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ZÉRO-CYCLES SUR LES ESPACES HOMOGÈNES ET PROBLÈME DE GALOIS INVERSE

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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ET PROBLÈME DE GALOIS INVERSE

YONATAN HARPAZ ET OLIVIER WITTENBERG

Résumé. Soit X une compactification lisse d’un espace homogène d’un groupe algébrique linéaire G sur un corps de nombres k. Nous établissons la conjecture de Colliot-Thélène, Sansuc, Kato et Saito sur l’image du groupe de Chow des zéro-cycles de X dans le produit des mêmes groupes sur tous les complétés dek. Lorsque G est semi-simple et simplement connexe et que le stabilisateur géométrique est fini et hyper-résoluble, nous montrons que les points rationnels de X sont denses dans l’ensemble de Brauer–Manin. Pour les groupes finis hyper-résolubles, en particulier pour les groupes finis nilpotents, cela donne une nouvelle preuve du théorème de Shafarevich sur le problème de Galois inverse et résout en même temps, pour ces groupes, le problème de Grunwald.

Abstract. Let X be a smooth compactification of a homogeneous space of a linear algebraic group G over a number fieldk. We establish the conjecture of Colliot-Thélène, Sansuc, Kato and Saito on the image of the Chow group of zero-cycles of X in the product of the same groups over all the completions of k. When G is semisimple and simply connected and the geometric stabiliser is finite and supersolvable, we show that rational points of X are dense in the Brauer–Manin set. For finite supersolvable groups, in particular for finite nilpotent groups, this yields a new proof of Shafarevich’s theorem on the inverse Galois problem, and solves, at the same time, Grunwald’s problem, for these groups.

1. Introduction

On sait, depuis Hilbert et Noether, que sikest un corps de nombres et Γ un groupe fini, la question de l’existence d’une extension galoisienne dekde groupe de Galois isomorphe à Γ (le « problème de Galois inverse ») est en réalité un problème sur l’arithmétique des variétés algébriques quotientAmk/Γ où Γ agit par permutation des coordonnées de l’espace affineAmk (une fois choisis un entier m et un plongement de Γ dans le groupe symétrique Sm; voir [Ser08, p. xiii]) ; ou, de façon équivalente, un problème sur l’arithmétique des espaces homogènes SLn/Γ où Γ est vu comme un sous-groupe algébrique constant de SLn(une fois choisis un entiernet un plongement de Γ dans SLn(k) ; voir [CTS07, Corollary 3.11]).

Ekedahl et Colliot-Thélène ont ainsi montré que l’existence d’une extension galoisienne dekde groupe Γ résulterait de la propriété dite d’approximation très faible pour la variété SLn/Γ sur k (voir [Eke90], [Ser08, Theorem 3.5.7], [Har07, Proposition 1]). De même, le problème de Grunwald, qui consiste à déterminer dans quels cas il existe une extension

Date: 26 février 2018; révisé le 23 septembre 2019.

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galoisienne de k de groupe Γ dont les complétés en un ensemble fini de places de k sont prescrits, se traduit en termes des points rationnels de SLn/Γ et de leur position dans l’espace des points locaux (voir [Che95], [Har07, §§ 1.1–1.2], [DLAN17]).

La variété SLn/Γ est un exemple d’espace homogène de groupe algébrique linéaire. De façon générale, les compactifications lisses d’espaces homogènes de groupes algébriques linéaires sont des variétés géométriquement unirationnelles, donc rationnellement connexes au sens de Campana, Kollár, Miyaoka et Mori (voir [Kol96, Chapter IV]) ; à ce titre, l’étude de leurs points rationnels est gouvernée, sur les corps de nombres, par la conjecture suivante de Colliot-Thélène [CT03] :

Conjecture 1.1. Soit X une variété propre et lisse sur un corps de nombres k. Si X est rationnellement connexe, l’ensemble X(k) est dense dans X(Ak)Br(X).

On note ici X(Ak)Br(X) l’ensemble de Brauer–Manin de X, un fermé de l’espace X(Ak) des points adéliques de X, contenant X(k), défini par Manin [Man71] à l’aide du groupe de Brauer Br(X) = H2ét(X,Gm) et de la théorie du corps de classes local et global.

La conjecture 1.1 possède un analogue pour le groupe de Chow des zéro-cycles, dû à Colliot-Thélène, Sansuc, Kato et Saito (voir [CTS81, § 4], [KS86, § 7], [CT95, § 1], [HW16, Conjecture 1.2]), couramment dénommé conjecture (E). Dans le cas des variétés rationnellement connexes, celle-ci prend la forme suivante (voir le rappel 1.3ci-dessous) : Conjecture 1.2. SoitXune variété propre et lisse sur un corps de nombres k. Notonsf l’ensemble des places finies deketcelui de ses places infinies. SiXest rationnellement connexe, le complexe

CH0(X) // Y

v∈Ωf

CH0(Xk

vY

v∈Ω

CH0(Xk

v) Nk

v/kv(CH0(Xk

v)) //Hom(Br(X),Q/Z), (1.1)

où la seconde flèche est la somme des accouplementsCH0(Xk

v)×Br(Xk

v)→Q/Zobtenus en composant les accouplements[Man71, Définition 7]à valeurs dansBr(kv)avec l’invariant Br(kv),Q/Zde la théorie du corps de classes local, est exact.

À la suite des travaux de Legendre, Minkowski, Hasse, Châtelet, Eichler, Landherr, Kneser, Harder, Platonov, Chernousov, Voskresenski˘ı et Sansuc, la conjecture 1.1 fut établie par Borovoi [Bor96] pour toute variété X birationnellement équivalente à un espace homogène d’un groupe algébrique linéaire connexe soumis à l’une des deux hypothèses suivantes : soit le stabilisateur d’un point géométrique est connexe, soit il est fini et abélien et le groupe ambiant est semi-simple et simplement connexe. Liang [Lia13] en déduisit la validité de la conjecture1.2pour les mêmes variétés.

