• Aucun résultat trouvé

Réalisations et perspectives de l'amélioration génétique des arbres forestiers en France

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Réalisations et perspectives de l'amélioration génétique des arbres forestiers en France"

Copied!
14
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02718601

https://hal.inrae.fr/hal-02718601

Submitted on 1 Jun 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Réalisations et perspectives de l’amélioration génétique des arbres forestiers en France

Michel Arbez

To cite this version:

Michel Arbez. Réalisations et perspectives de l’amélioration génétique des arbres forestiers en France.

Revue forestière française, AgroParisTech, 1986, 38, pp.272-284. �hal-02718601�

(2)

RÉALISATIONS ET PERSPECTIVES DE L'AMÉLIORATION GÉNÉTIQUE DES ARBRES FORESTIERS EN FRANCE

Au risque de manquer ses objectifs, la domestication des plantes ne peut pas être pensée en dehors de son contexte . À cet égard, les espèces forestières ont le plus souvent une place à part.

Hormis quelques exceptions proches du modèle agricole (Peupliers, Eucalyptus . . .) dont la culture à forts intrants et à courte rotation reste limitée par des impératifs de mécanisation et de fertilité des sols, la plupart des productions forestières doivent compter avec l'épreuve du temps et des adversités non maîtrisables . Tout dépérissement forestier d'une certaine importance peut entraîner des conséquences socio-économiques ou même écologiques prolongées . Le rôle de la forêt ne s'arrête pas à la production de bois . Dans les landes de Gascogne, la disparition brutale de 30 000 ha de Pin maritime par suite des grands froids de janvier 1985 entraîne des perturbations autrement plus durables que celle d'une surface équivalente de maïs . Cela, les sélectionneurs forestiers le savent et ils ne sacrifieront pas la stabilité des forêts à l'amélioration immédiate de leur productivité.

Les progrès accomplis durant les vingt dernières années ont été conditionnés par deux grandes catégories de facteurs :

— l'évolution rapide des connaissances scientifiques et techniques ;

— les nouvelles tendances du reboisement et de la gestion forestière.

LE PROGRÈS DES CONNAISSANCES

ET L'ÉVOLUTION DE LA PROBLÉMATIQUE SCIENTIFIQUE

La mise en évidence expérimentale et l'utilisation de la variabilité génétique

• La mise en évidence expérimentale

L'approche biométrique et forestière de la variabilité

La prise de conscience empirique des différences importantes qui peuvent exister entre races géographiques d'une même espèce forestière a préparé la voie de l'amélioration génétique . Des exemples aussi spectaculaires que ceux de l'Épicéa, du Pin sylvestre, du Pin maritime ou du Mélèze d'Europe ont incité à l'étude systématique de la variabilité intra-spécifique d'un nombre croissant d'espèces forestières . À la constatation passive des différences entre races, a succédé sa description méthodique in situ (citons pour exemple l'étude de la variabilité de l'Épicéa dans le Jura français par Bouvarel en 1954) puis sa mesure expérimentale en plantations compara- tives . Les études de provenances, massivement engagées sur la plupart des grandes espèces forestières entre 1960 et 1970, ont permis de mettre en évidence l'efficacité de la sélection à ce niveau . Suivant l'espèce et le caractère considéré, les gains en valeurs relatives varient mais excèdent toujours 20 %, même pour des espèces réputées jusqu'ici peu variables comme le

(3)

CONCLUSIONS

Sapin pectiné . Efficace, rapide, relativement peu coûteuse, la sélection de provenances s'est rapidement imposée aux sylviculteurs et aux pépiniéristes . L'étude de la variabilité géographique s'est aussi imposée comme le ' préliminaire ' indispensable de tout programme d'amélioration plus poussé . Du sérieux de cette étape dépendent l'adaptation et la productivité des variétés qui pourront être obtenues ensuite . Ceux qui avaient pensé pouvoir faire l'économie de cette phase intermédiaire, et directement échafaudé de coûteux programmes de sélection individuelle, ont souvent dû revenir en arrière après des années de travail, simplement pour ne pas être partis des meilleures provenances . C'est arrivé en Suède centrale, faute d'avoir su choisir d'emblée des provenances d'Épicéa originaires de Pologne et de Bielorussie.

Espèces allogames, les arbres forestiers entretiennent une variabilité génétique individuelle importante, sa mise en évidence et son exploitation pratique sont cependant moins immédiates et plus coûteuses que celles de la variabilité géographique . La maîtrise des techniques d'expéri- mentation (tests de descendances et tests clonaux) a progressivement permis de chiffrer cette variabilité génétique individuelle chez la plupart des espèces . Comparée à la variabilité inter- raciale à l'échelle de l'ensemble de l'aire naturelle, il peut arriver qu'elle soit exceptionnellement plus importante comme cela semble être le cas chez le Chêne rouge d'Amérique.

Qu'il s'agisse de races ou d'individus, l'expression de la variabilité peut se modifier avec l'âge ou le milieu ; tel génotype, très vigoureux au stade juvénile ou en milieu riche, verra sa supériorité battue en brèche par d'autres individus au stade adulte ou en milieu plus pauvre.

Ces variations d'expression du génotype sont décelées par la mesure répétée des mêmes tests et la comparaison des performances des mêmes génotypes dans des milieux différents (climats, sol et fertilisation, sylviculture).

II est évidemment très important de savoir quels critères mesurer au stade juvénile pour prédire sans trop d'erreur la valeur et la stabilité des principaux caractères au stade adulte : l'efficacité de la sélection dépend, au moins pour une part importante, de la mise au point de ces tests précoces . Chez la plupart des espèces, la sélection pour la vigueur et la forme nécessite encore un délai minimum de 5 à 15 ans.

L'approche biochimique de la variabilité

Jusque dans les années 1970, l'approche biométrique et forestière de la variabilité était la seule couramment pratiquée en France, l'essentiel des évaluations portait donc sur des caractères d'intérêt économique, pour la plupart (adaptation, croissance, forme) . La maîtrise progressive des techniques d'analyse biochimique (chromatographie en phase gazeuse, électrophorèse enzy- matique) a permis de caractériser des composés à contrôle monogénique, surtout terpènes ou isozymes, utilisables plus ou moins efficacement comme « marqueurs >, d'une partie du génome.

