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Ethopée sauvage: figures de l'Indien brésilien chez Claude d'Abbeville et Yves D'Evreux (1612-1615)

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Ethopée sauvage: figures de l'Indien brésilien chez Claude d'Abbeville et Yves D'Evreux (1612-1615)

FORNEROD, Nicolas

Abstract

Largement exploitées par Alfred Métraux dans ses remarquables travaux d'ethno-histoire, les relations des pères capucins Claude d'Abbeville et Yves d'Évreux constituent des témoignages majeurs pour la connaissance des Tupinamba. Mais ces textes nous renseignent également, par delà la richesse de l'information ethnographique, tant sur le regard que portent les deux capucins sur leurs futurs prosélytes que sur les modalités qui prévalent dans leurs ouvrages à la construction de la figure de l'Indien brésilien. La première partie de cette étude s'attache à replacer ces récits missionnaires dans le contexte qui a entouré leur production, afin de ne pas perdre de vue leur «identité historique». Dans un deuxième temps, elle examine plus particulièrement la "Suitte de l'Histoire des choses plus memorables advenuës en Maragnan és annees 1613 et 1614" (1615) d'Yves d'Évreux et analyse les présupposés axiologiques en fonction desquels le capucin perçoit le caractère moral du Sauvage, en transmet sa définition au lecteur et établit le diagnostic qui lui permettra d'entrevoir les chances de succès de [...]

FORNEROD, Nicolas. Ethopée sauvage: figures de l'Indien brésilien chez Claude d'Abbeville et Yves D'Evreux (1612-1615). Bulletin du Centre genevois d'anthropologie , 1996, vol. 5, Ethnologies d'Alfred Métraux: actes des Journées d'études de la Société suisse des

Américanistes, [Genève], 6-7 décembre 1996, p. 37-52

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:100400

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ÉTHOPÉE SAUVAGE: FIGURES DE L'INDIEN BRÉSILIEN CHEZ CL AUDE D'ABBEVILLE ET YVES D'ÉVREUX (1612-1615)

PAR

Nicolas FORNEROD Institut d'Histoire de la Réformation

Université de Genève

RÉSUMÉ

Largement exploitées par Alfred Métraux dans ses remarquables travaux d' ethno-histoire, les relations des pères capucins Claude d'Abbeville et Yves d'Évreux constituent des témoignages majeurs pour la connais­

sance des Tupinamba. Mais ces textes nous renseignent également, par delà la richesse de l'information ethno­

graphique, tant sur le regard que portent les deux capu­

cins sur leurs futurs prosélytes que sur les modalités qui prévalent dans leurs ouvrages à la construction de la figure de !'Indien brésilien. La première partie de cette étude s'attache à replacer ces récits missionnaires dans le contexte qui a entouré leur production, afin de ne pas perdre de vue leur «identité historique». Dans un deuxième temps, elle examine plus particulièrement la Suitte de !'Histoire des choses plus memorables advenuës en Maragnan és annees 1613 et 1614 (1615) d'Yves d'Évreux et analyse les présupposés axiologiques en fonction desquels le capucin perçoit le caractère moral du Sauvage, en transmet sa définition au lecteur et éta­

blit le diagnostic qui lui permettra d'entrevoir les chances de succès de l'entreprise missionnaire.

SUMMARY

Extensively explored by Alfred Métraux in his well­

known ethno-historical works, the narratives of the Capucins Claude d'Abbeville and Yves d'Évreux con­

stitute key sources of knowledge about the Tupinamba.

In addition to providing this wealth of ethnographie information, these texts demonstrate both how the two Capucins viewed their future proselytes, and how they constructed the figure of the Brazilian Indian in their writings. The first part of this study places these mission-

A Maurice Pianzala

ary accounts into their historical context. The second part focuses on Yves d'Évreux's Suitte de !'Histoire des choses plus memorables advenuës en Maragnan és annees 1613 et 1614 (1615) in order to analyze the axiological presuppositions underlying the following three elements of the Capucin's work: his perception of the moral char­

acter of the Savage; the transmission to the reader of his definition of that character; and, finally, his evaluation of that character, which allows for a glimpse of the mis­

sionary enterprise's chances of success.

