FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNÉE 1902-1903 HIo |24
RAPPORTS DU TABES
avec
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenue
publiquement
le 17 Juin 1903par
Henri GRENIER DE CARDENAL
NéàSaint-Etienne-de-Villeréal (Lot-et-Garonne),le 10 février 1875.
ancien interne des hopitaux
membre et ancien secrétaire de la société d'anatomie et de physiologie lauréat de cette société {Concours 1902,premier prix).
lauréat des hôpitaux (Médaille d'argent 1902).
/ MM. PITRES prolesseur Présid
. \ LANELONGUE professeur ) SxftmiMleursdela Thèse :
j
CASSAET agrégé ■>«««•(
CABANNES agrégé )L0Candidat répondra aux
questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI, PAUL CASSIGNOL 91, RuePorte-Dijeaux, 91
1 9 O 3
faculté de Médecine et de Pharmacie de Bord»
M. DENABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
PROFESSEURS
MM. M1GÉ
)
DUPUY. V Professeurs honoraires.
MOUSSOUS
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Clinique interne ^ PITRES
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j
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|MM. GENTES. | Physiologie
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Clinique desmaladies cutanées et syphilitiques
M.
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MM.
DUBREU1LH.
Clinique des maladies des voies uriuaires
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Maladies du larynx, des oreilles etdu nez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe
Accouchements VGchoN
Physiologie
princeteau
embryologie mîRANGK.
Ophtalmologie
LAW*Ai
Hydrologie etMinéralogie
Le Secrétaire de la Facilité,
MOURE- REGIS.
RONDOT.
DENUCÛ
ANDER0D1AX
GAREES.
lemaire.
— —
# . pmis080^
Par délibération du 5 août 1879,la Facultéaarrêté que les
°Pinlon.S]elirfl
auteuts.rbèses omi luisont présentéesdoivent êtreconsidérées commepropres
[u'elle n'entend leur donner niapprobation niimprobation.
A mon Maître
MONSIEUR LE PROFESSEUR A. PITRES
INTRODUCTION
Depuis
queDuchenne (de Boulogne) distingua
en1858
1 ataxie locomotrice
progressive delà
classe desparaplégies,
des travaux considérables ont été
publiés
sur cettemaladie,
que
Romberg
en1851
avaitdéjà esquissée
sousle
nom de tabès dorsalis. Cetteappellation
aprévalu
surcelle
de Duchenne.A la
description remarquable mais schématique qu'en avait
donnée celui-ci, sont venuess'ajouter des études
de presque tous lesneurologistes. La symptomatologie surtout s'est élar¬
gie d'une façon remarquable
;l'étiologie et l'anatomie patho¬
logique partagent
encore les auteurs; malheureusement letraitement
est encore àtrouver, malgré les tentatives de
cesdernières
années.Letabès est donc une mine
inépuisable d'étude. Nous
avons pensé pouvoir
apporter notre pierre à l'édifice, si petite soit-elle,
et il nous a paruintéressant d'étudier
le tabès danssesrapports avecla vie
génitale de la femme.
Dans un premier
chapitre,
nousétudierons
l'influence pos¬sible du tabès sur la fécondité et sur la descendance des
ataxiques.
Dans
ledeuxième,
nous aborderons l'étude intéressante de 1influence
de lamaladie surl'accouchement, influence
tantôtmauvaise,
tantôtadjuvante.
Enfin
dans le troisième etdernier,
nous nous occuperons (le 1influence
de la grossesseet de l'accouchement
sur l'évo¬lution
du tabès;CHAPITRE I
TABES ET MARIAGE
A considérer l'état de déchéance
physique qui frappe la plupart des tabétiques,
onest tenté de
penser, apriori,
que les unions contractées par euxdoivent rester stériles et
que leurs enfants doiventporter la trace d'une terrible hérédité.
Cette manière de voir est d'autant
plus rationnelle,
que,généralement,
les maladies dusystème
nerveuximpriment
àla descendance des
stigmates de dégénérescence et dimi¬
nuentles chances de vitalité des enfants.
Cette
question, malgré
sonintérêt, n'a
passuscité de
nom¬breux travaux et il faut arriver à ces derniers
temps
pour trouverquelques indications à
cesujet.
C'est d'abord en
Allemagne
quel'on trouve les premiers
travauxsur ladescendance des
tabétiques.
Mœbius 0) rapporte quelques observations de femmes tabétiques dont
lesenfants,
conçuset nés
enpleine évolution
du
tabès,
furent bienportants. Il ajoute d'ailleurs
quec'est là
unfaitnormal.
Erb
(2), Goldflam (3) citent
euxaussi quelques observations semblables.
(')
MasBips,
ZurLehre der Tabès. Neurologische Beitrage,1882.
(")Erb,ZuriEtiologie der Tabès dorsalis. Bevliner klinische "Wochens-
^ift,
1883,
no32, p. 483.i3)
Goldflam,
KlinischerBeitragzuriEtiologie der Tabès. Deutsche Zeits- chriftfurNervenheilkunde,
1892.- 8 —
Mendel
(*), plus récemment,
aétudié
d'unefaçon beaucoup plus complète la question de la
stérilité et de la descendance destabétiques. Sur,288 femmes qu'il
aexaminées,
252étaient mariées: or sur ces252, 83
étaient sansenfants,
cequi fait
une
proportion de 32,9 % femmes stériles.
