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L'épreuve cachée : le cas d'étudiants d'Afrique subsaharienne en situation de migration et en formation de soins infirmiers en Haute Ecole Spécialisée

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

L'épreuve cachée : le cas d'étudiants d'Afrique subsaharienne en situation de migration et en formation de soins infirmiers en Haute

Ecole Spécialisée

GRABER, Myriam

Abstract

La migration est une réalité actuelle et plus particulièrement encore la migration du Sud au Nord. Elle n'est pas sans répercussions dans le monde de la formation professionnelle qui se confronte à différentes situations interculturelles. Cette recherche s'intéresse aux problématiques rencontrées par des étudiants d'Afrique subsaharienne en situation de migration et de formation en soins infirmiers dans les Hautes écoles en Suisse romande. Ces enjeux sont étudiés sous l'angle de disciplines comme les sciences de l'éducation avec des excursions dans les disciplines de la sociologie, de l'anthropologie. L'analyse d'entretiens biographiques et d'entretiens de stage avec des étudiants d'Afrique subsaharienne a permis de cerner leur expérience et de mettre en évidence les obstacles et les défis ou épreuves ainsi que les opportunités qu'ils rencontrent en arrivant en Suisse et pendant la formation. Les difficultés à dépasser les obstacles ainsi que les possibilités de se construire une nouvelle identité sont démontrés. La recherche amène à des propositions pédagogiques pour appréhender les [...]

GRABER, Myriam. L'épreuve cachée : le cas d'étudiants d'Afrique subsaharienne en situation de migration et en formation de soins infirmiers en Haute Ecole Spécialisée . Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2013, no. FPSE 541

URN : urn:nbn:ch:unige-307388

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:30738

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30738

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Section des sciences de l’éducation

L’ÉPREUVE CACHÉE

Le cas d’étudiants d’Afrique subsaharienne en situation de migration et en formation de soins infirmiers en Haute Ecole Spécialisée

THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en sciences de l’éducation

par

Myriam GRABER

No/ 07-327-117 de Sigriswil, Berne

Thèse No 541

Directeur de Thèse

Jean-Michel Baudouin, Professeur, Université de Genève

Commission de Thèse

Abdeljalil Akkari, Professeur, Université de Genève

Christophe Niewiadomski, Professeur en Sciences de l’Éducation, Université SHS Lille 3 Tania Ogay, Professeure en anthropologie de l’éducation et de la formation

Maya Shaha, Maître d'enseignement et de recherche (MER) I IUFRS, Lausanne et Département de Développement et de Recherche, Inselspital, Hôpital Universitaire, Berne

GENEVE Août 2013

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A Uwe mon compagnon et à mes deux fils Amaël et Bastian et leurs amies Valérie et Leila, Avec ma reconnaissance pour leur patience et leur soutien à toute épreuve sur ce long chemin A mes parents Brigitte et René et à toute ma famille pour le temps volé A toute la famille d’Uwe pour l’encouragement A mes amies et à mes amis qui ont su attendre…

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Avec mes remerciements les plus chaleureux

A Jean-Michel Baudouin, directeur de thèse qui a cru en mes capacités et à ce projet dès les premiers échanges, merci pour sa disponibilité, ses apports et sa précieuse collaboration.

A Abdeljalil Akkari, Tania Ogay, Christophe Niewiadomski et Maya Shaha, membres de la commission de thèse pour leur soutien, leur précieux accompagnement, leurs conseils et leurs critiques et pour leur encouragement pendant toutes ces années.

A Tania Ogay pour m’avoir ouvert les portes de son école doctorale mais aussi merci à tous ses doctorants et doctorantes qui m’ont accueillie les bras ouverts.

A toutes les étudiantes et tous les étudiants d’Afrique subsaharienne pour leur participation aux entretiens, pour leur confiance, leur soutien dans ce projet et pour leur disponibilité.

Aux membres de Mimèsis Jean-Michel Baudouin, Christopher Parson, Katja De Carlo, Juan- Carlos Pita, Samra Tabbal Amella, Chantal Tchouala, Pierre-Alain Lüthi, Agnès Dussard, Aurélie Dirickx et Marianna Capo pour leur soutien, leurs critiques et leurs encouragements.

A Véronique Haberey-Knuessi, collègue de recherche et collègue de thèse qui m’a devancée et soutenue dans les derniers mètres, merci aussi pour ses conseils et les importants moments d’échange.

A Marco Allenbach pour ses précieux échanges et confrontations théoriques.

A Florence, Anne, Irène et Mathias pour leur aide inestimable.

Un tout grand merci à Joëlle Pascale Ulrich pour la première relecture et à Anaëlle Feller pour la relecture et la mise en page du document final.

A mes collègues chercheurs et aux enseignants de l’école qui m’ont souvent encouragée.

A la Haute école de santé Arc pour sa contribution en temps l’année dernière pendant la période d’analyse.

Merci à toutes les Hautes Ecoles de santé qui m’ont ouvert leurs portes pour que cette recherche puisse se réaliser.

A l’Association suisse des infirmières et infirmiers Section Neuchâtel/Jura pour sa participation aux frais des retranscriptions des entretiens.

A la Stiftung Dr. Alexander Seiler zur Förderung der Krankenpflegeausbildung pour sa participation financière aux frais d’impression.

Simplement merci à tous ceux et celles que j’oubliés

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Résumé

La migration est une réalité actuelle et plus particulièrement encore la migration du Sud au Nord. Elle n’est pas sans répercussions dans le monde de la formation professionnelle qui se confronte à différentes situations interculturelles. Cette recherche s’intéresse aux problématiques rencontrées par des étudiants d’Afrique subsaharienne en situation de migration et de formation en soins infirmiers dans les Hautes écoles en Suisse romande.

Ces enjeux sont étudiés sous l’angle de disciplines comme les sciences de l’éducation avec des excursions dans les disciplines de la sociologie, de l’anthropologie. L’analyse d’entretiens biographiques et d’entretiens de stage avec des étudiants d’Afrique subsaharienne a permis de cerner leur expérience et de mettre en évidence les obstacles et les défis ou épreuves ainsi que les opportunités qu’ils rencontrent en arrivant en Suisse et pendant la formation. Les difficultés à dépasser les obstacles ainsi que les possibilités de se construire une nouvelle identité sont démontrés.

La recherche amène à des propositions pédagogiques pour appréhender les situations interculturelles en tenant compte des différentes sensibilités et d’un curriculum caché mis en évidence dans les résultats d’analyse. Ces propositions s’adressent aussi bien aux formateurs qu’aux professionnels de la pratique.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ... 1

La reconnaissance mutuelle ... 1

Problématisation de la recherche ... 2

Organisation de la recherche ... 3

CHAPITRE 1 ... 8

Contexte de la migration : émigration d’Afrique, immigration en Suisse ... 8

Précautions et contexte ... 8

Précautions ... 8

La Suisse, pays d’accueil ? Notion d’intégration et conditions d’asile ... 10

Petit coup d’œil sur le recrutement international d’infirmières en Suisse ... 11

Conditions pour les personnes étrangères désirant venir étudier en Suisse ... 12

La pluralité des motifs de l’immigration des étudiants du Sud vers le Nord ... 13

Contexte et conditions d’entrée dans les Hautes Ecoles de santé en Suisse romande ... 15

Contexte des écoles en Afrique subsaharienne ... 17

CHAPITRE 2 ... 19

Interculturalité, processus d’acculturation ... 19

Les questions interculturelles en sciences sociales ... 19

Les questions interculturelles en sciences de l’éducation ... 20

Les questions interculturelles dans la formation bachelor of Sciences en soins infirmiers ... 21