Mots-clés: Ethno-histoire, Capucins, Tupinamba, Alfred Métraux, mission.

Au regard de la richesse des informations qu'ils ont rap­

portées du Brésil, fruit de leur insatiable curiosité, les pères capucins Claude d'Abbeville et Yves d'Évreux ont pu être qualifiés de précurseurs de l'ethnologie, de pré­

ethnologues ou, ce qui revient au même, d'ethnologues avant la lettre. On connaît à cet égard la dette que Claude Lévi-Strauss estime avoir contractée envers les voyageurs des seizième et dix-septième siècles - Léry en particu­

lier. En effet, ces témoins d'un monde nouveau dont il envie le regard privilégié sont selon lui «à l'origine de la prise de conscience ethnographique des temps modernes»

(Lévi-Strauss 1984, p. 399)1.

1. Claude Lévi-Strauss ajoute: «Pénétrer, le premier peut-être, dans un village tupi encore intact, c'était rejoindre, par-delà quatre cents ans, Léry, Staden, Soares de Sousa, Thevet, Mon­

taigne[ ... ]. Quelle tentation!» A la page 87 de son récit, il qua­

lifie l' Histoire d'un voyage de «bréviaire de l'ethnologue». Voir également Lévi-Strauss 1973, p. 42: «[ ... ] tant de liens l'attachent [l'anthropologue] à cette époque, qui fut celle où l'Europe reçut la révélation du Nouveau Monde et s'ouvrit à la connaissance ethnographique. Il aurait voulu y vivre; que dis-je, il y est

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Tout en s'intéressant plus particulièrement au cas des voyageurs français en Amérique, Alfred Métraux avait également tenu à «mettre en lumière ce qui, dans leurs écrits, fait présager des découvertes et des méthodes de l'ethnologie moderne» (Métraux 1963, p. 722). Parmi les auteurs qui, de Gonneville à La Condamine, étaient pris en compte dans ce survol, une large place était accordée aux voyageurs du Brésil. Dans ces relations, qu'il a lar­

gement contribué à faire connaître et avec lesquelles il entretenait une intimité particulière2, Métraux privilé­

giait la richesse de l'information ethnographique - ce qui le conduisait à réhabiliter les œuvres d'André The­

vet-, alors que dans Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss mettait plutôt l'accent tant sur la fraîcheur du témoi­

gnage de Jean de Léry que sur l'économie exemplaire de l' Histoire d'un voyage faict en la terre du Bresil (1re éd.

1578).

Au fil des pages de Tristes Tropiques, le parcours de l' eth­

nographe semble irrésistiblement attiré par la recherche de ce temps révolu dont quelques trop rares et éphé­

mères vestiges apparaissent encore ici et là. Au gré d'une péripétie, la barrière des siècles soudain se rompt et Lévi-Strauss ressent l'heureuse sensation d'être trans­

porté, l'espace d'un instant illusoire, plusieurs centaines d'années plus tôt.

Dans un village Tupi-Kawahib, un Indien nommé Taperahi s'empare d'une marmite appartenant à Lévi­

Strauss, bien que celui-ci lui ait clairement expliqué pourquoi il ne tient pas à s'en défaire. La détermination de l'Indien évoque aussitôt dans l'esprit de l'ethnographe

«un passage d'Yves d'Évreux» (Lévi-Strauss 1984, p. 428;

Yves d'Évreux 1864, p. 74-75). Or, les séjours de Claude d'Abbeville et d'Yves d'Évreux en France Équinoxiale du Maranhao3 s'accompagnent également de réminis­

cences livresques. Frappé par le fait que les Sauvages de la région de Miary ne veulent jamais se séparer - même pour travailler et se reposer - des épées que leur ont offertes les Français, le Père Yves déclare: «[ ... ] il me souvenait de !'Histoire de Nehemias, en la reparation des murs de Hierusalem, que les habitans d'icelle tenaient d'une main les armes, et de l'autre les instrumens à tra­

vailler» (Yves d'Évreux 1864, p. 41)4. Tout se passe comme si la rencontre de l'autre ne pouvait s'appréhender qu'au travers de l'expérience préalable d'autrui. Seulement, dans l'intervalle de plus de trois siècles, les références ne sont plus les mêmes.

