OBSERVATIONS n.>
Sur quelques Epidémies de Saint-Domingue, compliquées de symptômes
de.la fièvre
dite jaune
;Présentées etsoutenues à la
Faculté de Médecine de
Paris, le 9mars 1810
,Par René Le MONNIER* de
laGuerche
(Département dllle et Vilaine),
Ancien Chirurgien de première classe aux armées ; de Saint-Do-
mingue
;Membre
de la Société d'Instruction médicale.Cogniliomorbi epidemici estdux, acus nautica in assequendis immemis aliis affeciionibus morbcsis
corregnantibus. Stoll.
A PARIS,
DE L'IMPRIMERIE DE DIDOT JEUNE,
Imprimeur delà Faculté de Médecine, rued*s Maçons-Sorbonne, n.c i3.
l8lO.
FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS.
1
1
M. THOURET, Doyen.
\
M. BAUDELOCQUE.
M. BOURDIE
R.M. BOYER.
M. CHAUSSIER.
H
M. COR VISA RT.
S
M. D E Y E U
X.'
M. DUBOIS.
M.
HALLE.
M. LALLEMENT.
M. L E R
Y.Dwfesseurs,J
M. PELLETAN,
M. PERC
Y.M.
P iN E
L.M. RICHARD.
M. SABATIE
R,M. SUE.
i
M. T H
I LL A Y E
, Examinateur.J
M. LEROUX,
Examinateur.I
M. "P E T
iT-R A D E L
, Examinateur.I
M
.D E
SGENETTES,
Président.f
M. DUMÊR1L, Examinateur.
! M.
D E
JU
S S IE U
,Examinateur.
\
M. RI CHER AND.
L
Pardélibérationdu ro frimaire an7,l'École a arrêté que"les opinions"émises
«tans !es ciissfrtafions qui lui snnt pre'senîe'es, (foivent^tre considérée» eonvne propres à leurs auteurs
; qu'elle n'enteud leur donner aucune approbation ni irnprobaiiou,
MES PERE ET MÈRE,
Témoignage de respect et d'amour
filial.R. Le MONNXER.
Il.lllIII
(5)
OBSERVATIONS
Sur quelques Epidémies de Saint-Domingue, compliquées des symptômes de la fièvre dite jaune.
Aucuns
climats n'exigent plus impérieusementlesmesures sévères de la police médicaleque
ceux qui sontsituéssous lazone torride.Là
les maladies marchent ayee tantderapidité et deviolence,que
la
médecine
n'offre plus de ressouces àl'homme
de l'art pour en arrêter lesprogrès. Spectateur inutile de tant de calamités, lemé-
decin ne peut
que
serépandre en vains reproches, si sa sagesse avait prescrit aux chefsles régies de l'hjygiène, qui peuvent seules dé- tournerl'orage.Envainreeoure-t-on alorsavecempressement
à tout ceque l'urgence d'une position désastreuse paraît indiquer ; efforts superflus! le mal, dès l'invasion, est déjà à soncomble
, lesvictimes sont désignées,les sources de la vie sont altérées, et souvent quel- ques heures suffisent pour en supprimer le cours. Bien pius, ces mesurestrop tardives répandent l'alarme;, et la terreur vient para- tyser uf! reste d'énergie vitale qui peut-être pourrait soustraire quelques victimes.Maisilne m'appartient point de traitericiune pareillematière
que
tant
d'hommes
justement célèbres et de diverses nationsont éclaircidanstous.es points, et mis hors de doute; il
me
suffit d'avoir été pénétré de l'utrlité de leur» principes dans diverses maladiesque
j:ai vues régner
àSaint-Domingue
d'unemanièreépiciémique. Je n'ai<Ni
que des observations à présenter; je les décrirai telles
que
je les aiobservées sur les lieux, et je choisis celles qui, sous le type de fièvre double-tierce, aucommencement
de l'épidémie, m'ont offert dessymptômes
graves, ataxiques,putrides, et quelquefois ceux dela maladie désignée par le
nom
deJièvrejaune. Cette dernière n'est peut-êtreque
le summuiri de cette fièvre maligne, plus ou moins intense, qui attaque isolémentchaqueindividuqui passede l'Europe aux Antilles. Très-rarementun
seul échappe au tribut qu'elle exige pour se créoliser, suivant l'expression du pays ; mais tout léger qu'il soif pourquelques privilégiés, il ne leurpermet
pas moinsd'habiter sansdanger les lieux ravagés par la fièvre jaune la plus iutense; té»moin
le séjour de nosmalheureux
réfugiés de Saint-Domingueau
milieu des épidémiesde Philadelphie, de Baltimore etautres villes
du
Nord-Amérique'. Il est de faitqu'aucun d'eux ne fut atteint de ce fléau} qui pendant
un
cours de quelques mois enlevaun
quart de la population de ces villes naissantes.Le
typed'une maladie,quand
elle est légère,estbien indifférent, sans doute, et il leparaît également lorsqu'elle est grave,anomale, ataxique, parce qu'alors elle n'ensuitaucun
; cependant, si ellerègne
dans le cours d'une épidémie, elle serattachera toujoursaux premiers caractères qu'elle aura démontrés, et qui auront permis de la désigner. D'ailleurs letypede double-tierce est reconnu pour être le plus ordinaire dans les fièvres, par la majeure partie des auteurs qui ont écrit sur les maladies desAntilleset dela partiedu
continentAméricain situéentre lestropiques.Ils n'en ont déduit au-cune
conséquence; jem'en
permettraiune:c'est que, sousce type,j'ai toujours observé
que
lesvomissemenset les évacuations alvines étaient le plusconstamment
verdâtres.Quand
cesymptôme
per- siste, on est sûr de voir les affections nerveuses prendre de l'in- tensité.Les maladies sur lesquelles je
me
propose de donner des obser- vations ont régné d'une manière épidémique, et toutes différentes qu'elles ont été dans les trois cantonsque
je cite plus bas, elles(7)
o-nt toujours affecté le type de fièvre double-tierce.
