HAL Id: hal-00894058
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00894058
Submitted on 1 Jan 1994
HAL is a multi-disciplinary open access
archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.
Diversité génétique et variabilité des caractères phénotypiques chez les arbres forestiers
A Kremer
To cite this version:
A Kremer. Diversité génétique et variabilité des caractères phénotypiques chez les arbres forestiers.
Genetics Selection Evolution, BioMed Central, 1994, 26 (Suppl1), pp.105s-123s. �hal-00894058�
Article original
Diversité génétique et variabilité des caractères phénotypiques
chez les arbres forestiers
A Kremer
Institut national de recherche agronomique, Laboratoire de génétique
et d’amélioration des arbres forestiers, Pierroton, BP 45, 33611 Gazinet Cedex, Prance
Résumé - Une revue des résultats obtenus sur le niveau et l’organisation du polymor- phisme génétique au sein des arbres forestiers est faite dans cette contribution. Elle s’at- tache à comparer les valeurs de la diversité moléculaire, principalement isoenzymatique
(richesse
allélique, diversité de Nei, coefficient de différentiation entrepopulations)
à lavariabilité génétique de caractères quantitatifs
(héritabilité,
coefficient de variation généti-que, coefficient de
différenciation).
Les définitions et les relations entre les différents pa- ramètres sont données en exergue. En moyenne, les espèces forestières manifestent des niveaux de diversité intrapopulation très élevés par rapport aux autres plantes. Les popu- lations sont très différenciées pour les composantes et la phénologie de la croissance, lescaractères liés à la structure de l’arbre
(forme
etarchitecture). À
l’opposé, les différences de fréquences alléliques entre populations restent toujours très faibles, alors qu’au niveaumultilocus une structuration géographique se dessine. Les niveaux de diversité et de varia- bilité atteints dans les populations sont interprétés à la lumière des tailles de population
nécessaires à leur maintien : il est montré qu’une variation parallèle entre niveaux de diver-
sité et de variabilité ne peut être observée que si les populations ont connu une réduction
de leur taille à moins de quelques centaines d’individus. La concordance entre structura- tion de la diversité moléculaire et organisation de la variabilité génétique, observée dans les études faites sur l’ensemble de l’aire de répartition d’une espèce, résulte plutôt d’événe-
ments évolutifs anciens
(bottlenecks,
séparation des pools génétiques dans les populationsrefuges)
que des effets récents et convergents de la sélection naturelle. Enfin ces résultats sont discutés dans le cadre d’une définition d’une politique de conservation des ressourcesgénétiques forestières.
diversité génétique / variabilité génétique / différenciation génétique / arbre fores- tier / conservation des ressources génétiques
Summary - Genetic diversity and phenotypic variability of forest trees. This paper presents a review of results available on levels and distribution of polymorphism
in forest trees. A comparison is made between parameters referring to genetic markers
(allelic
richness, gene diversity and genetic differentiationcoefficient)
and those addressing quantitative characters(heritability,
coefficient of genetic variation anddifferentiation).
Definitions and relationships between the different parameters are outlined. It is shown that forest trees exhibit higher levels of gene diversity than other plants. Populations are highly differentiated for traits related to
growth
and phenology, whereas allelic frequencies of gene markers show low variation among populations. Levels of diversity and variabi-lity are interpreted in relation to the population sizes necessary for their maintenance.
Concordance between levels of diversity and
variability
is only expected when populationsizes have been reduced to less than a few hundreds in their recent evolutionary history. In
a wide range of studies of diversity and variability, similar trends of variation were found for quantitative traits and marker genes. These were attributed to evolutionary footprints
(related
to glacialrefugia),
rather than to recent and convergent selective pressures. These results are discussed in the framework of a policy for gene conservation of forest trees.genetic diversity / genetic variability / genetic differentiation / forest tree / conser-
vation of genetic resources
INTRODUCTION
Toute
politique
de conservation des ressourcesgénétiques
nécessite unedescrip-
tion aussi exhaustive que
possible
de la diversitégénétique
dans lespopulations
actuelles. Elle
s’appuie
aussi sur les mécanismes d’évolution de la diversité et surleurs incidences sur le maintien de la diversité. La
description
repose sur 2 notionscomplémentaires : 1)
le niveau de diversité à l’intérieur despopulations,
et2) l’orga-
nisation de la diversité sur un ensemble de
populations
au sein d’uneespèce
donnée.L’objectif
de cette contribution est de faire lepoint
sur ces 2 notions chez les arbresforestiers,
dont onrappellera
enpréambule
leur évolution récente. Elles’inspire,
en-tre autres, des travaux
présentés
à 2congrès
récents(Müller-Starck
etZiehe, 1991 ;
Adams etal, 1992), qui
visaient à faire lasynthèse
sur lesacquis
obtenus par lagénétique
despopulations
des arbres forestiers.Le
premier
écueil de cetteentreprise
se résume à laquestion
suivante :quelle
diversité utiliser ?
