FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1896-1897 »
Sur la Rigidité Cadavérique
II
LE LAVAGE DE L ORGANISME
PAR LES BOISSONS
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue
publiquement le 18 Novembre 1896
PAR
Alexandre -
Augustin
-Florentin GAUDUCHEAU
Né à Saint-Martin-des-Noyers
(Vendée), le 18 juin 1874
—Elève du Service de Santé de la Marine
MM. JOLYET professeur Prési
ARNOZAN profess MESNARD agrégé.
AUCHÉ agrégé
. j i mv< . 1 ARNOZAN professeur j
Examinateurs dela These.
j
MESNARD agrégéJuges
Le Candidat répondra aux questions
qui lui seront faites sur les
diversesparties de l'Enseignement
médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI —
PAUL CASSIGNOL
81 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
1896
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES
Doyen.
PROFESSEURS MM. MICE.
AZAM
MM.
i PICOT
Cliniqueinterne •
PITRES Clinique externe
Pathologieinterne... Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique
Médecine opératoire. Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que GOYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie YIAULT.
AGRÉGÉS JEA section de médecine(Patlioloj
DEMONS.
LANEdONGUE.
DUPUY.
YERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
MOUSSOUS.
MM. MESNARD.
CASSAET.
AUCHÉ.
Professeurs honoraires.
MM.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
Médecine légale MORACHE.
Physique BERGON1É.
Chimie BLAREZ,
Histoire naturelle ... GU1LLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
Matière médicale.... de NABIAS.
Médecine expérimen¬
tale FERRÉ.
Clinique ophtalmolo¬
gique BADAL.
Clinique des maladies
chirurgicalesdes en¬
fants PIÉCHAUD.
Clinique gynécologique BOURSIER.
11\ERCI€E :
le interneetMédecine légale.)
MM. SABRAZÈS.
Le DANTEC.
Accouchements...
jMMq
hAAIBRELENT Anatomie..section de chirurgie et accouchements (MM. YILLAR.
Pathologieexterne/ BINAUD.
I BRAQUEHAYE
sectiondessciencesanatomiques et physiologiques
1MM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON.
"'t CANNIEU. | Histoirenaturelle BEILLE.
sectiondessciences physiques
Physique MM. SIGALAS. [ Pharmacie M. BARTHE.
Chimie et Toxicologie DEN1GES. j
COURS COMPUÉSIEATAIStES :
Cliniqueinterne des enfants
MM. MOUSSOUS.
Cliniquedes maladies cutanées et
syphilitiques Clinique des maladies des voies urinaires Maladiesdu larynx, desoreilles etdu nez
Maladies mentales
Pathologie externe Accouchements Chimie
Le Secrétairede laFaculté.
DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
DENUCÉ.
RIVIÈRE.
DEN1GÈS LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août1879, la Faculté aarrêté que les opinions émises dansles Hiesesqui luisontprésentées doivent être considérées commepropres à leursauteurs, et
qu'elle n'entend leur donnerni approbationniimprobation.
A MONMAITRE
MONSIEUR LE
PROFESSEUR JOLIE
ERRATUM
A la page 18 : lire myotique au lieu de toxique.
PRÉFACE
J'ai fait sur
la rigidité cadavérique quelques recherches
qui ont
été publiées dans la Galette hebdomadaire des
Sciences Médicales de
Bordeaux (nos du n et du 18
octobre 1896). Le
petit nombre de lecteurs qui m'ont
fait l'honneur d'en prendre
connaissance trouvèrent que
l'exposé desfaits, dont j'avais parlé dans ce travail, man¬
quait
d'ordre, de clarté et des développements nécessaires
à leur facile compréhension.
Je reproduis cette étude dans
ma première
thèse
enm'efforçant de combler la petite
lacune que l'on a
bien voulu
mesignaler. Je crois que
dans la
Physiologie générale du muscle la concision dans
l'exposé des
faits expérimentaux est nécessaire ; c'est
pourquoi
j'ai
crudevoir compléter ma Thèse de Doctorat
en Médecine en ajoutant
à
cepremier travail une courte
note au sujet du
Lavage de l'Organisme par les boissons
qui
pourrait avoir
enmédecine un peu plus d'intérêt
pratique.