Approche interculturelle actuelle ... 24

Processus d’acculturation ... 28

Concept de culture ... 33

Ethnocentrisme et relativisme culturel ... 36

Les représentations sociales de la santé, de la maladie, de la mort... ... 42

CHAPITRE 3 ... 47

Enjeux identitaires et dimensions culturelles ... 47

Processus identitaire et formes identitaires ... 47

Identité versus formes identitaires, identité du migrant... 49

Identité et migration ... 54

Reconnaissance ... 56

Les stratégies identitaires ... 60

Stratégies identitaires des minorités : typologie selon Camilleri ... 61

Typologie des stratégies développées par Camilleri ... 62

Stratégies pour rétablir le sentiment de valeur du soi ... 62

Stratégies pour rétablir une unité de sens (cohérence entre la fonction ontologique et la fonction pragmatique) ... 63

Stratégies d’évitement des conflits par la cohérence complexe ... 64

Stratégies de modération des conflits ... 65

Identité et disparité culturelles ... 66

Stéréotypes, préjugés et racisme ... 67

CHAPITRE 4 ... 71

Individu, modernité, tradition ... 71

L’individu dans la société moderne ... 71

L’individu en Occident ... 72

L’individuation ... 73

(7)

L’individu : du monde communautaire au monde sociétaire ... 76

Quelques éléments en tension entre communauté et société... 76

Quelques éléments de la sorcellerie ... 77

La société communautaire ... 78

Individu et société communautaire ... 79

Socialisation communautaire et modernité ... 80

CHAPITRE 5 ... 85

Autobiographie, Épreuve, Exotopie ... 85

Repérage classificatoire des catégories du récit de vie ... 85

Autobiographie ... 85

Recueil de récits de vie à des fins de recherche qualitative ... 87

Sociologie clinique et séminaires d’implication et de recherche « RFTS » ... 87

Les histoires de vie en formation et la recherche biographique en éducation ... 88

Les histoires de vie de collectivité ... 88

La « psychobiographie » ... 89

Le récit ... 89

La notion d’épreuve ... 93

L’épreuve au « sens commun et du savoir ordinaire » ... 94

La notion d’épreuve et ses deux niveaux scientifiques ... 94

Les dimensions de l’épreuve ... 96

Notion d’épreuve, individu et phénomènes sociaux ... 97

L’épreuve pour comprendre le processus d’individuation des étudiants migrants... 98

Exotopie ... 100

Les supports identitaires ... 102

CHAPITRE 6 ... 106

Problématique, questions de recherche, méthodologie ... 106

Problématique de recherche ... 106

Questions de recherche ... 108

Méthodologie et méthode d’analyse ... 110

Méthodologie... 110

Processus de théorisation et outils d’analyse ... 112

Synthèse ... 117

CHAPITRE 7 ... 120

Expérimenter la méthodologie sur un cas ... 120

Analyse des entretiens biographique et de stage d’un étudiant de notre corpus : Perrault ... 120

Economie cinétique et temporalisation des récits de Perrault ... 121

Les épreuves pendant la période de « la vie d’avant » de Perrault ... 122

Analyse sociosémantique des récits de Perrault de la vie d’avant ... 123

L’Epreuve de la « puberté doublée de l’épreuve de l’échec au bac » ... 123

L’Epreuve de « l’arrêt de l’Université »... 125

L’Epreuve de « la fuite en Egypte » ... 127

Analyse cinétique des épreuves rencontrées par Perrault après la migration : « le jour d’après » ... 129

Analyse sociosémantique des récits de Perrault « le jour d’après »... 130

L’épreuve du « déclassement social » ... 130

L’Epreuve du « parcours du combattant »... 134

L’Epreuve « du rapport au savoir : schèmes inadaptés » ... 135

(8)

L’Epreuve du retour : « vacances chez le père » ... 139

L’Epreuve de la « vision de la maladie : représentations de la psychiatrie » ... 141

L’Epreuve des « représentations de la mort, de l’euthanasie » ... 142

L’Epreuve des « vacances avec sa copine » ... 144

L’Epreuve de la « toilette à la personne âgée » ... 145

L’Epreuve « refus d’un soin par le « Noir » : se faire accepter et reconnaître comme soignant compétent » ... 148

L’Epreuve « Le Noir incapable : non délégation » ... 150

CHAPITRE 8 ... 154

La vie d’avant ... 154

Analyse : la « vie d’avant » ... 154

Parcours de vie en Afrique d’individus engagés politiquement ... 155

Parcours de vie en Afrique d’individu migrant volontairement pour les études... 167

Parcours de vie en Afrique d'individus migrants par regroupement familial ou par décision familiale ... 177

CHAPITRE 9 ... 182

Le jour d’après… ... 182

Le déclassement social ... 184

Le racisme au quotidien ... 199

Individualisme et solitude ... 204

La perte des repères ... 209

La désillusion ... 214

Le choc du retour : vers un autre regard sur son pays natal ... 217

Synthèse ... 221

CHAPITRE 10 ... 225

Se former à l’école de soins infirmiers ... 225

Formation théorique ... 225

Le « parcours du combattant » ... 227

Le « rapport au savoir : schèmes d’apprentissage habituels inadaptés » ... 241

La sélection : les échecs ... 248

Le racisme : « le moule pour les Noirs » ... 253

Le « rapport aux pairs et aux professeurs » ... 260

La pauvreté ... 266

Synthèse ... 269

CHAPITRE 11 ... 275

Se former en stage ... 275

Les « représentations : santé, maladie, mort […] où deux visions se côtoient » ... 276

La « vision de la personne âgée » ... 284

« Toilette et intimité » ... 290

(9)

Racisme ... 292

Le « rapport aux professionnels » ... 303

Le « rôle professionnel » ... 305

Synthèse de l'analyse de l’Epreuve de la formation pratique : le stage ... 309

CHAPITRE 12 ... 314

Considérations générales sur la formation ... 314

Epreuve transversale : « sanction sociale : signification du diplôme » ... 314

Les constructions identitaires ou l’identité mise à l’épreuve ... 323

Synthèse de l’Epreuve transversale à la formation théorique et pratique : « sanction sociale : signification du diplôme » ... 330

Synthèse des projets d'avenir ... 331

Rester-partir ... 331

Stratégies identitaires selon Camilleri (1990) ... 332

CONCLUSION ET PERSPECTIVES ... 339

La position de la chercheure ... 340

Limites du travail et pertinence de la recherche ... 341

Résultats... 344

Les épreuves de l’immigration ... 346

Les épreuves de la formation ... 347

Interculturalité ... 357

BIBLIOGRAPHIE ... 362

ANNEXE 1 ... 375

Grilles d’entretien ... 375

ANNEXE 2 ... 380

Exemple de schème spécifique ... 380

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« Il ne faut pas croire tout ce qu’on nous dit de ceux qui ne sont pas comme nous » Albert Schweizer

(11)
(12)

INTRODUCTION

La reconnaissance mutuelle

Comme L’Etranger de Camus, le migrant reste une ombre informe aux contours invisibles. Son histoire est ignorée, engloutie par une présence pesante dans le pays d’accueil. Quand il devient visible, il ne l’est qu’au travers du statut d’immigré qui lui est attribué par la société d’accueil, se

« désintéressant » des autres statuts qui préfigurent la complexité de ses parcours et de ses appartenances. Or, le statut d’émigré est aussi, dans la lecture des failles qu’il provoque au sein de la société d’origine, un indicateur décisif de l’identité du sujet. […] C’est la raison pour laquelle il est indispensable pour le chercheur […] de prendre en compte la totalité des trajectoires de vie des individus avec leurs fractures, les pertes et les gains que procurent les divers vécus et expériences.