Historiquement,
lesgénéticiens
forestiers se sont surtout intéressés à ladescription
de la variabilitéintraspécifique
de caractèresquantitatifs
liésà
l’adaptation,
la croissance, laqualité
de l’arbre(Wright, 1976).
Les études depolymorphisme génétique
basées sur lesallozymes
se sontdéveloppées plus
récemment
(Conkle, 1981).
L’un desobjectifs
de cette contribution est de confronterces 2
approches :
d’une part enexplicitant
et en comparant lesparamètres
génétiques
relatifs àchaque outil,
d’autre part en confrontant les résultats obtenus par les 2 méthodes. Cette comparaison permet dedégager
des éléments àprendre
en compte pour la définition d’unepolitique
de conservation des ressourcesgénétiques.
ÉVOLUTION
DESESPÈCES FORESTIÈRES :
RAPPEL
HISTORIQUE
ET SITUATION ACTUELLE Histoire despopulations
forestières en zonetempérée
Malgré
leurorigine
très ancienne, larépartition
actuelle des formations forestières dansl’hémisphère
nord résulte d’une histoire récente.L’origine
des conifères re-monte à 200 millions d’années alors que celle des feuillus date de 100 millions d’années
(Thomas
etSpicer, 1987).
Cesgrands
groupes ont connu une différen-tiation
spécifique importante
au cours de l’Eocène(—54
à -37 millionsd’années) quand
les zonestempérées
actuelles connurent des climatstropicaux.
Durant l’Oli-gocène,
sous l’influence d’unrefroidissement,
les formations boréales ettempérées
connurent à leur tour une
spéciation importante
en colonisant les zonestempérées actuelles;
c’est lapériode
au cours delaquelle
laplupart
desespèces
feuillues ac-tuelles se différencièrent.
La succession de
périodes glaciaires
etinterglaciaires
au cours duquaternaire
se traduisit par desmigrations
degrande amplitude ;
lesespèces
furentrepoussées
versles latitudes méridionales durant les
périodes glaciaires
et recolonisèrentl’Europe, l’Amérique
du Nord et l’Asie au cours despériodes interglaciaires.
Laprésence
de barrières
géographiques
enEurope (Chaîne alpine
etMéditerranée)
a conduità l’élimination de nombreuses
espèces
sur le continenteuropéen principalement
au cours des
premières glaciations (—2,4
à-1,7
millionsd’années).
Lamajorité
des genres était
représentée
par desespèces
sur les 3 continents del’hémisphère
Nord à la fin du Tertiaire.
À
l’heureactuelle,
la flore forestièreligneuse européenne
est
beaucoup plus
pauvre en genres et enespèces qu’en Amérique
du Nord.Les
statistiques
montrentqu’il
existe au Nord desAlpes
5espèces
résineuses et 45espèces
feuillues. Ces chiffres sontrespectivement
de 23 et 148 enAmérique
duNord pour des latitudes
analogues (Turner, 1993)
La
glaciation
laplus
récente remonte à -18 000 ans;depuis,
les formations forestières ontprogressivement
recolonisé lesparties septentrionales
etnordiques
de
l’Europe.
Les donnéespalynologiques
montrent que lamigration
s’est faiterapidement,
500 m par an dans le cas des chênes(Huntley
etBirks, 1983).