Dans le petit nombre de pages qui vont suivre,
sont relatées deux ou
trois expériences absolument per¬
sonnelles qui sont
le fruit de longs mois de travail, et
qui me
semblent,
parcela même, justifier la brièveté de
leur exposition.
Sur la
rigidité cadavérique.
INTRODUCTION
Je ne parlerai point ici de ladéfinition de la rigidité cadavé¬
rique, desa généralité, de ses formesailans les différents cas, de
son moment d'apparition et des causes qui influent sur lui ; je
ne m'occuperai que du problème de physiologie générale mus¬
culairequi constituel'étude de la nature de ce phénomène.
Les physiologistes ont constaté dans la rigidité deux phéno¬
mènes : une coagulation de substance albuminoïde, dissoute pendant la vie dans le plasma du muscle; un raccourcissement musculaire. Ki'ihne, Briicke, Al. Schmidt ont considérélacoagu¬
lation comme le facteur le plus important dans le phénomène
total de la rigidité cadavérique, le raccourcissement n'ayant qu'un effet secondaire, et, dans tous les cas, n'étant que consé¬
quence de la coagulation. Au contraire, pour Hermann, Schiff, Brown-Séquard, leraccourcissementserait le phénomène capital,
la coagulation n'étant nullement nécessaire à sa production.
Pour lespremiers, l'acide quise développe normalementdansle muscle après la mort, coagulant la myosine, produirait par ce moyenla rigidité; pour les autres, cet acideprovoquerait direc¬
tement par excitation le raccourcissement musculaire, la coagu¬
lation n'étant qu'une action chimique surajoutée.
Je vais étudier séparément :
1° Lacoagulation du
plasma musculaire et ses conséquences;
2° Le raccourcissement
musculaire et
sesconséquences.
J'établirai ensuite
l'indépendance de ces deux phénomènes
dans larigidité
cadavérique.
1° La coagulation
du plasma musculaire.
Aprèsavoir vu
qu'un muscle de grenouille refroidi à — 10 est
absolument inexcitable, etque,
réchauffé à la température ordi¬
naireil recouvre ses
propriétés, Ki'ihne
aimaginé de soumettre
àl'action dela presse des
muscles cle grenouille, préalablement
lavés avec une solution de
NaCl à 6/1000, et refroidis à
—10,
pour en
extraire,
sansles exciter mécaniquement, la substance
contractile liquide. Si l'on
réchauffe la substance musculaire
ainsi obtenue, elle coagule
spontanément en milieu alcalin. Le
caillot.est constituépar une
substance albuminoïde du groupe
desglobulines,
qu'on appelle myosine. Cette globuline estsoluble
dans NaCl à10/100, ce
qui
apermis à Denis de l'extraire des
muscles à l'aide de ce
dissolvant et
parunprocédé réellement
plus simple que
celui indiqué plus haut. Le plasma de Kiiline et
le plasma de
Denis ont les mêmes propriétés physiques et chimi¬
ques,
cependant le plasma de Denis n'est pas spontanément coa-
gulable,
caractère d'une grande importance comme nous allons
levoir. D'autre part, si
l'on observe
unmuscle en rigidité, on
verraqu'il est blanc opaque au
lieu d'être rosé et transparent
comme à l'étatnormal; de
plus,
onconstate au microscope que
les cases musculaires
contractiles contiennent une substance
albuminoïdecoagulée ; enfin,
si l'on prend dans l'expérience de
Kuhnedes muscles rigidesau
lieu de muscles frais, le liquide
obtenu necoagule plus
spontanément.
Partant de cesfaits, il
semblait bien facile d'expliquer la rigi¬
dité cadavérique, en disant
qu'elle était due à un phénomène qui
seproduitenmême
temps qu'elle: la coagulation de la myosine;
mais, chose inexpliquée, la coagulation de la rigidité diffèrepro¬
fondément de la coagulation expérimentale, car elle se fait en milieu acide nécessairement. Je donnerai de ce fait la seule
explication qui me semble satisfaisante après l'exposé de mes
expériences.