Il cite aussi les
opinions de Lothas Meyer, Remak, Kron, Friedrichsen,
Mœbiusqui ont déjà montré la fréquence de la
stérilité absolue ou relative des femmes
tabétiques. Kron
notamment a trouvé 10 femmes stériles sur
33, soit 30,3 o/o,
chiffre sensiblement
égal
ausien. Cette proportion de fem¬
mes stériles estconsidérable et il montre l'écarténorme
qu'il
y a avec
les pourcentages des ménages
normaux.En
Angleterre,
eneffet, Simpson, Spencer Wells, Sims
estiment à 10 ou 12 % le nombre des
ménages stériles. En Allemagne, Guttstadt donne
10 à 15%. La
conclusion natu¬relle
qui
sedégage de
ceschiffres, dit-il, c'est
quel'infécon¬
dité est trois fois
plus
communechez
lestabétiques
quechez
les personnes
bien portantes de la
même classesociale.
L'an
dernier,
Heitz(2)
aucontraire, dans
unarticle
surla
grossesse
et l'accouchement, s'exprime ainsi à
proposde la
descendance des
ataxiques
: «Nous
pensons, en somme,que
le descendant de mère
tabétique, s'il vit, restera
presquetoujours
undégénéré,
undystrophique.
»C'est le seul auteur que nous ayons
rencontré
aveccette opinion et Mllc Sandberg tout récemment, dans
sathèse (3J sur
la descendance des
tabétiques, fait
remarquer quecette con¬
clusion est difficile à tirer des cas
rapportés
parlui. Elle-
même,
dans
sontravail,
constate «lafréquence extrême delà
stérilité des
tabétiques
»et conclut
àl'intégrité de la descen¬
dance des
tabétiques féconds. Enfin
ellerapporte l'opinion
identique et très catégorique à
cetégard des professeurs
(p Mendel, DieTabe.s beim weiblichen Geschlecht. Neurolog.
Centralbl
1erjanvier 1901, p. 19.
(2) Heitz, Grossesses etaccouchements chez les tabétique^. Gazette
he,}
domadairedemédecineetdechirurgie, 1902, n° 56.
(3) m'ie Sandberg, La descendance destabétiques. Thèsede
Paris
- 9 —
Raymond, Déjerine et Brissaud, des docteurs Babinski,
Ballet,Marie, Fraenkel.
D'ailleurs Mllc
Sandberg n'éclaire
pasla question d'un jour bien
nouveau,les conclusions qu'elle rapporte avaient déjà été posées, l'année dernière, dans
la thèse de L. Rail- lard0)
surla descendance des tabétiques, thèse inspirée
par M. le Prof. Pitres.Tout dernièrement enfin, ce
dernier,
dans une communi¬cation au
Congrès de Madrid,
arepris cette question et
ce sontses conclusions que nous
allons
résumer à la fin de cechapitre.
Le nombre des observations
originales dépouillées
aété
de
400,
surlesquelles 160 ont été rejetées faute de renseigne¬
ments. Restent donc240 observations de
tabétiques
compre¬nant175'hommes et 65 femmes. Sur ces 240
individus,
31sont
célibataires,
cequi fait
uneproportion de 13 %. Ce
chiffre serapproche de celui de Byrom Bramwell qui est
de 18%;
il prouverait
quele tabès sévit davantage
surles
gens mariés que sur
les célibataires.
Mais la
question intéressante,
estcelle
de la fécondité destabétiques. Nous
avons vuplus haut
queles auteurs alle¬
mands ont trouvé chez ces malades une
proportion de ména
gesstériles trois fois
plus considérable
quechez les
genssains;
M. le Prof. Pitres arrive aux mêmes chiffrespuisque,
sur 209
tabétiques mariés de
sastatistique, 74
ou35
% sont sans descendance vivante au lieu des 10 à 12% des ménages
normaux.Or à côté de
cela,
nous voyons queles '135 ménages féconds qui
restent ontproduit 416 enfants
dont 130 sont mort-nésoumortsenbas
âge
et286 survivants,
cequi représente
une Proportion élevée de 2,11 survivants parménage. Donc à
coté cle la stérilité d'une forte
proportion de ménages tabéti¬
ques, nous voyons que ceux
qui ont des enfants
enont dans
uneproportion relativement élevée.
(')L.
Raii.lard,
Recherches sur la descendance des tabétiques. Thèse de Bordeaux1902.L'étude de la léthalité des descendants des
tabétiques four¬
nit
également des renseignements fort intéressants.
Lenom¬bre total des enfants issus de
parents tabétiques
estde
483(416 -f- 67 issus des ménages devenus stériles), et le
nombre de morts est de 197. Laproportion de la léthalité
est doncde40,70
°/0. Maislorsqu'on
comparela mortalité d'avant
le tabès à cellequi survient après l'éclosion des premiers
symp¬tômes, onvoit
qu'elle est de 44 %
avantet de 28 % seule¬
ment
après. La raison de
cette énorme léthalité n'est donc pasle tabès, mais
une autre causequi
aprécédé
sonappari¬
tion. Cette cause est évidemment la
syphilis, si fréquente
chez les
tabétiques. Le tabès,
eneffet,
éclate versl'âge de trente-cinq à quarante-cinq
ans,alors
quel'effet de l'infec¬
tion
syphilitique
commence às'atténuer
: il est donc très naturel queles enfants nés à
ce moment soient moins expo¬sés à la mortalité que ceux
qui naissent
avantle tabès, plus près du
momentde l'infection.
Enfin la
statistique de M. le Prof. Pitres
setermine
parquelques considérations
sur l'avenir des enfants detabéti¬
ques.