Cesdonnées
historiques suggèrent
que la diversitégénétique
dans lespopulations
actuelles a fortement été influencée par 2 facteurs :
- le nombre limité de
populations refuges
dans le Sud del’Europe (Espagne, Italie, Grèce, Turquie)
et certaines zones sous influenceocéanique,
àpartir desquelles
larecolonisation s’est faite
plus
encore que lenombre,
la taille de cespopulations
adû
largement
moduler la diversitégénétique ;
la restauration dupolymorphisme,
consécutive à une expansion
démographique
àpartir
d’effectifs initiauxlimités,
ne peut se faire
qu’à
l’issue deplusieurs
centaines degénérations (Lande
etBarrowclough, 1987) ;
- la relative
jeunesse
des formations forestières du Nord del’Europe;
pour desespèces
trèslongévives, qui
par ailleurs sereproduisent végétativement
parrejets
desouche,
le nombre degénérations depuis
la dernièreglaciation
n’estguère supérieur
à 100. Pour de nombreuxparamètres génétiques (diversité
etdifférenciation
génétique),
les valeursasymptotiques
résultant del’équilibre
entreles différents facteurs d’évolution
(mutation, dérive, migration)
n’ont pas encoreété atteintes.
Effets limités de la domestication
(Bary-Lenger
etNebout,
1993;Duby
etWallon, 1975)
Même si les forêts ont été
exploitées
par l’hommedepuis
le début de notre ère pourses besoins
domestiques (pâturage,
panage,essartage)
ou industriels(production
debois pour les
forges,
lamarine,
lasidérurgie,
laconstruction),
cespratiques
n’ontsans doute pas modifié de manière
significative
le niveau et l’évolution de la diversitégénétique
des arbres forestiers.L’introduction de la
sylviculture
remonte au XIIe siècle et a surtout été déve-loppée depuis
le XVIe siècle. Elle a conduit à définir desrègles
culturales encoreutilisées
aujourd’hui,
visant notamment à assurer le renouvellement des forêts parrégénération
naturelleaprès
sélectionphénotypique
des semenciers. L’introduction de la sélectionphénotypique
dans lasylviculture
n’a faitqu’accentuer
la sélection naturelle elle-même. A titred’exemple,
les éclaircies effectuées dans les chênaies visaient essentiellement à éliminer les arbres les moins bienconformés,
dont lehouppier occupait l’étage
dominé(éclaircies
par lebas).
Deplus
cespratiques
n’ont finalement concerné que 3 à 5générations
pour lesespèces
lesplus longévives.
Les transferts de
populations autochtones, déjà pratiqués
au siècle dernier pour lechêne,
et l’introductiond’espèces exotiques
ont été trèslargement répandus
aucours des 50 dernières années. Plus de 2 millions d’hectares de forêt ont ainsi été constitués en France entre 1950 et 1980 à
partir
deplantations d’espèces
résineuses.Cette vague de reboisement s’est étendue aux
espèces
feuillues(chênes, hêtre,
merisier, peuplier) plus
récemment. Lesconséquences génétiques
de cespratiques
récentes(«pollutions» génétiques
despopulations locales, adaptation
desespèces introduites...)
peuvent difficilement êtreappréciées
à l’heure actuelle faute de recul suffisant.Il résulte de cette
analyse, qu’au plan génétique,
les forêtseuropéennes
actuelles peuvent être classées en 2grands
ensembles :- les formations
d’origine autochtone,
résultant des successions derégénérations
naturelles aidées ou non par l’intervention
humaine;
ils’agit principalement
des forêts feuillues de
plaine
constituéesd’espèces
àlongue
rotation(chênaie, hêtraie),
des forêts feuillues ou résineusesd’altitude;
- les formations issues de transfert de
populations
et concernant desespèces
autochtones ou
exotiques (principalement nord-américaines) :
ensemble des reboisements effectués enépicéas, pins, Douglas,
etc,depuis
un siècle.À
ces 2ensembles,
il faudra bientôtajouter
un troisième constitué des variétés sélectionnées dans le cadre de programmes d’améliorationgénétique,
concernantessentiellement les
espèces économiquement importantes
à courte ou moyenne rotation(épicéa, Douglas, pin maritime, pin sylvestre, peuplier, merisier).
Populations
d’arbres forestiers etpressions
de sélectionDans les zones
tempérées,
les forêts ont été maintenues sur les terresimpropres
à
l’agriculture
où les conditions environnementales étaient nettementplus
contrai- gnantes(en altitude,
sur les solshydromorphes, calcaires).
Elles sont, de cefait, plus exposées
aux accidentsclimatiques.