A
Saint-Domin-gue
plus qu'ai!leurs, par le concours de causes diverses 3 lesma-
ladies doivent nécessairement varier.
Le
soi,coupé
par des chaînes demontagnes
plus ou moins élevées, dont k\ direction trace aux brises si salutaires le courant qu'elles doivent suivre , couvert eo*d'autres endroits de forêts
immenses
ou de plaines dont la pente est quelquefois insensible , et laisse séjourner plus ou moins de temps les eaux qui , dans les plus fortes chaleurs, sont versées par torrens ; les fatigues, les affections morales des nouveaux débar- qués, voisinfs de la nostalgie; la manière de vivre des habitaris, leur genre de culture; que de causes^nfluantes!Toutes
ces considérations établissent naturellement des diffé- rences clans les maladies. Elles sont de la plus haute importancedans tous les pays , et doivent faire l'objet d'une étude particulière, sur- tout aux colonies. Ces différences sont si frappantes à Saint-Do-mingue, que
d'une habitation à l'autre le traitement exige des modifications; etcomme
l'observe judicieusementM.
Dazille:«Les
« maladies d'un, quartier ne sont jamaiseelles d'un autre. » C'est en pratiquant la médecine:dans un paysiéloigné et presque
nouveau,
sous le rapport de ses éiablisseméns,que
l'on sent le besoin, l'urgence d'une topographie générale, afin de rallier ses idées et ses observations particulières;à un centre de Connaissances aussi étendues que solidement établies.Là
lemédecin,
presque toujours isolé dans sa pratique àSaint-Domingue,
puiserait, dès son début , les maicriaux de ses premières observations compara-tives. Il en naîtrait.",sans doute un traité bien intéressant (puis- sions-nous tire à
même
de l'exécuter!) ; mais cet ouvrage ne peut être celui d'un seulhomme
: d'ailleurs a-ton donné à cet objet siimportant l'encouragement dont il a besoin?
D'après le plan que je
me
suis prescrit, je doisme
renfermer dansla description des maladies que j'ai observées sous le type de 'double tiei'-e, ayantdu
-rapport avec la fièvre d\\e/aune
, ou qui(8)
ont coexistéavecelle.Je
me
concentrerai encoreplusdans la localitéoù
j'ai l'aitmes
observations, puisque la plus grande distance d'un quartier à l'autre est de six lieues; j'en donnerai une topographie relative seulement à sa pricipale influence sur les maladies.Définition de la Fièvre double-tierce.
'Une fièvre dont les accès desjours impairs se correspondent, et danslaquelleceuxdes jours pairs suivent la
même marche
,mais ont lieu àune
heuredifférentedes premiers, est appeléejièvredouble- tiercej elle peut être rémittenteou
intermittente.On
suppose,d'après cette définition,
deux
accès distincts et ayant lieu les jours impairs àune
heure différente de celle des jours pairs.Ce
n'estpoint, ainsi
que
je l'ai observé; elle n'est àmon
avis qu'une fièvre tierce dont l'accèscommence
le soir , et le lendemain vers midile paroxisme s'annonce avec plus de violence : frisson, nausées, vomissemens, mais l'anxiété est moindre. Jusqu'au paroxisme, il
y
a éréthisme, stupeurmême;
toutes les sécrétionssont altérées, la force médicatricene
parait prendre le dessusque
lorsqu'ellepeut produire
une
réaction assez puissante pour développer le pa- roxismedu
milieu du jour ; s'il parcourt ses périodes avecun
peu de régularité, ily
a toujours soulagement, le matindu
troisième jjour Je malade estou
dans l'apyrexie , ou avec rémission très- jnarquée,.Topographie particulière de* trois panions
oh
j'ai observé.Tout
lemonde
connaît la latitude de Saint-Domingue entre les37 et 30 degrés, nord .. .