Voyant uneanalogie entre le phénomène observé par Kiihne
et celui de lacoagulation du sang, Miclielson, puis Klemptner,
élèves de A. Schmidt, ont essayé de l'établir sur des expé¬
riences. Ils ont eneffet trouvé dans le muscle une substance analogue aufibrinfermentet une autreanalogueàcequ'on appe¬
lait autrefois la substance fibrinoplastique du sang. Cette con¬
ception de l'analogie entre les deux importants phénomènes de
la coagulation du muscle et de la coagulation du sang est vraiment séduisante, aussi la plupartdes physiologistes l'ont-ils adoptée, quoique sous toutes réserves, car elle est encore bien
hypothétique.
C'est cette hypothèse quej'ai soumise au contrôle de l'expé¬
rience et j'ai l'intention d'exposer ici les résultats de mes recherches.
J'ai poursuivipendantlongtemps des expériencessur lechien,
le chat et le lapin, mais je négligerai de les exposer pour le moment, car, faite sur lamyosine deDenis, cette étudeprésente
moins d'intérêt.
C'est sur la grenouille que j'ai pu faire les observations les plus importantes à propos de monsujet.
Posons le premier point du problème. Il s'agit de savoir si la
coagulation du sang et la coagulation du plasma musculaire sontanalogues.
On sait depuis les travaux d'Arthus, que, pour que la coagu¬
lation du sang se produise, il faut : 1° du fibrinogène; 2° du fibrinferment; 3° des sels de chaux.
Faut-il de même dans le muscle : 1° du myosinogène ; 2° du myosinferment ; 3° des sels de chaux ?
Expérience I.
J'ai étudiéle rôle des sels de
chaux,
carc'est évidemment le
moyen le pins
commode de trancher la question. On sait que
l'oxalate neutrede potasse
précipitant les sels de calcium empê¬
che lacoagulationdu
plasma sanguin. Il s'agit donc de savoir si
lessolutions de ce sel
empêcheront la coagulation du plasma
musculaire. J'ai étudié
l'action directe des solutions de ce sel
sur le muscle en place.
Il ressort de ces observations que :
1° l'oxalate neutre de potasse,
à des doses variant de 0,5 à
10 p. 100, abolit
rapidement toute excitabilité du muscle (une
heure au plus pour
l'excitabilité électrique).
2° Malgréson
inexcitabilité, le muscle conserve son aspect nor¬
mal ou àpeu près
pendant longtemps, ce qui va me permettre
d'obtenirle myoplasmasans
le transformer par l'expression (on
sait que
l'excitation mécanique due à l'action de la presse suffit
à coaguler les
muscles).
J'ai vu que la
rigidité d'un muscle oxalaté n'était point la
même, au pointdevue
de la consistance, que celle d'une rigidité
dans les autres solutions
salines
quej'ai étudiées, mais je n'ai
basé sur cette consistance aucune
déduction importante. Ces
questionsde
différence d'aspect ou de consistance, les seules qui
m'aient guidé au
début de
mesrecherches, ne sont point suffi¬
sammentprobantes.
Expérience II.
Je prends tout
le train postérieur de six grenouilles que j'ai
négligé de laver par
l'aorte avec une solution de NaGl, cette
précaution peut
être omise, étant donné que les grenouilles
perdent la plus
grande partie de leur sang par la séparation
des membres postérieurs et que
la quantité de fibrine qui reste
- 10 —.
est bien faible relativement àla quantitédemyosine. J'additionne
ces muscles d'unequantité suffisante d'oxalate à 2 p. 100 pour les y faire plonger complètement pendant deux heures, dans trois solutions successivement pour achever de les débarrasser du sang qui s'y dissout peu àpeu. Lesmassesmusculaires sépa¬
rées des os etlavées de nouveau à l'eau distillée sont ensuite soumises àl'action de la presse qui me donne un liquide dont voici les principales propriétés.
Réactionneutre oulégèrement acide.
Non spontanément coagulable.
Ne précipite pas par dilution, ce n'est donc pas une simple
solution saline neutre de globuline.
