malade elle-même, qui accouche spontanément d'un enfant vivant le 8 décembre 1897.
La malade succombe trois jours après, à la généralisation de son affection pulmonaire.
L'enfant, quoique séparé de suite de sa mère, meurt le 4 janvier,
et à l'autopsie on a constaté des lésions tuberculeuses multiples.
Ces observations sont intéressantes, non seulement à cause de l'avortement, mais aussi parce qu'elles montrent tous les phénomènes douloureux dont la tuberculose pulmonaire peut
aggraver une grossesse. L'estomac est ici particulièrement intolérant, et c'est là une des causes de la rapidité avec
laquelle empire l'état de la malade. La dyspnée est particu¬
lièrement intense, d'où nouvelle occasion de douleurs.
Quelle est la cause de ces avortements ou accouchements prématurés ?
En général, ils se produisent dans les cas graves. Alors,
l'intoxication de l'organisme est à son comble, et les produits
sécrétés par le bacille causent l'interruption de la grossesse, ainsi que cela se voit dans les maladies infectieuses. Il est rare que le fœtus soit tué et que ce soit sa mort qui détermine
l'accouchement prématuré. C'est par action sur l'organisme
maternel qu'agit l'intoxication; de même l'infection, dans les
cas de tuberculose aiguë généralisée. L'état asphyxique de la patiente joue peut-être aussi un rôle enexcitant la contractilité
de la fibre utérine, comme l'ont démontré les expériences bien
connues de Brown-Séquard.
On a aussi invoqué des lésions de la caduque pour expliquer
l'interruption de la grossesse. C'est l'idée soutenue par Rémy (.Archives de Tocologie, 1894).
« La mère ne peut plus faire les frais d'une plus longue gestation. Le sol d'implantation de l'œuf ne conserve plus les qualités requises pour conserver cet être, qui vit en parasite à
son détriment. L'examen d'un placenta me fit voir récemment
que la surface utérine placentaire était blanchâtre, au lieu de présenter cette couleur rouge foncé du placenta normal. Cela
tenait évidemment à la dégénérescence des cellules de la caduque. Si l'on admet qu'à terme, les modifications de la caduque rentrent pour une part dans les causes déterminantes
du travail, on sera porté à plus forte raison à considérer la dégénérescence des cellules de la caduque chez les femmes
tuberculeuses comme la cause de l'accouchement prématuré. » Arrivons à l'accouchement. Il peut être aussi modifié dans
son allure. Quelquefois il est facile. C'est que les enfants de
tuberculeuses sont en général petits, et que leur expulsion ne nécessite pas de violents efforts. Mais, même avec des enfants de petit volume, on voit survenir des accidents sérieux. Témoin l'observation de Stolz, que nous rapportons ci-dessous, où des phénomèmes pulmonaires graves se rencontrèrent chez une femme qui accouchait au sixième mois. Dans notreobservation,
nous fûmes obligé d'intervenir pour un accouchement de
huit mois, la patiente étant à bout de forces et dans un état inquiétant. C'est que le phénomène de l'effort est extrêmement pénible pour les tuberculeux. A ce moment, la contraction des muscles expirateurs et la fermeture de la glotte compriment
l'air contenu dans les poumons, et gênent par conséquent la
circulation capillaire. Lé sang s'accumule dans le cœur droit, puis dans les veines de la tète, du visage, du cou, des membres supérieurs, ce qui se manifeste par la cyanose. Lorsque l'effort
est terminé, l'air s'échappe, lesang affluealors dans le poumon, et à ce moment il pourra se produire des déchirures des vais¬
seaux, et par conséquent des hémoptysies. Comme ces efforts
se renouvellent souvent à la période d'expulsion, la parturiente
ne tarde pas à être dans un état voisin de l'asphyxie, et 011