Lahlou (2008), L'identité et la mémoire de l'étranger à l'épreuve des méthodologies

« Sitôt qu’un homme fut reconnu par un autre pour un Etre sentant, pensant et semblable à lui, le désir ou le besoin de lui communiquer ses sentiments et ses pensées lui en fit chercher les moyens. » Jean-Jacques Rousseau (1781), Essai sur l’origine des langues

Dans l’actuelle modernité, il y a une augmentation conséquente des mouvements de migration, ce qui implique des rencontres interculturelles, et plus spécifiquement dans la formation en soins infirmiers, où l’humain occupe une place prépondérante.

Reconnaître un individu, c’est le considérer comme semblable à soi avec ses similitudes et ses différences, c’est également cerner son histoire dans sa globalité. Sur ce point, les propos de Lahlou (2008) nous ont fait réfléchir et nous interroger sur notre façon d’évoluer dans la recherche.

Pour appréhender un phénomène de l’humain et concevoir ce que celui-ci signifie dans l’expérience d’individus migrants, il importe, selon cet auteur, d’avoir accès à l’histoire de ces individus et ainsi relier l’avant et l’après-migration. La recherche effectuée prend sa source dans cette phrase : avoir accès à l’histoire des individus. Mais comment reconnaître l’autre, comment le comprendre et partager avec lui ? Comment savoir ce qu’il a vécu, ce qu’il vit, sans tenter de comprendre son parcours de vie ? C’est la rencontre avec Jean-Michel Baudouin qui nous a initiée aux histoires de vie, et donc aux récits de vie, qui nous a conduite vers la solution. C’est ainsi que cette recherche a réellement pu naître : une histoire de vie racontée par l’individu qui l’a vécue. Venons-en au récit, source précieuse pour comprendre une « vie ».

Les récits de vie nous offrent un accès à des expériences, des événements que les individus ont vraiment vécus. Ils ouvrent aussi aux actions, aux épisodes de vie de personnes et de lieux, aux espoirs, aux peurs, aux joies et parfois même à l’indicible. L’individu qui raconte son histoire de vie a vécu ces événements, il a agi, il a traversé des épreuves tant bien que mal, et ces dernières l’ont transformé, l’ont fait grandir, ont modifié sa trajectoire.

Pour nous, l’intérêt du récit réside dans le fait que, d'un point de vue sociologique, il « est postulé que le fragment restitue une totalité » (Baudouin, 2010, p. 43), c’est-à-dire « la vie ». Des mots, des phrases, des pages de récit permettent d’accéder à ce qu’il y a de plus révélateur dans la vie d’un individu. Selon Dominicé, le récit donne « libre cours à une réflexion fondée sur des expériences

(13)

suffisamment significatives pour que le souvenir s’impose à la mémoire de celui qui parle ou écrit. Il restitue des moments qui ont laissé leur trace » (1990, p. 127). Mais, l’intérêt du récit est encore attribué au fait qu’il rétablit « ce que l’analyse doit, non seulement décrire, mais expliquer » (Baudouin, 2010, p. 43).

Le récit comme « mise en intrigue » revient donc à agencer des événements racontés, des épisodes, dans une « totalité configurationnelle » (Ricœur, 1983) et à lier une histoire à l’individu qui la raconte.

Le récit qui est fait par les individus est donc une intrigue rendue avec authenticité, en ce que les individus, comme l’affirme Baudouin, vont se référer à quelque chose, à ce qu’ils ont effectivement vécu (2010).

Lorsqu’ils font leur récit de vie, ils vont donc procéder à des reconstructions narratives de leurs expériences vécues (Baudouin, 2003). Dès lors, les récits ont une importance capitale dans notre recherche, car ils nous donnent accès à des fragments de vie par le biais desquels nous pourrons accéder à une totalité d’une vie. Nous rejoignons ainsi Lahlou (2008) et serons à même, par l’intermédiaire des récits, à approcher l’histoire de vie de personnes avant leur migration et la relier à celle d’après la migration.

Problématisation de la recherche

Notre recherche vise le public des étudiants d’Afrique subsaharienne qui viennent en Suisse et se forment en soins infirmiers. Certains migrent directement pour étudier, d’autres par obligation suite à leur engagement politique dans leur pays, qui les a mis en danger. Ces derniers fuient leur pays et déposent une demande d’asile en Suisse. Si elle est acceptée, ils demandent à se former en soins infirmiers. Ces étudiants passent ainsi d’un monde communautaire à un monde dit de la modernité, c’est-à-dire à un monde de type sociétaire. Ce passage n’est facile ni pour les uns ni pour les autres.

Leurs comportements, jusqu’alors adaptés, ne correspondent plus aux attentes des individus du pays d’accueil. Ces étudiants africains subsahariens sont confrontés à leurs valeurs, à leurs croyances. La formation les installe dans l’obligation d’intégrer un nouveau système de formation et d’apprentissage.

Cette situation les place face à leurs schèmes d’apprentissage, à leurs représentations de la santé, de la maladie, de l’éducation, en un mot face à une autre vision de la vie. Ils passent, à ce moment-là, par une crise identitaire.

C’est à partir d’entretiens biographiques et d’entretiens semi-directifs de stage que nous souhaitons démontrer comment ces étudiants sont amenés à traverser des épreuves, à opérer des choix complexes, tant dans la vie de tous les jours qu'en formation, à l’école ou en stage, par conséquent, dans toutes les relations qu’ils vivent. Ces choix déstabilisent leur identité mais représentent également de nouvelles opportunités, celles d’espérer « avoir une vie meilleure ».

A partir de ces entretiens, nous nous proposons d’examiner les épreuves auxquelles ces individus sont confrontés, comment ils les traversent, comment ils arrivent ou non à les résoudre. Ils se trouvent devant des incertitudes capables de susciter peurs et angoisses. Ces dernières installent les individus dans des tensions identitaires que nous appréhenderons en même temps.

C’est dans les espaces d’exotopie, confrontés à des situations étranges que ces étudiants subsahariens vont rencontrer ces épreuves. L’épreuve est perçue comme une perte de repères pour tout individu. La perte s’avère encore bien plus grande lorsque ce dernier a migré. Il se retrouve alors dans un distal où tous ses repères sont insuffisants, voire inutilisables et donc à reconstruire. Le distal se situe dans cet espace que Bakhtine (1984, p. 347), a nommé exotopie. Cette dernière est « l’existence d’un lieu dans lequel le sujet se déplace et qui, dans un même temps, déplace le sujet » (Baudouin, 2010, p. 291).

(14)

L’épreuve entendue comme obstacle, défi auxquels les étudiants devront faire face pour se construire une identité nouvelle sera le passage entre deux états identitaires. Il y aura un avant et un après l’épreuve. Pour cela, ils utiliseront des stratégies inhabituelles ou vont adapter des stratégies usuelles.

La notion d’épreuve nous aidera à repérer celles dont les étudiants africains subsahariens ne pourront faire l’économie, de par leur double situation de migration et de formation. Nous utiliserons encore l’Epreuve au sens sémiotique, comme outil d’analyse des récits de vie récoltés. Grâce à cet outil, nous pouvons mettre en évidence les Epreuves qui nous aideront à établir le lien entre les dimensions narratives des récits récoltés et l’analyse des transactions identitaires biographiques et relationnelles (Dubar, 2010) des processus identitaires que ces récits permettent d’appréhender.

Identifier comment ces étudiants africains subsahariens résolvent les épreuves en prenant en compte les conflits identitaires et culturels nous mène à proposer une approche qui laisse aux étudiants un

« espace suffisamment sécurisant » (Noireaud, 2013) et ouvert à la différence culturelle, mais aussi à l’égalité. Cela devrait autoriser ces étudiants à s’ouvrir à de nouveaux modes d’apprentissage, de pensée, d’action afin de tendre vers un mouvement d’ouverture à l’autre et d'ouverture de l’autre vers soi.