Légèrement alcalinisé et traité par une petite quantité de chlorure de calcium à 38-40° le myoplasma oxalaté donne un
abondant coagulum blanc floconneux. Il n'en est pas de mémo du plasmadécalcifié qui, porté à 38-40°, ne coagulepas.
Artlius,en 1895, résumant l'état de nos connaissances sur ce
sujet, dit que l'expression des muscles à latempérature ordi¬
naire (non décalcifiés naturellement) ne donne que du myosé-,
rum, qui, ajoute-t-il, ne coagule qu'à 63-73°, le myoplasma coagulant à 47-56°. Admettant cette assertion, je peux affirmer que le liquide dontje m'occupe est bien du myoplasma obtenu
en exprimant à latempérature ordinaire desmuscles décalcifiés
car il coagule à47-56°.
Jene croispas qu'on soit en droit de m'objecter que le coagu¬
lum calcique quej'ai obtenu, soit de la fibrine dont je n'aurais pas débarrassé les muscles, car ceux-ci, après tous les lavages
que je leur ai fait subir, ne colorent plus l'eau dans laquelle on les plonge, et le liquide que l'on obtient par expression n'est point coloré en rose. D'ailleurs ce coagulum floconneux ne
ressemble enrien au caillot defibrine comme aspect.
Ayant fait, pour le muscle, une partie de ce qu'Arthus et
Pagès ont faitpour le lait, de ce qu'Arthus a fait pour le sang,
ne suis-je pas en droit de formuler cette loi générale : Les sels de chauxsont nécessaires à toutes les coagulations sponta¬
nées quiseproduisentdans l'organisme.
— IL -
Voici doncuneanalogie
entre le
sanget le muscle, car les sels
de chaux ont, dans la
coagulation d'une substance albuminoïde
contenue dans le muscle, un
rôle nécessaire. Cependant j'ai fait
sur le plasma que
j'ai obtenu une réaction qui me permet de
croire quel'on
peut aussi,
aupoint de vue de la coagulation,
comparer le
lait
aumuscle.
Additionné de quelques
gouttes de solution à 10 0/0 d'oxalate
neutre depotasse(pour
être bien sûr d'avoir totalement séparé
lecalcium) et d'acide
acétique en quantité suffisante, le myo-
plasma
oxalaté donne un beau caillot gélatineux et transparent
telqu'on peut renverser
le tube à essai où il se trouve sans qu'il
tombe. Ce caillotest
soluble dans un excès d'acide.
Nous avons donc dans
le myoplasma comme dans le lait
une coagulationpar
acidification et une coagulation spontanée,
lacoagulation
acide de la rigidité et la coagulation décrite par
Kûhne.
A propos de
l'action de l'oxalate neutre de potasse sur le
myoplasma,je
dois parler d'une théorie de la coagulation de la
myosine
résultant des recherches de Danilewsky citée par
Ricliet : La myosine
contient du calcium dans sa molécule: les
acides en s'emparant
de
cecalcium la précipitent à l'état de
syntonine.
Il n'en est rien, car le liquide oxalaté et filtré, par
conséquent
séparé de
soncalcium, coagule encore par HG1. Il
est vrai, que, dans ce cas,
j'aurais bien pu, comme me l'a fait
remarquer M.
Denigès, remplacer la myosine calcique primitive
par une
nouvelle myosine potassique ayant les mêmes caractè¬
res que la
première. J'ai fait ces réactions avec de la myosine de
Denis.
2° Leraccourcissement
musculaire cadavérique.
Contrairement à l'assertion
de Kûhne, non seulement le rac¬
courcissement musculaire
existe dans la rigidité normale, je
m'en suis assurépar un
instrument très sensible qu'il est inutile
dedécrire, maisj'estime quepour
apprécier les rigidités faibles,
— 12 —
on doit sectionner le gastrocnémien par exemple, et laisser agir
les extenseurs; avec des rigidités inappréciables au toucher, on voit une élongation de la pattese produire. Schipiloff a vu ce
raccourcissement dans la plupart des cas, et M. Tissot s'en sert pourenregistrer la rigidité et a bien juste raison.