Ces simples considérations nous invitent à ne pas nous méprendre sur le sens des écrits des deux capucins, c'est-à-dire sur le message que ces derniers ont voulu transmettre à leurs contemporains en fonction d'un hori­

zon conjoncturel précis. Précurseurs de l'ethnologie, Claude d'Abbeville et Yves d'Évreux le sont peut-être d'une

certaine manière5; mais ils sont avant tout les héritiers et les dépositaires d'une longue tradition missionnaire.

Dotés, semble-t-il, d'une solide formation intellectuelle et prédisposés par leur vocation même à dénoncer les abus et la dépravation des mœurs françaises de leur temps, ces religieux ont été conduits à reconnaître - voire à idéaliser parfois - chez les Indiens de l'île de Maranhao les bienfaits d'une existence réglée par la loi naturelle.

Bien qu'imprégnés des cultures classique et patris­

tique - dans lesquelles ils recherchent des points de repère -, ils évitent pourtant de rendre compte aveuglé­

ment de la réalité américaine en fonction de ces seules références. Le passage de la Suitte de !'Histoire (1615)6 d'Yves d'Évreux où il est question de l'existence des Amazones montre par exemple que le capucin ne suc­

combe pas à la tentation d'importer le mythe en Amérique:

«[ ... ] c'est un bruit general et commun parmy tous les Sauvages qu'il y en a [ ... ] et que ces Amazonesfttrent jadis femmes et filles des Tapinambos, lesquel[Ie]s se retirerent [ ... ] soubs la conduicte d'une d'entr'elles, de la societé et maistrise des Tapinambos. [ ... ] elles [ ... ] admirent en certaines saisons de l'annee [ ... ] les hommes des prochaines habitations pour avoir leur chaque jour en pensée», et Lévi-Strauss 1988, p. 34: «Je me sentais revivre les aventures des voyageurs du XVIe siècle».

2. C'est à Alfred Métraux que revient l'initiative de l'édition en fac-similé de l' Histoire de la Mission des Peres Capucins en l'Isle de Maragnan et terres circonvoisines [. .. ] de Claude d'Abbeville. Dans son introduction Jacques Lafaye établit de la sorte le lien de parenté qui unissait. par delà trois siècles d'écart et «des oppositions spirituelles irréconciliables», Claude d'Abbeville et Alfred Métraux: «[ ... ] ils étaient cou­

sins par les Tupinamba» (Claude d'Abbeville 1963, p. XVII).

3. Fondée par Daniel �e La Ravardière et François de Razilly en 1612, la France Equinoxiale disparaît trois ans plus tard sous la pression des Portugais (Hemming 1995. p. 199-213; La Roncière 1923, p. 344-362; Le Gentil 1932; Leite de Faria 1961; Pianzola 1991 ). - Claude d'Abbeville rédige l' Histoire de la Mission après avoir passé près de quatre mois et demi au Brésil. Yves d'Évreux exerce quant à lui son apostolat pendant deux ans sur l'île de Maranhâo. La mission comprend encore deux autres capucins: les pères Arsène de Paris et Ambroise d'Amiens. Ce dernier meurt au cours du mois d'octobre 1612.

4. Autre exemple tiré cette fois de l' Histoire de la Mission: pro­

fondément ému par les nombreuses marques de dévotion que lui témoignent les Sauvages, Claude d'Abbeville se souvient instantanément «de ce qui se passa avec le Prince des Apostres, lors qu'il fut prescher en Cesaree, par le commandement de Dieu, pour instruire le Centenier» (Claude d'Abbeville 1963, f. 112 v0).

5. Sur la question du «rôle des missions dans l'élaboration histo­

rique des sciences humaines», voir l'excellent recueil d'études réunies par Claude Blanckaert (Blanckaert 1985).