Organisation de la recherche

Le premier chapitre explore les raisons telles qu’énoncées dans les différents récits de l’immigration et les conditions d’accueil que les immigrants africains subsahariens vont rencontrer une fois arrivés en Suisse romande. Les conditions d’asile, les lois sur les étrangers concernant les étudiants immigrants de pays tiers tout comme les conditions pour entrer en formation en Haute Ecole de santé (HES) sont explicitées et font saisir les situations auxquelles ils sont confrontés.

La multiplicité des raisons de l’immigration des africains subsahariens est également explorée et mise en évidence dans cette recherche, ce qui ouvre à l’appréhension d’une partie des enjeux quant à la raison pour laquelle ces individus s’investissent dans une formation d’infirmier-ère en Occident.

Les conditions d’entrée en HES en Suisse romande complètent le tableau situationnel pour les immigrants. Nous sommes donc devant une vision globale des situations d’avant la formation. Ce tableau, auquel nous ajoutons des éléments du contexte de l’enseignement dans les écoles en Afrique subsaharienne, nous autorise à cerner les enjeux d’une immigration en Suisse romande pour des individus d’Afrique subsaharienne qui souhaitent se former en soins infirmiers.

Le deuxième chapitre nous fait voyager à travers les approches interculturelles, véritables enjeux sociétal dans un monde dit de la modernité, dans lequel la diversité culturelle relève d’une règle davantage que d’une exception.

Les approches interculturelles en sciences sociales, en sciences de l’éducation et dans la formation bachelor ès Sciences en soins infirmiers en Suisse romande nous offrent une grille de lecture des situations qu’il est possible de rencontrer dans les écoles ou les institutions de formation en ce moment. Les approches interculturelles dans le monde actuel vivant une période de changements, de mutations et de métissages impliquent une multitude de possibles, mais, en outre, une nécessité à penser en complexité.

Par ailleurs, comme notre sujet touche à la migration, nous visitons la notion de processus d’acculturation : elle nous met à même de mieux appréhender ce qui est en jeu, puisqu'elle est en contact continu avec une nouvelle société. On explore ces enjeux, que ce soit au niveau de la société d’origine, de la société d’accueil ou au niveau individuel, ce qui nous fait explorer, du même coup, les facteurs modérateurs d’avant la migration : le choix de la migration, le fait d’avoir déjà voyagé, la connaissance de la langue, la personnalité, et aussi les facteurs modérateurs d’après la migration, tels

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que la phase (durée) de la migration, les stratégies identitaires favorisées, les attitudes, l’appui social, l’attitude de la société d’accueil.

Nous soulignons, de surcroît, combien émigrer du Sud et immigrer au Nord crée des tensions au niveau des références culturelles des migrants et des autochtones. En effet, la migration installe les individus du Sud loin de leur culture d’origine et confronte également les autochtones à leur propre culture.

Pour pouvoir nous appuyer sur une compréhension globale du phénomène de la migration et de ses enjeux, nous avons choisi de définir le concept de culture en retenant ses dimensions dynamiques et adaptatives. Nous mettons ainsi en lumière la dialectique entre les systèmes de signification, les productions de normes et les enjeux des « dynamiques interculturelles » lors de rencontres d’individus porteurs de références de cultures diverses.

Ce chapitre se termine par un regard sur les différentes représentations sociales de la santé, de la maladie, de l’éducation, de la mort des étudiants d’Afrique subsaharienne, car ces dernières sont bousculées avant de se modifier, de s’adapter pendant le processus d’acculturation.

Le troisième chapitre aborde les enjeux identitaires dans une situation de migration et de formation.

Celui-ci permet d’appréhender le fait que les individus partagent des significations qui fondent leur identification commune, mais également que l’identité est liée à la culture tout en ne se confondant pas avec elle.

L’identité y est abordée par un bref historique de la notion et comprise comme un processus dynamique. Les travaux de Dubar nous serviront de cadre de référence pour expliciter les constructions identitaires (Dubar, 2000). Le concept des formes identitaires va nous ouvrir à la façon dont l’individu s’identifie lui-même et est identifié par les autres. Les formes identitaires comprises comme manières d’identifier les individus (Dubar, 2000). Elles sont des formes d’identification socialement pertinentes et « articulent deux sens du terme de socialisation et de celui d’identité » (Dubar, 2005, p. 11). Il s’agit de la socialisation « relationnelle » des individus en interaction les uns avec les autres et la socialisation « biographique » des individus, « acteurs engagés dans une trajectoire sociale (ibid, p. 11).

La construction de l’identité sociale se réalise donc par une double transaction. Cette double transaction biographique et relationnelle est explicitée en ce qu'elle nous a fait comprendre les enjeux identitaires lors de migration et de formation. La réorganisation des formes identitaires nous aide à discerner comment l’individu réinterprète son histoire passée et entre dans de nouveaux projets.

L’individu a besoin de reconnaissance pour que cela soit possible, et c’est le concept de reconnaissance que nous avons mobilisé, en lien avec la théorie d’Honneth (2000). En effet, tout en se situant dans une recherche de reconnaissance et de similitude, l’individu tend à se différencier en réclamant une place spécifique. Ce double mouvement nécessite la mise en place de stratégies d'adaptation.

Les stratégies identitaires des minorités, déployées par Camilleri (1990), nous éclairent sur la possibilité ou non pour des individus de s’intégrer dans un pays étranger, en mettant en évidence les ressources et les supports indispensables pour répondre aux situations auxquelles la migration confronte.

La disparité culturelle nous oblige à appréhender le racisme auquel les individus de la migration doivent faire face. Nous avons défini le racisme comme une mise en évidence des différences, c’est-à- dire une catégorisation accompagnée d’une valorisation de ces différences impliquant une hiérarchisation et d’une utilisation de la différence contre autrui en vue d’en tirer profit (Eckmann, 2005, p. 2). Il y a alors un traitement discriminatoire.

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Le quatrième chapitre, quant à lui, offre une large place à la notion d’individu dans une société dite moderne et ses exigences, tout en essayant de cerner la signification et les enjeux pour cet individu, enjeux pour effectuer le passage d’un monde communautaire à un monde de type sociétaire pour des individus d’Afrique subsaharienne.

Ce passage d’un monde dans lequel la référence première est la communauté et la solidarité au sein de la population à un monde dit “moderne”, basé principalement sur l’individuation, l’autonomie et la responsabilité de l’individu n’est pas simple. Les tensions entre communauté et société sont ainsi démontrées, notamment à partir des différentes représentations et explications des événements de la vie tels que la maladie ou la santé. Cela nous amène curieusement à dégager des éléments de sorcellerie qui nous aident à mieux saisir le sens de l’attribution des malheurs et des maladies.

Dans cette recherche, nous avons choisi d’utiliser le terme d'« individu » ; c’est pourquoi nous avons tenu à en donner la définition retenue dans ce chapitre.

Suite aux développements précédents, le cinquième chapitre nous amène à développer la classification des catégories du récit de vie selon Niewiadomski (2012) pour en comprendre les différences ainsi que les similitudes. L’autobiographie y est plus largement abordée. En effet, si nous souhaitons relever les épreuves rencontrées par les Africains subsahariens qui migrent et étudient en Suisse, une importance notable doit être accordée au récit biographique. Nous démontrons ensuite en quoi le fait de raconter sa vie offre la possibilité de s’approprier son pouvoir de « biographisation » (Lévy, 2001 ; Delory- Momberger, 2003), c’est-à-dire sa capacité de prendre forme au travers d’un travail réflexif que la narration autorise. La « biographisation », en donnant accès au passé, au présent et au futur permet de réunir l’avant et l’après-migration, mais aussi d’entendre comment les individus donnent sens aux situations qu’ils vivent.