pour
ne pas sortir des bornes dans les- quelles je veuxme
renfermer, je vaispasser de suite à la descrip- tion topographique de ces trois quartiers (Aquin^
Saint-Michelet leRochelois
), situés à la partie la plus est
du
départementdu
sud de cette colonie, et séparés par des montagnes,dont legisse-(9)
ment
principal est de l'est à l'ouest; ils sont,comme
je l'ai nerobservé, assez voisins, Aquin n'est qu'à six lieues de Saint-Miche ,
etce dernier à deux seulement du Rochelois.
i.°
Aquin
est un petitbourg
bâti au milieu d'une plaine de trois lieues de l'est à l'ouest, ei une et demie du sud au nord , cernée au trois quarts par une chaîne de montagnes; le reste est ouvei au sud,et lamer
enbaigne les bords.La
pente en est généralement trop douce; une très petite rivière passant à l'ouesl du bourg coule aveclenteurdu nordausud.Le
bord de lamer
est coupéde plusieurs baiesdontla principale est très-profonde (elle se comble de jour en jour). Les esters couverts de mangliers s'étendentauloin;aprèsles pluies ils donnentune
quantité prodigieuse d'insectes; au temps de l'hivernage,'J'eau couvre de grandes surfaces que le soleil dessèche,et qui deviennent ainsi chaque année la source de fièvres inter- mittentes.
2.°
Le
bourg de Saint-Michel,composé
seulement de quelques maisons, est situé surun morne
trop peu élevé pour le garantir del'airinfect
que
lui porte chaque jour le vent d'est, en balayant la surface d'un marais de plusieurs lieues d'étendue,nommé
élangde
Miragoane. Cela seul suffit pour établir l'insalubiité de ce quar- tier, en se rappelant surtout que la chaleur àSaint-Domingue
n'est tempérée que par les deux brises est et ouest; mais principa- lement celle de l'est, la seule régulière et qui règne quinze à vingt heures; en outre, la
montagne
du Rochelois se terminant vers lesud-ouest prive ce bourg dubienfait de la brise d'ouest.
3.°
La montagne
duRochelois,élevéedeplubieurs centainesdetoises au-dessusdu
niveau delàmer,aune
longueurde quatre à cinq lieues, et presque partout une lieue de largeur.Cettemontagne
couverte de café , aussi intéressante par sa situation que par sa richesse,
forme
le plateau le plus agréable.Quoique
situéecomme
Saint- Michel, sous le vent des marais, le vent d'est qu'elle reçoit a passé trop au-dessus d'eux,Là
le teint des habkans contraste assez avec—
-i—— —
im
i— —w—
wrcelu,de ceux qui séjournent dans les plaines et au bord de la
mer
pour prouver la salubrité de ce local privilégiéC'estdanscestroisquartiers, qui diffèrentencoresoustantd'autres
r„(
H sera, déplacé de ,es rapporter ici ), et où j'ai pratiq la-edecne,
que ,'a, observéles maladies dont la description suit.
qui
tnsTc T^^"
eStSI>
and—
eux, qu'u'nhomme
W
, dans la camcule, passerai successivement un jour dans l'un etI autre, nepourra, pas dire avoir habité sous la
même
latitude s'ilseformauune.déedelachaleuratmosphérique.n'augmentan
q 'e„«onde
chaque degré plus rapproché deléquateu"; ilseraitYnl
L oua^o'T"
°Urg d'
AqUin
,e lI~ètre {Réaumur)
«na.qua.tJo, dansun jourassezchaud, et au Hochelois à peine
J.
Observations recueillies
au
bourg d'Jquin.Il n'estpas rare de voirdans le bourg d'Aquinet ses dépendances régner deux o,s l'an des fièvres
assez ordinairement
biJse, D.«
les
^
années p.uv.euses elles
sont fréquentes, mais aussi moins dan- ge.euses
; les evacuat.ons se font avecfacilité, elles soulagent sans
"sHoi ^faTT
îS maîS" h
SéChereSSe***. «*
'«2
d est sou fa,ble,
û y
a tout à redouter pour cettecommune
• lapnvauon
d'eau de bonne qualité peut ê/re mise entête^qje
toutes les sources tarissent.