Ces techniques se sont révélées particulièrement précieuses pour la mise au point de tests variétaux, l'étude des lois de croisement en forêt ou en vergers à graines, le chiffrage du niveau de consanguinité moyen des populations.

Les mêmes techniques trouvent des applications dans l'étude des interactions arbre-insecte ou de la caractérisation de l'état physiologique des arbres (juvénilité, état de stress . . .) . Aujourd'hui, l'analyse terpénique trouve une application commerciale en test variétal pour distinguer les races landaise et portugaise de Pin maritime, et éviter que soient utilisés en reboisement les lots de graines récoltés sur peuplements portugais introduits et notoirement sensibles au froid . La même technique permettrait d'identifier l'origine de lots de plants de Sapin ou de Pin laricio.

En ce qui concerne l'amélioration de nos connaissances, les profils terpéniques ont déjà permis d'étudier précisément l'allure de la variabilité géographique de plusieurs espèces de conifères, le Pin maritime notamment ; ils seront un outil précieux pour tenter de reconstituer l'histoire génétique de ces espèces .

273

R.F.F . XXXVIII - n° sp . 1986

(4)

• L'utilisation de la variabilité génétique et la mise en oeuvre des programmes de sélection Les progrès accomplis durant les vingt dernières années résultent autant de l'acquisition des connaissances scientifiques et de la maîtrise de nouvelles techniques que de leur mise en oeuvre coordonnée dans le cadre des programmes d'amélioration à moyen terme établis pour les

principales espèces de reboisement.

Quels sont les principaux facteurs qui ont permis une exploitation rapide et efficace de la variabilité génétique ?

L'utilisation pratique de la variabilité inter-provenances n'exige aucun investissement scientifique supplémentaire ; toute la difficulté réside dans le classement d'un nombre suffisant de peuplements porte-graines nationaux, l'organisation de leur récolte et le contrôle des impor- tations, dans le cadre de réglementations nationales et internationales adaptées.

L'analyse de la variabilité géographique conditionne aussi le choix des « populations- sources ,> pour les sélections individuelles ultérieures, mais là les choses se compliquent.

L'apport de la génétique et la maîtrise des méthodes de sélection

L'exploitation de la variabilité individuelle des arbres forestiers a été rendue possible par le développement massif de l'expérimentation (près de 2 000 ha de tests de descendances et de test clonaux installés en France en moins de 20 ans), et la maîtrise parallèle des méthodes de sélection, de croisement et de multiplication en masse.

Dans cette analyse, l'apport de la génétique et l'appui d'une informatique décentralisée et accessible à tous se sont révélés déterminants.

La génétique quantitative d'abord . Elle constitue le fondement scientifique de nos méthodes de sélection . En l'appliquant à l'analyse de très nombreux tests de descendances, on a pu remplacer les concepts abstraits par des valeurs chiffrées, adaptées à chaque cas particulier et directement utilisables pour prévoir les résultats de la sélection . Les espérances de gains génétiques obtenues par cette méthode et le calcul des gains effectivement réalisés concordent généralement de manière satisfaisante, et renforcent la crédibilité de la méthode.

La génétique des populations étudie les différences de fréquences géniques et leur modification d'une génération à la suivante . Elle n'a été utilisée qu'ensuite par les sélectionneurs forestiers lorsque les progrès de la biochimie ont permis d'accéder à l'étude de la variabilité des caractères biochimiques (terpènes, enzymes) . Elle permet d'évaluer le niveau de consanguinité moyen des populations de départ et de suivre son évolution au fil des générations d'améliora- tion . Comme l'exagération de la consanguinité entraîne une réduction sensible de la vigueur des plantes allogames (dépression de consanguinité), son contrôle s'avère très important . Il est pratiqué a priori en simulant l'effet des différents plans de croisement sur son évolution.

L'utilisation simultanée de plusieurs marqueurs permettrait de vérifier la justesse des pronostics de variation de la consanguinité au fil des générations ; la méthode permettrait aussi de révéler la transformation du profil génétique des variétés sous l'effet des pressions de sélection du milieu (climat, sol, maladies ou insectes).

L'utilisation combinée de la génétique quantitative et de la génétique des populations a surtout permis d'échafauder une théorie de la sélection efficace et parfaitement adaptée à la complexité des problèmes posés par l'amélioration des arbres forestiers sur plusieurs générations.

Les indices de sélection réalisent une combinaison linéaire optimum des valeurs individuelles et familiales des différents caractères, tenant compte des données économiques et des contraintes génétiques (liaisons défavorables entre caractères notamment) pour atteindre les objectifs dévo- lus à la variété (Baradat, 1979) . Dans le même temps, Namkoong (1974) dans le domaine proprement forestier et Gallais (1977) dans celui de l'amélioration des plantes de grande culture

(5)

CONCLUSIONS

popularisaient quelques principes permettant de maximiser le gain génétique sur plusieurs générations (gestion séparée des trois types de population : populations d'amélioration, de production de graines, de production de bois) et de maîtriser l'évolution de la consanguinité (plans de croisement adaptés et contrôle des <' pedigrees » parentaux ; ou création de sous- populations d'amélioration indépendantes, non apparentées par construction, et sélectionnées dans des milieux différents : « sub-lining » ).