Lesdépérissements
de forêts à la suite de cesaccidents sont bien connus
historiquement (Becker, 1984)
et ont été abondammentcommentés et illustrés à notre
époque
à la suite del’augmentation
de lapollution
due à l’activité humaine. Les
changements climatiques
annoncésrisquent
par ail- leurs de modifier en un temps record les formationsforestières,
ne permettant pasaux
espèces
depuiser
dans leur réserve de diversitégénétique
pours’adapter
enmoins d’une
génération
à ces nouvelles conditions.NIVEAU DE
DIVERSITÉ GÉNÉTIQUE
INTRAPOPULATION Lesgénéticiens
despopulations
et lesgénéticiens quantitatifs
utilisent des para- mètres différents pour estimer la variabilitéd’origine génétique
au sein d’unepopulation.
Pour éviter toute confusion devocabulaire,
lepolymorphisme
desmarqueurs moléculaires sera
appelée
diversitégénétique
paropposition
à celuides caractères
phénotypiques appelé
variabilitégénétique.
Lapremière
notion faitessentiellement
appel
à l’étude des distributions desfréquences alléliques
alors que la secondes’appuie
sur les composantes de la variancegénétique
de caractèresquantitatifs.
Paramètres de diversité et de variabilité
génétique
Diversité
génétique
des marqueurs moléculairesAu niveau
allélique,
3paramètres
de diversité sontgénéralement
utilisés(Hartl
etClark, 1989). (Les paramètres
définis au niveaugénotypique
ne seront pasévoqués
ici) :
- le nombre d’allèles
(A)
ou variantsalléliques
identifiés dans lapopulation, paramètre qualifié également
de richesseallélique;
- la diversité
génétique
de Nei(H), qui exprime
laprobabilité
pour que 2gènes
tirés au hasard dans une
population
soient différents.où pi est la
fréquence
de l’allèle i au locusconsidéré,
H estéquivalent
àl’hétérozygotie théorique
sousl’hypothèse
deHardy-Weinberg;
- le nombre efficace d’allèles
(A e ) correspond
au nombre d’allèles en tenant compte de leurs différences defréquence (A e
=1/(1 - H)).
Ces
paramètres
sontgénéralement
estimés au niveau d’un seul locus àpartir
demarqueurs
génétiques
codominants. Dans le cas deplusieurs loci,
la moyenne estprise
sur tous les loci.Variabilité
génétique
de caractèresphénotypiques
Le niveau de variabilité au sein d’une
population
peut être estimé àpartir
des différentes composantes de la variancegénotypique (VA, V D
ouVa : respectivement
variance
additive,
de dominance etgénotypique).
Ces composantes sont estimées dans des tests de descendances àpartir
des covariances entreapparentés.
Dans le cas le
plus simple
d’un locus à 2allèles,
on peut montrerqu’il
y a une liaison entre variabilitégénétique
et diversité(Kempthorne, 1957) :
où a est l’effet moyen de substitution des 2
allèles;
où d est l’effet de dominance
généré
par les 2allèles;
où Hest la diversité
génétique
de Nei(équation 1).
Cette écriture n’est
cependant
pasgénéralisable
au cas d’un locus àplusieurs allèles,
bien que les composantes de la diversité interviennent dansl’expression
desdifférentes variances. Par contre, elle peut être
généralisée
à un caractèredépendant
de
plusieurs loci,
chacun d’entre eux restantbiallélique.
Elle permetcependant
depréciser
la nature de la variabilitégénétique
d’un caractèrephénotypique qui dépend
en fait de 2 facteurs : -.
- la diversité
génétique
proprement dite des loci intervenant dans le contrôle du caractère considéré etuniquement
liée auxfréquences alléliques;
- l’effet proprement dit des allèles
(effet
additif ou dedominance).
Par
opposition
à la diversitégénétique
deNei,
ces variances ne sont pas bornées etdépendent
de l’unité de mesure utilisée pour les caractères. Pour faciliter lescomparaisons
entre caractères ou entreespèces,
2paramètres
sontproposés :
- le coefficient de variation
génétique
défini au niveau des valeursadditives
ougénotypiques;
- l’héritabilité au sens strict ou au sens
large, qui correspond
à la variance additive(ou génotypique)
d’un caractère dont les valeurs ont été standardisées.Comparaison
des niveaux de diversité et de variabilité chez les arbres forestiersNiveau de diversité
Une revue
générale
sur la diversitégénétique (allozymique)
des arbres forestiers basée sur des résultats obtenus sur 213espèces
appartenant à 54 genres montre que lesespèces
forestières sont extrêmementpolymorphes (Hamrick
etal, 1992;
tableaux 1 et
II).