Dans cette recherche, nous avons démontré que les individus rencontraient des épreuves sur leur parcours de vie et que ces dernières provoquaient parfois de fortes crises identitaires. Nous avons également montré qu’il existait un lien entre les épreuves et la narration : le récit développe particulièrement les moments d’épreuves. C’est la raison pour laquelle, dans ce chapitre, nous abordons la notion d’épreuve dans ses différentes dimensions et selon ses divers niveaux. La dimension de sens commun de l’épreuve est explicitée, afin de la différencier de ses deux niveaux scientifiques, le niveau sémiotique, que nous reprendrons dans le chapitre de la méthodologie, et le niveau sociologique. Pour Martuccelli (2006), le niveau sociologique considère les épreuves comme des défis, des obstacles auxquels tout individu est confronté dans une société. La notion d’épreuve permet de distinguer les processus identitaires des étudiants migrants grâce à la narration des épreuves rencontrées.

Ces dernières sont affrontées dans des situations étranges, inhabituelles, distales, que le récit met en scène. C’est ainsi que nous abordons cet espace distal, exotopique comme un lieu où l’individu est confronté à l’inhabituel, à l’étrangeté.

Arrivée à cette étape de la théorisation, le traitement de la problématique fait l’objet du sixième chapitre de la recherche. On y pose les questions de recherche en y développant la méthodologie de recherche. On y présente, de même, la population retenue. Les outils de recueils de données sont aussi explicités et vont nous permettre de garantir la rigueur de l’analyse de notre corpus. Nous avons choisi de récolter des récits de vie : c’est pourquoi nous avons effectué des entretiens biographiques sous forme de récits de vie et d'entretiens de stage semi-directifs.

La méthode d’analyse des entretiens est largement décrite. Nous avons tout d’abord démontré comment les Epreuves rencontrées par les étudiants d’Afrique subsaharienne sont mises en évidence par une analyse narratologique des récits. Cette analyse permet de répertorier les Epreuves spécifiques au niveau sémiotique grâce à l’analyse de la vitesse des récits selon la méthode de Baudouin (2010) reprise par Pita (2011). Puis, nous avons explicité l’analyse sociosémantique de ces Epreuves selon la

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méthode de Demazière et Dubar (1997, 2004). Ces deux analyses consécutives des épreuves sont indispensables pour en éclairer toutes les dimensions constitutives.

Nous voici enfin arrivée à l’expérimentation de nos outils d’analyse sur la totalité des récits biographiques et semi-directifs de stage d’un étudiant africain subsaharien. Ce septième chapitre correspond à la mise à l’épreuve des outils d’analyse.

Cette démarche offre un panorama des analyses d'entretiens effectuées, dans le but d'en rendre la méthode d’analyse compréhensible pour le lecteur. C’est un chapitre plus technique et détaillé qui permet de saisir notre façon d’analyser. Par la suite, la même analyse a été menée sur l’entier de notre corpus, sans toutefois être restituée de la même façon, parce que le travail en serait bien trop long : les synthèses d’analyse se sont par conséquent imposées.

Les quatre chapitres suivants sont réservés à la présentation des résultats d'analyses de tous les autres entretiens.

Le huitième chapitre présente l’analyse des « épreuves individuelles » rencontrées lors de la vie en Afrique de chacun des étudiants d’Afrique subsaharienne, chapitre que nous avons nommé « la vie d’avant ». C’est la vie en Afrique avant la migration qui y est démontrée. Nous retrouvons trois sortes de parcours de vie dans ce chapitre, celui de la vie des Africains qui se sont engagés politiquement, celui des individus qui ont migré volontairement pour faire des études ainsi que le parcours de vie des Africains subsahariens qui ont migré dans le cadre d’un regroupement familial ou suite à une décision familiale.

L’analyse des épreuves spécifiques de l’immigration est présentée dans le neuvième chapitre. Nous l’avons nommé « le jour d’après ». Ce chapitre concerne la migration et ses conséquences. Nous abordons toutes les épreuves rencontrées par les étudiants africains une fois qu'ils sont arrivés en Suisse, et ce pour tous les trois groupes présentés dans le chapitre précédent. Il s’agit de comprendre le sens et la signification de l’émigration d’un pays du Sud, de l’Afrique subsaharienne et de l’immigration dans un pays du Nord, en Occident, et plus particulièrement en Suisse. Donner du sens à cette migration est possible grâce aux récits de chacun des étudiants africains qui nous ont livré leur expérience individuelle que nous avons pu ensuite monter en généralité.

Les dixième et onzième chapitres déclinent toutes les épreuves que les étudiants africains subsahariens rencontrent dès leur inscription dans la formation bachelor ès Sciences en soins infirmiers, pendant toute leur formation en alternance (théorie-pratique). Le dixième chapitre permet de relever les épreuves rencontrées en formation théorique, alors que le onzième met en évidence les épreuves rencontrées en stage.

Le dixième chapitre reprend les épreuves spécifiques que ces étudiants croiseront dans la formation en école, que ce soit au niveau du système scolaire, de leur apprentissage ou encore au niveau de leurs relations.

Le onzième chapitre déploie, quant à lui, les épreuves spécifiques rencontrées en stage pendant la formation pratique. Ces dernières concernent l’apprentissage, les soins, les représentations, le positionnement professionnel, le rapport aux professionnels. Ces épreuves sont particulières à un métier de l’humain et rendent plus complexe encore leur apprentissage, car elles se surajoutent aux autres et déstabilisent d’autant plus les étudiants d’Afrique subsaharienne.

Le douzième chapitre est le dernier chapitre d’analyse. Il comprend l’analyse des considérations générales rencontrées en formation. Il s’agit de la signification du diplôme pour ces étudiants subsahariens et de leurs projets d’avenir. Nous y présentons également les processus de construction identitaire et les stratégies identitaires mises en œuvre pour être à même de s’adapter, de s’intégrer ou

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disposition ou reconstruits aidant à traverser les épreuves. Ce chapitre permet d'appréhender comment les différents étudiants s’adaptent ou non et comment ils arrivent à se construire une nouvelle identité tout au long de leur formation.

Le treizième chapitre nous amène à la conclusion de notre travail de recherche. Un retour sur les questions de recherche et sur la recherche au niveau méthodologique, au niveau théorique est effectué.

Les limites de la recherche sont explicitées. Les épreuves rencontrées par des étudiants d’Afrique subsaharienne dans une double situation de migration et de formation en soins infirmiers sont formalisées et théorisées. Une épreuve « cachée » en filigrane à chacune des épreuves que ces étudiants rencontrent est mise en évidence et rend l’apprentissage ainsi que l’intégration plus complexe, d’où le titre de cette recherche. Une nouvelle compréhension est dégagée de toutes ces épreuves au travers du curriculum caché (Perrenoud, 1995). C’est alors que nous avons pu élaborer des perspectives d’avenir pour les écoles accueillant des étudiants étrangers afin de permettre une réflexion et des propositions de pistes d’action à mettre en place dans les écoles de soins infirmiers, propositions transposables dans d’autres écoles aussi. Il s’agit de revisiter le concept d’interculturalité afin d’y faire une place essentielle dans une tension entre égalité et différence (Ogay & Edelmann, 2011) et d’offrir des perspectives pour les écoles de formation, pour les institutions de soins en les impliquant dans sa mise en place afin d’optimiser les changements.

