CHROMATOGRAPHIE EN PHASE GAZEUSE DES COMPOSÉS VOLATILS
DES GLANDES A PHÉROMONES DES ABEILLES :
MÉTHODES D’ANALYSE DIRECTE
B. MAUCHAMP
Laboratoire
Phytopharmacie,
LN.R.A., 78000 Versailles D. GRANDPERRINUniversité P.-et-M.-Curie, E.R.A. 620 rc
Cytophysiologie
des
Arthropodes
s, 105,bd Raspail,
75006 ParisRÉSUMÉ
Les
phéromones
des insectes sont des substances très volatiles. Les mauvais rendements des méthodes d’extraction et depurification
nécessaires lors de leur étude enchromotographie imposent
ungrand
nom-bre de dissections. Cet article
présente
unéquipement
trèssimple
permettant l’introduction directe et enpetit
nombre desglances
àphéromones
à l’entrée d’une colonne àchromatographie;
leprocédé
apermis l’analyse
de la substance d’alarme du dard de l’ouvrière d’Abeille(Apis mellifica L.).
Mots clés :
chromatographie phase
gazeuse,glande, phéromone,
substanced’alarme,
abeille ouvrière.INTRODUCTION
La vie des sociétés d’Insectes
estcontrôlée, hormis les facteurs
externes(climat, photopériode, nourriture)
etgénétiques, par des phéromones. Ces substances sont des
composés volatils de faible poids moléculaire élaborées par des glandes de dimensions réduites. Elles sont produites par les individus de
toutes les
castes et émises
en très faible quantité (10- 6 à 10-’z
g par individu); elles provoquent chez les congénères
une
réaction spécifique
auplan comportemental (attraction, répulsion...)
et(ou) physiolo- gique (substance royale des reines d’abeilles).
Le caractère très volatil de
cescomposés
etleur faible concentration
ontimposé
l’adaptation
etl’utilisation des méthodes d’analyse les plus fines. Manipuler à l’aide
d’un solvant rend nécessaires
unabondant matériel biologique
et ungrand nombre de dissections (B UTENANDT
etal., 1959). Cependant, il
estpossible d’utiliser
unnombre limité d’Insectes
enintroduisant directement
une ouquelques glandes
auniveau de l’in- jecteur d’un appareil de chromatographie
enphase gazeuse !ST?vLLBERG-STENHAGEN, 1972; B ERGSTR Ô M , 1973; M ORGAN
etal., 1979; D ESCOINS
etGALLOIS, 1979). Les équipements précédemment décrits
sontnéanmoins difficilement utilisables
sur tousles modèles de chromatographes. Aussi,
nous avonsadapté
etréalisé
undispositif simple,
peu onéreux, valable
sur toutappareil.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Les
analyses
sont réalisées parchromatographie
enphase
gazeuse à l’aide d’unappareil
Girdel série 30 muni d’un détecteur à ionisation de flamme. Laséparation
est obtenuegrâce
à une colonnepleine (5
%F.F.A.P. sur
Q.C.Q. 100-120)
de2,5
m. Latempérature
du four estprogrammée
de 50 °C à 160 °C(éléva-
tion de 10
°C/mn).
Dispositif
d’introduction de l’échantillonCe
dispositif
a été conçu pour introduire les échantillons àanalyser
au niveau del’injecteur
sans per- turber le débit du gaz vecteur. A toutinstant,
cesystème
permet une isolation totale avecl’extérieur;
il est constitué de troisparties principales (fig. 1).
e
L’aiguille
d’introduction : C’est un tube en acierinoxydable
de 13 cm delong
et 3 mm de diamètreinterne directement introduit en tête de colonne. L’extrémité de
l’aiguille
est ouverte maisprésente
uneconstriction
bloquant
lacapsule
contenant lesglandes.
Des ouvertures latéralespratiquées
sur lapartie logée
dans la colonne(fig. 2)
assurent à l’intérieur del’aiguille
un bonbalayage
du gaz vecteur.Ce tube est introduit dans
l’injecteur
au travers du septumd’injection
directeprésent
sur laplupart
deschromatographes.
Pourcela,
laperforation
du septum estlégèrement agrandie (2 mm).
La
simplicité
de cesystème
de raccordement avecl’injecteur
facilite ledémontage
et autorise une utili-sation de
l’appareil
pour desinjections classiques.
e Le 6oisseau : Il a rôle de sas d’introduction.
Deux raccords sont soudés en
ligne.