P'esque Ces. dans «nepareille circonstance qu'aumois deseptembre 170J ,e„soeras,o„
'observer, au milieu d'une fièvre double-tie ce bi- lieuse dout plus de la moitié des habitans furent atteints dés
Cornes
très-graves, ataxiques, advnamiques; ils augment'aien^r P
e"'aiSOn^ " '""*«
de**£
-unisdafslmeme
ma
so D.Pres ,ous aïaient |e pou)s^ ^
chaleur
megalemem
repartie,desvomissemensverdàtres;1les déiec- uonsenpe.ueciuan.i.é.peuconsistantcs.presqneaqueuscs.avaien.fa
cettecouleur
générales
évacuations parles voiesdigestives; iy en
...-.._..--....
C
'O
avaitqui portaient cettecouleur assez fortepour que, ne considérant
que
la teinte verdâtre , on eût pu appeler aussi cette maladie jîèvre verte} fort peu succombèrent, parce qu'après le premier sep- ténaire au neuvième ou onzième jour il survenait des évacuations alvines de bonne nature.Mon
traitement général consista en bois- sons mucilagineuses, limonade végétale, fort peu de minérale , la-vemens,
fomentations, cataplasmes,quand
le malade pouvait les supporter,avec legombo
,{kelmia africanafrutescens), la raquette (opuntia herboriaruni) , l'ipécacuanha,comme
vomitif, la casse ai-guisée, les tamarins, quelquefois le
camphre
et le nitre, le quin- quina purgatif le séjour à lamontagne
pendant la convc"«lescence.
Presquedès ledébut decetteépidémie
, quelques maladesjeunes, vigoureux, parmi lesblancs ou lesnoirs, furent atteins de plusieurs
symptômes
qui caractérisent la fièvre jaune, céphalalgie insuppoi>table, chaleuracre de la peau,soif, douleur à Pépigastre ou oppres- sion , puis cessation subite de la fièvre, vomissement, et surtout suppression de l'urine; mais chez aucun je ne vis la suffusion icté- rique. Cette maladie, que nous]regardons d'abord
comme
unefièvre ardente, le causos, fit périr les sept huitièmes avant le septième jour. L'alarmeserépandit danslesenvirons, à Saint-Louis, etmême
aux Cayes;les médecins de ces villes, remplis de la description de
Ja fièvre jaune» qui depuis 1793 avait été si meurtrière au nord-
Amérique
.nousdemandaientcellede l'épidémie qui nousravageait,
de la fièvre jaune, en un mot.
Un
médecin de la facultédeNancy, M. Tournay
, avec lequel j'étais lié, vint, àma
sollicitation, se con- vaincreque
cette cruelle maladie avaitmarqué
ses victimes chez ceux-làmêmes
qui avaient plus de droits à la vie, lesjeunes gens d'une constitution robuste; en effet, il ne périt qu'un très-petitnombre
de femmes. Toutes les ressources de la médecine furent vainement employées, et pour mieux dire,elle ne nous en fournit aucune; il suffit d'en citer quelques exemples pour regarder cett®maladie
comme
au-dessus de tous nos moyens.C
»)
1/
OBSERVATION.
M.
. . ., duLanguedoc,
habitant St.-Domingue
depuis sept ans,,âgé de vingt-quatre àvingt-cinq ans, d'une constitution athlétique, barbe et cheveuxnoirs,d'uneforce extraordinaire,et se complaisantà j'exercer, se rend à pied, pendant la plus forte chaleur, au bord de
la
mer,
distante d'une lieue de sademeure,
s'y fatigue beaucoup, en faisantembarquer
des sacsdecafé.De
retour avant le coucher dusoleil,il va se
promener
encorele soiravec un desesamis.A8
heures,céphalalgie, augmentant à chaque minute, d'une intensitéextrême, lorsque je fus appelé à 10 heures. Pouls petit, serré; face rouge, pourpre; œil saillant, injecté; délire menaçant, presque furieux;
saignée copieuse, apparence de calme jusqu'à minuit , lavement émollient, puispurgatif, aucune évacuation; langue sèche , épaisse;
douleurà l'épigastre; refus de toute autre boisson que l'eau, et qu'il
ne prend que parun
mouvement
d'impatience; délire plus furieux à l'approche du jour. Seconde saignée: aucun soulagement;quelques
vomissemens
noirs , sans douleurs à l'épigastre ; suppression del'urine, puis
abdomen
tendu, excessivement douloureux.A
midi , lafaceest d'un rouge noirâtre, elle se
décompose;
la céphalalgieest obtuse, la bouche béante; langue noire, plus épaissej assoupisse-ment
continuel, qui estencoreaugmenté
par l'effet d'un bain, dans lequel le plongent desfemmes
semêlant de la médecine; quelquesmomens
après, le ventre n'est plus douloureux; elles l'attribuent au bain, et en conseillentun
second dans lequel il meurt.La
maladie n'eut pasun cours de 24heures.IL*
Observation.