Le temps des vergers à graines de semis et les variétés synthétiques

Quelques chercheurs ont eu la clairvoyance et le courage d'appliquer ces théories à la création et à la multiplication en masse des variétés sélectionnées forestières . Pour endiguer la montée des plantations comparatives à réaliser, on a réduit la taille des parcelles unitaires afin de comparer un nombre croissant de descendances sur une même surface, et ainsi délibérement choisi le parti des expérimentations à court terme . Conscients de l'efficacité insuffisante de la sélection phénotypique en forêt (« arbres plus >,) et de l'absence de tests de descendances suffisamment nombreux et âgés pour envisager la création de vergers à graines de clones, ces précurseurs ont tout misé sur les vergers à graines de semis pour l'élaboration d'un programme de première génération de vergers à graines, aujourd'hui pratiquement réalisé (cf . article de Chollet page 74) . C'était un pari courageux : nulle part au monde n'existaient encore de telles surfaces de vergers à graines de semis au moment où la décision fut prise, et l'expérience pratique de la sélection sur indice et de la gestion scientifique de ce type de verger restait à acquérir ; mais c'était aussi un pari lucide : en combinant test de descendances et verger à graines sur la même surface, on coupait au plus court ! Partant des meilleures populations, utilisant les effets additifs des gènes résultant de la pollinisation libre des parents sélectionnés du verger, cette formule apportait sans doute la solution optimale aux problèmes du moment.

Les variétés hybrides

La mise en évidence déjà ancienne de la vigueur hybride, par croisements interspécifiques de Peupliers (hybrides euraméricains de Peupliers noirs, « grisards ,> et Trembles hybrides chez les Peupliers blancs), a montré les avantages possibles de cette voie d'amélioration . L'espoir de gains génétiques rapides et spectaculaires a entraîné la réalisation de très nombreuses hybrida- tions, au niveau interspécifique (Populus, Eucalyptus, Juglans, Alnus, Betula, Prunus, Larix, Ables . . .) ou inter-racial (Picea abies, Pinus pinaster, Pinus nigra . . .) . Bien que l'hétérosis fut souvent au rendez-vous, les nombreux hybrides forestiers obtenus eurent rarement le destin commercial qu'ils méritaient ; la raison en était simple, elle résidait dans la difficulté de pouvoir les multiplier en masse économiquement . Quelques obtentions célèbres firent exception, celles déjà citées concernent les Peupliers, mais aussi des Eucalyptus, des Mélèzes et des Noyers hybrides, sans que les difficultés de multiplication en masse par voie sexuée puissent actuelle- ment donner aux deux derniers hybrides cités une diffusion commerciale suffisante . L'essor des techniques de multiplication végétative, bouturage horticole et culture in vitro, ouvre désormais de nouvelles perspectives . N'en concluons pas prématurément qu'il n'y aura bientôt plus de place que pour les variétés hybrides propagées par voie végétative : il n'y a pas de supériorité systématique des variétés hybrides et les problèmes techniques et réglementaires posés par la multiplication végétative sont encore loin d'être tous maîtrisés.

L'essor commercial de la multiplication végétative

Les techniques de bouturage et de multiplication végétative in vitro ne sont plus l'apanage des instituts de recherche . Pour se limiter à des exemples commerciaux notoirement connus, la plantation d'Épicéas bouturés est en passe de devenir pratique courante en Suède et en Allemagne fédérale (objectif de production annuelle de la société Hilleshôg en Suède : 25 mil-

275 R.F .F . XXXVIII - n° sp . 1986

(6)

lions de boutures) . La multiplication in vitro des plants forestiers concerne le Merisier en France (200 000 plants produits en 1985), le Tremble hybride Astria en Allemagne fédérale . Ces deux techniques débouchent sur des coûts de production encore supérieurs à ceux obtenus à partir des semis en pépinière . Dans le cas de l'Épicéa en Scandinavie, l'énormité du marché potentiel incite à relever le défi commercial . Dans le cas des feuillus précieux, c'est la faible densité de plantation et la perspective de fortes valeurs ajoutées qui amènent le sylviculteur à accepter des prix de vente de plants élevés pour un Merisier multiplié par culture in vitro . Bouturage horticole et propagation in vitro apportent ce qui n'était pas possible jusqu'ici : mettre plus rapidement à la disposition de l'utilisateur forestier, et en très grand nombre, les sélections les plus perfor- mantes . Dans l'état actuel des techniques, la propagation in vitro permet de multiplier commer- cialement peu de clones mais en très grand nombre : elle apparaît bien adaptée à la diffusion de variétés clonales ; le bouturage horticole de son côté convient bien à la « multiplication végéta- tive en vrac » des bons croisements préalablement testés . Cette dernière formule, qui permet de concilier haut niveau de gain génétique et bonnes garanties d'adaptation et de diversité génétique, présente de solides avantages en matière forestière . Faute d'y prendre garde, la puissance des nouvelles méthodes de multiplication permettrait de reboiser des surfaces consi- dérables à partir d'un matériel génétique trop uniforme . Or, que les sylviculteurs ne s'y trompent pas : le label in vitro par exemple n'apporte par lui-même aucune garantie de qualité génétique du matériel multiplié . Pour éviter des déconvenues coûteuses, la diffusion à grande échelle des nouveaux matériels sélectionnés devra avoir été précédée par l'expérimentation et la pré-série commerciale . Si l'utilisation à pleine puissance des nouvelles méthodes de multiplication sup- pose l'utilisation de matériels génétiques préalablement contrôlés, appliquées avec discerne- ment, elles sont aussi des auxiliaires précieux pour le pré-développement rapide des nouvelles variétés . Comparée à une situation antérieure caractérisée par l'utilisation généralisée de maté- riel génétique de qualité incontrôlée ou dangereuse (Prunus cerasus provenant des noyaux de distillerie), la multiplication in vitro d'un nombre suffisant de clones de Merisier, phénotypique- ment sélectionnés mais encore non contrôlés, apporte un progrès indiscutable . Encore faudrait-il ne pas laisser multiplier en trop grand nombre quelques clones, ou procéder à des transferts géographiques contre nature (respect de l'adaptation édaphique ou climatique d'origine) . Entre une réglementation arbitraire, car prématurée, interdisant pratiquement tout développement de la foresterie clonale, et un laxisme coupable, une attitude prudente consisterait à limiter numéri- quement la prolifération des matériels dont l'adaptation et la qualité génétique n'ont pas encore été contrôlées par des tests homologués.