6. Si nous renvoyons à l'édition établie par Ferdinand Denis (Yves d'Évreux 1864), nous citons toujours la relation d'Yves d'Évreux d'après son titre original: Suitte de /'Histoire des choses plus memorables advenuës en Maragnan és annees 1613 et 1614.

Second traité, Paris, François Huby, 1615. In-8°.

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compagnie. Que si elles accouchent d'un fils c'est pour le pere [ ... ]: si c'est une fille, la mere la retient [ ... ]

(Yves d'Évreux 1864, p. 25-26).

Après avoir rapporté ce qu'on lui a raconté, il prend soin de noter:

«[ ... ] ce mot d'Amazone leur est imposé par les Portu­

gais et François, pour l'aprochement qu'elles ont avec les Amazones anciennes, à cause de la separation des hommes: mais elles ne se coupent pas la mamelle droitte, ny ne suivent le courage de ces grandes guerrieres, ains vivant comme les autres femmes Sauvages, habiles et aptes neantmoins à tirer de l'arc, vont nuës, et se defendent comme elles peuvent de leurs ennemis» (Yves d'Évreux 1864, p. 26)7.

Pour ces raisons, les pères Claude d'Abbeville et Yves d'Évreux apparaissent paradoxalement mieux préparés que d'autres à étudier les manières de vivre des habi­

tants du Nouveau Monde. La lecture de l' Histoire de la Mission des Peres Capucins en l'Isle de Maragnan et terres circonvoisines (1614) de Claude d'Abbeville et de la Suitte de !'Histoire d'Yves d'Évreux révèle d'ailleurs l'indiscutable qualité de l'enquête menée par les capu­

cins au Brésil. Alfred Métraux saura, le premier, exploi­

ter avec profit ces «véritables mines de détails ethno­

graphiques» (Métraux 1928a, p. 3) dans ses études maîtresses d'ethno-histoire (Métraux 1928a; Métraux 1928b). Néanmoins, en privilégiant l'aspect ethnogra­

phique des relations capucines, on court le risque de perdre de vue ce qu'il est convenu d'appeler l' «identité historique» de ces ouvrages.

Il importe à ce titre de préciser que la valeur ethno­

graphique globale du corpus relatif à la France Équi­

noxiale n'apparaît réellement aux yeux des anthropo­

logues qu'au prix d'un décryptage des textes qui le composent. Car pour les capucins, la connaissance de l'autre est d'emblée déterminée et orientée par l' apos­

tolat dont ils ont la charge. Ainsi, Claude d'Abbeville explique qu'il entreprend la tournée des villages de l'île afin de «reconnoistre toutes leurs coutumes et maniere de vivre, pour puis apres leur faire entendre plus faci­

lement la fin pour laquelle nous estions là venus»

(Claude d'Abbeville 1963, f. 95 r°). Comme l'a noté Yvon Le Bras au sujet des Relations jésuites, «la dimension encyclopédique du projet se trouve donc, dès son origine, subordonnée à la reventilation didactique du savoir sur

! 'Autre en fonction du système de valeurs qu'est la morale chrétienne» (Le Bras 1988, p. 142)8.

Connaître l'autre, c'est d'abord se donner les moyens de le convertir et de le sauver. En conséquence, la démarche des capucins se situe en définitive à l'opposé du travail de l'ethnographe, d'autant plus que sur le plan plus général de la colonisation elle participe pleinement

de la volonté de «civiliser» et de «policer» l'Indien.

Révélatrices sont à cet égard les perspectives d'avenir proposées par l'un des deux lieutenants généraux de Louis XIII au Brésil, François de Razilly, à Japy Ouas­

sou, le principal de l'île: «Et nostre establissement sera le bien[ ... ] de vostre posterité, qui sera dorenavant sem­

blable à nous, et sçaura toutes les belles choses que nous sçavons» (Claude d'Abbeville 1963, f. 72 r0). Pour sa part, Yves d'Évreux se félicite des progrès accomplis en deux ans par les Sauvages, lesquels «sont si bien advancez» en matière d' «honnestetez et civilitez [ ... ], que vous diriez qu'ils ont esté nourris toute leur vie entre les François»9 (Yves d'Évreux 1864, p. 64). D'une manière générale, les capucins louent fréquemment l' ap­

titude des Indiens à imiter <<tout ce qu'ils voyent faire»

(Claude d'Abbeville 1963, f. 312 v0). On le constate:

convertir et civiliser participent d'un même idéal 1°. Aussi

7. Dans le deuxième Livre de ses Voyages en Afrique, Asie, Indes Orientales et Occidentales publiés en 1617 à Paris chez Jean de Heuqueville. Jean Mocquet se montre nettement moins réservé que le capucin au sujet des Amazones américaines.