Sur les 286 survivants, il
n'a pudécouvrir la trace de
tabès ou de
quelque autre maladie
nerveuse, aucunstigmate
de
dégénérescence, confirmant ainsi pleinement les conclu¬
sions des auteurs
précédents.
CHAPITRE II
INFLUENCE DU TABESSUR L'ACCOUCHEMENT
Lorsqu'on parcourt la littérature médicale
on netrouve
aucun
renseignement
surl'influence
quepeut avoir le tabès
surl'accouchement. Les
classiques sont muets à cet égard et
nous avons cherché vainement dans les traités de médecine, de
chirurgie et
mêmed'accouchements. Quelques auteurs
seuls en ont
parlé incidemment dans des travaux spéciaux et
dans
l'exposé de quelques observations.
Si cette
question
aété si
peuétudiée, cela tient à la rareté
de la grossesse en
pleine évolution du tabès. En effet, malgré
nos
recherches,
nousn'avons
pu endécouvrir
que15 observa¬
tions tant en France
qu'à l'étranger. Or
cequ'il
y ad'intéres¬
sant
lorsqu'on examine
cesobservations, c'est qu'à côté de la
mauvaise influence que
semble
exercerle tabès
sur1
accou¬chement,
aupoint de
vueclystocique, il
setrouve quelques
casoù il en facilite
l'accomplissement
: nousvoulons parler
des accouchements sans douleurs.
Nous diviserons donc naturellement ce
chapitre
endeux
parties : danslapremière,
nousexaminerons les
causesde la dystocie
dans le tabès : dans la seconde, noustraiterons des
accouchements indolores dans cette même affection.
1° Accouchement dystoeique dans
le tabès.
En
dépouillant
les 15 observations dont nousparlions plus
haut,
nous voyons queles 15 femmes dont il s'agit ont eu
— 12 —
pendant leur tabès
26 enfants à terme. Sur ces 26 accouche¬ments, 9 fois les conditions de l'accouchement ne sont pas
signalées, 12 fois
il a étéfacile,
5fois
enfin il a été difficile et laborieux. Nous avonspensé
queles deux premières catégo¬
ries
pouvaient
être réunies, car il estprobable
quesi les
accouchements de lapremière avaient présenté quelques particularités, les
auteurs n'auraient pasmanqué de les signaler. Nous
nous trouvons donc enprésence de 21
accou¬chements normaux, soit 80,75
°/0 et de 5 difficiles
soit'19,25
%. Gomme on le voit cette dernièreproportion est
très élevée etbiensupérieure à la proportion habituelle des
accou¬chements anormaux.
Nous
rapportons ici l'histoire
dequatre
casrépartis clans
trois observations;
la cinquième est rapportée plus loin clans
l'Observation XIII. Nous en
signalerons après les particulari¬
tés intéressantes.
Observation I
(Sandberg (i).
Obs.III).
Femme, trente-septans. Début du tabès à trente-trois ans. Avantle tabès, trois enfants morts en basâge. Circonstances des accouche¬
ments non signalées. En pleine évolution dit tabès, deux accou¬
chements laborieux.
Il s'agitd'unefemme de trente-sept ans, cuisinière.
Renseignements héréditaires insignifiants.
Rien à noter pendant son enfance.
Le début du tabès remonte à quatre ans.
Cécité complète.
Abolition des réflexes.
Ataxie des membres inférieurset supérieurs.
Troubles urinaires : paresse vésicale.
Cette femme se maria il y aneufans; le mari était un peu
alcooli¬
que, surtout pendant les deux dernières années.
1° Avingt-neuf ans,elleeut un garçon-, qui mourut à six
semaines
d'une entérite grave. Il était ennourrice.
(fi Sandbehg, Loci cit., p. 22.
— 13 —
2" A trente ans, un autre garçon, qui mourut à septjours àla
suite
d'unrefroidissement.
3° A trente etun ans, unefillette, qui mourut à seize mois des convul¬
sions.
4° A trente-quatreans, une grossessegémellaire;présentation du siège. Le petitgarçon mourut pendant l'accouchement, etla fillette est bienportante.Nous allons relaterson observation.
Gëtte fillette pesait 3 kilogrammes à la naissance. Elle fut nourrie
par samèrejusqu'à vingt-deux mois : elle eut là première dent à neuf mois; elle parla à onze mois et marcha à quatorze mois. Elle eutla coqueluche à trois anset demi.
Etalactuel. —De petite taille; visage frais et rose, air de parfaite Santé. Aucun stigmate de dégénérescence. Dentition parfaite.
Elle
est trèstranquille, dort parfaitement. Sonintelligence est très développée: elle raisonneetcomprendtouttrèsbien. En unmot,c'est une enfantquiseporte etse développe admirablement.
5° Garçonqui a maintenant six mois. L'accouchement fut-difficile; présentation du siège. L'enfant pesait 8 livres. Il fut nourri par sa
mère.
Etat actuel. — Enfant bien portant: pèse 14 livres. La première
dentestentrain de percer.
Ils'assied, maintient sa tête qui estbien constituée. Aucun stigmate
dedégénérescence. Les réflexes semblent normaux. L'enfant est très tranquille.
Observation II (Heitz
(i).
Obs. IIrésumée).
Tabès
amyotrophique avec anesthésies très étendues des membreset du tronc. Avantle tabès, cinqgrossesses avecperception
des
mouve¬ments fœtaux. Accouchements pénibles. Pendant le tabès, deux
grossessessansperception desmouvementsfœtaux.Premier accou¬
chement normal. Deuxième accouchement dystocique
(longue durée,
douleurs vives, impossibilité depousser).