Un
jeunecréole de vingt à vingt-deux ans, d'une forte constitu- tion, très-adonné auxfemmes,
est prissubitement, après son dîner, d'une céphalalgie très-intense; il vomit ses alimens; douleur viveM
( i'î )
aux lombes. Je nefus appelé qu'au milieu de la nuit, après que ses parens eurent
emplojé
quelques drogues. Alors face tuméfiée,
veux sensibles à la lumière, regard hardi, audacieux; réponses brèves , langue sèche, soif peu
marquée,
chaleurcomme
hali- tueuse, pouls dur, très-serré :même
céphalalgie, urine rare ettrès-rouge; saignée qu'on réitèrelesoir; pédiluve chaud; boisson émol-
liente nitrée.
La
nuitsepasse assez bien,maislepoulsnesedéveloppe point; la langue est sèche, la soifse fait sentir; l'urineplus abon- dante, toujours rouge et brûlante.A
midi, céphalalgie, chaleur excessive, agitation extrême, peau chaude et sèche, poulsplus fré- quent,œil menaçant, impatience du malade; saignée, et cependantle soir augmentation de toutes les svmptômes. Aprèsminuit,
un mo- ment
de rémissionj lavement avec la casse et le sel; évacuation de matièressèches,dures, fétides.A
6heures, lematinyeaudecasseaveclesucd'orange
commune
; trois petitesévacuations d'une fétidité in- soutenable ,aucune
douleur à l'abdomen.Le
jour suivant, par le défaut de brise, la chaleur fut étouffante: alors anxiété extrême délire; le malade abandonne son lit et se couche toutnu
sur lecarreau , sinapismes; le soir, vomissement de matières vertes, tou- jours
même
céphalalgie; agitation extrême , tremblemens , soif plusforte.Le
quatrième jour, langue sèche, brûlée, tremblante;sputation fréquente; vomissement de matières noires, épigastre douloureux, plus d'urine; lavement laxatif, point d'évacuation
mêmes
boissons camphrées et nitrées.Le
soir, pouls très-petit, toujours serré; délire, paroles plus incohérentes, perte de con- naissance; évacuationsinvolontaires de matières noires, fétides; sin- copes, mort dans la nuit. .Observationsfaites
au camp
de Saint-Michel.Au
mois de septembre de l'an 10, on fortifia lecamp
de SainS- Michel ,de plusieurs compagniesde troupes deligne. Jusque-là, les postes duCordon du Sud
avaient été occupés par les troupesdm
"ùnmm
(H)
pays; aussi n'avais-je eu pendantsix moisque quelquesfièvres inter- mittentes, tierces
, fort peu dequartes. Ailleurs je n'aurais paseu
un
malade.LesFrançais ne furent pasquinze jours bien
portans, dans les di- verspetitspostes situés,delamanièrela plus désavantageuse, sous le
vent de l'étang. Il faut noterque ces troupes, débarquées depuissix
mois, avaient séjourné
deux
ou trois ans dans l'isle de Corse.La
plupart des
hommes
decette demi-brigade n'avait éprouvé que plus tard etavec beaucoup moins d'intensité que les autres, les maladies dites du pajs.Malheureusement
, leur confiance futpar la suite cruellement de*çue; au fait , ilsn'étaientpoint acclimatés.
La
maladiecommença
par un lieutenant,jeunehomme
devingt- six à trenteans,d'une constitution lymphatiquebilieuse.Cetofficier, distingué par son mérite, avait fatigué beaucoup pourreconnaître' le terrain; son poste était le plusavancé.
Le
lendemain d'un second accès defièvre tierce,il vintme
trouver.Le
3o septembre.troisième accès de fièvre tierce; à 11 heures, frisson de demi-heure.Peu
decéphalalgie, point de soif,urineassezabondante, mais aqueuse;légcre moiteur à 4 heures.
Dès
le soirmême
la fièvre prend le caractèrede double-tierce; céphalalgie assez vive,poulspetit,serré, peausèche, soif,urinetoujoursaqueuse,maisbeaucoup moins abon- dante, insomnie.