Plus de 50% des loci sont
polymorphes
et le nombre moyen d’allèles par locus varie entre1,83
et 1,68 alors que la diversitégénétique
est de l’ordre de0,150.
Il
n’y
a pas de différence de niveaux de diversité entre les gymnospermes et lesangiospermes, malgré
leur histoire ancienne très différente. Ces chiffresindiquent
des niveaux de diversité nettement
plus
élevés par rapport à d’autresorganismes :
la diversitégénétique (H)
est de0,05
pour lesvertébrés,
de0,11
pour les invertébrés et de0,07
pour lesplantes (Hartl
etClark, 1989).
Leshypothèses
lesplus
courammentinvoquées
pourinterpréter
ces résultats ont trait aux caractèresbiologiques
desespèces
forestières. Enpremier lieu,
il faut citer les tailles depopulations qui
se chiffrent àplusieurs milliers,
voire dizaines demilliers,
pour lesespèces
sociales(Schoen
etBrown, 1991),
et lerégime
dereproduction qui
estproche
del’allogamie
stricte à
l’exception
d’un nombre limitéd’espèces (Mitton, 1992).
Cespropriétés biologiques
permettent deprédire
30 à 40% des niveaux de diversitéintrapopulation (Hamrick
etal, 1992;
Hamrick etGodt, 1990).
À
l’intérieur d’uneespèce
donnée couvrant unelarge amplitude
latitudinale(espèces
résineuses de l’OuestAméricain),
lespopulations
méridionales manifestentgénéralement
des niveaux de diversitéplus
élevés que lespopulations septentrionales (Ledig, 1988).
Des résultats similaires ont été obtenus enEurope
pour le hêtre(Comps
etal, 1991)
et le chêne sessile(Kremer
etal, 1991). À l’opposé,
lesespèces
ayant une distribution limitée aux zonesboréales,
sontplus polymorphes
que lesespèces
des zonestempérées
outropicales (Hamrick
etal, 1992).
Niveau de variabilité
génétique
La variabilité
génétique
de caractèresquantitatifs
n’a été étudiée de manière exhaustive que pour lesespèces économiquement importantes
et pour des caractèresliés directement ou indirectement à leur valeur commerciale. Il
s’agit
essentiellement de laproduction
enquantité
de bois(volume
dutronc),
enqualité extrinsèque
du bois
(forme
du tronc,architecture),
enqualité intrinsèque
du bois(densité
dubois).
Les estimations des valeurs desparamètres génétiques disponibles
à cejour
(tableau III)
se réfèrent à despopulations
d’amélioration depremière génération.
En d’autres termes, elles
correspondent
auxpeuplements actuels,
danslesquels
lespopulations
d’amélioration ont été recrutées. Le recrutement s’est fait engénéral
surla base d’une sélection
phénotypique
enforêt, qui
a pu entraîner une sous-estimation desparamètres
de variabilitégénétique.
Les caractères pour
lesquels
ces estimations sontdisponibles
sont tous des caractèrescomposites
résultant de l’interaction de très nombreuses composantes élémentaires. Ilsdépendent
sans doute d’un trèsgrand
nombre deloci,
bienqu’au-
cune donnée ne soit
disponible
à cesujet.
Les valeurs d’héritabilité sontplus
élevéespour les critères liés à la structure de l’arbre
(forme, architecture,
densité dubois)
par
comparaison
à ceux liés à lavigueur (hauteur, diamètre). L’opposition
est trèsnette entre la densité du bois et les autres
caractères, quelle
que soitl’espèce.
Lescaractères de
vigueur
et de forme interviennent directement dans la valeuradap-
tative de l’arbre. Les
peuplements
forestiers sont extrêmement denses(plusieurs
centaines de milliers d’individus à l’hectare dans un
régénération naturelle).
Unesupériorité
en hauteur et endéveloppement
duhouppier
confère un avantage enterme de valeur
adaptative.