M"10F...,
quarante-deuxans.Mariéeàvingtans.D'un premier mari,
C1|iq enfants:quatre morts de méningite
(?),
un vivant.D'un second
(') Heitz,Gazette hebdomadaire de médecineet dechirurgie, 1902,no
56.
- u -
mari, sixième enfant mort à un an de coqueluche. Les mouvements actifs avaient été perçus au quatrième mois. Lesaccouchements furent longs et difficiles.
Début il y aonze ans par des douleurstrès vives dans les membres inférieurs, puis incoordination rendant rapidement toute marcheimpos¬
sible. Perte dela vue il y a un an.
Actuellement, incoordination des quatre membres avecpertetotale du
sens musculaire. Réflexes absents, atrophie musculaire très avancée (double pied bot tabétique, main type
Àran-Duchenne).
Troubles de la sensibilité cutanée très accentués. Hypoesthésiedu membre inférieur gauche, du dos, du scapulum, du couetde la tête
avec moitié externe des bras. Anesthésiedu membre inférieur droit, de l'abdomen et du thorax jusqu'à la 2e côte et partie interne des bras.
Anesthésie au chaud. Le froid est douloureusement perçu. Inconti¬
nence d'urine. Albumine.
Deux nouvellesgrossesses : la septième, ily a six ans ; n'apas
senti
les mouvementsdu foetus. Jambes alourdies avecoedème, albuminurie.
Etat général assezbon. Accouchement normal.Enfant mort àcinq mois tuberculeux. Après l'accouchement la malade seremitvite.
Lahuitième grossesse,ily a sept ans. N'a pas senti les
mouvements
du foetus. Uaccouchement fut long et pénible. La maladeasouffert beaucoup pendant vingt-quatre heures. Elle « nepouvaitpaspous¬
ser ». L'enfant pesait 6 livres. Elevé au biberon, ilestmortà
dix-neuf
mois de tuberculose (?).
Observation III Résumée. (Litschkus
(1).
Tabès confirmé. Femme, vingt-six ans. A dix-neufans,
début du
tabès par des sensations de lassitude. A vingt-cinq ans, une
grossesse. Accouchement laborieux: le travaildure sixjours.
Femme, vingt-sixans,constitution faible. Ily a septans,
elle ressentit
des douleurs danslesjambes, puis une sensation de
lassitude pendant
la marche; depuis deux ans, douleurs dans les bras.
Actuellement,
(L Litschkus, Wratch, n° 17 (en russe),. Analysée in
Centralblatt f»'
G-ynœkologie, 1885, n°39, p. 620.
- 15 -
diminution de la sensibilité au niveau des pieds, conservation de lasen¬
sibilité à latempérature. Aiaxie des membres inférieurs. Réflexe rotu- lien aboli. Ataxie moindre aux membres supérieurs. La mémoire a diminué. Dernières règles le 25 mai; le 18 févriercommencele travail; le20, dilatation du colde deuxtravers dedoigt; le 23, les douleurs deviennentplus forles,
'V
accouchement a lieu dans la nuit. Suites de couches normales.Dans la
première observation,
nous voyons quela femme tabétique
a eu,avant l'éclosion
de sontabesj
trois enfants morts en basâge et
pourlesquels les circonstances
de l'accou¬chement ne sont pas
signalées
;il
y alieu de
penserqu'ils
furent normaux. Mais aussitôt le tabès
déclaré,
l'accouche¬ment se
complique
:première
grossessegémellaire
avecprésentation
dusiège et
mortd'un des
enfantspendant l'accouchement.
Deuxième grossesse :présentation
parle siège
encore, accouchement difficile.Dans l'observation de Heitz, cette influence ne
paraît
pas si nettement; eneffet, après avoir
eu 6 enfants avant sontabès,
cette femme eut,cinq
ansaprès l'éclosion de
samaladie,
un enfant dont l'accouchement fut normal. Mais un an après, un deuxième accouchement futlong et pénible. Il
estcurieux cle voir une femme avoir un accouchement diffi¬
cile
après
en avoir eu 7 de normaux. On nepeut s'empêcher
depenserà l'influence de la
maladie, quoique l'accouchement précédent, également
enpleine évolution du
tabès maisplus
rapproché dudébut,
ait été facile. Il apusurvenir
une cause nouvelledue autabès,
maisqui n'a
pasété rapportée dans
1
observation.
Dans l'observation deLitschkus,
le travail dure sixjours
et l'auteur attribue cette lenteur à l'existence delàmaladie. Enfindans l'Observation XIII de notre travail,nous voyonsla femme avoir 7 grossesses
et 5 accouchements
àterme: 1 avant l'éclosion dutabès, 2 immédiatement
après, probablement
normauxpuisque les circonstances n'en
sontpas
relatées;
unquatrième, laborieux, ayant nécessité la
ebloroformisation; enfin
uncinquième
pourlequel il n'est
pas
donné de détails. Si l'on
metde
côté ce dernier accou¬chement. on
s'aperçoit
quedans les observations précédentes
les accouchements difficiles ont tous eu lieu
après le début
du tabès. Le
petit nombre de documents, leur précision
insuffisante nepermettent
pasde conclusions plus étendues
ou
plus précises.