L’un assure lajonction
entre le corps du boisseau etl’aiguille
d’in-troduction,
l’une porte le nouveau spetum au traversduquel
sedéplace
lepiston
poussant lacapsule
dansl’aiguille
d’introduction.Une troisième ouverture est
aménagée
sur le corps du boisseau. Ces troisorifices,
ainsiqu’un
évide-ment traversant l’axe mobile du boisseau sont situés dans le même
plan.
e
Le piston :
Ilpermet
de pousser lacapsule jusqu’à
l’extrémité del’aiguille
et del’y
casser.L’ensemble est maintenu par un étrier. Son montage s’effectue en
quelques
minutes. Il est d’un entre-tien facile et toute contamination peut être évitée ou éliminée en nettoyant les différentes
parties
à l’aided’un solvant.
a
L’ampoule
d’introduction :L’ampoule
est un tube de verre étiré de 1,5 mm de diamètre scellé à sesdeux extrémités. Sa
longueur
doit êtrecompatible
avec les mouvements de l’axe mobile du boisseau. Elle contient lesglandes
et doit être ferméerapidement
à la flamme d’un microchalumeau. Pour éviter les ris- ques depyrolyse
oud’évaporation
lors de lafermeture, les glandes disséquées
peuvent êtreregroupées
dansun
microcapillaire
court (2 mm delong),
lui-même introduit dans lacapsule.
Ce
capillaire joue
le rôle de volantthermique
et évite le contact direct du matérielbiologique
avec laparoi
del’ampoule (site
d’une élévation detempérature).
Dans ces
conditions,
les solutions standard lesplus
volatiles sont conservées. Lesampoules
scelléessont maintenues au
congélateur jusqu’au
moment de leurutilisation;
si ces dernières sont conservées aufroid,
il est nécessaire de les ramener àtempérature
ambiante avant utilisation.Mode
opératoire
L’introduction d’une
capsule
s’effectue en deuxtemps.
Enpremier
lieu(fig.
3a), l’ampoule
estlogée
dans l’évidement de l’axe du boisseau
(1) qui
subit une rotation de 90°(2)
mettant lacapsule
dans l’axe del’aiguille.
A l’aide dupiston (fig.
3b), l’ampoule
estpoussée progressivement (3) jusqu’à
l’extrémité de l’ai-guille
où elle est laissée 1 à 2 mn avant d’être cassée par lepiston (temps
zéro del’injection) qui
est ensuite retiré au-delà du boisseau dont l’axe mobile est remis enposition (1).
Résultats
Le
dispositif
décrit a été utilisé et testé lors del’analyse
de la substance d’alarme émise au niveau du dard chez l’ouvrière d’abeille(Apis mellifica L.).
BLUM et al.(1978),
àpartir
d’extraits de dards entiers aidentifié
quelques composés
nous permettant de définir lesparamètres
del’analyse chromatographique
etde constater la
parfaite reproductibilité
des résultats obtenus lors des différentesinjections
d’unmélange
des
produits
standards.Le dard comporte
plusieurs
formationsglandulaires susceptibles
departiciper
à l’élaboration et à la sécrétion de cescomposés.
Cette substance d’alarme est libérée au niveau d’une surface de
stockage :
la membranepoilue (M
A
scHwrrz, 1964)
mais serait en réalitéproduite
par lesglandes
de Koschewnikow(plate-gland) (G
HENT
etG ARY ,
1962) et de làs’écoulerait jusqu’à
la membranepoilue
(voirfigure
4 etphotographies
1 et2)
Nous avons donceffectué,
dans unpremier
temps, les essais àpartir
de ces deux types de formations.Les
glandes
et membranespoilues
sontprélevées
sur des ouvrières d’abeilles de race italienne(Apis mellifica ligustica) d’âge
indéterminé tuées par le froid etdisséquées
sous binoculaire. Lespièces
sont scel-lées en
capsules.
Les résultats sont
présentés
sur lafigure
5.Le
chromatogramme
donnant lespics
de référence(fig.
5a)
a été obtenu parinjection
d’un solvant(hexane)
contenant en solution lescomposés
identifiés par BLUMet al.(1978).
Parmi lesproduits
volatils détectés au niveau de la membranepoilue (fig.
5b)
et lesglandes
de Koschewnikow(fig.
5c), plusieurs
ontpu être
identifiés;
ilscorrespondent
à ceuxdéjà
mentionnés(B LUM
et al.,1978)
et sontprésents
dans lesdeux formations mais à des concentrations très différentes
puisque
lafigure
5 bcorrespond
à une membra-ne
poilue
et lafigure
5 c à 20glandes
de Koschewnikow.Toutefois,
lescomposés correspondants
à certainspics
n’ont pu être identifiés defaçon
absolue.DISCUSSION ET CONCLUSION
Le dispositif décrit
estsimple, il peut s’adapter
sur ungrand nombre de chromato-
graphes
enphase
gazeuse.Utilisé ici
sur unappareil muni d’une colonne pleine, le
modèle proposé peut être monté,
enmodifiant l’interface
auniveau de l’injecteur,
sur unchromatographe comportant
unecolonne capillaire
commecela
aété décrit
parM OR -
GAN
et
al. (1979). La taille de l’échantillon donc la faible quantité de composés injectés n’impose pas l’emploi d’un diviseur.