En appliquant au muscle une propriété générale appartenant à tout protoplasma contractile, j'en ai déduit fatalement qu'il doitse raccourcir pendant la rigidité. Au moment où il perdses
propriétés, le leucocyte, que je prends comme un exemple sim¬
ple de protoplasma contractile, se rétracte et prend la forme globuleuse expulsantle fibrinferment qui vacoaguler le fibrino- gène.
Pourquoi le disque musculaire contractile n'obéirait-il pas à cette loi générale ? Mais quelle sera la conséquence de cette
forme globuleuse? Nécessairement la contraction musculaire normale dans laquelle le disque contractile devient globuleux; il y a peut-être aussi excrétion du myosinferment ; qu'on me permette cette autrecomparaison du sang et du muscle.
Puisque le raccourcissement musculaire existe, quels sont ses
effets?D'abord, un muscle, séparé de sesinsertions, abandonné à lui-même, peut-il être rigide dans toute l'acception du mot?
Pour celaje prends un gastrocnémien de grenouille que je fixe
sur une épaisse planchette de liège, une moitié reposant sur cette planchette et l'autre moitié libre d'obéir à l'action de la pesanteuret de s'infléchir. Sur un muscle frais,je vois, aussitôt après avoir abandonné à elle-même la portion libre, une incur¬
vation seproduire au niveau dubordde la planchette; le muscle s'est naturellement coudé en cepoint. Sur un musclebien rigide, je peux répéter cette expérience en ajoutant même un poids faible à l'extrémité libre : il n'ya point d'incurvation, la portion libre n'obéit point à la pesanteur, le muscle reste droit (rectus) ; ceci est bien de la rigidité. Mais si je prends un membre rigide,
sij'essaie de le fléchir dans les mêmes conditions, j'éprouverai
une résistance bien plus grande que si j'avais affaire à une masse musculaire. Si je lui fais exécuter un certain déplacement
dans un sens, ce membre revientà sa première position comme
— 13 —
un ressort(Tissot). C'est
cet état qu'on appelle généralement la
rigidité
cadavérique et qu'il serait bon de nommer rigidité
cadavérique totale, car
elle n'est point comparable comme inten¬
sitéà la rigiditémusculaire.
Or, quelle est la cause
de la raideur des membres plus grande
quela raideur des
muscles isolés ? Evidemment l'ankvlose des
articulations, laquelle est due à une
tendance des muscles au
raccourcissement. Eneffet, chaquearticle esten
général sollicité
par des groupes
d'extenseurs et des
groupesde fléchisseurs, et
si tous ces muscles agissent, chacun dans leur sens,
il
y aura ankyloseet rigidité : c'est unecontracture totale.
De plus, la fixité des
insertions des muscles ainsi tendus en
augmente encore la
dureté, la myosine coagulée y contribuant
aussi pour une largepart.
C'est
surle chat
quel'on observe bien
ce mécanismeet c'est par des sections
appropriées des
groupesmusculaires de cet animal queje me suis fait une
idée nette
surlerôle du raccourcissement dans la production de
la rigidité
totale.
»
3° Indépendancecle la
coagulation et du raccourcissement.
Nous avons vu quela substance
musculaire était susceptible
dese coaguler par acidification et
partiellement
parcoagulation
spontanée. Je
pourrai donc empêcher
cesdeux phénomènes de
se produire en mettant
des muscles dans des solutions alcalines
oxalatées, puis je verrai s'il y a ou non
raccourcissement.
Je crois être le premieraavoir dissocié
expérimentalement et
d'unefaçon indiscutable les deux
facteurs de la rigidité cada¬
vérique.
Expérience III
Jeprends un gastrocnémien de
grenouille
queje mets
avectoutes les précautions nécessaires dans une solution contenant
— 14 -
0,5 de potasse et 2 d'oxalate neutre de potasse pour 100. Mon dispositifamplifie 12 foisleschangementdelongueurdumuscle;
je me suis rendu compte par des essaisantérieurs dans d'autres milieux de la valeur de cette instrumentation que je crois aussi exacte que sensible, et si j'affirme aujourd'hui que le muscle dans un milieu alcalin oxalaté se raccourcit lentement et pro¬
gressivement d'une quantité qui devient considérableet presque
égale à une rigidité normale, on ne doit point attribuer cette constatation à une mauvaise disposition instrumentale.