Le
lendemain i.« octobre,bouche pâteuse, soif, céphalalgie sus^orbitaire.A
11 heures , froid des extrémités, augmentation des autressymptômes,
vomissemens de matières vis- queusespeuamères,
chaleur acre de la peau,'urine rare, point de sueur après l'accès; cependant nuit assez bonne, sommeil.Le
2, ipccacuanha 26 grains, tarlrite de potasse antimonié
un
grain à prendre en deux doses ; vomissemens et plusieurs selles.Le
soir, céphalalgie sus-orbitaire , lassitude dans lesmembres
in- férieurs, léger sentiment de froid, suivi de chaleur, pouls assez développé, peau sèche, moins brûlante, peu de sommeii.Le
3 lavement purgatif, évacuations bilieuses acres; à midi, le redouble,ment;le4,purgatif, casse aiguiséeavec letartriteacidulédepotasse,
(i5)
Enfin la fièvre continue avec ce type double-tierce bien intermit- tent jusqu'au septième ; il n'y eut point de soulagement par les crises, elles furent incomplètes. Point d'apyrexie entre l'accès
du
7 et celui du9. Vésicatoires aux jambes ; le 10 , peauaride, langue sèche,
muqueuse,
délire taciturne; il parle de son pays, de samère
: le soir, assoupissement ;sinapisme, vésicatoiresaux cuisses, lavement dekina purgatif. Il refuse tout; lèvresencroûtées, langue brune rugueuse ,extrêmement
sèche :même
état jusqu'au i3 :alors respiration
un
peu gênée, haleineexcessivement fétide; nou- veaux sinapismes, large vésicatoire entre les deux épaules , ceux des jambes deviennent livides; mort dans la nuit.Nuldoute que,sansla nostalgie , cette fièvre n'eût
marché
régu- lièrement, et avec une issue heureuse.Dans
l'espace de vingt jours, plusde cinquante militaires furent successivementatteintsde fièvredouble-tierce,lesuns dèsl'invasion;chez d'autres, il
y
avait eu quelques accès de cette fièvre tierce in- sidieuse.Tant
que les évacuationsbilieuses se soutinrent ,presque tous guérirent le septième , ou au plus tard le neuvième. Mais lenombre
des malades augmentant, les îogemens séparésme man-
quèrent; je fus obligé deme
servir d'un logement destiné à la fabiication du sucre, percé de fenêtres d'un seul côté, clansun local bas.Ces malheureux étaient entassés aunombre
de plus de soixante dansune partie de ce bâtiment, sans linge....Bientôt la fièvredevint . continue, et avec elle chaleur insoutenable,peau d'une âcreté ex- cessive, peu d'urineou suppression totale ; en attendant leur trans- lation à l'hôpital d'Aquin, beaucoup périrent le 2, le S.e jour, quelques-uns avec la suffusion ictérique, d'autres plus tard, avec tous les
symptômes
caractéristiques de la fièvre jaune observée au Poit-au-Prince, aux Cayes; anxiétés, vomissemens noirs, absence totale de l'urine et de lafièvre après le trois ou le quatrièmepur;
jamais, malgré l'urgence d'une position aussi déplorable, on ne put forcer les entrepreneurs à transférersur les lieux leur hôpital d'ambulance,
suîïi &atm
MHMMMK
(16) ^
Observations
du
Rochelois.t
Enfin le troisième et dernier quartier où j'ai fait des observa- tions ,est sur la
montagne
du Rochelois, plateau'magnifique dont l'atmosphère tempérée offre à l'Européen qui arrive la presque certitude de s'acclimater.Après avoir chassé les noirs insurgés de l'antique et insalubre ville
du
Petit-Goave, legénéral envoya à lamontagne
des troupes qui arrivaient de France, aprèsune
traversée de quaranteou
cin-quante jours.Elles ne prirent point part à l'action , formèrent Par*
Hère-garde, et par conséquent n'entrèrent point dans la ville.
Trois ou quatre cents
hommes
de ces nouvelles troupes furent destinés pour ce poste principaldu
cordon. Réduit là,comme
je l'avais étéprécédemment
, par lemême
vice d'administration» à trouver des ressources dans le localmême
, je fisrassembler deslits, des
médicamensépars
sur les habitations. Les militaires avaient cinq lieues à faire pour aller prendre leurs rations au port le plusvoisin.
Le manque
d'animaux pour ce transport, et les cheminsdifficiles, engagèrent le
commandant
à les laisser se nourrir des vivresdu pays, abondans et de bonnequalité dans cette montagne.Je
me
chargeai de présider à la préparation de tous leurs repas;je fus assez payé demes
soins, puisqu'aucun soldat ne futincommodé
par cesalimens aussi nouveaux pour eux que le sol sur lequel ils venaient dedébarquer.