Seule restriction apportée au mythe: celles-ci ne se brûlent pas la mamelle droite «à la façon des anciennes Amazones qui habitaient vers le Thanais et le Thermodon». Ce fait, contre lequel André Thevet s'était déjà prononcé en 1557, est relé­

gué dans les Voyages au rang des «contes fabuleux». Il n'en reste pas moins pour Mocquet qu'elles extraient le lait d'un tétin <<pour pouvoir plus librement tirer de l'arc: et c'est peut­

estre comme il faut entendre ce dire des anciens» (Mocquet 1645, p. 101-104; nous avons travaillé sur la seconde édition des Voyages). Sur la question des Amazones américaines, voir Lestringant 1986; ces propos sont repris dans Lestringant

1991, p. 114-128.

8. Cette excellente étude sur la Relation de ce qui s'est passé en la Nouvelle France, en l'année 1634 du jésuite Paul Le Jeune a largement inspiré notre analyse du chapitre XX du premier traité de la Suitte de /'Histoire. - Voir également la remarque de Patrick Menget: «Cette fixité relative, pendant presque deux siècles, du tableau ethnographique [jésuite], vient plutôt du fait que l'ethnographie ne constitue pas un savoir autonome, mais un savoir subordonné à une pratique et une idéologie pré-évolutionnistes qui font de ces païens des êtres qu'une pédagogie appropriée pourra, à force de travail et de patience.

promouvoir à la société civile et subséquemment à la civilité chrétienne» (Menget 1985, p. 187). En forgeant le terme

«ethnodoxie», Gilles Thérien se préoccupe quant à lui de définir le travail descriptif et interprétatif du missionnaire au dix-septième siècle en fonction de la réalité des visées de ce dernier (Thérien 1994, 288-291). Il y a lieu de saluer cet effort de définition en vue d'une meilleure compréhension du discours missionnaire de l'époque.

9. Sur le sens que revêtent les notions de civilité et d'honnêteté dans le discours missionnaire au seizième siècle. voir Dupront 1946, p. 89-90.

10. Ceci dit. il nous est difficile de partager l'avis de Laura Fish­

man qui signale - en conclusion de son article consacré à Claude d'Abbeville - que le capucin «exhibited the intole­

rance of the Catholic Reformation mentality. He showed no respect for the integrity of native culture in the New World»

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faut-il se garder de présenter les missionnaires comme

«des ethnologues qui s'ignorent pour les disqualifier ensuite comme religieux» (Thérien 1994, p. 291).

Dans le chapitre de l' Histoire de la Mission qui concerne le naturel et l'esprit des «Maragnans», le Père Claude fait appel au déterminisme mésologique afin d'expliquer la nature du tempérament brésilien. Contrai­

rement à l'air septentrional qui <<faict les hommes rus­

tiques et tardifs», l'air méridional «les rend d'un esprit relevé et gentil» (Claude d'Abbeville 1963, f. 310 v0).

Le capucin ne renvoie pas à la théorie du climat élabo­

rée en plusieurs temps par Jean Bodin, mais s'appuie sur Aristote et sur sa propre expérience. Comme l'a montré Frank Lestringant, Claude d'Abbeville s'oppose sur ce point à Marc Lescarbot, farouche partisan de la voie canadienne (Lestringant 1988, p. 66-69). D'autre part, Claude d'Abbeville tente de démontrer qu' «attirez par la douceur et convaincus par la raison» (Claude d' Ab­

beville 1963, f. 314 v0) , les Sauvages ne tarderont pas à mesurer les erreurs de leur vie passée. Ainsi, l' ensei­

gnement des capucins ne manquera pas de les convaincre tout naturellement de suivre la meilleure voie qui soit:

«Ils sont fort raisonnables et ne se laissent pas conduire que par la raison et non sans connaissance de cause»

(Claude d'Abbeville 1963, f. 313 r0). Cette déclaration est caractéristique du discours missionnaire de l'époque.