Quelles
quesoient
cesconclusions,
011peut prévoir
a
priori des
causes nouvelles dedystocie dues
autabès
ouàses
complications. Les traités d'accouchements
sont muetssur ce
point; les hasards de la clinique et
uneobservation plus rigoureuse doivent nécessairement combler
cettelacune.
Il est
permis,
eneffet, de
supposerle
casde femmes
enceintes
tabétiques atteintes d'arthropathies, de fractures spontanées, lésions qui peuvent apporter des troubles
gravesnon seulement dans l'évolution de la grossesse
mais surtout
dans l'accouchement.
D'après Mendel Q), l'arthropatliie tabétique serait
rare chez la femme : ilprétend n'en avoir
vu quedeux
cas.Ce
chiffre nous
paraît très faible,
car, pournotre part,
nous enavons vu un
plus grand nombre dans le service et à la
consultation de M. le Prof.
Pitres, dans l'espace de quelques
années.
Nous avons eu même l'occasion de voir
plusieurs
casd'ar¬
thropathies coxo-fémorales du bassin
oude la colonne verté¬
brale. Ces dernières ont été étudiées
spécialement
parle
docteur Abadie dans un travail
remarquable (2). Sur les
14 observations
qu'il rapporte,
nous entrouvons 4 qui ont
rapport à des femmes. Malheureusement
aucuned'elles n'a
eu de grossesse, ou
clu moins
cefait n'a
pasété signalé.
Cependant le
casaurait
pu seprésenter,
carles lésions sont
survenues pour
la plupart à
unâge où la vie génitale de la
femme n'est pas
généralement finie. Nous donnons ici le
résumé succinct de ces4 observations.
(!) Mendel, Loc. cit.
(2) J. Abadie, Lesostéo-arthropathies vertébrales dansle tabès.
Nouvelle
Iconographiede la Salpêtrière, 1900, nos 3 et4.
— 17 —
Observation IY
(Abadie.
Obs.II).
MarieC..., soixante-six ans, syphilis probable. A quaranteetun ans, luxation spontanée de la hanche droite. Quelque temps après, sans
douleur, sans traumatisme, apparition brusque d'une gibbosité. Crises de douleurs
fulgurantes
dans les membres inférieurs. Dix ansplus tard, arthropathiede la hanche gauche; impossibilité de la marche. Quinzeans après, fracturespontanée des deux os de lajambe gauche.
Actuellement,
signes non douteux de tabès. Arthropathies profondes coxo-fémorales droite et gauche: luxation double de la hanche avec mouvements très étendus des têtes fémorales et raclements articulaires intenses. Craquements articulaires dans le genougauche.Déviationde la colonnevertébrale.
Scoliose à convexité tournée àgauche, comprenant les six dernières vertèbresdorsales etles trois premièreslombaires.
Gibbosité angulaire lombaire.
Mortparpneumonie.
Autopsie.
— Sclérose des cordons postérieurs.Al'examen du squelette, arthropathie type des articulations coxo-
fémorales.
Coccyx
sain; face articulaire vertébrale du sacrum rugueuse etiné¬gale,limitée à droite par une exostose triangulaire.
Bassinpeu déformé. Diamètre antéro-postérieur légèrement rétréci parsaillieexagérée de
l'angle
sacro-vertébral.Déviations
multiples
de la colonne vertébrale. Exagération des cour¬bures normales.
Première courbure latérale à concavité droite au
niveaude
l'angle
sacro-vertébral. Deuxième courbureà convexitédroite, comprenantles troispremières lombairesetles six dernières dorsales.
Iroisième
courbureàconvexité tournée à gauche, formée par les pre¬
mières dorsales et les dernières cervicales. Déviation angulairesaillante
correspondant
aux premières lombaires.Observation Y
(Abadie.
Obs.IV).
Femme,,cinquante
et un ans; pas de détails sur son hérédité. Dès^loe
dequatorze ans, abus des plaisirsvénériens. Aquinzeans, chancre G.2
- 18 -
probablement
syphilitique. A vingt-sept
ans,crises de douleurs fulgu¬
rantesdans les membres etle tronc; douleursen
ceinture. A vingt-neuf
ans, troubles vésicaux. A
trente-trois
ans,arthropathie de la hanche
droite; marche difficile.
Acinquante ans, confinéeau
lit depuis
un an.Amaigrissement allant
jusqu'à
l'atrophie des membres. Arthropathie de la hanche droite et
du genou gauche, avec
disparition des extrémités
osseuseset luxations
consécutives.
Déviation du thoraxet de la colonne vertébrale. Voussure
thoracique
à droiteen bas; en arrière: thorax oblique ovalaire.
Trois courbures
vertébrales : deuxlatérales, scoliose lombaire à
concavité tournée
versla droite, sans déviation brusque,
scoliose cervico-dorsale de
sens opposé, courbure decompensation;
uneantéro-postérieure; cyphose
lombaire, sans gibbosité
angulaire. Région sacrée plane, enfoncée;
motilité de lacolonne intégralement
conservée.
Mort àcinquante et un ans.
Autopsie. — Sclérose des
cordons postérieurs de la moelle sur toute
lahauteur.
Arthropathie-type
des articulations de la hanche droite et du genou
gauche.
Cavité cotyloïde gauche
un peuagrandie
;cavité cotyloïde droite
disparue,
remplacée
par unevaste surface
rugueuse,surmontée d une
apophyse
ostéophytique volumineuse. Crêtes iliaques épaissies. Pas de
modifications des dimensions et des diamètres dubassin.
