Laboratoire de Recherches
Zootechniques
Institut National
Agronomique,
Paris.PLAN DU
MÉMOIRE
I. -
Étude
expérimentale de la conservation de pommes à cidre parensilage.
II. - Utilisation digestive et valeur nutritive de pommes à l’état frais.
Chez le mouton.
II bis. - Un cas de digestibilité perturbée chez le porc par la présence excessive de chlorure de sodium dans un ensilage de pommes.
III. - Effets du pourcentage de pommes ensilées dans le
régime
ali-mentaire du porc, sur la dépense alimentaire, la croissance et les qualités de carcasse.
Notre
production
d’alcool de la campagne Iq_54-Ig_5_5 adépassé
2 50000o hectolitres dont environ 30000o en provenance de la distilla- tion de pommes. l,es énormes stocks d’alcool accumulés ces dernières années
posent
à notre économie nationale desproblèmes
sérieux. Pourles résoudre un
plan
de réduction de cette fabrication a été mis enappli-
cation
depuis quelque temps.
Ce
plan
et larégression
constante de la consommation de cidre ont conduit la Commission Consultative des Cidres et Poirés du Ministère del’Agricttlture, préoccupée
de l’assainissement du marché des fruits àcidre,
à nous demanderd’entreprendre
l’étude despossibilités
de con-servation et d’utilisation de pommes à cidre pour l’alimentation du bétail.
Les trois mémoires
qui
suiwentexposent
les résultats de notrerecherche, qui
aporté
sur lespoints ci-après :
- étude des
possibilités
offertes par lapratique
del’ensilage
pourpréserver
le contenu nutritif des pommesentreposées
pour unelongue durée ;
- - détermination de l’utilisation
digestive
et de la valeur nutritive du fruit à l’état frais etaprès ensilage ;
- étude des effets d’une
incorporation
dans lerégime
alimentaire du porc charcutier de doses croissantes de pommes ensilées sur :l’appé-
tence de la
ration,
ladépense alimentaire,
la croissance et laqualité
dela carcasse.
( 1
) Recherches poursuivies avec le concours financier du Groupement National Interprofessionnel
des fruits à cidre (Crédits du Fonds National du Progrès Agricole).
Mémoires reçus pour publication le 18 septembre 1956.
RECHERCHES
SUR LACONSERVATION
PARENSILAGE
ET L’UTILISATION DES POMMES A CIDRECOMME ALIMENT DU
BÉTAIL (!)
I. - ETUDE
EXPÉRIMENTALE
DE LA CONSERVATION DE POMMES A CIDRE PAR ENSILAGE
PAR
A. M. LEROY S. Z. ZELTER
A. - Enoncé du Problème.
La
majeure partie
de la matière sèche de la pomme est de natureglucidique ;
elle seprésente
essentiellement sous forme de sucres solubles :glucose,
levulose et un peu de saccharose. Ces sucres constituent à la fois le matériaurespiratoire
par excellence des tissus du fruit mûr et des substancesparticulièrement précieuses
dupoint
de vue alimentaire.I,a
question
est de savoir dansquelles
conditions de conservation la réserveglucidique
des pommesentreposées
en vue de leur utilisation ultérieure pour l’alimentation animalepeut
êtresauvegardée
au mieux.Une riche microflore de levures
qui s’adaptent
aisément à des milieux depH
bas couvrel’épiderme
desfruits ;
elle estl’agent
d’un processus de fermentationcaractéristique, qui
seproduit déjà
en aérobiose etqui
s’intensifie en milieu confiné : le fruit
dégage
duC0 2
et il se forme de l’alcool et de l’acideacétique
au détriment des sucres solubles( 2 - 3 ).
Ce métabolisme
glucidique peut
s’effectuer dans la pomme même en l’absence delevure, grâce
à unphénomène
de « fermentation propre» (i).
Ceci
explique
l’échec de POULSEN(j) qui, expérimentant l’ensilage
de pommes en nature ou acidifiées
préalablement
par une solution A. I. V.,a
enregistré respectivement 6 5
et6 9 %
deperte
de matière sècheaprès
5 mois de conservation.
Connaissant la
perméabilité
sélectiveparticulière
de lapellicule superficielle
des fruits - celle de la pomme est facilement traversée par les cathions( 4 )
- et la facilité aveclaquelle
il estpossible
dedialyser
des mono et
dissacharides,
nous nous sommes demandés si uneasphyxie
relative de tissus de pommes, obtenue par immersion dans un milieu aqueux renfermant des substances
possédant
despropriétés
antifermen- taires nepermettrait
pas d’atténuer ladégradation
du contenuglucidique
de ce fruit conservé en silo étanche.