Récemment, Demarche et Lucchini Arteche [DLA19] (voir aussi [LA17]) ont montré que le cas général de la conjecture 1.1 pour une variété X birationnellement équivalente à un espace homogène d’un groupe algébrique linéaire connexe se ramène à celui où le groupe ambiant est SLn et où le stabilisateur d’un point géométrique est fini. Ce cas particulier présente d’ailleurs un intérêt propre, puisque la conjecture1.1 pour une compactification

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lisse de SLn/Γ implique la propriété d’approximation très faible pour SLn/Γ (voir [Har07,

§ 1.3]), d’où, entre autres, une réponse positive au problème de Galois inverse pour Γ.

Sur tout corps de nombres k, Neukirch [Neu79, Corollary 2] a établi l’approximation faible pour SLn/Γ (donc la conjecture 1.1 pour toute variété X propre, lisse et biration- nellement équivalente à SLn/Γ) lorsque Γ est un groupe fini constant résoluble d’ordre premier au nombre de racines de l’unité contenues dans k (ce qui exclut notamment les groupes d’ordre pair). Ce résultat s’étend aux groupes finis non constants et aux espaces homogènes dépourvus de point rationnel, à condition d’imposer une restriction similaire, forte, sur l’ordre du stabilisateur géométrique (voir [LA14]). Enfin, Harari [Har07] a vérifié la conjecture 1.1 pour les variétés X propres, lisses et birationnellement équivalentes à SLn/Γ lorsque Γ est un groupe algébrique fini produit semi-direct itéré à noyaux abéliens.

Le présent article introduit une méthode nouvelle pour les espaces homogènes de groupes algébriques linéaires semi-simples simplement connexes à stabilisateur géométrique fini et l’applique à l’étude des conjectures 1.1 et 1.2 dans le cadre des espaces homogènes de groupes linéaires. Les deux théorèmes principaux qu’elle nous permet d’obtenir sont les suivants. Le premier porte sur les zéro-cycles et résout, dans ce cadre, la conjecture1.2en toute généralité, c’est-à-dire sans aucune hypothèse sur le stabilisateur.

Théorème A. La conjecture1.2vaut, sur tout corps de nombres, pour toute variété propre et lisse birationnellement équivalente à un espace homogène d’un groupe algébrique linéaire.

Notant Brnr(V) le groupe de Brauer d’une compactification lisse d’un espace homo- gène V, le théorèmeAa pour corollaire immédiat, compte tenu du lemme de déplacement pour les zéro-cycles [CT05, p. 599], l’énoncé d’existence suivant :

Corollaire. Soitkun corps de nombres. SoitVun espace homogène d’un groupe algébrique linéaire connexe sur k. Si V(Ak)Brnr(V)6=∅, il existe un zéro-cycle de degré 1 sur V.

Le second théorème porte sur les points rationnels. Contrairement au théorèmeA, qui repose sur [HW16], le théorème B ne s’appuie que sur des résultats connus depuis une vingtaine d’années (notamment dus à Harari [Har94], [Har97]).

Théorème B. Soit X une variété propre, lisse et géométriquement irréductible sur un corps de nombres k. Si X est birationnellement équivalente à un espace homogène d’un groupe algébrique linéaire semi-simple simplement connexe, à stabilisateur géométrique fini hyper-résoluble (en tant que groupe fini muni d’une action extérieure du groupe de Galois absolu dek; voir la définition 6.4 ci-dessous), alorsX(k) est dense dans X(Ak)Br(X).

En particulier, la conjecture1.1vaut pour les variétés propres et lisses birationnellement équivalentes àSLn avec Γ fini constant hyper-résoluble (par exemple, nilpotent).

Le théorème B implique une réponse positive au problème de Galois inverse pour les groupes finis hyper-résolubles, en particulier pour les groupes finis nilpotents, sur tout corps de nombres. Une réponse positive au problème de Galois inverse avait déjà été apportée par Shafarevich pour ces groupes, et plus généralement pour les groupes finis résolubles (voir [NSW08, Chapter IX, § 6] et les références qui y sont données). Cependant, le théorèmeB donne des informations significativement plus précises que la seule existence d’une extension

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finie galoisienne dekde groupe de Galois donné. Ainsi, par exemple, en le combinant avec les résultats récents de Lucchini Arteche [LA19, § 6] sur le groupe de Brauer non ramifié des espaces homogènes, on obtient, compte tenu de [DLAN17, Proposition 2.4], une solution au

« problème d’approximation modéré » deop. cit., § 1.2, pour les groupes hyper-résolubles.

Dans le cas des stabilisateurs constants, cela se traduit par l’énoncé suivant, auparavant inconnu même pour les groupes finis nilpotents :

Corollaire. Soit Γ un groupe fini hyper-résoluble. Soit k un corps de nombres. Soit S un ensemble fini de places de k ne contenant aucune place finie divisant l’ordre de Γ. Pour chaque v ∈ S, fixons une extension galoisienne Kv/kv dont le groupe de Galois se plonge dansΓ. Il existe alors une extension finie galoisienne K/k de groupe de Galois Γ telle que pour chaque v∈S, l’extension de kv obtenue en complétant Ken une place divisant v soit isomorphe à Kv/kv.

Ce corollaire, qui répond par l’affirmative, pour les groupes finis hyper-résolubles, au problème de Grunwald hors des places divisant l’ordre de Γ (voir [DLAN17]), ne semble pas accessible aux méthodes de Shafarevich.

Comme on le sait depuis Wang [Wan48], l’hypothèse portant sur S est essentielle à sa validité, même lorsque Γ =Z/8Z, k=Q, S ={2}. D’autres exemples montrant que cette hypothèse est cruciale sont donnés dans [DLAN17, Theorem 1.2 et § 5].