Déviation très apparentede la
colonne lombaire. Vertèbres lombaires
très altérées. Le maximum des altérations siège au
niveau de la 3û et
de la4elombaire, en partiedétruites,
affectant la forme de coins dont
les bords tranchants se regardent. Production
d'ostéophytes assurant la
stabilité des portionsvertébrales restantes.
Observation VI (Abadie.
Obs. VIII).
Femmetabétique.
Scoliose dorsale inférieure, lombaireet sacrée, à
concavité à droite.
Scoliose cervico-dorsale supérieure,
de
sensopposé moins accentuée.
Légère cyphose
lombaire.
— 19 —
Voussure hémithoracique gauche. Inclinaison de l'hémithorax droit
surla crête iliaque correspondante.
Le bassin possède une énorme inclinaison latérale, la crêteiliaque
droiteestremontée à la hauteur des dernières côtes du côté gauche.
Observation VII (Abadie. Obs. IX).
MarieM..., quarante-cinqans. Pasdetrace desyphilis. A vingt-huit
ans,privations physiqueset ennuismoraux.Atrente-troisans, apparition brusquedecrises clitoridiennes,revenant surtoutau moment des règles.
Atrente-cinq ans, premières douleurs fulgurantes dans les membres inférieurs, lancinantes dans les membres supérieurs, constrictives dans les
hypocondres,
l'épigastre etla tête. A trente-huit ans, clignotement intermittent des paupières, diplopie transitoire, diminution de l'acuité visuelle, troubles subjectifs de l'ouïe. Deux petits maux perforants symétriques au talon. Depuis l'âge de quarante ans, amaigrissement rapide etprogressif.A quarante-six ans, déformation de la colonne vertébrale. Attitude voûtée. Contact du rebord costalet de la crête iliaque. Scoliose cervico- dorsale supérieure à concavité tournée à gauche. Scoliose dorso-lom- bairede sens opposé, plus accentuée que la première. Cyphose cervico- dorsaletrès accentuée dans sa partie supérieure, sans gibbosité angu¬
laire. Enfoncementde la région lombo-sacrée. Mouvements de flexion de la colonne seuls possibles. Conservation des mouvements d'extension etdelatéralité dans la portion lombaire seulement.
Mortàquarante-six ans. Pas d'autopsie.
La première de ces observations surtout est intéressante (Obs.
IV),
car elle nous montre une doublearthropatbie
coxo-témorale et une déviation de la colonne vertébrale avec
exostoses du bassin. L'Observation V nous offre
également
un
exemple de
cette double lésion. Dans les deux autres,il
11Y a que desdéviations
duracliis,
maisportant toutes
surla c°lonne. lombo-sacrée.
Ainsipeuvent se trouver réalisés les
principaux types de bassins
viciés avec toutes leurscomplications dystociques
:— 20 -
Le bassin
sacro-iliaque oblique ovalaire simple
ou doubleoblique ovalaire
pararthropathie sacro-iliaque;
Le bassin racliidien
lordosique, scoliotique
oucyphotique
par
déviation rachidienne
;Le bassin crural avec luxation coxo-fémorale
simple
ou double;Le bassin vertébral par
spondylizène
ou parspondylolis-
thésis:
Le bassin
fracturaire
parfracture spontanée
; Le bassinnéoplasique
parexostose.
En outre des
arthropathies, peut-il
yavoir
uneautre
cause dedystocie chez les tabétiques? Seule l'inertie utérine peut
être
invoquée, c'est, même la raison probable des accouche¬
ments
dystociques
que noussignalons
aucommencement de
ce
chapitre. L'observation de Litschkus semble surtout
démonstrativeà cet
égard. Mais il faut
songerà la syphilis,
cause
fréquente d'inertie utérine.
2° Accouchement sans douleurs dans le tabès.
De nombreux auteurs ont
signalé les accouchements incon¬
scients et sans douleurs dans différentes affectionsoumême
à
l'état normal. Dans la thèse de Goliez
(1)
ontrouve
uneétude
complète des accouchements inconscients dans différents
états: le sommeil,
l'hypnose, la
syncope,l'ivresse, le coma;
chez certaines femmes normales*où l'accouchementne san¬
nonce que par
des
«besoins illusoires
»d'aller à la selle;
enfin, dans certaines maladies du système
nerveux :l'hysté¬
rie, l'épilepsie, l'aliénation mentale.
Bruas
(2)
aétudié plus particulièrement la grossesse dans
ces dernières
affections,
surtoutdans
laparalysie générale, et
dans maintes de ses observations il
signale l'accouchemen!
sans douleurs.
• (1) Goliez, Accouchements inconscients et sans douleurs.
Th. de Palls
1899.
(2) Bruas, La grossesse dans lesnévroses, les psychoses eten
particulier
dans laparalysie générale.Th. de Bordeaux 1902, n°52.
Mais ces deux auteurs ne
signalent
pasl'accouchement
sans douleurs dans le tabès.
En
parcourant la littérature
médicalefrançaise,
nous n'avons trouvéqu'une observation
très démonstrative à cetégard, publiée
parJ. Heitz dans
une revue d'ensemble sur la grossesse etl'accouchement
chez lestabétiques (*).
Quelque temps avant,
enAllemagne, Mirabeau (2) avait publié
une observation semblable etquelques mois plus tard
Colin(3)
ensignalait
un nouveau cas.Nous
rapportons ici
ces trois observations et à la suitenous en
ajouterons deux
autresqui
nous sontpersonnelles
etque nous avons recueillies dans le servicede M. le Prof.