Cette idée a constitué notre
hypothèse
de travail pour la recherche d’unetechnique d’ensilage appropriée
à la conservation de pommes destinées à l’alimentation d’animaux de ferme.( 1
) Avec l’assistance technique de Mme NAVILLE et de Mlle DuMAY.
B. - Matériel et méthodes
expérimentales.
1
° Modes de conservation étudiés.
Des
quantités
connues(entre
300 et 400kg)
d’unmélange
formé enparties égales
de trois variétés de pommes à cidre(Frequin tardif,
Bedan blanc et Doux deNormandie)
récoltées entre le 5 et le i5 novembre r95.!sont ensilées le 17 du même mois dans 6 silos
cylindriques
étanches d’unmètre cube de
capacité.
Elles en sont retirées etpesées
avecprécision (le
12 avril
i955), après
21 semaines de conservation.I,a
composition
centésimale dumélange
de pommes à l’état frais est la suivante : matière sèche : 17,20 ; matières minérales :0 , 2 8 ;
matièresazotées totales : 0,30 ; matières grasses : i,2q. ; cellulose Weende : 1,09
(dont
0,92 de celluloseKürschner) ;
extractifs non azotés : iq.,29. Ces fruits contiennent9 , 7 6
p. IOO deglucides
totauxhydrolysables
et8, 19
p. 100de sucres solubles totaux
(exprimés
englucose).
Sur les six traitements
expérimentés,
5 consistent en une immersion dans :1
° de l’eau ordinaire pure
(traitement
témoinnégatif) ;
2
° une solution aqueuse à 3 p. 100de
NaCI ;
§3
° une solution aqueuse à 6 p. IOOde
NaCl ;
4° une solution aqueuse à o,5o p. 100 d’acide
formique ;
5
° une solution aqueuse à 0,25 p. IOO de benzoate de sodium.
Une
charge
uniforme de 180kg
par m2 maintient constamment enimmersion les masses ainsi traitées.
I,e sixième mode
d’ensilage
consiste en une conservation en anaéro- biose relative des pommes en nature, sous une couche de 50 cmd’épais-
seur de marc frais de cidrerie fortement tassée et sous une
charge analogue
à celle des autres silos.
2
° Critères et techniques analytiques.
Pour
l’appréciation
de l’efficacité destraitements,
nous admettons les critères suivants :a)
taux dedisparition
de substancesorganiques totales,
deglucides hydrolysables
etsolubles ; b)
concentrations finales des masses ensilées en substancesengendrées
par le processus fermentaire(alcool,
acides grasvolatils,
acidelactique).
Des échantillons
adéquats
de pommes sontprélevés
etanalysés
aumomen t de leur introduction et de leur extraction du silo. I,a matière
organiq ue
est déterminée par différence entre les teneurs en matière sèche dosée par dessiccationjusqu’à poids
constant, dans un tunnel à rayonnementinfra-rouge
et les matières minérales obtenues par unecalcination à
550 0 C
dans un fourélectrique.
Lesglucides
réducteurstotaux
(exprimés
englucose)
sont dosés sur i gramme de matière sèche de pomme par latechnique cuprimétrique
de BERTRArrn(6), après
4
heures
d’hydrolyse sulfurique
sous reflux. I,es sucres solubles sontisolés par deux extractions successives de 0,4 g de
produit
secpendant
30 minutes au
bain-marie,
à l’alcool à 80p. ioo(éliminé
ensuite sous videet à basse
température)
et àl’eau ;
lepouvoir
réducteur total(exprimé
en
glucose)
avant etaprès hydrolyse sulfurique
est déterminé par iodo- métrie selon SOMOGYI( 7 )
sur deux extraitsséparés, après
défécation à l’acétate de Pb dont l’excès est éliminé des filtrats par duphosphate disodique.
Dans le
produit humide,
nous dosons directement l’alcool selon SEM
iCHON et Fr,Anzy
(8) après
deux distillations dont une en milieu alcalin pour retenir les corpssusceptibles
d’interférer avec cedosage ;
l’acide
lactique,
par colorimétrie à l’aide de latechnique
de BARKERet SuMM!RSOrr
( 9 )
modifiée récemment par BARNETT( 10 )
etqui
reposesur la réaction très sensible entre
acétaldehyde
etp-hydroxydiphenyl ;
les acides gras volatils par
chromatographie
departage d’après
1&dquo;,LSDE--,!( 11
).
I,epH enfin,
est mesuré à l’aide d’une électrode de verre.Certains de ces
dosages (sucres solubles, alcool,
acides grasvolatils,
acidelactique
etpH)
sontégalement
effectués sur les milieux aqueux danslesquels
ont macéré les pommes.Résultats.
l,es résultats sont donnés dans les tableaux I, II et III
ci-après.