Dans une étude <<plus attachée à réfléchir qu'à définir», Alphonse Dupront a expliqué le sens que revêt cette sou­

veraineté de la raison pour les missionnaires du seizième siècle: «Elle est la plus haute puissance de l'ordre de nature, la valeur la plus entière du 'naturel'. Par elle s 'exprime jusque dans le sauvage une grandeur de l'homme et une certitude du semblable» (Dupront 1946, p. 78). Cette reconnaissance du même dans l'autre, per­

çue au niveau du fond naturel commun qu'est la raison humaine, permet aux chasseurs d'âmes d'espérer mener à bien la conversion des peuples qu'ils rencontrent de la Chine au Brésil.

Par ailleurs, les relations des deux capucins s'inscri­

vent dans le vaste contexte de la reconquête catholique - mouvement dont le dynamisme est assuré en France par les ordres religieux -, à laquelle la conquête spiri­

tuelle du monde peut être associée. De manière symp­

tomatique, on retrouve dans l' Histoire de la Mission le sentiment, très répandu aux seizième et dix-septième siècles dans l'Église romaine, que la conversion des peuples nouvellement découverts compense les per­

tes causées par le schisme protestant (Delumeau 1992, p. 120)1 1. Claude d'Abbeville va même plus loin. Dans l'épître «A la Reyne», il associe explicitement la Contre­

Réforme et l'effort missionnaire entrepris au Maranhao:

«[ ... ] mais il [le diable] ne voit pas que ces Apostres, instruments de Vostre Pieté, n'auront pas si tost ravy à

sa tirannie ce peuple demybrutal, qu'ils seront plus dignes et capables de ravir à son heresie les Ames si bien nées des François» (Claude d'Abbeville 1963, ff. aij v'-aiij r0).

Dans ces lignes, le Père Claude ne suit plus un simple raisonnement d'ordre mathématique sur la base d'un cal­

cul gain/perte: il établit une relation de continuité et de contiguïté entre les deux types d'action 12• Dans le même esprit - mais d'un style à la fois moins rhétorique et plus polémique-, Yves d'Évreux se contente de louer l'ap­

titude des Sauvages à croire en la présence réelle lors de

!'Eucharistie, afin de lancer une pointe à tous ceux qui n'acceptent pas le dogme de la transsubstantiation:

«Sur tout j'admirais certes, comment si aisement ils se persuadaient, la verité et la realité de Jésus Christ Fils de Dieu, soubs les especes de pain et de vin, veu que nous voyons par deçà tant d 'ames errantes en ce poinct, lesquelles en toutes autres affaires ne manquent point d'esprit et de jugement» (Yves d'Évreux 1864, p. 320).

Enfin, la description des coutumes, des mœurs et de la religion tupinamba répond également, en marge de l'as­

pect missionnaire, à l'attente d'un public auquel le texte s'adresse et que l'on espère intéresser à la France Équi­

noxiale13.

Ces précisions faites sur la perspective missiologique et apologétique des œuvres de Claude d'Abbeville et d'Yves d'Évreux, il convient à présent de dégager de ces récits certaines idées maîtresses afin de mieux cerner

(Fishman 1989, p. 35). Pareille formulation nous paraît non seulement simplificatrice, voire excessive, mais encore dénuée de perspective historique.

1 1 . S'adressant à l'Église de France, Claude d'Abbeville déclare:

«Que si tu avais suject d'affiiction de la perte d'aucuns de tes enfans de cette Ancienne France, causée par l'heresie, quel suject de consolation as tu maintenant de l'heureuse nouvelle de la conversion de ces nouveaux enfans qui luy sont engen­

drez en la nouvelle France Equinoctiale ?» (Claude d' Abbe­

ville 1 963, f. 379 r0).