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CHAPIT RE 1

Contexte de la migration :

émigration d’Afrique, immigration en Suisse

Souvent, dans les recherches sur la migration, seule la trajectoire après la migration est prise en compte. C’est ce que nous souhaitons éviter dans cette recherche qui s’adresse à des individus d’Afrique subsaharienne qui migrent, soit par obligation (regroupement familial, engagement politique) et demandent à faire une formation en soins infirmiers une fois leur statut de réfugiés accepté par le pays d’accueil, soit pour faire des études dans la Haute Ecole de santé en Suisse romande. Pour comprendre ce que signifie leur émigration et immigration, il est non seulement indispensable de comprendre la vie en Afrique de ces individus, mais aussi la signification et les raisons de l’émigration. Car l’existence des individus qui migrent commence, non pas après la migration, mais avant. C’est ensuite qu’il est possible de faire les liens entre l’avant et l’après, c’est-à- dire avec leur vie une fois en Suisse. Il s’agit en outre de cerner le contexte de l’immigration, les conditions et les conséquences de cette dernière. Ainsi, comme le dit Sayad (1999), il est essentiel de prendre en considération l’émigré comme l’immigrant ; cela permet d’éviter de voir les comportements de ces migrants uniquement comme « rapportés aux conduites, ainsi constituées en normes, de la société dominante qu’est la société d’immigration » (Sayad, p. 56). La prise en compte de l’immigration uniquement aurait comme résultat de voir leurs comportements comme

« manquements ». Tenter d’expliquer et d'appréhender la situation des émigrés, leur réalité de manière plus globale, nous amène à nous inscrire dans le courant des histoires de vie. Nous avons retenu

« l’approche autobiographique » pour cette recherche : elle nous permettra en effet la prise en compte de la vie d’avant en Afrique, de l’émigration et de la vie après, en Suisse et en formation, des étudiants d’Afrique subsaharienne, population que nous avons retenue pour répondre à notre questionnement.

Ce premier chapitre nous ouvrira une grille de lecture et de compréhension des conditions d’asile en Suisse pour des personnes qui souhaitent venir étudier dans ce pays. Comme nous nous intéressons aux Africains subsahariens, il est important de saisir les raisons de l’immigration du Sud vers le Nord d’étudiants, et de personnes qui fuient leur pays parce qu’elles ne s’y sentent plus en sécurité.

Ce chemin effectué, il faudra encore appréhender le contexte et les conditions d’entrée dans les Hautes Ecoles de santé en Suisse romande. Afin de cerner au mieux les conditions de formation pour ces étudiants, un rappel du contexte scolaire en Afrique subsaharienne, de façon succincte, puisque cela a déjà fait l’objet d’autres recherches (Graber, Mégard Mutezintare & Gakuba, 2010, Guissé et Bolzman, 2012), viendra compléter notre regard et la compréhension des similitudes et des différences entre les systèmes d’apprentissage.

PRÉ C AUTI ON S ET C ON TEXTE

Précautions

Dans notre recherche, nous parlons d’Afrique subsaharienne ou encore d’étudiants subsahariens, ce qui pose certaines questions auxquelles il nous est donc indispensable de réfléchir pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce que le discours qui nous est facilement attribué est celui de la sur- généralisation : nous créons une catégorie trop étendue pour un ensemble de pays, hétérogènes non seulement entre eux, mais aussi à l’intérieur d’eux-mêmes. Nous le savons, l’Afrique subsaharienne englobe un grand nombre de pays bien différents les uns des autres et n’ayant pas forcément les mêmes valeurs ni les mêmes coutumes et où, fréquemment, les individus parlent des langues très

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Toutefois, si nous nous permettons de parler d’Afrique subsaharienne et d’étudiants subsahariens, c’est en nous référant à des recherches actuelles menées par des sociologues. Par exemple, une recherche sur les risques de précarisation des étudiants du « Sud » en Suisse romande (Bolzman, Guissé & Fernandez, 2010) ou Guissé (2002) dans sa recherche sur les migrations des étudiants africains (Assogba, 2007) ou à des anthropologues comme Marie (1997), qui racontent la réalité africaine aujourd’hui, ou Werner (1997), ayant travaillé sur les identités africaines ou, plus actuellement, Alber et von Aarburg (2012), qui parle de « brain waste » (gaspillage de compétences) quand les personnes migrantes ne peuvent pas utiliser dans le pays d'accueil les qualifications professionnelles qu'elles ont acquises dans leur pays d’origine. Nous nous référons encore à certains auteurs africains sociologues (Gueye, 2007 ; Mutombo, 2007 ; Niang, 2007) et philosophes (Ndaw, 1983 ; Elungu, 1987), lorsqu’ils disent que, même si l’Afrique noire est grande et diverse sur le plan culturel, il est possible de parler de pensée négro-africaine. Ndaw en donne cette définition : « Celle d’individus qui ont leurs attaches dans les sociétés du Sud du Sahara et qui se sentent unis, quelles que soient leurs origines, par un même passé commun » (1983, p. 44).

Pour cet auteur, il est possible de parler de pensée africaine, étant donné que la plupart des pays d’Afrique subsaharienne ont des faits communs. Par faits communs, il entend les modes d’une prise de conscience de la réalité c’est-à-dire « une manière africaine de prendre position devant la vie, la mort, l’art, la politique, la religion, la société de manière générale, la nature, la science » (Graber, Mégard Mutezintare & Gakuba, 2010, p. 122). C’est ce qui nous intéresse dans cette recherche. Pour nous, parler d’Afrique subsaharienne est un peu comme lorsque nous parlons d’Europe ; c’est une question de territoires que nous pourrions diviser autrement en parlant d’un pays, d’un département ou encore d’un canton.

En nous servant du terme Afrique subsaharienne, nous ne visons pas à réduire à une dimension groupale la dimension culturelle de ces différents pays, parce qu'au sens anthropologique, la notion de culture « implique un certain contexte (spatial, mais aussi temporel et symbolique) dans lequel vit une communauté d’individus, qui développe, transmet et transforme différents outils culturels pour gérer sa vie commune et ses relations avec les autres communautés » (Ogay, 2009, p. 9). Nous parlons alors d'individus « noirs » venant d’une grande région africaine constituée de plusieurs pays ayant une part d’histoire commune, un héritage colonial, des échanges et des contacts entre eux. Cette notion nous renvoie aussi aux rapports « Nord-Sud » où, au niveau historique, certaines pratiques ont marqué les rapports sociaux entre le Nord et le Sud. Nous pouvons relater notamment le fait de définir les populations du Sud le plus souvent par la négative, de comprendre cet « étranger » comme un

« sauvage » au moment des conquêtes, de l'utiliser comme instrument lors de l’esclavagisme. Il s’agissait alors de civiliser cette population qui a de fausses croyances, des manières de penser

« bizarres ». Il fallait amener et imposer les savoirs du Nord au Sud, afin d’amener la modernisation, le développement et les « bonnes » valeurs, savoirs ou encore les savoir-faire développés et modernes, toutes ces références occidentales faisant foi (Graber, Mégard Mutezintare et Gakuba, 2010). Nous sommes malgré tout conscientes que, de même que ces pays du Sud ont des similitudes, ils ont des différences, ne serait-ce que la politique, les systèmes éducatifs, certaines traditions, etc.

Nous serons donc très attentives à ne pas généraliser des choses qui ne sont pas généralisables. Nous y porterons une attention particulière, dans le sens où nous analyserons des récits biographiques et de stage d’individus singuliers venant de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne. Cependant, nous tenterons de cerner et de comprendre ce qu’il y a de commun entre ces individus, sans en faire une sociologie d’individus (Martuccelli, 2006, 2010) du Sud du Sahara migrant en Suisse. C'est une autre raison d’utiliser une catégorie en parlant des Africains subsahariens qui migrent en Suisse, car elle va nous guider dans la perception sociale des individus en question.

Il est également fondamental de savoir ce que nous entendons lorsque nous parlons des concepts de culture, d’interculturalité et d’acculturation : la façon de concevoir et d’articuler ces différents concepts nous aidera, de même, à ne pas tendre vers des généralisations abusives. Mais auparavant,

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nous allons faire un détour par un petit historique des migrations, avant d’entrer vraiment dans la théorie, ce qui éclairera mieux notre propos.