Ces résultatsexpérimentaux,
bien que limités à un fai- ble nombre decaractères,
semblent corroborer lesprédictions théoriques
montrantque dans des
populations
àl’équilibre
l’héritabilité des caractères liés à la valeuradaptative
tend vers zéro(Mousseau
etRoff, 1987;
Price andSchulter, 1991).
Lesvaleurs des coefficients de variation
génétique (basés
sur les valeursadditives)
mon-trent une
plus
fortehomogénéité
entreespèces
que les valeurs d’héritabilité pour les mêmes caractères.Malheureusement,
les données actuellementdisponibles
ne s’adressent engénéral qu’à
une seulepopulation
parespèce,
celle pourlaquelle
un programme de sélectiona été
engagé.
Ellecorrespond
à une forêt ou unerégion géographique
limitée de l’.airede distribution d’une
espèce.
Comparaison
entre niveau de diversité et niveau de variabilitéintrapopulation
L’écriture de la relation entre variabilité et diversité
(équation 2) suggère
l’existence d’une corrélation entre ces 2paramètres.
Malheureusement les données relatives à ladiversité, disponibles
à l’heureactuelle,
ne concernent pas les locus contrôlant les caractèresquantitatifs,
mais des marqueursgénétiques
neutres vis-à-vis de la sélection naturelle. Peut-oncependant,
même en l’absence de toute liaisongénétique
entre loci
impliqués
dans les caractèresphénotypiques
d’une part et marqueurs d’autre part, rechercher unecorrespondance
entre niveau de diversité et niveau devariabilité? Cette
question
conduit à comparer les effets des facteurs d’évolutionsur le niveau de la diversité et de la variabilité dans les
populations
naturelles.Pour un caractère
quantitatif,
nous nousplaçons
dans le cadre de la théoriedéveloppée
par R Lande(1975, 1976), qui
considère que celui-ci est soumis àune sélection stabilisatrice favorisant les
phénotypes
intermédiaires. La part de lavariabilité
générée
par la mutation est extrêmement élevée(10- 3
à10- 2
de lavariance
additive, Lynch, 1988).
Il en résulte que la perte de la variance due à ladérive reste
négligeable
devant celle due à la sélection stabilisatricequand
la taillede la
population
estsupérieure
à 500 individus(Lande
etBarrowclough, 1987). À l’équilibre
entre les 3 forcesévolutives,
pour un caractère dont l’héritabilité se situe entre0,3
et0,7 (tableau III),
unepopulation
de 500 individus peut maintenir une variance presque aussi élevéequ’une population
de taille infinie.Pour un marqueur
génétique
neutre, le niveau de diversité àl’équilibre
entremutation et dérive est une fonction croissante de la taille de
population (Hartl
et
Clark, 1989).
Comme les taux de mutation sont nettementplus
faibles(10-’
à
10- 7
pargénération
pour lesisozymes),
les tailles depopulation
nécessaires aumaintien de la diversité doivent être nettement
plus
élevées que pour les caractèresquantitatifs.
Si l’on se base sur les données des niveaux de diversité relatives auxarbres forestiers
(tableau II),
en supposant en outre que ces valeurscorrespondent
à celle de
l’équilibre
entre mutation etdérive,
les tailles depopulation requises
pour maintenir ce niveau doivent êtresupérieures
àplusieurs
dizaines de milliers.La
comparaison
de l’effet des tailles depopulation
sur le niveau de diversité et de variabilitésuggère,
enquelque
sorte une relation de typetriangulaire
entre les2
paramètres :
diminutionparallèle
de H et deVA quand
les tailles depopulations
sont faibles
(inférieure
à 500individus),
variationindépendante
deVA
et de Hquand
les tailles sont élevées. Précisons enfinqu’il
convient deprendre
le chiffre de500 comme un ordre de
grandeur susceptible
de varier selon lesespèces.
Les arbres forestiers ont connu
plusieurs
vagues successives de colonisation dansl’hémisphère Nord,
ayantlargement
modulé les tailles depopulation.
Au cours deleur histoire
récente,
les modifications d’effectifs se sont accentuées dans certaineszones
géographiques
soumises à des accidentsclimatiques
outectoniques (incendies
de
forêts, volcanisme).