Ace propos, je dois parler d'une discussion entre C. Schipi-
loff et Kussmaul sur la question de savoir si la rigidité se
produiten milieu alcalin. G. Schipiloff, dontles conclusionssur
larigidité semblent être adoptées par beaucoup de physiolo¬
gistes, ditqu'il lui aété impossible de constater la rigidité dans les alcalins, et qu'un muscle dont l'acide est ainsi neutralisé ne
peut pointdevenir rigide, ne comprenantpoint que Kussmaul ait, au contraire, vu des rigidités dans ces milieux, à moins que celui-cin'ait employédes doses considérables d'alcalis qui font ratatiner les muscles comme il en serait dupapier buvard.
Je ne sais pointlequel deces auteurs est dans le vrai au point
de vue de l'ensemble des phénomènesquiconstituentlarigidité, mais, sansm'inquiéter des données fournies par des apprécia¬
tions directes de consistance des muscles, je dirai que le fait qu'il m'importe d'étudier, le raccourcissement musculaire, se
produit. Que l'albumine des muscles ne se coagulant pas,
l'aspect et la consistancene varient pas, ceci m'importepeu.
Donc, que dois-jedéduire de cette expérience : raccourcisse¬
ment musculairesans coagulation et sans acide.
Le muscle s'est raccourci peuàpeu,unquart d'heureaprèsavoir été plongé dans la solution, et a continué à se raccourcir de moins en moins pendant plusieurs heures. Il a diminué d'un tiers de sa longueurprimitive.
Cette contraction musculaire à grande amplitude, produite
sans coagulationet sans acide, n'est qu'une rigidité artificielle
ouplutôt unraccourcissement musculaire cadavérique absolu¬
ment semblable à celui qui se produit normalement un peu
— 15 —
avantlamort du muscle. Ce
phénomène reconnaît peut-être
pourcause
l'action de l'alcali et del'oxalate.
Après s'être
raccourci,
cemuscle oxalaté, alcalinisé, se laisse
allonger parlepoids
qu'il
asoul evé
enseraccourcissant, et, sans
revenir absolument à sa longueur
primitive, aonne cependant
une courbe dedescentebien
accentuée et très longue.
Cetteexpérience, en
supprimant les effets de coagulation ou
d'acidificationsurle muscle, effets
qui
seproduisent dans toutes
les autres excitations, mesemble donc
montrer bien clairement
que la
rigidité cadavérique envisagée à son point de vue le plus
intéressant, leraccourcissement
du muscle, est une contraction
musculairevitale.
Unautrefait important ressort de
cette expérience. La con¬
tractionfinale du
protoplasma
nereconnaît point pour cause
la rétractiondesalbuminoïdes.
IL
Le
lavage de l'Organisme par les boissons
I. Elimination des matières colorantes
de l'urine par
lesboissons.
On abeaucoup parlé dans ces
derniers temps du lavage du
sang par les injections
intra-vasculaires de différentes solutions
salines prenant dans cecas
particulier le
nomde sérums (cette
appelation
n'étant nullement justifiée comme l'a fait observer
M. Chauveau).
Depuis les expériences
déjà anciennes de MM. Dastre et Loye
qui n'ont
donné
aupoint de
vuedes effets thérapeutiques que des
résultats négatifs, on
adonné différentes explications des effets
bienfaisants dus à ces injections. On a
aussi employé la voie di-
gestive pour
faire
passerdans le
sangde grandes quantités de
liquide, afin de le
débarrasser des substances nocives qu'il peut
contenir.Danslafièvretyphoïde,ce
procédé, auquel M. Duchenne
(de
Sainte-Anne-d'Auray)
adonné le nom de balnéation interne,
serait susceptible de
fournir des résultats satisfaisants, tant par
l'abaissement de la température qui en est
la conséquence dans
cette maladie que par l'élimination
des toxines
ouautres subs¬
tancesnuisiblesproduites parceprocessus
morbide. M. A. Robin
s'est déclaré, dès 1877, partisan
de cette action éliminatoire des
boissons. Lesboissonsontété
fréquemment employées
avecsuc-
Gauduclieau
2
- 18 —
cès,particulièrementpar certains médecinsitalienspour
l'élimina-
tions des poisons accidentellement introduits dans l'organisme.