INTERPRÉTATION
Nous notons :
- l’effet amollissant
produit
par la conservation sous une couche de marc, sur les tissus de la pommelaquelle
offre unaspect caractéristique
de fruit
blet, cependant
que les autres milieux n’entament pas leur fermetéinitiale ;
- l’enrichissement considérable en substances
minérales,
en chlo-rures notamment, des fruits conservés en solution de sel
(tableau I),
enrichissement
qui
estproportionnel
à la concentration des solutionsen chlorure de sodium
(m
g de chlorures parkg
de pommes pour la solution à 3 p. IOO et2 6, 2
g pour celle à 6 p. 100deNaCI).
I,es étudessur la
perméabilité
sélective de lapellicule superficielle
desfruits,
faitespar MICHAELISet
FUJ ITA ( 4 ), signalent
en effet unéchange
de ions Kcontre des ions Na dans la pomme
placée
dans une solution desel ;
ellesexpliquent
lephénomène
que nousrapportons
etqui peut
conduire à des accidentsdigestifs
chezl’animal,
comme cela a pu être observé au cours de notre étude de ladigestibilité
des pommes conservées dans la solution à 6 p. 100 de sel(voir
mémoire IIbis) ;
- l’existence d’un faciès fermentaire de
type
essentiellementlactique
et d’une
alcooligénèse
réduite dans tous les milieux de conservation par immersion et d’unphénomène
inverse dans le cas de la conservation sous une couche de marc(tableau III).
Cequi
n’est pas en faveur del’opinion
de MÜLLER
( 12 )
et d’autres(r 3 ), qui
ne croient paspossible
une fermen-tation
lactique
naturelle dans unjus
de pomme ou depoire,
du fait deleur
pauvreté
en acides aminés essentielsindispensables
à la croissancede certaines bactéries
lactiques
telles queStreptobacterium-plantarum ;
- la très faible concentration en acides gras volatils et l’absence totale d’acide
butyrique
dans tous les milieux(tableau
IIIB) ;
- la faible
préservation
des réserves nutritives de la pomme pen- dant la conservation dans de l’eau additionnée ou non de 0,25 p. 100 de benzoate desoude ;
les taux dedisparition
de matièresorganiques
et sur-tout de
glucides hydrolysables
sont relativement élevés etsemblables ;
la
présence
de benzoateépargne quelque
peu mieux les sucres solubles( 2 6,
39
p. 100depertes
contre 39,25 p. 100 dans l’eaupure),
mais ne pro-tège guère
les autres substancesorganiques qui
sedégradent davantage qu’en
l’absence de cetantiseptique ( 1 6, 7
p. 100 depertes
au lieu de6,5
p. ioo dans l’eaupure) ;
- l’efficacité
comparable
de l’immersion dans une solution à 3 p. 100 deNaCl,
ou à o,5 p. ioo d’acideformique
et de la conservation sous unecouche de marcs frais de pommes : les pertes de substances
organiques
enregistrées
pour ces trois modesd’ensilage
sont de moitié moindres que celles observées avec les autres traitementsexpérimentés,
et debeaucoup
inférieures à celles que
rapporte
POULSEN( 5 )
pour desensilages
mixtesde pommes et de betteraves sucrières ou de luzerne verte.
- l’action nettement moins favorable d’une solution de sel à 6 p. 100;
- la concentration extrêmement élevée en alcool des pommes con-
servées sous une couche de marc
( 17 , 4 gjkg
au lieu de o,5 àq.,6 g/kg
cons-tatés pour les autres
traitements) ;
ceci neprésente
pas d’inconvénient pour l’animalpuisque
desexpériences
antérieures nous ont démontré laparfaite
tolérance par le porc et par la vache laitière d’aliments for- tement alcoolisés(14-15).
RÉSUMÉ
ET CONCLUSIONSDes essais de conservation de pommes à cidre par
ensilage
ont étéfaits dans l’eau pure ou renfermant 3 et 6 p. 100 de
NaCl,
0,25 p. 100 de benzoate desoude,
0,50 p. 100 d’acideformique,
ainsi que sous une couche de 50 cm de marcs frais de pomme.Les
pertes
les moins élevées en éléments nutritifs sont observéespendant
la conservation dans une solution à 3 p. 100 desel,
ou à 0,5 p. 100 d’acideformique
et sous une couche de 50 cm de marcs frais de pomme. Ces trois traitementspossèdent
une efficacitécomparable
et
satisfaisante,
maisl’alcooligénèse
estbeaucoup plus
intense en casde conservation sous une couche de marc. Ce dernier
phénomène
neprésente, toutefois,
pas d’inconvénientmajeur
pour l’animal.Etant
donné le coût infime et lagrande simplicité d’application
de la con-servation sous couche de marc, on
peut
considérer que ceprocédé d’ensilage
offre une solutionpratique
etéconomique
auproblème
dustockage
des pommes destinées à l’alimentation animale.RÉFÉRENCES