La
viande salée qu'ils recevaient pour toute ration les porta àmanger une
grande quantité de porc fraisAvec
ce régime, les courses fatigantes pendant le jour, et les veilles nécessitées par notre position au miiieu d'un pays insurgé,un
moisentier s'écoula avant que j'eusse un seul malade. Les pre- miers en furentquittes pourun
embarrasgastrique, quelques accèsde
fièvre qui cédèrent à un émétique, l'ipécacuanha, et dix à douze jours après ils furentenétat de reprendre leur service. Mais bientôtiiuiiiw
C*7)
cette filvie bilieuse simple, ou seulement embarras gastrique,prit le type de double-tierce intermittente; je
me
hâtai dès le début defairevomir avec l'ipécacuanha, et j'associai ensuite aux seuls laxatifs
que je possédais (la casse et le tamarin ) , les
amers
et aromatiques indigènes. J'eus quelques malades dont la fièvre plus forte n'en fut pas plus dangeureuse; tel futun
caporal , jeunehomme
d'un tem-péramentbilieux,sanguin,qui, après unrepas copieux de porc fraiset d'ignames (dioscorea), eutdans la nuit une indigestion.
Le
matin 5 germinal an 1 1 ,céphalalgie sus-oibitaire, douleur aux lombes ,cha- leur, courbatures générales , langue couverte d'un enduit jaunâtre, mais sec; à dix heures, frisson assez long, puis chaleur acre de lapeau, pouls dur: céphalalgie; limonade nitrce, pédiluve; moiteur.
Le
sixau seir,nouvel accès sansfrisson,nuit agitée, facetrèt-colorée.Le
sept,yeux
Iarmoyans : petite saignée, lavement ; àn
heures,frisson, urine rare, très-rouge, acre.
Le
8, ipécacuanha , vomisse-ment
abondant, à peu prèsmême
état jusqu'au io germinal, sep- tième jour de la maladie: casse aiguisée ; évacuations abondantes,
fétides, mais toujours de la céphalalgie; enfin terminaison par
une
sueur critique le neuvième jour depuis l'invasion. Convalescence prompte.Au
milieu de plus de soixante malades, disséminés, autantque
que je l'avais pu, autour de la maison principale, qui était retran- chée,M.
de Montfalcon,commandant
tout le cordon, est atteint,
le27 germinal, d'une fièvre bilieuse putride, conservant quelque empreinte de la fièvre qui dévastait les grandes villes ; aide-de-
camp
du généralDugas,
il était dans la colonie depuisun
an. Cetofficier, d'un
tempérament
lymphatique bilieux, avait excessive-ment
et inutilement fatigué, pour rassembler quelques noirs épars surles habitations voisines.Dès
le premier jour, lassitudes, dégoût pour les alimens ; cependant la langue dans l'état naturel , cé- phalalgie , peau molle, peu chaude.Le
troisième jour, je le fisvomir avec l'ipécacuanha ; les évacuations furent abondantes ,
r 3
iimminnii—
Mu
fièvre dans la nuit , chaleur assez forte, ainsi
que
la céphalalgie.Le
4 , il fe réveille après une heure de sommeil, avec de la dou- leur à 1 epigastre , de l'inquiétude ; la fièvre est presque nulle:nausées; potion tonique et antispasmodique ,sinapisme, lavement
irritant; évacuation fétide, brune, séreuse.
Le
6 au soir, le pouls se relève, l'anxiété diminue en proportion; dans la nuit la céphal- algie devient intense , la chaleur de la peau excessive.Le
septième jour, délire : vésicatoire aux jambes , lavementavec
l'huile de ri-cin; évacuation fétidetoujours brune; dans le jour; quelques cuil- lerées d'huile de ricin.
Dans
la nuit, prostration après deux selles;elle
augmente
le huitième jour ; mais les évacutions alvines se soutiennent, et sont de meilleures qualités ; quelques cuillerées de vin.Même
état jusqu'au 9 au soir, pertede connaissance, délire, langue sèche, brune.Le
io> paroles plus incohérentes, prostra- tion plusmarquée;
les deux jours suivans,même
état à peu près, urine plus rare encore, trouble, noire , assoupissement^ vésicatoire aux cuisses , chaleur extrême et froid des pieds : sinapismes.Le
treizième jour, depuis l'invasion, nous reçûmes l'ordre d'évacuer;
je le fais transporter dans
un hamac
Après douze heures demarche
, je le place à bord, et lorsque noussommes
à deux lieuesen mer, il recouvre sa connaissance; la langue, toujours noire,
commence
à s'humecter. Je découvre le lendemainune
escharre gangreneuse à la cuisse près le pli de la fesse.Quoique
retenu au Port-au-Prince, laconvalescence marcha assezpromptement
; elle futexempte de rechute.Sur plusjle soixante malades que j'accompagnaiavec le
comman-
dant danscette
marche
pénible , je neperdis quedeux convaiescens qui moururent subitement; surpris par quelques coups de fusil que noustiraient deshordes d'insurgésépars dans lesbois, à chaque halte que nous étions forcés defaire.Pendant un mois, je vis
mes
convaiescens sepromener
dans la ville du Port-au-Prince : jusque-là aucun ne fut atteint de la fièvremmmmm m
C
19)
jaune qui
y
régnait encore. Cette simplefièvre bilieuse les en aura- feclle préserves 1lus long-temps, ou aura-t-elle suffi pour les accli- mater?C'est ce dont je doute, et ce que je regrette de n'avoirpu
observer.