12. Hostile à la venue de missionnaires jésuites en Nouvelle­

France canadienne, l'avocat de Vervins Marc Lescarbot défend un avis différent dans un opuscule publié en 1 610:

«[ ... ] il n'est pas besoin de ces docteurs sublimes, qui peu­

vent estre plus utiles pardeçà à combattre les vices et les héré­

sies» (Lescarbot 1 967. p. 78).

13. Si la sincérité des préoccupations morales de Claude d' Ab­

beville et d'Yves d'Évreux ne saurait être remise en ques­

tion, il n'en est pas moins probable que la présence des mis­

sionnaires au Maranhao est destinée à renforcer le crédit de l'entreprise, voire à justifier les visées temporelles de cette dernière. En tous les cas, l'auteur d'un manuscrit anonyme intitulé La Navigation des frençois aux payis des Topinam­

boux et Margajas situés dans le Brésil entre les deux rivières de Maregnon et des Amazones et conservé à l'Archivio di Stato de Turin le pense vraisemblablement lorsqu'il écrit que François de Razilly «coulora son dessain de religion»

(Astengo 1982, p. 79; Fornerod 1995, p. 144. f. 1 v0, 1. 14- 15).

(6)

dans quelles catégories préétablies le Sauvage est appelé à prendre place. Dans cette optique, les chapitres XIX et XX du premier traité de la Suitte de !'Histoire méri­

tent une attention particulière parce qu'ils mettent l'ac­

cent sur la moralité du Sauvage. Le premier concerne plus particulièrement l'aptitude des Indiens à accéder aux sciences, alors que le second offre sous la forme d'un diptyque - selon le partage conventionnel vices/vertus - la liste des traits moraux du Sauvage. Néanmoins, nous ne nous limiterons pas à une lecture strictement confi­

née dans les bornes étroites de ces pages. Au contraire, celles-ci offrent de multiples voies d'accès au reste du texte, permettant d'élargir l'analyse à l'ensemble du livre. Autant d'ouvertures qu'il nous a paru opportun d'exploiter afin de tenter de comprendre plus fidèlement la pensée d'Yves d'Évreux.

Environ quatre-vingts ans après la bulle Sublimis Deus (1537) de Paul III14, le Père Yves juge nécessaire de démontrer à ses compatriotes la pleine humanité des Indiens. C'est pourquoi, dans les deux chapitres qui nous occupent, le capucin expose surtout une leçon - comme c'est souvent le cas dans son livre. Il justifie sa démarche par le fait que les Français n'acceptent qu'à grand-peine l'idée que les Sauvages puissent acquérir les sciences et la vertu:

«[ ... ] je ne sçay si quelques-uns ne vont point jusques­

là d'estimer les peuples barbares, plustost du genre des Magots que du genre des hommes. Je dy moy et par exemple je le prouveray, qu'ils sont hommes, et par consequent capable[s] de science et de vertu» (Yves d'Évreux 1864, p. 68).

Suivant un procédé rhétorique classique qui consiste à produire d'abord plusieurs citations émanant d'autorités profanes et patristiques puis à établir, anecdotes à l'ap­

pui, comment l'exemple particulier des Sauvages s'y conforme, Yves d'Évreux part du principe que «Dieu a jetté naturellement en l'esprit de l'homme les fondemens et semences des vertus» (Yves d'Évreux 1864, p. 68).

De Sénèque à saint Bernard, tous s'accordent sur ce point. Or, recouvrer cette vérité en la personne du Sau­

vage est capital, car cela implique que ce dernier est per­

fectible, c'est-à-dire capable en fait d'être converti.

En ce qui concerne les sciences, le Père Yves consi­

dère que trois conditions essentielles sont requises pour être en mesure de les apprendre: la volonté, parce qu'elle pousse à l'étude, l'intellect, car il permet de comprendre, et la mémoire, parce qu'elle conserve ce qu'on connaît.

De ces trois points hérités de la pensée augustinienne (De Trinitate, X, XI, 17), c'est incontestablement le der­

nier sur lequel le capucin insiste le plus dans son livre.