Des informations plus fines sur le groupe de Brauer non ramifié d’un espace homogène donné permettent de déduire du théorème Bdes corollaires plus précis que celui que l’on vient d’énoncer. Par exemple, si Γ = Q2m est le groupe quaternionique d’ordre 2m pour un entier m ≥1, vu comme sous-groupe algébrique constant de SLn une fois un plongement dans SLn(k) choisi, Demarche [Dem10, Corollaire 3, Remarque 7] a démontré que le groupe de Brauer non ramifié de SLn/Γ est réduit à Br(k). Le groupe Γ est un 2-groupe, donc est nilpotent, donc est hyper-résoluble ; il résulte donc du théorème B que la variété SLn vérifie l’approximation faible. Autrement dit, le corollaire au théorème B reste vrai pour Γ = Q2msi l’on prend pour S un ensemble finiquelconquede places dek. Un tel énoncé était précédemment connu pourm≤4 seulement (voir [Dem10, Théorème 7, Remarque 13]).

Les résultats de Borovoi [Bor96] et Liang [Lia13] mentionnés plus haut ne prennent en compte que le sous-groupe algébrique du groupe de Brauer non ramifié de l’espace homogène en question, c’est-à-dire le sous-groupe constitué des classes annulées par une extension des scalaires. Sous les hypothèses de leurs théorèmes, tout le groupe de Brauer non ramifié est en fait algébrique, comme l’ont montré Bogomolov, Borovoi, Demarche et Harari (voir [Bog89], [BDH13] et les références données dans [Wit18, § 3.2.1]). Les théorèmes A et B, en revanche, prennent en compte les classes transcendantes (i.e. non algébriques) du groupe de Brauer non ramifié. En effet, dans la situation du théorème B, Saltman et Bogomolov ont établi dans les années 1980 que le groupe de Brauer de X peut contenir des éléments transcendants (voir [Sal84], [Bog87] ; en particulier X n’est pas géométriquement rationnelle en général) ; Demarche, Lucchini Arteche et Neftin [DLAN17] ont prouvé que ceux-ci jouent un rôle dans l’obstruction de Brauer–Manin pour de tels espaces homogènes.

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Les démonstrations des théorèmesAetBreposent sur une observation simple concernant la géométrie des espaces homogènes de SLnà stabilisateur géométrique Γ fini, à savoir :les torseurs universels de leurs compactifications lisses(au sens de la théorie de la descente de Colliot-Thélène et Sansuc [CTS87])contiennent chacun un ouvert fibré au-dessus d’un tore quasi-trivial en espaces homogènes deSLn à stabilisateur géométrique le groupe dérivéΓ0. Lorsque Γ est résoluble, on voit apparaître là une structure géométrique inductive. C’est cette structure que nous exploitons dans l’article, à l’aide de deux ingrédients : la méthode des fibrations, qui vise à déduire un énoncé arithmétique, pour l’espace total d’une fibration, du même énoncé pour ses fibres et pour sa base, et la méthode de la descente, qui vise à déduire un énoncé arithmétique, pour une variété donnée, du même énoncé pour ses torseurs universels.

Dans le cadre des zéro-cycles, la méthode des fibrations est directement applicable sous la forme qui lui est donnée dans [HW16]. Dans le cadre des points rationnels, les résultats de [HW16] ne permettent d’appliquer la méthode des fibrations que de façon conditionnelle ; nous établissons dans le présent article des énoncés inconditionnels qui suffisent à traiter le cas des stabilisateurs hyper-résolubles et dont les preuves reposent notamment sur les travaux de Harari [Har94], [Har97]. Il nous est également nécessaire d’étendre la théorie de la descente de Colliot-Thélène et Sansuc afin de montrer que la conjecture 1.1 pour une variété propre, lisse et rationnellement connexe se déduit de la même conjecture pour les compactifications lisses de ses torseurs universels. Cet énoncé général ne résulte de [CTS87]

que dans le cas où le groupe de Brauer de la variété considérée est constitué uniquement de classes algébriques (ce qui, d’après Saltman et Bogomolov, n’est pas le cas ici).

Il est à noter que même si l’espace homogène auquel on s’intéresse est SLn/Γ pour un groupe Γ fini constant, les espaces homogènes qui apparaissent dans la fibration que l’on vient d’évoquer ne sont que des formes de SLn0 : ils ne possèdent pas nécessairement de point rationnel (et quand ils en possèdent, le stabilisateur n’est pas nécessairement un groupe constant). Même pour les seules applications au problème de Galois inverse, il est donc essentiel à la stratégie de la démonstration que le théorème B s’applique aussi aux espaces homogènes dépourvus de point rationnel.

Le texte est organisé comme suit. Le §2 est consacré à la théorie de la descente sous un tore pour les variétés rationnellement connexes. Le §3 compare la géométrie des torseurs universels d’une variété avec ceux d’un ouvert dense de la même variété et montre que les premiers contiennent des ouverts fibrés en les seconds au-dessus d’un tore quasi-trivial.

Au §4, nous discutons la méthode des fibrations pour les variétés fibrées en variétés lisses au-dessus d’un tore quasi-trivial. Nous nous tournons, au §5, vers les revêtements étales des espaces homogènes de groupes algébriques linéaires connexes semi-simples et simplement connexes et identifions leurs torseurs universels. Enfin, les §§6et7démontrent, respectivement, les théorèmesBetA.

Remerciements. Nous sommes reconnaissants à Cyril Demarche et Giancarlo Lucchini Arteche de nous avoir transmis une version préliminaire de leur article [DLA19], dont dépend le §7.1du présent article, et aux rapporteurs de leur relecture attentive. Le premier

(6)

auteur remercie l’Institut des Hautes Études Scientifiques pour son hospitalité pendant l’élaboration de ce travail.

Notations et terminologie. Dans tout l’article, on désigne par k une clôture algébrique d’un corps k de caractéristique nulle. Les isomorphismes sont notés', les isomorphismes canoniques =. Tous les groupes de cohomologie sont des groupes de cohomologie galoisienne ou étale. Lorsque X est une variété sur k et k0/k est une extension, nous noterons indifféremment Xk0 ou X⊗kk0 la variété sur k0 obtenue par extension des scalaires, en privilégiant la seconde notation lorsqu’il est utile de préciser le corps de base.