J'aiessayé de voir quelle est l'influence des boissons prises en grande quantité sur l'élimination des substances colorantes de
l'urine.
Ces substances colorantes, étudiées d'abord parThudicum,
sont-elles toxiques? M. Bouchard et MM. Mairette et Bosc ont essayé d'élucider cette question; ces derniers auteurs pensent
que ces substances sont en effet toxiques et M. Mairette, sans leur donner le rôle le plus important dans la toxicité urinaire,
croit que la coloration des urines varie comme leur pouvoir toxique.
En étudiant les travaux qui ont été faits sur cette question et malgré l'autorité des auteursqui s'en sontoccupés, commecelle
de Feltz et Ritter, de Bouchard, etc., on est obligé de recon¬
naître l'impossibilité de reconstituer un liquide aussi toxique
que l'urine, avec les substances qu'on en a retirées et, à des doses égales à celles qui existent dans ce liquide : la synthèse
de latoxicité urinaire n'a pas encoreété obtenue.
Il est unfait certain et dont il est facile de se rendrecompte : c'est que, dans la plupart des cas, l'intensité de coloration et le pouvoir toxique varient à peu près parallèlement, sauf aux extrêmes limites,
Je crois donc que cette étude surl'éliminationdes substances colorantes peut, dans bien des cas, être considérée comme celle de l'élimination des substances toxiques.
L'ingestion des boissons,enaugmentant la quantitédesurines,
diminue leur coloration. Mais la quantité absolue de matières colorantes, qui passe dans les urines après l'usage des boissons,
est-elle rigoureusement la même que cellequi y passe dans des
conditions normales d'alimentation? C'est cette question que
nous croyons avoir résolue.
La coloration des verres de l'urochromomètre de M. Jolyet,
dontj'ai l'habitude de meservir, étant un peu trop forte pour des essais dece genre, j'ai pris, pour mesurer les colorations des urines,le colorimètre de Dubosc, avec lequel il m'a.été pos-
- 19 —
sible de comparer de
faibles colorations. A mon grand regret, je
n'ai pumettre dans ces
recherches qu'une précision d'une divi¬
siondu colorimètre de
Dubosc; mais je crois cependant cette
approximation
suffisante, d'autant plus qu'elle est inévitable, car
il est difficile d'avoir,
pendant deux jours consécutifs et dans des
conditions d'alimentation
liquide
unpeu différentes, des cou¬
leurssemblables.
1°État
physiologique
Quantitédesurinesnormales
1,-100
Quantité,aprèsingestion de
2 litres d'eau 2,550
L'égalité des
teintes est obtenue dans ce cas avec une épais¬
seur d'urine diluée de 48
divisions; l'urine normale étant vue
sous uneépaisseur de25
divisions, ce qui donne, à peu près, le
même rapport queles
quantités.
Ou voitdonc qu'à l'état
physiologique l'ingestion de grandes
quantités d'eaune
produit point sensiblement une plus grande
élimination dematières
colorantes.
2°État de maladie
Cependant si,
à l'état normal, cette action ne se produit pas,
elle peut se
produire à l'état pathologique, par exemple, lorsque
lestoxines sont produitesen
abondance dans l'intestin.
L'examen colorimétrique
des urines de quatre malades, dont
deuxatteints defièvre
typhoïde et deux tuberculeux avec fièvre,
avantet après
l'ingestion de grandes quantités d'eau, a été abso¬
lumentnégatifà ce
sujet. Il n'y
aeu aucun entraînement des
matièrescolorantes del'urine.
II. Effets thermiques de
l'ingestion des grandes
quantités d'eau
On aconstaté, dans la fièvre
typhoïde,
unabaissement de la
températurepar l'usage de l'eau froide en lavements ou en
boissons.