L'explication et la préservation de la variabilité : gestion à long terme des ressources génétiques

• L'approche biométrique et forestière

Le premier en France, Bouvarel dès 1954, a cherché à mettre en relation l'adaptation des populations d'arbres forestiers et les caractéristiques écologiques des lieux d'origine des graines ; ses études sur l'Épicéa en témoignent : augmentation de fréquence des arbres à cime étroite avec l'altitude dans le Jura français, aptitude des provenances des Alpes sèches à germer sur des solutions concentrées en sucre.

Cette approche de génécologie visant à confronter la variabilité génétique inter-raciale et la variabilité écologique qui est censée lui avoir donné naissance, a été illustrée à plusieurs reprises ensuite, notamment sur des conifères méditerranéens.

Les recherches concernant le Pin maritime ont montré la nature adaptative des différences mises en évidence entre races marocaines et landaises . La meilleure résistance à la sécheresse de la race marocaine résulte d'une bonne convergence adaptative de la plupart des caractères analysés : blocage de la transpiration et de la nutrition carbonée durant les heures chaudes des

(7)

CONCLUSIONS

Bouturage en masse d'Epicéa commun, en Suède, dans les pépinières de la

société HilleshOg . Photo M ARBEZ

journées d'été, monocyclisme prédominant et croissance aérienne plus réduite, moindre réponse des performances à une amélioration des conditions d'alimentation, notamment hydrique . Cette caractéristique physiologique de la race marocaine se retrouve jusqu'au niveau cellulaire, son ajustement osmotique est plus efficace : en maintenant des teneurs en potassium supérieures dans le compartiment cytoplasmique, elle parvient à maintenir plus longtemps sa turgescence.

Chez le Cèdre, les différences les plus importantes séparent le Cèdre du Liban et celui de l'Atlas : le premier, soumis aux sécheresses estivales les plus sévères, débourre pratiquement un mois plus tôt, pousse moins vite, possède une répartition entre biomasses racinaire et aérienne plus avantageuse, et démontre une meilleure résistance effective à la sécheresse dans les essais.

Chez les Sapins méditerranéens, les espèces les mieux adaptées à la sécheresse : les Sapins de Cilicie et de Grèce, comptent aussi parmi les plus précoces . Une spécialisation morphologique des provenances les plus xérophiles du Sapin de Grèce (Sud du Péloponèse) a pu être mise en évidence : aiguilles cutinisées et piquantes, nombreux stomates à la face supérieure au voisi- nage de l'apex.

Dans l'ensemble, on fait ressortir une bonne concordance entre le comportement adaptatif des provenances et les conditions écologiques de l'aire naturelle.

Quelques exceptions cependant sont riches d'enseignement ; les Cèdres du Haut-Atlas marocain ne semblent guère plus résistants à la sécheresse que ceux du Moyen-Atlas ; ils ne se régénèrent plus depuis longtemps et sont les témoins d'un climat nettement plus humide, aujourd'hui révolu . Dans cette zone pré-sahélienne, la désertification semble trop récente pour avoir profondément différencié les populations ; tout laisse à penser qu'il n'en irait pas différem- ment du Cyprès des Adjers (Algérie) comparé à d'autres provenances nord-africaines plus côtières de Cyprès sempervirent .

277

R .F.F. xxxYlll - n° sp . 1986

(8)

Dans l'ensemble, cette approche génécologique de la variabilité aura permis de mieux compren- dre les mécanismes de la sélection naturelle, et d'ouvrir la voie à des méthodes d'identification précoce de populations bien adaptées à des conditions difficiles (déficit hydrique estival, gelées tardives . . .).

• L'approche biochimique

L'accès aux marqueurs biochimiques a permis de préciser l'allure des lois de variation des espèces forestières, à l'échelle géographique inter-peuplements, mais aussi à l'échelle indivi- duelle intra-peuplement . Anciennement formulée à partir de considérations sur la dissémination à distance limitée du pollen et des graines, l'hypothèse des cercles d'apparentement en forêt naturelle a déjà été vérifiée plusieurs fois chez les conifères, en utilisant les isozymes (Épicéa commun, Cryptomeria, Pin ponderosa . . .) . Dans quelques cas particuliers relatifs à des espèces anémophiles tempérées, on dispose d'une mesure de l'erreur commise en admettant que les croisements s'effectuent rigoureusement au hasard . C'est important, puisque la connaissance du système de reproduction conditionne notamment l'utilisation qu'il convient de faire des paramè- tres génétiques calculés à partir des comparaisons de descendances maternelles récoltées en forêt . Les espèces feuillues, anémophiles ou entomophiles, sont généralement plus mal connues, notamment en forêt tropicale . Il existe cependant quelques études récentes sur le sujet (Termi- nalia, Coffea . . .) . Les marqueurs moléculaires permettent aussi de chiffrer la diversité allélique et la consanguinité moyenne des populations : c'est intéressant pour tenter de reconstituer l'his- toire génétique et les migrations d'une espèce ; de manière plus utilitaire la méthode permet aussi d'attribuer aux populations leur vraie valeur génétique en tenant compte de la dépression de consanguinité dont elles peuvent être affectées . L'accès à la connaissance du régime de reproduction des populations forestières peut aussi se révéler très utile pour contrôler l'impact génétique des méthodes traditionnelles de régénération naturelle, dans le cas des grands feuillus sociaux notamment (Hêtre, Chêne) et si nécessaire améliorer ces méthodes . Enfin, le contrôle du régime de reproduction peut se montrer très précieux dans les vergers à graines pour garantir la qualité génétique de la graine produite, ou éventuellement mesurer l'efficacité des opérations de complémentation pollinique.

• Préservation et gestion à long terme de la variabilité génétique forestière

Les ancêtres sauvages de la plupart de nos plantes de grande culture, soit ont aujourd'hui disparu, soit se sont vus privés de la majeure partie de leur variabilité génétique originelle . Du strict point de vue utilitaire, c'est souvent très gênant pour le sélectionneur, à la recherche de gènes d'adaptation ou de résistances à certaines maladies que possédaient les espèces- ancêtres . Nul ne sait de quoi demain sera fait : la préservation a priori de la diversité génétique des espèces forestières est une garantie de leur pérennité . C'est à la fois un devoir vis-à-vis des générations futures, et pour le sélectionneur une générosité intéressée : pour être en mesure de maximiser ses gains génétiques à très long terme, il lui faut recenser, préserver et gérer méthodiquement la variabilité génétique naturelle.