Uneaction extérieure d’un groupe profini Γ sur un groupe fini H est un morphisme de groupes continu Γ→ Out(H), où le groupe Out(H) des automorphismes extérieurs de H est muni de la topologie discrète.

Un tore sur kest un groupe algébrique T tel que Tk'Gm,k× · · · ×Gm,k. Il est quasi- trivials’il existe unek-algèbre étale E, c’est-à-dire unek-algèbre isomorphe à un produit fini d’extensions finies séparables dek, telle que T'RE/kGm, où RE/kdésigne la restriction des scalaires à la Weil. Ungroupe de type multiplicatif surk(toujours supposé de caractéristique nulle) est un groupe algébrique commutatif extension d’un groupe algébrique fini par un tore. Unespace homogèned’un groupe algébrique G surkest une variété non vide V surk munie d’une action de G telle que G(k) agisse transitivement sur V(k).

Nous employons une notation multiplicative pour le groupe T(k) (dont le neutre est 1), additive pour le groupe Z1(k,T) des 1-cocycles continus de Gal(k/k) à valeurs dans le module galoisien discret T(k) (le cocycle neutre est donc 0). On écrira [σ]∈H1(k,T) pour désigner un élément de H1(k,T) et en choisir un représentantσ ∈Z1(k,T). Si f : Y →X est un torseur sous T, on noterafσ : Yσ →X le torseur sous T tordu def parσ∈Z1(k,T).

Autrement dit, si Z désigne le torseur sous T sur Spec(k) déterminé parσ, alors Yσ = Y×TkZ est le produit contracté de Y et de Z sous l’action de T. On renvoie à [Sko01, Chapter 2]

pour toutes ces notions.

Une partie H d’une variété irréductible X est un sous-ensemble hilbertien s’il existe un ouvert dense X0 ⊂ X, un entier n ≥ 1 et des X0-schémas finis étales irréductibles W1, . . . ,Wn tels que H soit l’ensemble des points de X0 au-dessus desquels la fibre de Wi est irréductible pour touti∈ {1, . . . , n}.

Si V est une variété lisse et séparée surk, unecompactification lissede V est une variété X propre et lisse surkcontenant V comme ouvert dense. À plusieurs reprises nous ferons usage du fait suivant : si f : W → V est un morphisme entre variétés lisses et séparées sur k, alors V et W admettent des compactifications lisses et pour toute compactification lisse X de V, il existe une compactification lisse Y de W telle que l’application rationnelle Y99KX définie par f soit un morphisme (voir [Nag63], [Hir64]).

Lorsque X est une variété irréductible et lisse sur k, le groupe de Brauer non ramifié Brnr(X) est le groupe de Brauer de toute variété propre et lisse birationnellement équiva- lente à X. On pose Br1(X) = Ker Br(X) → Br(Xk) et Br0(X) = Im Br(k) → Br(X) et l’on notek[X] le groupe des fonctions inversibles sur Xk. Si X est propre, on dit que X est

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rationnellement connexe si Xk est rationnellement connexe au sens de [Kol96, Chapter IV, Definition 3.2.2] ; c’est notamment le cas si Xk est unirationnelle.

Lorsque k est un corps de nombres, on note Ω l’ensemble de ses places. Pour tout entier i et tout Gal(k/k)-module discret M (ou tout groupe algébrique commutatif M surk), on note Xi(k,M) = Ker Hi(k,M)→Qv∈ΩHi(kv,M). Une variété X sur k vérifie l’approximation faiblesi X(k) est dense dansQv∈ΩX(kv) pour la topologie produit. (On ne suppose pas que X(k) est non vide.) Lorsque X est propre et lisse, l’application du foncteur M7→M = limb

←−n≥1M/nM au complexe (1.1) fournit, compte tenu que Br(X) est un groupe de torsion, un complexe

CH0b(X) //CH0,Ab (X) //Hom(Br(X),Q/Z), (1.2)

où l’on a posé CH0,A(X) = Qv∈Ω

f CH0(Xk

vQv∈Ω

CH0(Xk

v)/Nk

v/kv(CH0(Xk

v)). On dit que Xvérifie la conjecture (E) si le complexe (1.2) est exact.

Rappel 1.3. Si X est une variété propre, lisse et rationnellement connexe, sur un corps de nombresk, l’exactitude du complexe (1.1) équivaut à celle du complexe (1.2).

Démonstration. Supposons X non vide, notons ε : X→ Spec(k) le morphisme structural et considérons le diagramme commutatif

0 //CH0(X)

//CHb0(X)

ε //Coker CH0(Spec(k))→CH0b(Spec(k)) //

0 0 //CH0,A(X) //CH0,Ab (X) ε//Coker CH0,A(Spec(k))→CH0,Ab (Spec(k)) //0.

(1.3)

Vérifions l’exactitude des lignes. Les homomorphismes ε : CH0(X)→CH0(Spec(k)) et ε : CH0,A(X) → CH0,A(Spec(k)) ont leur noyau et leur conoyau d’exposant fini (voir [CT05, Proposition 11] et [Wit12, Lemme 2.4]). Comme les groupes CH0(Spec(k)) et CH0,A(Spec(k)) n’ont pas d’élément infiniment divisible non nul et comme leur torsion est finie et annulée par 2, l’exactitude à gauche et au milieu des lignes de (1.3) s’ensuit (voir [Wit12, Lemme 1.11 et Lemme 1.12]). Comme ε : CH0b(X) → CH0b(Spec(k)) et ε : CH0,Ab (X)→CH0,Ab (Spec(k)) ont aussi leur conoyau d’exposant fini (même preuve que [Wit12, Lemme 2.4]) et comme les groupes de droite de (1.3) sont divisibles (voir [Wit12, Lemme 1.10]), les flèches horizontales de droite de (1.3) ont leur conoyau à la fois divisible et d’exposant fini, donc nul. Ainsi les lignes de (1.3) sont-elles bien exactes.