Les restrictionsdrastiques
de tailles depopulations
àquelques
centaines d’arbres affectent sans distinction les loci neutres ou soumis àsélection,
comme nous venons de le voir dans leparagraphe précédent.
Lespopulations
ayant connu des bottlenecks dans leur histoire récente nerécupèrent
une diversité
importante qu’au
terme de très nombreusesgénérations.
Plusieursexemples
illustrent l’effet des réductions des tailles depopulations
sur le niveau de ladiversité moléculaire et la variabilité des caractères
phénotypiques.
Pinus resinosa est uneespèce
couvrant le nord-est desÉtats-Unis.
Elle sesingularise
par uneabsence totale de diversité
allozymique
associée à une variabilitéquasi
nulle de lacroissance et de la forme des arbres
(Mosseler
etal,
1991; Fowler andLester, 1970).
Thuya plicata,
dont l’aire de distribution s’étend dans l’Ouest américaindepuis
laCalifornie
jusqu’en
Colombiebritannique
manifeste la même uniformité pour les 2 types de caractères(Copes, 1981).
Ces 2espèces
occupentaujourd’hui
de trèsvastes
étendues,
mais ont sans doute connu des bottlenecks au cours de leurpassé
récent. On peut noter à ce
sujet
que larécupération
dupolymorphisme
consécutive à des bottlenecks et parexpansion démographique
del’espèce
estbeaucoup plus rapide
pour un caractèrequantitatif
que pour un marqueur moléculaire(Lande
et
Barrowclough, 1987).
Elle se fait enquelques
centaines degénérations
pour la variabilitégénétique
etquelques
dizaines de milliers pour un marqueur moléculaire.ORGANISATION DE LA
DIVERSITÉ
ET DE LAVARIABILITÉ
GÉNÉTIQUES
CHEZ LESESPÈCES FORESTIÈRES :
DIFFÉRENCIATION
ENTRE POPULATIONSParamètres de différenciation entre
populations
Paramètres de différenciation au niveau des marqueurs moléculaires La structuration
génétique
au sein d’un ensemble depopulations
a d’abord été décrite par lesstatistiques
F deWright (1965)
au niveauallélique.
Elle a étégénéralisée
au niveau d’un locuspuis
d’un ensemble de loci par Nei(1973, 1977).
Le coefficient de différenciation
génétique
entrepopulations (G ST )
est défini de la manière suivante au niveau d’un locus :où
H S
est la moyenne(sur
toutes lespopulations)
des diversitésgénétiques intrapopulations; H T
est la diversitégénétique
sur l’ensemble despopulations
considérées comme une
population unique (diversité totale).
Quand plusieurs
loci sontpris
en compte,l’expression
de la différenciation devient :où
H S
etH T
sont les moyennes(sur
l’ensemble desloci)
des diversitésintrapopu-
lation et totale.Paramètre de différenciation pour des caractères
quantitatifs
La variabilité
phénotypique
d’un caractèrequantitatif
peut êtredécomposée
selonun modèle
hiérarchique
en une composanteinter-population (V inter :
variance entrepopulations)
et une composanteintrapopulation (cintra :
variance additive moyennesur l’ensemble des
populations).
La différenciation entrepopulations
peut alors êtreexprimée
par le rapport suivant :Pour un caractère
quantitatif
neutre, il estpossible
d’établir une relation entreentre
G ST
et t(Wright, 1951, 1968; Cockerham, 1969; Rogers
andHarpending, 1983).
Dans le cas d’un caractèredépendant
d’un locus et sansdominance,
et sichaque population
est enéquilibre
deHardy-Weinberg :
où
V At
est la variance additive relative à lapopulation théorique
constituée de l’ensemble de toutes lespopulations, supposée
enéquilibre
deHardy-Weinberg.
Il en résulte :
En
général,
et surtout pour des faibles valeurs dedifférenciation,
la valeur de tsera
toujours supérieure
à celle deG ST .