Même en comptabilisant l'apport des espèces forestières exotiques, notre richesse floristique s'amenuise, l'abandon du taillis-sous-futaie pour la futaie et de la régénération naturelle pour la plantation débouche sur une réduction du nombre des espèces . Les opérations de reboisement sont d'ailleurs concentrées sur les espèces jugées les plus productives (Douglas, Épicéa et Pin laricio représentent plus des deux tiers de notre production de plants forestiers résineux), et pour une espèce donnée sur les provenances les plus performantes . À long terme, cette démarche n'est acceptable qu'accompagnée de mesures conservatoires à l'endroit des espèces menacées d'appauvrissement .

(9)

CONCLUSIONS

Les programmes modernes d'amélioration tiennent compte de ces préoccupations et assurent le plus souvent la conservation ex situ de la diversité génétique des espèces qu'ils concernent.

Des programmes de conservation in situ des populations les plus représentatives de ces mêmes espèces sont à l'étude . II faudrait pouvoir les étendre aux espèces forestières secondaires, ne faisant encore l'objet d'aucun programme d'amélioration et par conséquent d'aucune mesure de conservation ex situ, et de surcroît pratiquement inconnues sur le plan génétique.

Les marqueurs biochimiques peuvent apporter une aide précieuse pour la solution de ces problèmes, en contribuant à mieux décrire et à mieux échantillonner la variabilité génétique, tant au niveau intra- qu'inter-population.

L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE FORESTIER

Au même titre que l'évolution rapide des connaissances scientifiques et techniques, les nou- velles tendances du reboisement et de la gestion forestière contribuent à expliquer le chemin parcouru depuis vingt ans dans le domaine de l'amélioration génétique des arbres forestiers.

L'intensification a pesé à trois niveaux : la pépinière, le reboisement, la gestion sylvicole . Le renchérissement continu de la main d'oeuvre et des services, et la raréfaction des ouvriers forestiers, ont influencé fortement les décisions prises aux trois niveaux . Les petites pépinières disparaissent : la recherche de la rentabilité amène à moderniser, mécaniser et augmenter la surface unitaire de pépinières forestières . L'utilisation des normes de dimensions et de qualité extérieure des plants, imposées par le Fonds forestier national a certainement incité les pépinié- ristes à améliorer leurs techniques culturales et à utiliser des provenances de bonne vigueur initiale . Certains progrès ont résulté du transfert de techniques utilisées d'abord par les pépinié- ristes d'ornement (conteneurs, semis sous serre, bouturage sous brouillard . . .) . L'application de ces techniques sophistiquées appelle évidemment une amélioration parallèle de la qualité génétique du matériel végétal susceptible de les mieux valoriser . Dans le même temps le reboisement a lui aussi évolué : régression constante de la régénération naturelle au profit de la plantation, intensification des techniques de plantation (travail du sol, éventuellement plants en conteneurs, engrais, phytocides . . .), réduction du nombre des espèces de reboisement résineuses de première importance (Douglas, Épicéa, Pin maritime, Pin laricio) et augmentation spectacu- laire du reboisement feuillu (Chêne, Hêtre, feuillus précieux), réduction rapide des densités de plantation à l'hectare.

Enfin la sylviculture se simplifie : on cherche à réduire le coût des premières opérations d'entretien et cette contrainte permanente favorise fortement les espèces à croissance initiale

rapide (Chêne rouge contre Chênes indigènes, Douglas contre Sapin à moyenne altitude, Cèdre contre Sapin de Grèce en zone méditerranéenne . . .) . Le nombre des dépressages (Pin maritime) et des éclaircies diminue, il devient donc de plus en plus difficile au sylviculteur de corriger la mauvaise qualité éventuelle du matériel génétique utilisé (défaut de forme ou d'adaptation notamment).

L'incitation des sylviculteurs à utiliser des variétés de reboisement de valeur génétique améliorée a suivi deux voies complémentaires : la vulgarisation et la réglementation.

Les actions de vulgarisation engagées par l'I .D .F ., les C .R .P .F ., le C .E .M .A.G .R .E .F . et l'O .N .F.

ont très rapidement fait connaître les schémas de variabilité géographique des principales espèces, et le nom des meilleures provenances à utiliser en reboisement.

L'adoption de la Loi de 1971 sur l'amélioration de la qualité génétique des matériels forestiers de reproduction a marqué un progrès certain en n'autorisant plus en reboisement que l'utilisa- tion de matériels sélectionnés récoltés sur peuplements porte-graines phénotypiquement clas-

sés, ou de matériels contrôlés ayant préalablement fait la preuve de leur supériorité génétique

279

R .F.F. xxxVlll - n° sp . 1986

(10)

en expérimentation et généralement multipliés en masse par voie sexuée (vergers à graines) ou végétative (bouturage horticole ou multiplication in vitro) . Des dérogations sont accordées en tant que de besoin, notamment pour l'importation de graines d'origine étrangère pour des espèces et des provenances dont nous sommes demandeurs (Douglas des bonnes zones d'origine de l'État de Washington, Épicéa du Nord-Est, du Centre et du Sud de la Pologne . . .).

Cette législation et les contrôles qui l'accompagnent incitent à mettre au point des tests variétaux permettant d'authentifier sans contestation possible l'origine des lots de graines et de plants forestiers . De telles mesures sont déjà pratiquement opérationnelles chez le Pin maritime pour faire la discrimination entre origine landaise et origines ibériques notamment, bien que cette espèce soit en dehors du champ d'application de la Loi de 1971 . Les conséquences très positives de cette loi sont suffisamment reconnues par tous pour qu'il soit possible d'en regretter certaines insuffisances . Tout l'effort concerne l'origine et la qualité génétique des variétés utilisées en reboisement ; mais le lieu et les conditions d'utilisation sont laissés à l'appréciation du sylviculteur . Rien n'interdit d'utiliser le Sapin de l'Aude en Normandie ou le Chêne de l'Adour à Tronçais . Outre, le fait qu'une valeur génétique améliorée n'a de sens que dans une gamme environnementale donnée, il est également surprenant de constater qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne s'oppose encore à l'abâtardissement de nos ressources génétiques forestières les plus prestigieuses.

PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION À MOYEN TERME

L'analyse des perspectives d'évolution à moyen terme de l'amélioration des arbres forestiers résulte des développements attendus dans trois domaines complémentaires : les sciences et les techniques sylvicoles, l'environnement socio-économique, et les structures et les moyens de la recherche et du développement forestier.

Les sciences et les techniques

Les sciences et les techniques progressent à un rythme accéléré et modifient continuellement l'éventail de nos possibilités . Les délais d'application pratique et les moyens financiers néces- saires jouent alors un rôle prépondérant pour situer la frontière d'aujourd'hui entre le rêve et la réalité.

On peut penser qu'à l'avenir l'amélioration associera de plus en plus étroitement physiologie et génétique, d'autant que le progrès des biotechnologies réduit un peu plus chaque jour la distance séparant les deux disciplines.

En physiologie, l'approche biochimique permettra de faire progresser méthodiquement les con- naissances dans les deux domaines prometteurs pour l'amélioration : le génie de la multiplica- tion végétative, et celui de la reproduction sexuée.

L'analyse logique des facteurs physiques et biologiques (substances de croissance notamment) de la culture in vitro permettra d'appliquer la technique à un nombre croissant d'espèces forestières tempérées et tropicales . On peut penser que les difficultés rencontrées actuellement en matière d'âge physiologique des implants seront de plus en plus souvent surmontées . Le passage de la culture du bourgeon à la culture de méristème et à l'embryogénèse somatique y contribuera . Cette dernière technique passe systématiquement par un stade différencié (cal, culture cellulaire) et ouvre de nouvelles perspectives : culture en fermenteur, robotisation des opérations de transfert et de repiquage, enrobage des embryons obtenus in vitro et création de semences artificielles » . De tels progrès sont potentiellement en mesure de réduire les coûts de production de l'in vitro (65 % de main d ' oeuvre aujourd'hui d'après le rapport Dattee) et d'en ouvrir progressivement les portes à de nouvelles espèces forestières . La pratique généralisée des tests clonaux (en forêt et in vitro) nous permettra de progresser en matière de sélection

(11)

CONCLUSIONS

pour les résistances aux maladies . Moins spectaculaires, les techniques de bouturage horticole n'en continueront pas moins à progresser et à contribuer très directement à la multiplication en masse des nouvelles variétés améliorées.

Les progrès prévisibles dans le domaine du génie de la reproduction sexuée aideront à mieux maîtriser l'induction florale précoce (ce serait déterminant pour des espèces forestières à floraison tardive comme l'Épicéa commun), à surmonter les barrières d'incompatibilité de croise- ment, et à réaliser de nouveaux hybrides plus productifs (dans le genre Populus notamment), à comprendre et maîtriser certaines anomalies comme la polyembryonie et l'apomixie (reproduc- tion conforme par graine sans fécondation).

En génétique, on peut prévoir un perfectionnement continu des techniques de marquage du génome : électrophorèse mono- et bi-dimensionnelle des protéines, terpènes, enzymes de res- triction de l'A .D .N . Ces techniques seront directement utilisables pour comprendre la structure génétique des populations et leur système de reproduction, et remplacer l'empirisme actuel par des propositions raisonnées d'amélioration et de conservation des espèces forestières . Nos procédures d'échantillonnage des races et des individus (consanguinité de position en forêt naturelle), de sélection (correction du biais résultant de différences dans les niveaux moyens de consanguinité des populations), de croisements (complémentarités inter-raciales) et de contrôles variétaux, devraient s'en trouver plus efficaces . Le progrès des techniques (électrophorèse bi- dimensionnelle des protéines, A .D .N .) offrira sans doute de nouvelles possibilités en matière de tests précoces de la croissance (prévision de la vigueur hybride notamment) et des résistances (maladies et insectes).

Une analyse causale des nombreuses corrélations génétiques défavorables (vigueur-densité du bois chez l'Épicéa, vigueur-rectitude chez le Pin maritime . . .) et la recherche de méthodes de sélection permettant de les transgresser, réduirait l'un des obstacles importants encore insur- montable aujourd'hui.

Sans vouloir en minimiser l'avenir, les applications pratiqUes du génie génétique à l'amélioration des arbres forestiers ne sont à court terme ni possibles, ni même souhaitables, pour quelques raisons évidentes :

— II n'est pas encore possible de régénérer un arbre à partir d'une culture de cellules ou de protoplastes (comme on le fait couramment pour le tabac ou la carotte) . Mais on peut utiliser des techniques de transfert de gènes praticables au stade de l'embryon, comme cela pourrait être le cas avec les plasmides d'Agrobacterium rhizogenes.

— Les arbres comptent parmi les organismes vivants les plus longévifs et l'expression de l'ensemble du génome nécessite plusieurs décennies ; ce délai reste nécessaire pour vérifier que la modification d'un gène n'a pas affecté le reste du génome.

— On peut techniquement et économiquement envisager de modifier un ou quelques gènes sur un génome déjà très amélioré d'une plante de grande culture, il ne semble guère envisagea- ble d'entreprendre la même opération sur une variété forestière :

- les objectifs prioritaires des sélectionneurs forestiers concernent des caractères polygéniques, - pour des raisons évidentes de rusticité, nos variétés forestières sont caractérisées par leur diversité génétique, elles sont au mieux polyclonales,

- la domestication tardive des arbres forestiers fait que le niveau d'amélioration reste encore modeste et ne justifie pas de manipulation génétique aussi coûteuse,

- le renouvellement des peuplements forestiers n'intervient guère que tous les soixante ans en moyenne, et le marché des semences forestières ne sera jamais aussi lucratif que celui des semences de plantes de grande culture ou de plantes potagères . ..