La flèche verticale de droite du diagramme (1.3) est visiblement injective et son image contient la classe de εzbA pour tout zbA ∈ CH0,Ab (X) orthogonal à Br(X) (voir [Wit12, Remarque 1.1 (i)]). Ces remarques, jointes à l’exactitude des lignes, entraînent la conclusion

voulue par une chasse au diagramme.

2. Descente sous un tore et groupe de Brauer transcendant

2.1. Énoncés. Soit X une variété propre, lisse et rationnellement connexe, sur un corps de nombresk. La théorie de la descente de Colliot-Thélène et Sansuc [CTS87] affirme que

(8)

pour tout torseurf : Y→X sous un tore T surk, on a une inclusion X(Ak)Br1(X)[

[σ]∈H1(k,T)

fσ(Yσ(Ak)) (2.1)

de sous-ensembles de X(Ak). Sif est un torseur universel, le groupe de Brauer non ramifié algébrique de Yσ est réduit aux constantes pour tout σ (op. cit., Théorème 2.1.2). Si de plus X est géométriquement rationnelle, on a Br(X) = Br1(X) et Brnr(Yσ) = Br0(Yσ) pour toutσ, si bien que l’inclusion (2.1) ramène la conjecture 1.1pour X à la même conjecture pour les compactifications lisses des variétés Yσ. Si en revanche X est seulement supposée rationnellement connexe, le groupe de Brauer non ramifié de Yσ peut contenir des classes transcendantes, auquel cas l’inclusion (2.1) ne permet plus une telle réduction. Le but du

§2 est de démontrer le théorème suivant, qui améliore (2.1) et rend possible la descente sur les variétés rationnellement connexes.

Théorème 2.1. Soit X une variété lisse et géométriquement irréductible sur un corps de nombres k. Soit T un tore sur k. Soit f : Y → X un torseur sous T. Notons A ⊂Br(X) l’image réciproque deBrnr(Y)⊂Br(Y) parf : Br(X)→Br(Y). Alors

X(Ak)A[

[σ]∈H1(k,T)

fσYσ(Ak)Brnr(Yσ). (2.2)

Bien entendu, si X est propre, alors A = Br(X) = Brnr(X).

Le théorème2.1peut aussi se déduire de travaux récents de Cao [Cao18, Theorem 5.9]. La démonstration que nous donnons ci-dessous fut obtenue indépendamment. D’autre part, on trouvera dans [CDX19, Theorem 1.2] et [Wei16, Theorem 1.7] des prédécesseurs du théorème2.1, dans lesquels Brnr(Yσ) est remplacé par Brnr(Yσ)∩Br1(Yσ).

Corollaire 2.2. SoitX une variété propre, lisse et rationnellement connexe, sur un corps de nombres k. Soit T un tore sur k. Soit V ⊂ X un ouvert dense. Soit f : W → V un torseur sous T. Alors X(Ak)Br(X) est contenu dans l’adhérence de

[

[σ]∈H1(k,T)

fσWσ(Ak)Brnr(Wσ) dansX(Ak).

Démonstration du corollaire 2.2. Appliquons le théorème2.1à V. Soit A⊂Br(V) l’image réciproque de Brnr(W) parf : Br(V)→Br(W). Choisissons une compactification lisse Y de W telle quef s’étende en un morphismeg: Y→X.

Le morphisme g est plat au-dessus du complémentaire d’un fermé F ⊂X de codimen- sion ≥ 2. Posons X0 = X\F et Y0 = Y\g−1(F) et notons g0 : Y0 → X0 la restriction de g. Comme H1(k(V),T) 'H1(k(V),Grm) = 0, le morphisme g0kk admet une section rationnelle. Par conséquent, les fibres de g0 au-dessus des points de codimension 1 de X contiennent toutes une composante irréductible de multiplicité 1. Appliquant (la preuve de) [CTS00, Lemma 3.1] à g0, on en déduit que le groupe A/Br(X0) est fini. (Ce lemme affirme la finitude de l’image de ce groupe dans Br(Y0)/g0∗Br(X0) mais la preuve donnée dansloc. cit. est en réalité une preuve de la finitude de A/Br(X0).)

(9)

Comme F est de codimension ≥ 2, l’inclusion Br(X) ⊂ Br(X0) est une égalité (voir [Gro68, Corollaire 6.2]). Comme X est rationnellement connexe, le groupe Br(X)/Br0(X) est fini (voir [CTS13, Lemma 1.3]). Le groupe A/Br0(X) est donc fini. Il en résulte, par le “lemme formel” de Harari, que X(Ak)Br(X) est contenu dans l’adhérence de V(Ak)A dans X(Ak) (voir [CTS00, Proposition 1.1]). On conclut avec l’inclusion (2.2) pour V.

2.2. Remarques préliminaires. Dans le §2.2, le corpskest un corps de caractéristique nulle quelconque et X, T, Y,f sont comme dans le théorème2.1. La notation suivante sera utile : si M→X est un morphisme de variétés, on désignera par Br1(M/X) le sous-groupe de Br(M) constitué des classes dont l’image réciproque dans Br(Mk) provient de Br(Xk).

Remarquons que Brnr(Yσ) ⊂ Br1(Yσ/X) puisque Yσ

k et X

k ×Pr

k sont birationnellement équivalents au-dessus de Xk pour r= dim(T).