La Suisse, pays d’accueil ? Notion d’intégration et conditions d’asile

Nous allons nous baser sur ce que Leanza, Ogay, Perregaux et Dasen (2001) ont écrit pour résumer très globalement la situation en Suisse au niveau de l’intégration et des conditions d’asile, puis nous compléterons selon d’autres lois et d’autres auteurs. Pour cette recherche, il nous semble important de comprendre quelle est la réalité rencontrée par les migrants lorsqu’ils arrivent en Suisse par migration forcée ou pour étudier, et plus spécifiquement dans les Hautes Ecoles de santé.

La population suisse est très hétérogène, (vingt-six cantons et quatre langues nationales) ; elle est, de surcroît, enrichie d’un grand nombre de résidents étrangers. En 1997, la population étrangère représentait 19,4% de la population totale, alors qu’en 2009, elle représente déjà 22,9% de la population résidante. Concernant les politiques liées aux migrations, celles de la Suisse ne se dissocient pas trop de ce qui se passe dans plusieurs autres pays d’Europe.

Toutefois, la naturalisation en Suisse est régie par une loi très restrictive, la rendant accessible à des conditions différentes et nécessitant environ douze années de séjour au pays pour l’obtenir. Nous n’allons néanmoins pas retracer l’historique de la politique suisse concernant la migration, puisque bon nombre d’auteurs l'ont déjà effectué, notamment Leanza, Ogay, Perregaux et Dasen en 2001.

Cependant, comprendre quelle est la façon de procéder en Suisse nous paraît intéressant. Dès les années 1980, les demandeurs d’asile sont de plus en plus nombreux, et les migrants ne viennent plus exclusivement, comme auparavant, des pays d’Europe, mais aussi du Sud. Le Conseil fédéral reprend sa politique envers les étrangers en 1991, sans en changer les principes : « contrôle et gestion de la population étrangère en Suisse, sans oublier le vœu pieu de l’intégration » (Leanza et al., 2001, p. 25).

Selon ces auteurs, la Suisse veut garantir un équilibre entre les populations suisse et étrangère. Le Conseil fédéral met alors en place une nouvelle politique migratoire, celle des trois cercles, dans le but de limiter le nombre de migrants en Suisse, ayant pour critère le pays d’origine. Selon de quel pays vient le migrant, il a plus ou moins de facilité d'entrer en Suisse. Le cercle intérieur favorise les personnes venant des pays de la Communauté européenne et ceux de l’Association de libre-échange (AELE). Le deuxième cercle favorise les personnes venant du Canada et des Etats-Unis disposant d’une main-d’œuvre qualifiée mais restreignant quand même le recrutement pour la Suisse. Le cercle le plus éloigné inclut tous les autres pays. Il n’y a pas de recrutement possible dans ces cas-là, sauf en ce qui concerne certains spécialistes très qualifiés, mais pour un séjour de durée limitée (Leanza et al., 2001, p. 25).

Après ces dix années (1980 et 1990), il s’agit de rendre la Suisse encore moins attractive, ce qui induit des débats sur les étrangers et particulièrement sur celui des statuts accordés aux requérants d’asile très prégnants dans la politique intérieure (Leanza et al., 2001). Un nouvel article est introduit en 1998 à la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE, article 25a). Cet article offre une base juridique à la politique à l’égard des étrangers, afin de favoriser l’intégration des migrants.

L'année 1998 voit l’abandon de la politique des trois cercles par la Suisse qui calque alors sa politique sur les modèles canadien et australien en vigueur (Castles, 1992) attribuant des points en fonction, non pas du pays de provenance, mais selon l’âge, le niveau de formation, les langues parlées, etc. Il est indispensable d’obtenir un certain nombre de points pour obtenir un permis de séjour ou travailler en Suisse. Malgré ces mesures restrictives et d’autres encore, le nombre de migrants augmente. Cette

« loi favorise la marginalisation des requérants (interdiction de travailler, assistance réduite, isolement social), et les renvois deviennent systématiques » (Asile.ch, 1998 ; Brutsch, 1998 ; Maillard &

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de demande d’asile lorsqu’ils ont vécu des problèmes politiques dans leur pays suite à leur engagement et qu’ils ont dû fuir, avant de pouvoir étudier en Suisse. Ce parcours a parfois des incidences sur le début de leur formation.

Ces dernières années, les Etats membres du Conseil de l'Europe ont été sous pression croissante pour traiter les demandes d'asile de manière rapide et efficace. Elle a conduit à l'introduction d'une variété de procédures d'asile accélérées en Europe. En Suisse, une nouvelle modification de la Loi sur l’asile (LAsi) et de la Loi fédérale sur les étrangers (LEtr) est entrée définitivement en vigueur le 1er janvier 2008. Les changements apportés visaient en premier lieu à améliorer l’exécution des décisions en matière d’asile. Le bilan de leur mise en œuvre est très positif. Mais ces dernières années, de nouveaux problèmes apparaissent dans la procédure d’asile. En 2007, le nombre de demandes d’asile déposées en Suisse s’élevait à 10'844 ; il a ensuite augmenté en flèche, pour atteindre 16'005 demandes en 2009.

La Suisse a toujours pour but de diminuer l’attrait qu’elle exerce sur les requérants d’asile ; elle a pu fixer des quotas maximaux d’immigration, mais, dès 2014, elle n’aura plus cette possibilité de limitation de l’immigration de l’UE, si ce n’est avec l’accord de l’UE et en cas de grands problèmes économiques (Piguet, 2004). La Suisse décide alors d’accélérer la procédure d’asile et de la rendre plus efficace. Il convient également de combattre les abus de manière systématique. L’accélération des procédures ne doit pas se faire au détriment de la protection juridique des personnes. Le projet de révision de la LAsi tient compte de ce point en proposant de garantir l’accès à un conseil en matière de procédure et d’évaluation des chances. Il s’agit, malgré tout, de réduire fortement la durée des procédures.

Il nous paraît important de connaître la situation politique concernant les demandes d’asile, tout comme les situations vécues par les étudiants qui souhaitent venir accomplir leurs études en Suisse, aux fins de comprendre le climat dans lequel ces personnes arrivent.

Petit coup d’œil sur le recrutement international d’infirmières en Suisse

Selon Merçay (2009), le système de santé en Suisse n’a jamais pu être autosuffisant en ce qui concernait le personnel de santé formé en Suisse ; la conséquence est qu’il ne peut répondre aux besoins des établissements de santé. Les employeurs suisses ont dû recruter du personnel à l’étranger depuis de longues années, et particulièrement en ce qui concerne les infirmières. Les causes de la migration internationales des infirmières, d'après Merçay toujours, sont de meilleures rémunérations, un environnement professionnel plus agréable ainsi que des opportunités professionnelles. Mais en fin de compte, ce qui rend possible la venue des infirmières est l'insuffisance des ressources domestiques et la forte demande de ces professionnelles (Alkire & Chen, 2004). Le recrutement international potentiel des infirmières illustre aussi les politiques migratoires en place, c’est-à-dire que les personnes hautement qualifiées peuvent entrer plus facilement en cas de pénurie de personnel (Iredale, 2001). En 1970, il y avait 15,9% d’infirmières étrangères en Suisse, et ce nombre n’a fait qu’augmenter. En 2000, il est de 19,3% et, en 2008, de 22%1. Il est à noter que « dans les hôpitaux suisses, pour les soins infirmiers dispensés par du personnel qualifié, la proportion de salariés de nationalité étrangère est de plus de 37% (cette proportion est de 55% en Suisse romande et au Tessin, et de près de 25% en Suisse alémanique) »2.

Certains critères de sélection de la provenance des infirmières étrangères sont la « langue, la qualité de la formation ou une philosophie de soins et privilégient les habituelles filières de recrutement sur les pays semblant les plus adéquats, c’est-à-dire principalement la France, la Belgique et le Canada » (Merçay, 2009, p. 123). Les démarches des employeurs pour recruter ce personnel ont été facilitées

1 Source : OFS : KS, 2002–2008

2Travailler en Suisse.ch/L’emploi en Suisse pour les infirmiers, les infirmières et les médecins étrangers, consulté le 22 juin 2012).