Elles ne sont pas souhaitables prématurément : indépendamment du risque adaptatif de la sylviculture monoclonale, avec les biotechnologies le pouvoir change de main, il devient l'apa-

281

R .F .F . XXXVIII - n° sp. 1986

(12)

nage de puissants groupes financiers, seuls capables de prendre les risques et de faire les investissements inhérents aux biotechnologies . La concurrence disparaît et l'uniformité devient la règle : on propage en masse un petit nombre de clones plantés partout ; à la limite, on livre un clone et son mode d'emploi, on vend par la même occasion les engrais et les phytocides sélectifs qui vont avec (génotypes résistants aux herbicides) !

L'évolution des techniques peut aussi bouleverser rapidement les procédures de multiplication en masse par voie sexuée ou végétative : le forçage des pieds-mères en pots sous serre breeding house », la répétition des croisements contrôlés ayant préalablement démontré leur supériorité dans les tests de descendances et la multiplication végétative en vrac (sans identifi- cation des familles) remplaceront peut-être avantageusement nos concepts traditionnels de verger à graines et de variétés clonales.

L'environnement socio-économique et sylvicole

La surproduction agricole des pays européens condamne les agriculteurs de la Communauté à modifier leurs habitudes de production : exporter plus, transformer une partie de leur production à des fins non alimentaires (chimie des carburants et des matières plastiques), convertir une partie des surfaces à la production du bois (d'aucuns parlent du reboisement de 2 à 3 millions d'hectares supplémentaires en France) . La fertilité de ces terres et l'état d'esprit productiviste des agriculteurs devraient amener à en consacrer une partie notable à des cultures intensives d'arbres (ou lignicultures).

La productivité des reboisements réalisés depuis la dernière guerre avec l'aide du F .F .N.

(Douglas, Épicéa, Pin maritime et Pin laricio) réduit progressivement notre déficit quantitatif, et oriente la demande ultérieure vers l'amélioration de la qualité . Cette tendance pèse évidemment sur les objectifs de sélection, et renforce les choix faits en faveur de l'amélioration des qualités du bois.

La recherche d'une rentabilité accrue des nouveaux reboisements accentuera encore les ten- dances actuelles (mécanisation des opérations de plantation, d'entretien et de récolte ; réduction du nombre de ces interventions) et obligera à rechercher la combinaison optimale de la variété améliorée et de sa sylviculture, comme l'agriculture l'a fait il y a déjà un demi-siècle avec le maïs . Cette artificialisation croissante de la foresterie, du moins dans les zones écologiquement et économiquement les plus favorables, conduira à utiliser des variétés hautement productives, de plus en plus sélectionnées, avec, pour contrepoids nécessaire, des mesures de conservation des ressources génétiques forestières naturelles.

Le champ d'application de la Loi de 1971 devrait être progressivement étendu à toutes les grandes espèces de reboisement, pour autoriser un contrôle efficace des récoltes et mieux

garantir l'origine et la qualité génétique des semences et des plants forestiers . Dans le même temps, une réflexion est conduite sur les aspects techniques et réglementaires de la foresterie clonale, et sur les mesures concrètes de préservation de nos ressources génétiques forestières majeures.

Structures et moyens de recherche et de développement

Les principaux obstacles au développement continu de l'amélioration des arbres forestiers ne sont pas de nature scientifique, ils résultent des moyens et des structures de la recherche et du développement dans ce domaine.

II ne faut pas imaginer que toutes les espèces forestières seront un jour justiciables de grands programmes de sélection et de croisements du type de ceux engagés en France sur Pin maritime, Peuplier, Douglas, Épicéa ou même Pin laricio et Mélèze . Certes de nouvelles espèces feront un jour l'objet de tels programmes . Mais le nombre des chercheurs engagés par les

(13)

CONCLUSIONS

différents organismes français sur l'amélioration de l'ensemble des espèces tempérées ne pourra pas croître de manière illimitée ; au mieux, il doublera dans les vingt prochaines années . Pour éviter de renforcer encore la tendance à la réduction du nombre des espèces utilisées en reboisement, notre ambition reste cependant de pouvoir consacrer des efforts modestes mais suffisants à la plupart des espèces mineures, jugées aujourd'hui non dignes d'intérêt, pour offrir au reboiseur un matériel suffisamment sélectionné pour demeurer attractif ; tel pourrait être le cas des Érables, des Frênes, des Bouleaux et de très nombreux feuillus disséminés (Alisier, Sorbier . . .) . L'acquisition de ces connaissances génétiques minimales permettra d'autre part de préserver l'essentiel de la diversité génétique de ces espèces.

Comparée à celle qui existe dans d'autres pays, la situation de l'amélioration des arbres forestiers en France peut paraître plus favorable par certains de ses aspects, notamment par l'existence d'une coordination entre organismes nationaux de recherche et de développement.

Mais pour atteindre les objectifs fixés, il devient nécessaire d'élargir le cadre des coopérations actuelles et de garantir une croissance suffisante des effectifs et des moyens consacrés à la création, l'évaluation et la diffusion des variétés forestières améliorées . La sévérité croissante des évaluations scientifiques auxquelles ils sont soumis ne doit pas inciter les chercheurs de l'I .N .R .A . à oublier la finalité de leur travail, et la mission prioritaire de recherche orientée de l'Institut . Le potentiel de recherche de base doit être accru par des actions concertées bien choisies avec le C .N .R .S ., les Universités, et l'aval, y compris une participation plus étroite des organismes techniques (O .N .F ., I .D .F .) et professionnels (marchands grainiers et pépiniéristes forestiers), capables de démultiplier l'expérimentation et d'accélérer la valorisation des résultats.

Des progrès rapides peuvent être acquis dans la décennie à venir en organisant la multiplication et le pré-développement de nombreuses variétés en cours de création . Citons entre autres la deuxième génération de variétés améliorées de Pin maritime, les hybrides de Mélèze, de Noyer et de Tremble, les variétés clonales d'Épicéa, d'Épicéa de Sitka, de Chêne rouge et de Tulipier.