Soitσ ∈Z1(k,T). Commefσ : Yσ →X est un torseur sous T, on a une suite exacte 1→GmfσGm→Tb →1

(2.3)

de faisceaux étales sur X, oùT désigne le groupe des caractères du tore T (voir [CTS87,b Proposition 1.4.2]). D’autre part, on a R1fσGm = 0 puisque Yσ ' X×Grm localement sur X pour la topologie étale, et l’on a aussi H1(Xk,T)b 'H1(Xk,Zr) = 0. Il s’ensuit, au vu des suites spectrales de Leray pourfσ et de Hochschild–Serre pour X, que H2(X, fσGm) = Ker Br(Yσ) → H0(X,R2fσGm), H2(Xk, fσGm) = Ker Br(Yσ

k) → H0(Xk,R2fσGm) et Ker H2(X,T)b → H2(Xk,T)b = H2(k,T). Appliquant les foncteurs Hb 2(X,−), H3(X,−) et H2(Xk,−) à (2.3), on déduit alors, compte tenu que H0(X,R2fσGm) s’injecte dans H0(Xk,R2fσGm), d’abord une identification entre le groupe Br1(Yσ/X) et le noyau de l’application composée H2(X, fσGm)→H2(Xk, fσGm)→H2(Xk,T), puis une suite exacteb

Br(X) (f

σ)//Br1(Yσ/X) ϕ

σ //H2(k,T)b δ //H3(X,Gm).

(2.4)

Proposition 2.3. Notant comme ci-dessus σ un élément de Z1(k,T), on a : (i) Si H3(k,Gm) = 0, l’application δ ne dépend pas de σ.

(ii) Si H3(k,Gm) = 0, l’image de Brnr(Yσ) par ϕσ ne dépend pas de σ.

(iii) L’image réciproque deBrnr(Yσ) par (fσ) ne dépend pas de σ, i.e. est égale à A.

(iv) Poury∈Yσ(k),t∈T(k)etασ ∈Br1(Yσ/X), on aασ(t·y) =ασ(y) + (ϕσσ)^ t).

Démonstration. Pour x ∈H2(k,T), on ab δ(x) =px ^ [fσ] à un signe indépendant de σ près, sip: X→Spec(k) désigne le morphisme structural et [fσ]∈H1(X,T) la classe defσ (voir [CTS87, Proposition 1.4.3]). Comme [fσ] = [f]+p[σ] et commex ^[σ]∈H3(k,Gm), l’assertion (i) s’ensuit.

L’assertion (iv) résulte du lemme ci-dessous appliqué à Z = (fσ)−1(fσ(y)).

Lemme 2.4. SoitZ un torseur sous T, sur k. Soientz∈Z(k), t∈T(k),α∈Br1(Z). On a α(t·z) =α(z) + (ϕ(α)^ t), où ϕ: Br1(Z)→H2(k,T)b désigne l’application induite par la suite exacte1→kk[Z] →Tb →1 et par l’isomorphisme Br1(Z) = H2(k, k[Z]) issu de la suite spectrale de Hochschild–Serre. De plus ϕest surjective si H3(k,Gm) = 0.

(10)

Démonstration. L’application Br1(Z) → Br(k), α 7→ α(t·z)α(z) est celle induite, via l’isomorphisme Br1(Z) = H2(k, k[Z]), par l’applicationk[Z]k,a7→a(t·z)/a(z). Cette dernière se factorise par T. Par le lemme de Rosenlicht [Ros57, Proposition 3], la flècheb Tbk qui en résulte est t∈T(k) = Hom(T,b Gm) ; d’où α(t·z) =α(z) + (ϕ(α)^ t).

Pour établir (ii), fixonsσ, σ0 ∈Z1(k,T) et montrons queϕσ(Brnr(Yσ))⊂ϕσ0(Brnr(Yσ0)).

Quitte à remplacerf parf−σ0 etσ parσσ0, on peut supposer que σ0 = 0.

Notons Z le torseur sous T, surk, déterminé parσ. Notonsπ : Y×kZ→Yσ l’application canonique. Notons pr1 : Y×kZ→Y, pr2 : Y×kZ→Z,g: X×kZ→X les projections et posonsh=f ◦pr1 : Y×kZ→X.

Soitασ ∈Brnr(Yσ). Comme H3(k,Gm) = 0, l’applicationϕdu lemme2.4est surjective : il existeα∈Br1(Z) tel queϕ(α) =ϕσσ). D’après la proposition2.3 (i), les applications ϕ0etϕσ ont la même image : il existe doncα0 ∈Br1(Y/X) tel queϕ00) =ϕσσ). Notons α0α= pr1α0+ pr2α∈Br1(Y×kZ/X). Voyons respectivementασ,α0,α,α0αcomme des éléments de H2(X, fσGm), H2(X, fGm), H2(X, gGm), H2(X, hGm). Le diagramme commutatif à lignes exactes

1 //Gm //fσGm

π

// bT

//1

1 //Gm //hGm //Tb⊕Tb //1

1 //GmGm

Π

OO //fGmgGm

OO // bT⊕ bT //1

montre l’existence de β ∈ Br(X) tel que α0 α = πασ +hβ dans Br1(Y×k Z/X).

Quitte à remplacer α0 par α0 +fβ, on peut supposer que α0 α = πασ. Comme ασ ∈ Brnr(Yσ), il s’ensuit que α0 α ∈ Brnr(Y×kZ). On en déduit que α0 ∈ Brnr(Y) ; en effet, si ξ est un point de codimension 1 d’une compactification lisse de Y, le résidu de α0 α au point générique de ξ×k Z est l’image du résidu de α0 en ξ par la flèche de restriction H1(k(ξ),Q/Z) → H1(k(ξ ×k Z),Q/Z) (voir [CTSD94, Proposition 1.1.1]), laquelle est injective puisque Z est géométriquement irréductible. Commeϕσσ) =ϕ00), on a maintenant montré queϕσσ)∈ϕ0(Brnr(Y)), ce qui conclut la preuve de (ii).

Vérifions (iii). Soit β ∈ Br(X). Soit K le corps des fonctions du torseur sous T, sur k, déterminé parσ ∈Z1(k,T). Vu l’isomorphisme canonique Y⊗kK = YσkK de schémas sur X⊗kK, on a (fβ)kK∈Brnr(Y⊗kK) si et seulement si ((fσ)β)kK∈Brnr(YσkK).