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par l’entrée en vigueur de la Loi sur la libre circulation des personnes conclue avec l’UE ainsi que par la reconnaissance automatique des diplômes mise en place avec ces pays, ce qui allège les frais.

Conditions pour les personnes étrangères désirant venir étudier en Suisse

Les conditions d’obtention d’un permis de séjour pour étudier en Suisse sont différentes selon la provenance. Pour les ressortissants de l’Union européenne (UE) et de l’Association européenne de libre-échange (AELE), la situation est assez simple : ils doivent s’annoncer auprès des autorités dans les quatorze jours qui suivent leur arrivée en Suisse pour obtenir leur permis de séjour.

Ils sont tenus de confirmer qu’ils ont établi un contrat avec une assurance maladie et qu’ils peuvent subvenir à leurs besoins. Ils sont dans l’obligation de prouver qu’ils sont venus en Suisse pour étudier et qu’ils sont inscrits ou dans une Université ou une Haute Ecole de Suisse. Ils obtiendront alors un permis de séjour pour un an, qu’ils devront faire prolonger chaque année.

Ces étudiants peuvent travailler à hauteur de quinze heures par semaine ; s’ils travaillent plus, ils seront imposables. Les maris ou femmes des personnes étudiant en Suisse, de même que leurs enfants à charge, ont le droit de séjourner en Suisse, mais ne sont pas autorisés à y travailler (Swissinfo.ch, permis_de_séjour/html/ consulté le 27.07.2011).

Concernant les ressortissants des autres pays ou pays tiers (d’Etats non membres de l’UE/AELE

« Etats tiers »), les personnes qui souhaitent venir étudier en Suisse doivent déposer une demande auprès des cantons, car eux seuls sont en mesure de délivrer les permis de séjour. Toutefois, ces personnes doivent fournir d’autres formalités, comme un plan d’études qui précise la formation (maturité, bachelor, etc.), les objectifs de cette formation et une attestation écrite de l’institution scolaire dans laquelle elles sont inscrites. Elles doivent aussi obtenir une attestation qu’elles sont aptes à suivre la formation et qu’elles connaissent la langue.

Les étudiants venant de pays requérant un visa doivent, en plus de cela, faire une demande de séjour auprès de l’ambassade de Suisse ou de la représentation consulaire de leur pays. Cette demande de séjour nécessite également une confirmation d'admission de l’institution scolaire. De plus, ces étudiants doivent fournir la preuve qu’ils peuvent assumer leurs frais de scolarité et de subsistance. Ils sont dans l’obligation de fournir un engagement écrit selon lequel ils retourneront dans leur pays après leurs études. Un curriculum vitae est aussi exigé de leur part. C’est la représentation suisse du pays concerné qui détermine si le postulant maîtrise suffisamment bien la langue nécessaire pour son séjour scolaire (Swissinfo.ch, permis_de_séjour/html/ consulté 27.07. 2011).

Si, jusqu’ici, la loi laissait les autorités apprécier le nombre de séjours à accorder en lien avec la politique selon L’Ordonnance limitant le nombre d’étrangers (OLE), assurant un équilibre entre la population suisse et la population étrangère, la politique migratoire de 2008 (remplacement de la LSEE par la LEtr) renforce encore les restrictions de possibilité de formation des étudiants du Sud en Suisse en limitant la durée de séjour à huit ans maximum. Par ailleurs, cette loi qui règle les entrées et sorties de Suisse3 émet davantage de restrictions en matière de droits de séjour, de possibilités d’accéder à des emplois, particulièrement pour les populations hors de l’Europe. Cette loi a donc introduit une gestion différenciée des étudiants étrangers selon la provenance ; elle est, à ce titre, discriminatoire entre les ressortissants du Sud et ceux de l’Union européenne et de l’Association de libre échange (AELE) (Bolzman et al., 2010).

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Toutefois, si le recrutement de travailleurs par quota est mis en pratique selon des critères économiques et géographiques, l’admission des étudiants en Suisse n’est pas concernée par cette politique du quota (Bolzman et al., 2010).

D’après ces auteurs, cela est dû au fait qu’ils ne peuvent pas travailler et qu’à la fin de leurs études, ils doivent impérativement quitter la Suisse. Mais avec la nouvelle législation, les étudiants peuvent rester six mois et chercher du travail pendant ce temps-là4.

Comme nous l’avons dit, les étudiants doivent fournir un plan d’études, ce qui les limitera ou les privera de tous changements de filières d’études. « L’étudiant reste donc lié au plan d’études qu’il a présenté dans le formulaire ad hoc du consulat de Suisse, qui constitue à cet effet, le détachement avancé de l’architecture administrative du pays de destination, donc le premier palier à franchir » (Bolzman et al., 2010, pp. 49-50).

Le consulat de Suisse est le premier contact administratif que l’étudiant étranger doit affronter ; en effet, cela concerne les papiers suivants : l’attestation d’admission ou d’inscription à une Université ou à une HES, la preuve financière que l’étudiant sera capable de poursuivre ses études en Suisse (Bolzman et al., 2010).

La pluralité des motifs de l’immigration des étudiants du Sud vers le Nord

Nous retenons la définition suivante de la migration : « processus engagé par un être humain, d’installation sur un territoire extérieur aux limites géographiques officiellement établies de son pays de naissance, avec l’objectif d’y acquérir un nouveau statut social et économique dont il aura à assurer l’existence grâce aux ressources pourvues par sa nouvelle société » (Gueye, 2007, p. 68). Cette définition est valable pour les étudiants qui migrent pour étudier, mais diffère quelque peu pour les personnes qui migrent pour des raisons d’engagement politique au pays mettant leur vie en danger.

Elle devient valable pour eux à partir du moment où ils voient leur statut de demandeur d’asile accepté et/ou qu’ils entrent en formation. D’après cette définition, il n’y aurait migration qu’à partir du moment où « il y a installation, attente de reconnaissance à l’égard d’une société autre que celle de sa naissance et projet de lier son destin à la marche de cette société » (Gueye, 2007, p. 68). Les termes de migration temporaire ou encore migration définitive ne seraient, selon cet auteur, pas des concepts en soi, mais simplement des termes utilisés pour préciser une durée dont l’estimation est de toute façon critique. Les migrations sont donc des déplacements de populations d’un lieu à un autre, d’un pays à un autre.

Les étudiants ayant migré pour des raisons politiques, c’est-à-dire pour des raisons où la situation dans leur pays les a poussés à fuir ou parce qu’ils ont été mêlés à la politique lors de coups d’Etat ou encore lors de changement de dirigeant dans leur pays, n’avaient pas forcément le projet de mener une formation lorsqu’ils sont arrivés en Suisse. Ils ont pu bénéficier de programmes d’insertion pour les migrants et suivre une formation une fois leur demande d’asile acceptée.

Il s’agit de comprendre pourquoi les étudiants subsahariens viennent se former en Suisse. Souvent, le projet migratoire est de terminer ou de continuer, voire de faire des études. Les raisons du départ du pays d’origine sont aussi essentiellement économiques et politiques. Mais ces raisons s’ajoutent encore et surtout au fait que cette migration « est tributaire de dispositions politiques et culturelles d’où sort une valorisation collective de l’ailleurs » (Gueye, 2007, p. 67). L’attrait des pays du Nord vient donc aussi des possibilités de l’offre de formation, des opportunités professionnelles et des conditions de travail (OFS, 2005 ; OFS, 2010 ; Bolzman et al., 2010). Les étudiants du Sud migrent de

4 Modification de la Loi sur les étrangers pour stopper la fuite du savoir-faire, voir http://www.ethrat.ch/download/Positionpapier_Revision_des_Ausl%C3A4ndergesetzes_fr.pff

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