Pour que les 2paramètres G ST
et tpuissent
êtrecomparés,
il estsuggéré
deprendre t’
comme coefficient de différenciation pour les caractèresquantitatifs :
Cependant,
dans lamajorité
des cas étudiés chez les arbresforestiers,
la compo- santeV ntra correspond
à la variancephénotypique intrapopulation
et non pas à la varianceadditive,
entraînant une sous-estimation desparamètres
t et t’.Résultats
expérimentaux
surl’organisation
de la diversité Différenciation au niveau des marqueurs moléculairesEn moyenne, les
espèces
forestières manifestent des niveaux de différenciation peu élevés(tableau II) :
la valeur moyenne duparamètre G ST
est de 7% pour les gymnospermes(121 espèces)
et de 11% pour lesangiospermes (73 espèces) (Hamrick
et
al, 1992).
Le niveau de différenciation est lié à larépartition
del’espèce.
Lesespèces endémiques
sontplus
différenciées(14%)
par rapport auxespèces
couvranttout un continent
(3%) (Hamrick
etal, 1992). À
titred’exemple,
le chêne sessilequi
couvre toutel’Europe
àl’exception
de la Scandinavie et de laRussie,
manifestedes différences de
fréquences allozymiques
mineures(G ST
de 2% sur l’ensemblede
l’Europe,
données nonpubliées).
Deuxhypothèses
peuvent êtreinvoquées
pourinterpréter
cette uniformité :1)
histoire commune despopulations
associée à unfaible taux de mutation au marqueur
considéré; 2)
fluxgéniques importants.
Lapremière hypothèse
est suscitée par l’observation que de très nombreux allèles ausein d’un genre donné sont
partagés
par différentesespèces (Genre Quercus,
Kremeret
Petit, 1993;
genrePinus, Conkle, 1992).
La seconde estégalement
confortée par l’existence d’une très forte différenciation entrepopulations
chez lesespèces
à airegéographique
morcelée(P halepensis G ST
=30%,
Scheller etal, 1985).
Malgré
une différenciationgéographique
faible au niveau desallozymes,
certainsenzymes manifestent une variation continue en fonction d’un
gradient géographique (variation clinale).
Dans le cas du hêtre enEurope,
une corrélation nette a été miseen évidence entre
fréquences alléliques
pour laperoxydase
et l’altitude(Comps
etal, 1987; Comps
etal, 1990).
Chezl’épicéa, Bergmann (1978)
note une variationparallèle
entrefréquences alléliques
etparamètres climatiques.
Chez le chênesessile,
lesfréquences alléliques
desaminopeptidases
suivent une variation continue avecla
longitude (données
nonpubliées). Curieusement,
ces différents cas de variation clinalecorrespondent
tous à des enzymes du métabolismesecondaire, renforçant l’hypothèse
de non-neutralité pour ces enzymes, même si une variation clinale peut être obtenue dans le cas de marqueurs neutres dans le casd’équilibre
dérive-migration (migration
entrepopulations
lesplus proches,
oustepping
stonemodel,
Hartl et
Clark, 1989).
Différenciation au niveau des caractères
quantitatifs
La littérature en
génécologie
des arbres forestiers estparticulièrement
riche enétudes de variabilité entre
populations. Historiquement,
elles constituaient laphase
initiale de
description
des ressourcesgénétiques.
Lespremiers dispositifs expéri-
mentaux ont été installés au début de ce
siècle;
à l’heureactuelle,
des collections depopulations
ont étéimplantées
en demultiples
sites(réseau multistationnel)
pour toutes les
espèces économiquement importantes.
La variabilité a surtout été étudiée pour des caractères liés à laphénologie
de lacroissance,
à lavigueur
et à laforme et
l’architecture
des arbres.Malheureusement,
peu d’articlesprésentent
uneestimation du coefficient de différenciation
phénotypique (équations 4, 5, 6).
Dansles rares études où le
paramètre t’
a pu êtrecalculé,
il est souventsupérieur
àG ST
(tableau IV).
’
Dans le cas du
pin maritime,
nousdisposons
de valeurs de GST pour de nom-breux marqueurs différents
(protéines totales,
16locus, G ST
=17%; isozymes,
8
locus, G ST
=16%; terpènes,
6locus, G ST
=17%,
Petit etal, 1993).
Chez lamême
espèce,
la valeur de t’ pour la croissance en hauteur est de38%.
Les valeurs de t’ constituent en fait une limiteinférieure, puisque
la varianceintrapopulation
utilisée pour le calcul de t’ est la variance
phénotypique
et non pas la variance ad- ditive. Ces chiffres illustrentl’importance
de la différenciationgéographique.
Pourles caractères de