Ce procédé offre,
enoutre, la possibilité d’introduire directement le matériel à étu- dier dans l’injecteur
eneffectuant
unminimum de manipulations. Ce système peut donc
s’appliquer aisément aux glandes mises
en évidence chez des Insectes
non sociaux
(B
IER
etal., 1978, D ES C OINS
etal., 1978), ainsi qu’à certaines espèces pour lesquelles
les phéromones ne sont pas synthétisées à partir de formations glandulaires (C HARARAS
et
al., 1980). En l’absence de solvant, les composés ne sont pas dilués
et détectés quelle
que soit leur polarité moléculaire, les risques de pertes par évaporation sont restreints;
aussi les chromatogrammes obtenus apparaissent complexes. Inversement, les inévita-
bles dissections influent fortement
surle niveau de la détection
etpeuvent nuire à la
sensibilité de l’appareil.
Les
travauxeffectués ici
surl’Abeille ouvrière
ontpour but de déterminer l’origine
et
la
naturedes composés volatiles constituant la substance d’alarme
en vuede
testerleur activité biologique. Les chromatogrammes obtenus
avecla membrane poilue
etles glandes de Koschewnikow y révèlent la présence commune de nombreux produits dont l’acétate d’iso-amyl, composant actif
et abondant de la phéromone d’alarme du dard
d’ouvrière (BocH, S HEARER
etS TONE , 1962).
Les importantes différences quantitatives observées
entremembrane poilue
etglandes de Koschewnikow
sontattribuables
auxpertes durant les dissections mais
sur-tout
à l’absence de véritable réservoir intraglandulaire (H EMSTEDT , 1969).
Ceci tend à confirmer l’hypothèse de G HENT
etG ARY
surl’origine de la substance
d’alarme
etprécise le rôle des deux formations étudiées : élaboration de la phéromone
au
niveau des glandes, rétention
etémission par la membrane poilue.
L’analyse
montre enplus l’existence de composés non identifiés, dont certains, peu
volatils,
ne sont sansdoute pas les plus actifs.
Reçu pour
publication
enjuillet
1981.Eingegangen
im Juli 1981.ZUSAMMENFASSUNG
GASCHROMATOGRAPHIE DER FLÜCHTIGEN VERBINDUNGEN DER
PHEROMONDRÜSEN
DER BIENEN : METHODEN EINER DIREKTANALYSEDie
Untersuchung
derVerbindungen,
die als Pheromone in das Leben der Insektenstaateneingreifen, gestaltet
sich wegen derFlüchtigkeit
dieserVerbindungen schwierig.
Um Verluste während derManipulationen
zuvermeiden,
wurde einEinlass-System entwickelt,
das für alle Modelle vonChromatographen adaptiert
werden kann. Es besteht aus einerEinführungskanüle,
die durch dasSeptum
in den
Kopf
der Säuleführt,
und die von demVektorgas
durchströmt wird. Diese Kanüle ist mit einem Gefissverbunden,
in das verschlosseneAmpullen
mitden
Probeneingeführt
werden können. Mittels eines Kolbens können dieAmpullen
in dieEinführungskanüle geschoben
und imKopf
der Säulezerbrochen
werden.Diese
Vorrichtung,
derenMontage
undReinigung
einfachist,
wurde bei derAnalyse
der Alarmsubstanzen des Stachels der Arbeitsbienenerprobt.
Nach GHENT und GARY(1962)
würde dieses Pheromon von den Koschewnikow-Drüsengebildet
und am Niveau der Haarmenbranabgegeben.
In denangestellten
Versuchen mit diesen beidenOrganen
wurde in ihnengemeinsam
das Vorhandensein zahlreicherflüchtiger Verbindungen nachgewiesen,
darunterIsoamylacetat,
dieHauptkomponente
desAlarmpheromons.
SeinWeg
konnte wiefolgt
bestimmt werden :-
Bildung
desAlarmpheromons
in denKoschewnikow-Drüsen;
-
Speicherung
undAbgabe
durch die Haarmembran.SUMMARY
GAS CHROMATOGRAPHY OF VOLATILE COMPOUNDS FROM PHEROMONAL GLANDS OF HONEYBEES : METHODS OF DIRECT ANALYSIS
The
study
ofpheromonal compounds
in the lives of insect societies is made difficultby
their volatile character. To avoid lossesduring manipulations,
a directintroducing
systemadaptable
to everychromatograph
model has been devised. It includes anintroducing
needleadapted through
the septum at the column head and traversedby
the vector gas. This needle is connected to a cock andpermits
theputting
inplace
of sealedampoules containing
thesamples.
Apiston pushes
theampoules
into theintroducing
needle and breaks them at the column head. Thisdevice,
which is easy to mount andclean,
has been tested in the
analysis
of thesting
alarm substance of thehoneybee
worker.According
to GHENTand GARY
( 1962),
thispheromone
emitted at thehairy
membrane would be elaboratedby
the Koshevnikovglands.
The tests carried out with two formations show the common presence of numerous volatilecompounds including isoamyl
acetate, the maincompound
of the alarmpheromone,
andspecify
their rolein this way :
- elaboration of the alarm
pheromone by
the Koshewnikovglands,
and- retention and emission
by
thehairy
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