Pitres
lorsque
nous avions l'honneur d'être son interne.Mirabeau cite aussi l'observation de
Litsclikus,
que nousrapportons plus haut,
comme unexemple d'accouchement
sans
douleurs,
mais il est facile des'apercevoir
quec'est
une erreur. L'auteur dit en elfet quele travail fut
trèslong et
durasixjours,
et queles derniers jours les douleurs furent
plusfortes.
Observation VIII
(Mirabeau)
Femme
syphilitique.
Troubles de la sensibilité. Nesent pasles mou¬vements dufœtus.Accouchement sans douleurs,avec besoin d'aller
àla selle. Enfant bien portant.
Ils'agit d'une femme quej'ai eu l'occasion d'observer depuis trois
aïs etactuellement
âgée
de trente-quatre ans.Néeen
1807,
elle fut toujours bien portante pendant sajeunesse. Elleeutses premières règles à dix-sept ans, régulières, abondantes, s'accom- P&gnant decrampes au début. Cette même année, elle tomba malade à h suite d'unrapport sexuel et subità l'hôpital une cure
antisyphilitique
fl)J-Heitz, Loc. cit.
(")
Mirabeau,
Schwangeschaftund Geburt beivorgeschriltenerTabès dor- alb-()Cohn,CentralblattEine Geburtfur Gynœkologie,beivorgeschrittener Tabès dorsalis.1902,no 5, p. 125. Centralblattfîtynœkoloyie,
1902,n° 16, p. 421.'— 22 —
pendant trois mois. L'année suivanteapparutuneéruption cutanée, qui disparut subitementpar des applications d'onguent, et depuisla malade
estrestée bien portante. Cinq ans après cette infection elle se mariait.
Le mari n'avaitjamais eu de maladie génitale et souhaitait ardemment
avoir uh enfant.
A vingt-sixans, c'est-à-dire neufans après
l'infection
etaprès quatreansde mariage, la maladeremarqua une faiblesse croissante des jambes,
de l'incertitude dansla marche et des douleurs, par moments,dans les
extrémités. Elle consulta, dans le courantde l'année suivante, comme cela est la règledans les maladies
incurables,
unesérie de médecins,
puis quelques charlatans. Tout restasans résultat,l'impotence croissait
sanscesse, de telle sortequela malade nepouvait plusse
tenir debout.
Enseptembre 1898 je la vis pour la première
fois, appelé
pourune forte hémorragie génitale.Cette femme setrouvait dans un parfait état de nutrition et,
couchée,
nedonnait pas l'impression d'unepersonne malade. Les
dernières règles
remontaient à deux mois, mais depuis cinq jours
existait
uneforte
hémorragie.
L'utérus était gros et mou ; de
l'orifice
ducol,
nondilaté, s'écoulait
constamment du sang. Selon toute apparence un
avortement avait pré¬
cédé, mais iln'existait aucun autre signe. Par le repos au
lit, des irri¬
gations chaudesetdes vessies de glace,
l'hémorragie s'arrêta et,
enune
semaine,la malade se sentait bien à nouveau.
L'examen complet queje fis de cette femme me
révéla chez elle un
tabès avancé. Les deux extrémités inférieures sont
complètement impo¬
tentes, le réflexe rotulien manque, ataxie complète
des deux jambes,
sensibilité fortementémoussée, rétrécissement de la
pupille
avecabolition
des réflexes pupillaires. Troubles de
sensibilité des extrémités supé¬
rieures. Mais, surtout, graves désordres dans la
miction et les selles.
Lessensations sexuelles manquent depuistroisans;
cependant la malade
supporte les rapports sexuels fréquents
de
sonmari à
causedu desn
qu'a celui-ci d'avoirun
enfant.
A cause des antécédents et de la fausse couche,je
prescrivis un nou¬
veau traitement antisyphilitique qui fut
suivi
enmême temps qu un
traitement mécanique. Son étaten futsi
amélioré
que,pendant quelque
temps, elle put
faire quelques
pasappuyée
sur unbâton.
Je larevis neuf mois après. L'amélioration avait disparu, mais, par contre, il existait une grossesse de trois mois. On pratiqua une série d'injections, et
la
grossesseprit
un coursrégulier. La malade n'eut
aucune douleur pendant sa grossesse, ne sentit jamais les mouve¬
ments dufœtus. La miction cependant
devint plus difficile
età plusieurs
reprises ilfut ramené, parle cathétérisme, unegrande quantité d'urine.
L'accouchement eut lieuàterme, exactement àl'époque calculée
Cependant on ne pouvait rien présumer de l'heure du début, car la,
malade n'avait pas la moindre douleur des couches. Ce
fut
l'écou¬lement du liquide amniotique qui avertit l'entouragequel'accouche¬
mentcommençait. A ce moment, la dilatation était palmaire, l'accou¬
chement durasoixante-cinq minutes. On put compter sept contractions
utérines: cinq d'une longueur etd'une violenceextraordinaires etdeux plus courtes. Pendant ces efforts, la malade ne sentitpasla
moindre
douleur; elle reposait tranquille, presque étrangère à ce qui se passait, riaccusant qu'un faible besoin d'aller à la selle, besoin qu'ellen'avaitplus depuis des années. A la sixièmecontraction, l'en¬fantvint, unefillette parfaitement constituée; à la septième, l'arrière-
faix. Cenefut qu'en entendant Venfant que la mère sut qu'ilétait
né.Ainsi s'accomplirentces couchesidéales, sans aucun trouble.
