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LA PASSAGÈRE DU GOELAND

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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GEORGES MARIÉVAL

LA PASSAGÈRE DU “ GOELAND”

Roman

EDITIONS DE BEAUGENCY PARIS

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Copyright by Editions du Belvédère, Paris 1948. Tous droits réservés pour tous pays.

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L A P A S S A G È R E D U " G O E L A N D ”

1

L'hôtel Hassan s'élevait en dehors de M'Sa- moudou, entre la ville et la rivière, un peu en avant du faubourg noir. Un balcon de bois ver- moulu ceinturait ses bâtiments hétéroclites où la pierre et le torchis se confondaient sous une même patine de crasse. Le tout semblait écrasé au sol par rapport aux cocotiers dégingandés qui, à l'entour, fusaient en désordre dans l'air torride.

— Qu'est-ce qu'on fait pour vos bagages, mademoiselle ? demanda Hassan. Vous les em- portez maintenant ?

La jeune fille hésita puis, haussant les épau- les :

— Pourquoi pas, après tout ? Vous pouvez me prêter un boy ?

Il donna un tour de clé à son tiroir-caisse et se dirigea en traînant les babouches vers une

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porte d'où émanaient d'écœurantes odeurs de graillon.

— Ahmed ! appela-t-il.

Une voix de femme répondit, aiguë, en arabe.

Hassan jeta un ordre et revint.

— Cinq minutes, mademoiselle. On cherche Ahmed.

Son veston kaki, maculé aux aisselles par la lsueur, s'entr'ouvrait sur une robe flottante. De petits yeux matois, trop rapprochés, flan- quaient son long nez busqué.

— Vous avez eu de la chance, dit-il encore.

Le capitaine Maurel ne s'est pas fait attendre, ce mois-ci...

Il s'éloigna pour servir de nouveaux clients.

Une friture crépitait dans la cuisine et la fumée se répandait à travers la salle par nappes si denses que la voyageuse se réfugia sur le bal- con. Rêveuse, elle laissa errer devant elle un regard absente A quelque distance en contre- bas la rivière roulait ses eaux vives entre des blocs de lave et de basalte. Plus loin la terre nue et rouge de la berge disparaissait presque aussitôt sous la bâche verte d'un pâturage. Au delà, en fond de décor, la montagne dressait sa masse obscurcie par le feuillage noir des morouvos.

— Whisky, Hassan ! commanda dans la salle une voix sonore. Si tu ne le sais pas, je t'an- nonce que le rafiot de Maurel vient d'entrer en rade. Ce damné forban a...

La voix s'interrompit net en même temps que la voyageuse faisait volte-face. Elle vit Hassan penché sur l'oreille d'un Blanc adipeux qui s'épongeait le visage. Le regard des deux hommes, fixé sur elle, se détourna précipitam- ment.

« Forban »? La jeune fille, sourcils froncés, avança d'un pas dans la salle. « Forban » ? Pour la seconde fois depuis qu'elle était à M'Samou-

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dou elle entendait un Blanc accoler ce qualifi- catif au nom de Maurel. Elle fut sur le point d'interpeller le buveur de whisky, mais l'irrup- tion d'Ahmed fit diversion. Il pliait sous la mallette de cabine qu'il avait chargée sur son épaule. La voyageuse prit elle-même une va- lise, tandis qu'Hassan l'accompagnait à la porte en ui prodiguant des obséquiosités.

— J'espère, mademoiselle, que vous conser- verez un bon souvenir de mon modeste hôtel, termina-t-il. N'oubliez pas que je suis à votre service si vous deviez faire un autre séjour à Anjouan...

Une giclée de soleil, sur le seuil, brûla la voyageuse comme un lance-flamme. Elle rejoi- gnit Ahmed dans l'ombre claire et chaude des palmiers.

— Toi connaître capitaine Maurel? question- na-t-elle en marchant.

Le boy cracha la sueur qui ruisselait dans sa bouche. C'était comme Hassan un Antalote, mais il avait visiblement dans les veines plus de sang malgache que de sang arabe.

— Oui, mamizelle. Y en a tous connaît'e cap'taine Mau'el.

— Lui... méchant homme?

— Oh non, mamizelle, protesta Ahmed spontanément. Lui bon cap'tain'.

Ils atteignaient la plage et la voyageuse cilla, les yeux blessés par la mer miroitante. A tra- vers sa chemisette d'albène elle sentit la mor- sure du soleil.

— Vous attend' ici, dit Ahmed.

Il déposa la mallette sur le sable gris et cou- rut à un groupe d'indigènes qui bavardaient au- près d'embarcations couchées sur la grève. La jeune fille, la main en auvent, fit du regard le tour de la rade. Trois boutres somnolaient côte à côte à l'abri de la pointe nord-ouest. Plus à l'écart, voiles carguées, un grand dundee titu-

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