CONCLUSIONS

Comparée à celle des plantes cultivées à des fins alimentaires, la « domestication » des arbres forestiers est encore très récente et très partielle . L'exemple de l'agriculture est une référence utile ; il ne doit pas faire oublier l'originalité réelle du contexte biologique et économique forestier, et l'importance de l'enjeu écologique en cause.

Les progrès des vingt dernières années ont été rapides et simples à valoriser ; pour l'essentiel encore ils débouchent sur la sélection des provenances et la production en vergers à graines de variétés synthétiques à large base génétique . Pour les décennies à venir, nous voulons continuer à faire progresser de pair l'amélioration et la préservation à long terme des ressources généti- ques forestières.

Objectif ambitieux.

Il faut pour cela identifier sans erreur les orientations scientifiques et techniques les plus prometteuses, mais aussi organiser et mettre en place les structures et les financements d'une croissance continue de la recherche et du développement dans ce domaine.

Le foisonnement actuel de la recherche scientifique et technique offre en permanence de nouvelles possibilités . Le bon choix n'est guère facile pour séparer l'accessoire de l'essentiel . Le marquage et l'évaluation précoce du génome, le génie de la reproduction sexuée (levée d'incom- patibilité des croisements interspécifiques notamment) et de la multiplication végétative (embryo- génèse somatique en particulier) progressent à vive allure . Ils permettront de créer de nouveaux hybrides, et de les multiplier en masse .

283

R .F .F . xxxVIlI - n° sp. 1986

(14)

Mais le perfectionnement des techniques ne dispensera jamais d'une réflexion approfondie sur les modalités optimales de leur utilisation . La recherche des méthodes de sélection et de recombinaison, seule apte à valoriser les progrès techniques les plus récents, continuera d'imposer sa primauté . Même si les biotechnologies sont capables d'en accroître l'efficacité immédiate, la génétique quantitative et la génétique des populations resteront le plus sûr garant d'un progrès génétique continu sur plusieurs générations.

Beaucoup reste à faire : surmonter les obstacles actuels, et mobiliser de nouvelles énergies ; dépasser le cadre des évaluations scientifiques à court terme et continuer à intéresser des laboratoires fondamentaux à la génétique et à la physiologie des arbres forestiers ; obtenir que les principaux bénéficiaires de la recherche (O .N .F ., forêt privée) participent plus activement aux progrès de l'expérimentation et du pré-développement des nouvelles variétés améliorées ; asso- cier plus étroitement les marchands grainiers et pépiniéristes forestiers à la diffusion du progrès génétique ; utiliser l'enseignement forestier et la formation continue pour faire sortir la génétique

des laboratoires, convaincre les forestiers de terrain de ses implications sylvicoles, et de leur responsabilité vis-à-vis des générations futures en matière de gestion raisonnable des res- sources génétiques qui leur sont confiées.

L'avenir de l'amélioration des arbres forestiers en France dépend de l'évolution de la politique de recherche, de celle de la politique forestière (elle-même liée à l'évolution structurelle du marché du bois), du devenir des politiques agricoles communautaire et nationale . En revanche, la démonstration de gains génétiques importants devrait influer de façon positive sur la politique forestière .

M . ARBEZ

Responsable du programme Génétique et Amélioration des arbres forestiers

INSTITUT NATIONAL DE LA RECHERCHE AGRONOMIQUE PIERROTON

33610 CESTAS

BIBLIOGRAPHIE

ARBEZ (M .) . — L'avenir des forêts dépend d'une gestion raisonnée de leurs ressources génétiques . — Symposium I .U .F .R .O . « Impacts de l'homme sur la forêt Strasbourg, 1984 . — 17 p . — Versailles : Institut national de la Recherche Agronomique, 1984.

BARADAT (Ph .), BERNARD DAGAN (C .) et coll . — Les terpènes du Pin maritime : aspects biologiques et génétiques . Il Hérédité de la teneur en monoterpènes . — Annales des Sciences forestières, vol . 29, n° 3, 1972, pp . 307-334.

BOUVAREL (P .) . — Variabilité de l'Épicéa (Picea excelsa Link .) dans le Jura français . Répartition et caractères des divers types . — Revue forestière française, n° 2, 1954, pp . 86-98.

BRUNEL (D .), RODOLPHE (F .) . — Genetic neighbourhood structure in a population of Picea abies L . — Theorical and Applied Genetics, vol . 71, 1985, pp . 101-110.

BUREAU DES RESSOURCES GENETIQUES . — État des ressources génétiques forestières en cours d'évalua- tion ou d'amélioration . Situation française 1985 (sous presse).

GALLAIS (A .) . — Amélioration des populations, méthode de sélection et création de variétés . I Synthèse sur les problèmes généraux et sur les bases théoriques pour la sélection récurrente intra-population . — Annales de l'Amélioration des Plantes, vol . 27, n° 3, 1977.

Références

Documents relatifs

La nouvelle station du Rheu dispose d’équipements de phénotypage performants (DAC avec plateaux de pesée, possibilité d’utiliser un tomographe…) et a vocation

Les calculs d’optimisation sont effectués à toutes les phases du schéma de sélection, c’est-à-dire au moment de la procréation des jeunes taureaux (phase “amont”), de la mise

On examine ensuite les performances de tous les accouplements possibles à la fois en terme de parenté moyenne 2 à 2 (dans la population des futurs individus et des taureaux en cours

De fait, si le critère de sélection est la vitesse de croissance, l’animal a besoin de cet environnement optimal pour exprimer son potentiel de croissance, particulièrement pour

Dans le cas d’une expérience de sélection pour le nombre d’oeufs chez la poule, la sélection est toujours efficace après 30 générations.. Il existe différentes

populations d’effectif petit (moins de 100 reproducteurs efficaces) il semble qu’un marquage peu dense mais uniformément réparti (3 marqueurs pour 100 centimorgans)

des intermédiaires entre les paramètres et variables de décision d’une part, les variables d’état et la fonc- tion objectif d’autre part. Ainsi sont

NIVEAU DE DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE INTRAPOPULATION Les généticiens des populations et les généticiens quantitatifs utilisent des para- mètres différents pour estimer la