Parmi les amers et aromatiques que j'employai dans les mala-
ladies qui t'ont le sujet de cettedernière observation , je
peux
citer Je bon effet que j'obtins de l'écorce dumalambo
(1) , donnée àla dose de 2 à 3
grammes
en poudre , et souvent en décoction à vaisseau clos, g ij par pinte, en teinture alcoolique.On
voit, d'après ces observations,que la fièvre jaune peut se dé- clarer aux Antilles au milieu d'une épidémie,même
bénigne, sion néglige la propreté , et surtout l'isolement des malades.
A
Aquin, elleavorte en quelquesorte parces seules précautions, et après quelques victimes, la maladie estramenée
à son type or- dinaire d'une fièvredouble tierce 'bilieuse compliquéed'ataxie.A
Saint-Michel , les soldats furent d'abord affectés de fièvrestierce et de double-tierce , intermittente , qui cédaient au quin- quina ; mais ce
remède
souverain devint inutile etmême
dange- reux, lorsque la maladie offrit les caractères de la fièvre jaune.C'est là que j'observai une plus grande réunion des
symptômes
qui la caractérisent.Chez
beaucoup, la suffusion ictérique, dès le troi-sième ou le quatrième jour, précéda la
mort
de quelques heures seulement.Sur la
montagne
du Rochelois, une fièvre double tierce bilieuse atteint des militaires nouvellement débarqués, tandis que leur chefoffre , pendant le cours d'une maladie grave , quelques
symptômes
de la fièvre jaune. Il avait séjourné plusieurs mois dans les villesoù elle sévissait , à chaque heure , les officiers entraient dans sa
(0
V°y> Ie Journal dela société médicale d'émulation de Paris. Féyries 1808.imiim
( 20 )
cambre;
ceux d'entre eux qui furent ensuite malades n'offrirentaucun
fâcheuxsymptôme
qui pût faire soupçonner la- contagion.Cependant
M.
deMonfaicon
avait bien la maladie àhefièvrejaune.Dans
la plaine, il aurait couru toutes leschances fâcheuses de cette épidémie si redoutable.Quant
au traitement considéré d'une manière générale, partoutje m'occupai de débarrasser les premières voies, l'ipécacuanha,
comme
émétique, etnon
le tartrite de potasse antimonié seul, lesdoux purgatifs quelquefois aiguisés.
A
Aquin, aux stimulations cu- tanées, je joignis l'usage fréquent des antispasmodiques, l'éther principalement.A
Saint-Michel, j'eus recours de bonne heure, etmême
de suite chez quelques-uns, au quinquina, puis à des toni-
ques d'une autre espèce, lorsque l'éréthisme m'en interdit l'adminis- tration.
Au
Kochelois, le caractère de fièvre bilieusesimple secon- servant, jen'employaique lesévacuans,les boissons acidulés,ensuite légèrement toniques.•Malgré le désir d'ouvrir les cadavres de ceux dont j'avais suivi exactement les observations, nulle partil ne
me
fut permis deme
satisfaire. Je n'ai pas
une
autopsie à rapporter.(21
)HIPPOCRATIS APHORISMÎ
(Ex
aureâ edkioneHieronymi Mercuriaus
).I.
Incipientibus morbissi quid
movendum
videtur,move
; vigenti- bus verô , quietem agere melius est. Sect. ir, aph. 29.I I,
In morbis minùs'periclitantur
quorum
natures, et setati,et habituî, et temporimorbus
magisaffinis fuerit,quàm
hi quibusnon
affinis in aliquohorum
existit. Ibid, aph. 84.III.
Quibuscunque
morbis incipientibus, si atrabilis aut sursùm , autdeorsùm
prodierit, lethale est, Sect.ir
aph. 28*I V.
Quibusinfebribus
morbus
regius fit anteseptimum diem
, ma-:lum, Ibid,, aph, 62.
V.
Sitîmor ettristitia multo tempore persévèrent,atrabiliarium hoc
sîgnum
est. Sect,,n^
aph, s3.V
I.Morbo
regiolaborantibus hepardurum
fieri ,malum
est, Ibid,t aph, 42.&œ*mte
LXtQ
t'Stgt
: I
.