L'enfant prospéra d'une façon remarquable. Trois semaines après survint, d'aprèslacommunication du médecin, une éruption tigrée qui disparutrapidement par l'administration de calomel. Jene puis dire ce dont ils'agissaitici,
cependant le médecin semble avoir incriminé la
syphilis.
Observation IX
(Cohn)
Femme de trente-neuf ans. Accouchement sans douleurs. Enfant
mort àhuit mois. Malade morteun an après.
Au mois de mai 1893, la femme A. R..., âgée detrente-septans,
nullipare,
me consulta pourdes troubles du bas-ventre.F 1examen,je trouvai une rétroflexion de l'utérus. Je trouvai aussi
uneabolition complète desréflexes rotuliens des deuxcôtés. C'est
alors
lueje posai le diagnostic de tabès dorsalis et je
montrai
ce cas au— 24 —
docteur Mann, privadocent de neurologie, qui confirmamon
diagnostic.
En novembre 1896, cette femme, depuis quatorze ans stérile, devint grosse, quoique son état ait empiré pendant ce temps, tantaupoint devue physique qu'au point devueintellectuel. Le marimeconsultant à propos de l'accouchement de sa femme, je lui fis remarquer qu'il
serait peut-être laborieuxà cause de l'âge de sa femme.
Au lieude cela, l'accouchement marcha de telle façon que l'entou¬
rage nes'en aperçutque lorsque lecrâne de l'enfant apparutàlavulve.
Lafemme n'avait manifestéaucunedouleur. Rapidement,onappela
une sage-femme qui habitait la même maison, etl'enfant vivantnaissait peu après. La sage-femme remarqua aussi qu'ors passage de la tête
la femmen'avàit pousséaucun cri de douleur. La délivrancesefit rapidement et sans intervention. Les suites de couches furent normales.
L'enfant mourut àl'âge de huit mois, les causes de sa mortmesont inconnues.
Aprèsune année environ, la femme succomba àson affection.
Observation X Résumée (Heitz. Obs. I)
Tabès à localisationprédominantesurle côneterminal. Deux gros¬
sesses successives, accouchements sans douleurs. Dernier enfant
encorevivant à l'âge de dix mois.
Mme D...,âgée de trente-neufans, entrée le 30 janvier
1901, salle
Pinel, service du professeurDéjerine, à la Salpêtrière. Sans
antécédents
héréditaires spéciaux, ellese maria à vingtet un ans, et
jusqu'à l'epo-
quedu début du tabès elle eut deux fausses couches et huit grossesses.
La syphilis, niée par la malade, estsuffisamment prouvée par
la mort
en bas âge de six deses enfants. Les deux survivants ont douze ans
et
septans. A vingt-neufans, amputation de la jambe pour
arthrite tuber¬
culeuse du pied.
En 1898, enceinte pourla neuvième fois, elle commença
à ressentir
des douleursen ceinture, puis dans les membres inférieurs et
jusquà
l'extrémitéde son pied amputé. Cette grossesse se passa
relativement
bien. Elle sentit à quatre mois lesmouvements de l'enfant.
Laccou
— 25 —
chement se produisit à terme sans douleur. La malade s'aperçut qu'elle allait accoucher en voyant ses draps se tacher de sang. J'ajoute
quecesdétails m'ont été confirmés par la sage-femme qui fit l'accou¬
chement. Tout fut terminé en une heure. Délivrance normale. La montéedelaitsefit le troisièmejour, mais la malade ne put nourrir.
L'enfant, venue parlesommet, pesait 3 livres à sa naissance. Elevée
aulaitstérilisé, elle mourut à huit mois,
d'athrepsie
et de convulsions (1899).Lesannées suivantes, le tabès s'aggrava, les douleurs fulgurantes apparurent dans les bras, puis la marche devint difficile.
Asonentrée à laSalpêtrière, la maladeprésente tous les signes d'un
tabèsavancé, généralisé à toute la hauteur de l'axe
cérébro-spinal,
maisprédominant auniveau du côneterminal.
Auniveau du côneterminal nous notons : du côté du rectum, une
constipation opiniâtre depuis quelques mois avec crises
diarrhéiques
espacées, au moment desquellesla malade aconstaté parfois de l'incon¬tinence des matières. La muqueuse de l'anus a conservésasensibilité normale,et il en est de même de la muqueuse rectale explorée au toucher. Du côtéde lavessie, difficultéau débutdes mictions,lesquelles
se fontenplusieurs actes; pas d'incontinence proprement dite, mais des envies impérieuses pouvant aller jusqu'à l'incontinence partielle;
diminution considérable de lasensibilitéàla distension (la vessie admet
parinjectionlentejusqu'à600 centimètres cubes de liquide et, la sonde retirée, lacontraction volontaire de l'organe ne suffit pas à amener 1évacuation qui nécessite un deuxième
sondage).
La muqueuse de1urètreasa sensibilité très diminuée; ni l'introduction de la sonde, ni lejetde l'urine ne sont normalement perçus. Enfin les voies génitales
sontentièrement anesthésiées. Depuis son dernier accouchement, les sensations du coït, jusqu'alors normales, sont devenues absolument nulles. L'introduction du membre viril n'est même pas sentie. Les désirssexuels ont
d'ailleurs entièrementdisparu.
Ilexiste, ducôté dela peau du périnée et des fesses, une anesthésie
enselle, aux trois modes, portantsur le territoire cutané des 3e et 4e paires sacrées.