Je croisqu'il est intéressant, à ce propos, de rechercher avec
précisionquelle peutêtre l'action, au point de vue de lathermo-
génèse, de l'ingestion rapide d'un litre d'eau vers 12°, par
exemple. J'ai faitplusieurs fois cetteexpérience sur moi-même.
Je n'ai rien observé avec un thermomètre par dixièmes placé
dans l'aisselle.
Je me sers depuis longtemps d'un thermomètre par vingtiè¬
mes et avec lequel je peux lire sûrement avec une loupe le quarantième de degré. Cet instrument a environ 0 m. 60 de
longueuretil est impossible de lire soi-même la température qu'il marque dans l'aisselle ou dans la bouchepar exemple.
J'ai obvié à cet inconvénient en prenant ma température uré- thrale, chose très facile avec un thermomètreà tige très longue
et àréservoir de petites dimensions comme celui dont je me suis servi. J'introduisce réservoir dans l'urèthre à une profon¬
deur de 4 ou 5 centimètres et les degrés compris entre 80 et 35 (limites de la température uréthrale) se trouvent àla hauteur des yeux dans la station assise. Il est donc très facile avecune
bonne loupe de mesurerles faibles différences detempérature.
Dans les premiers essais que je fis par ce procédé, je fus frappé des variations considérables et presque continuelles delà
température uréthrale, sous l'influence des impressions sensiti-
ves périphériques de froid ou de chaud particulièrement.'On sait que les corps caverneux de l'homme sont de tous les organes
ceux qui subissent les plus grandes variations vaso-motrices.
Une influence périphérique quelconque qui ne se manifestera
sur la peau que par unelégère vaso constriction, par exemple, produira dans les corps caverneux une constriction bien plus grande, étant donnéela variabilitédu volume de cet organe.
Je crois donc qu'il y alà un moyen thermométrique de cons¬
tatation de certains phénomènes s'accompagnant d'effets vaso-
moteurs, les actespsychiques, le travail intellectuel par exem¬
ple. Gomme tous les procédés d'investigation très sensibles, celui-ci peutêtre sujet à dênombreuses causes d'erreur.
- 21 —
C'est ce procédé que
j'ai employé, comptant obtenir à propos
dela question qui nous occupe
de précieux renseignements.
Il seproduiten effet un
abaissement progressif de la tempéra¬
ture uréthrale après
l'ingestion
enquelques minutes d'un litre
d'eau froide; mais cet
abaissement qui ne dépasse pas 3 dixiè¬
mes dedegrése produitpour
moi, parce qu'il m'est impossible
deréagir par le
mouvement, source de chaleur, à l'effet de vaso¬
constriction qui suit
l'ingestion de
celiquide.
J'ai donc observé que l'ingestion de
grandes quantités d'eau
froide, àl'état normal,
n'augmente point la quantité des substan¬
cescolorantes urinaires
éliminées et
nefait point varier sensi¬
blement latempérature.
J'aiconstatélepremierdecesfaitssur
quelques malades, en trop
petitnombre,il
estvrai.pouren tirer une conclusion générale, mais
jecroisqu'aupoint
de
vuede l'élimination des substances toxiques
iln'y a point entre l'état
de santé et l'état de maladie tant de
différencequ'on le
croirait
a'priori
carles déchets dus aux fonc¬
tions normales ont avec ceux dus aux processus
morbides un
caractère commun : lanocivité pour
le bon fonctionnement des
organes.
Etant donné que la coloration
urinaire et
satoxicité sont le
plus souvent connexes,
l'action bienfaisante des boissons sur
l'élimination dessubstances nocives
produites dans les tissus et
contenues normalement ou
anormalement dans le sang me
sembleêtre unede ces idées dont ilest
bon de
sedébarrasser. Je
crois que si les tisanes
ont
euet ont encore de si bons effets on
doit en chercherailleurs l'explication.
Vu,bonàimprimer:
LePrésident, Bordeaux,le5novembre1896.
JOLYET. Vu etpermisd'imprimer:
LeRecteur del'Académie deBordeaux.
A.COUAT.
Vu:
LeDoyen, A.PITRES.
Bordeaux. — Imp.duMidi, 91,rue Porte-Dijeaux.