Par ailleurs, un élément de Br(Y) appartient à Brnr(Y) si et seulement si son image dans Br(Y⊗kK) appartient à Brnr(Y⊗kK), puisque l’extension K/kest régulière ; et de même pour Yσ. Donc fβ∈Brnr(Y) si et seulement si (fσ)β ∈Brnr(Yσ).

2.3. Preuve du théorème 2.1. Fixons (xv)v∈Ω ∈ X(Ak)A et exhibons σ ∈Z1(k,T) tel que (xv)v∈ΩfσYσ(Ak)Brnr(Yσ). Commençons par exploiter l’orthogonalité à A∩Br1(X) à l’aide de la théorie de la descente de Colliot-Thélène et Sansuc sous sa forme classique : Proposition 2.5. Il existe σ ∈Z1(k,T) tel que (xv)v∈Ωfσ(Yσ(Ak)).

(11)

Démonstration. Il suffit d’appliquer [Sko01, Theorem 4.1.1, Theorem 6.1.2], lorsque X est propre, ou [HS13, Theorem 8.4, Proposition 8.12], en général, puisque les cup-produits d’un élément de H1(k,T) par [fb ]∈H1(X,T) appartiennent à Ker(f) donc à A.

Remplacerf par fσ ne modifie pas le groupe A, d’après la proposition 2.3 (iii), et est donc loisible en vue d’établir le théorème. La proposition2.5permet ainsi de supposer que (xv)v∈Ωf(Y(Ak)). On a alors (xv)v∈Ωfσ(Yσ(Ak)) pour toutσtel que [σ]∈X1(k,T).

Pour tout tel σ, considérons l’application

εσ :X2(k,T)bϕ0(Brnr(Y))→Q/Z

définie par εσ0) = Pv∈Ωinvvασ(yv) pour un ασ ∈ Brnr(Yσ) tel que α0 = ϕσσ) et un relèvement (yv)v∈Ω ∈ Yσ(Ak) de (xv)v∈Ω. L’existence de ασ est assurée par la proposition2.3 (ii). Que la somme Pv∈Ωinvvασ(yv) ne dépende pas du choix de (yv)v∈Ω résulte de la proposition 2.3(iv), compte tenu queα0 ∈X2(k,T). Qu’elle ne dépende pasb du choix deασ vient de l’hypothèse que (xv)v∈Ω∈X(Ak)A et de la proposition2.3(iii).

Proposition 2.6. On aεσ0) =ε00)− hα0,[σ]i pour tout α0 ∈X2(k,T)bϕ0(Brnr(Y)) et tout σ ∈ Z1(k,T) tel que [σ] ∈ X1(k,T), où h−,−i : X2(k,T)b ×X1(k,T) → Q/Z désigne l’accouplement de Poitou–Tate (voir[San81, Rappels 8.2] pour sa définition).

Démonstration. Soit ασ ∈Brnr(Yσ) tel que α0 =ϕσσ). Comme on a vu dans la preuve de la proposition 2.3 (ii), dont on reprend les notations Z, ϕ,π, il existe α0 ∈Brnr(Y) et α ∈Br1(Z) tels que α0 =ϕ00) =ϕ(α) et que α0α = πασ dans Br(Y×kZ). Fixons (zv)v∈Ω ∈Z(Ak). Pour (yv)v∈Ω ∈Y(Ak) relevant (xv)v∈Ω, on a

εσ0) = X

v∈Ω

invvασ)(yv×zv) = X

v∈Ω

invv0α)(yv×zv)

= X

v∈Ω

invvα0(yv) +X

v∈Ω

invvα(zv) =ε00)− hα0,[σ]i,

où la dernière égalité vient de [San81, Lemme 8.4] (voir aussi [Sko01, Théorème 6.2.1]).

La flèche naturelle Hom(X2(k,T),b Q/Z) → Hom(X2(k,T)bϕ0(Brnr(Y)),Q/Z) étant surjective (puisqueQ/Zest un Z-module injectif) et l’accouplement de Poitou–Tate étant parfait (voir [NSW08, Theorem 8.6.7]), il existe [σ]∈ X1(k,T) tel que ε00) =hα0,[σ]i pour tout α0 ∈ X2(k,T)bϕ0(Brnr(Y)). D’après la proposition 2.6, on a alors εσ = 0.

Quitte à remplacer f parfσ, on peut donc supposer queε0 = 0. La proposition suivante conclut maintenant la preuve du théorème.

Proposition 2.7. Si ε0 = 0, alors (xv)v∈Ωf Y(Ak)Brnr(Y).

Démonstration. Fixons (yv)v∈Ω ∈Y(Ak) relevant (xv)v∈Ω. L’application Brnr(Y)→Q/Z, α0 7→ Pv∈Ωinvvα0(yv) s’annule sur le noyau de la flèche Brnr(Y) → H2(k,T)/b X2(k,T)b induite parϕ0, puisqueε0= 0. CommeQ/Zest unZ-module injectif, elle se factorise donc par H2(k,T)/b X2(k,T). Il s’ensuit, compte tenu de la suite exacteb

T(Ak) //Hom H2(k,T),b Q/Z //Hom X2(k,T),b Q/Z

(12)

établie dans [Har08, Théorème 2], qu’il existe (tv)v∈Ω∈T(Ak) tel quePv∈Ωinvvα0(yv) = P

v∈Ωinvv00)^ tv) pour tout α0 ∈Brnr(Y). On a alors (t−1v ·yv)v∈Ω ∈Y(Ak)Brnr(Y) d’après la proposition2.3 (iv) ; de plus, ce point adélique relève encore (xv)v∈Ω.

3. D’un torseur universel à l’autre

La théorie de la descente, originellement développée pour des variétés propres, a depuis été utilement appliquée, dans le cadre de l’étude des points rationnels, à des variétés ouvertes (voir [CTS00], [HBS02], [CT03], [CTHS03], [DSW15]). Étant donnés une variété X propre, lisse et rationnellement connexe et un ouvert V⊂X tel quek[V] =k, la question se pose naturellement de comparer la descente appliquée à X avec la descente appliquée à V, donc les torseurs universels de X avec ceux de V. C’est à cette question que ce paragraphe est consacré, dans le cadre légèrement plus général des torseurs de type quelconque sous un groupe de type multiplicatif, sans supposer X propre.

Fixons, jusqu’à la fin du §3, un corpskde caractéristique nulle, une clôture algébriquek dek, une variété X lisse et géométriquement irréductible sur k, un ouvert dense V⊂X tel quek[V]=k, un groupe abélien de type finiR muni d’une action continue de Gal(k/k)b et un homomorphisme Gal(k/k)-équivariantλ:Rb →Pic(Vk).

Définissons des Gal(k/k)-modules discretsT etb Q et un homomorphismeb ν:Tb →Pic(Xk) par le diagramme commutatif à lignes exactes

0 //Qb //Tb

ν //Rb

λ //0

0 //DivX

k\Vk(Xk) //Pic(Xk) //Pic(Vk) //0, (3.1)

où DivX

k\V

k(Xk) désigne le groupe des diviseurs sur Xk supportés par Xk\Vk; ainsiT estb par définition le produit fibré de R par Pic(Xb k) au-dessus de Pic(Vk). Comme le groupe Q = Divb X

k\V

k(Xk) admet une base sur Zpermutée par Gal(k/k), il donne naissance à un tore quasi-trivial Q =Hom(Q,b Gm) surk. Posant R =Hom(R,b Gm) et T =Hom(T,b Gm), on a une suite exacte de groupes de type multiplicatif surk:

1 //R //T //Q //1.

(3.2)

Rappelons que le type d’un torseur g : Z → V sous R est la classe d’isomorphisme du torseurgk: Zk→Vksous Rk. C’est un élément Gal(k/k)-invariant de H1(Vk,Rk). De façon équivalente et conformément à la définition de [CTS87, § 2.0], l’isomorphisme canonique

H1(Vk,Rk) = H1(Vk,Hom(R,b Gm)) = Hom(R,b H1(Vk,Gm,k)) = Hom(R,b Pic(Vk)) (3.3)

(où l’isomorphisme du milieu résulte, dans le cas oùR =b Z/nZ, de l’hypothèsek[V] =k) applique le type de g sur l’homomorphisme Rb → Pic(Vk) qui à χ ∈R = Hom(Rb k,Gm,k) associe l’image de la classe degk parχ : H1(Vk,Rk)→H1(Vk,Gm,k) = Pic(Vk).

La partie (ii) de la proposition suivante constitue l’énoncé principal du §3.

(13)

Proposition 3.1. Soit f : Y →X un torseur sousT, de type ν. Soit W =f−1(V).

(i) Le torseurW/R→V sousQest trivial. Autrement dit, il existe un V-isomorphisme Q-équivariant W/R'V×kQ.

Fixons un tel isomorphisme et notons π : W→ Q le morphisme T-équivariant obtenu en le composant avec le morphisme quotientW→W/R et la seconde projectionkQ→Q.

(ii) Pourq∈Q(k), l’action naturelle de R sur Wq =π−1(q) fait du morphismeWq→V induit par f un torseur, sous R, de typeλ.

(iii) Les classes d’isomorphisme de torseursV0 →V sousR, de typeλ, tels que le produit contracté V0×Rk T→V soit isomorphe, en tant que torseur sous T, à W→V, sont exactement les classes d’isomorphisme des torseurs Wq →V pourq ∈Q(k).

Démonstration. Considérons le diagramme commutatif H1(X,T)

**

H1(Xk,Tk)

ρ ))

H1(V,T) //

H1(V,Q)

,→

0 //H1(Vk,Rk) ι //H1(Vk,Tk) //H1(Vk,Qk), (3.4)

dont la ligne du bas est exacte puisque k[V] = k. La flèche verticale de droite est injective car son noyau est H1(k,Q), qui est nul d’après le théorème de Hilbert 90 puisque Q est un tore quasi-trivial. Voyant λ et ν comme des éléments de H1(Vk,Rk) et de H1(Xk,Tk), on constate, en comparant la définition de ν (voir le diagramme (3.1)) avec les trois isomorphismes canoniques H1(Xk,Tk) = Hom(T,b Pic(Xk)), H1(Vk,Tk) = Hom(T,b Pic(Vk)), H1(Vk,Rk) = Hom(R,b Pic(Vk)) (voir (3.3)), que

ρ(ν) =ι(λ).

(3.5)

Comme [f]∈H1(X,T) s’envoie surν∈H1(Xk,Tk), on déduit de (3.4) et (3.5) que l’image de [f] dans H1(V,Q) s’annule. Cette annulation équivaut à l’assertion (i).

Fixons un V-isomorphisme Q-équivariant W/R'V×kQ. Le morphisme Wq→V induit parf pourq ∈Q(k) est un torseur sous R puisque c’est la restriction, au-dessus de V×{q}, du torseur W → W/R = V×kQ sous R. Notant Wq×Rk T le produit contracté de Wq et T sous l’action de R, l’inclusion R-équivariante de Wq dans W induit un morphisme Wq×Rk T→ W de torseurs sous T. Comme tout morphisme de torseurs sous T, c’est un isomorphisme. L’application ι envoie donc le type de Wq sur le type de W, c’est-à-dire surρ(ν). Ainsi, vu (3.5) et vu l’injectivité deι (voir (3.4)), le type de Wq estλ; d’où (ii).

Pour vérifier (iii), remarquons que W1 →V (où 1∈Q(k) désigne le neutre) est l’un des torseurs remplissant les conditions de (iii). Au vu de la suite exacte

Q(k) //H1(V,R) //H1(V,T), (3.6)

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