En effet, la faculté qu'ont les Sauvages de se souvenir des faits passés sans user de procédés mnémotechniques

n'a rien à envier aux émules de Simonide de Céos rompus aux meilleurs arts de la mémoire 15: «Ce qui m 'estonna d'avantage, est qu'ils reciteront tout ce qui s 'est passé d'un temps immemorial, et ce seulement par la traditive. 16» (Yves d'Évreux, p. 71). On devine les conséquences qu'implique cette constatation d'autant plus aisément que le capucin déclare explicitement quelques chapitres auparavant:

«Ceste façon de faire remarquer à leurs enfans ce qui se passe leur est commune en general en toutes choses, et ainsi suppleent au manquement d ' escriture, pour communiquer les affaire[s] des siecles passez à la pos­

terité» (Yves d'Évreux 1864, p. 17).

Ainsi, au Brésil, la mémoire pallie l'absence d'écriture.

Le passé indien peut être transmis de génération en génération parce que les enfants sont entraînés par les anciens à «le graver en leur memoire» (Yves d'Évreux 1864, p. 17).

Toutefois, Yves d'Évreux ne se soucie pas de faire entrer ce passé indien dans !'Histoire. Comme l'a déjà souligné Janet Whatley, le capucin a très peu à dire sur ce qui est effectivement mémorisé. Ce qui l'intéresse, c'est la capacité même de se souvenir (Whatley 198617, p. 326). Il s'agit en effet de prouver que les capu­

cins pourront imprimer et fixer sans difficulté dans la mémoire du Sauvage le message de l'Évangile. Lorsque l'un des principaux de la province de Comma dénommé la Vague explique à Yves d'Évreux qu'à l'inverse de son fils, il est trop vieux pour se convertir, le capucin lui répond:

«Ton excuse n'est pas valable d' alleguer ta vieillesse.

Tu as la langue si eloquente pour deviser un jour entier si tu voulais. Considere combien il y a que tu m'entre­

tiens et combien de paroles tu as proferé. Il ne te faut apprendre la cinquiesme partie des propos que tu m'as tenu à present, afin d'estre Chrestien [ ... ]. Vous aprenez si aisement des chansons, et haranguez si longuement des affaires de vos Ancestres: Tu pourra donc facilement apprendre ce que tu veux que ton fils sçache» (Yves d'É­

vreux 1963, p. 362).

Le message d'Yves d'Évreux est clair: le monde de l' ora­

lité n'est pas exclu du salut. Peu importe ce que le Sau­

vage raconte, son éloquence montre qu'il est capable de conserver en mémoire ce qu'il veut exprimer.

14. La traduction de cette bulle dans laquelle Paul III affirme que les Indiens «sont véritablement des hommes» a été publiée par Duverger 1987, p. 265-266.

15. Sur les «arts de la mémoire», voir Yates 1 975.

1 6. C'est toujours nous qui soulignons.

17. Notre lecture de ces pages de la Suitte de !'Histoire s'inspire de cet article.

(7)

Tout autre est la position que Jean de Léry exposait quelques décennies plus tôt sur ce sujet. Relevant que la tradition orale des Tupinamba faisant mention d'un déluge n'est pas conforme au texte de la Genèse, il concluait: «[ ... ] estans privez de toutes sortes d'escritures, il leur est malaisé de retenir les choses en leur pureté [ ... ]» (Léry 1975, p. 249)18. Pour le réformé, les impli­

cations résultant de cette lacune étaient extrêmement graves: sans écriture, le monde de la «fable» ne peut accéder au monde de la vérité - c'est-à-dire à la Révéla­

tion-, car il corrompt les faits (Lestringant 1994, p. 36).

Il est vrai qu'Yves d'Évreux fréquente des Sauvages qui, soumis à l'influence des chrétiens, ont déjà adapté leurs mythes à l'enseignement de l'Église. Selon le capucin, le barbier Pacamont parle nommément de Noé comme de la Vierge Marie et s'en tient à la version biblique du déluge. C'est pourquoi le Père Yves n'a rien à redire sur ce point du discours de Pacamont même s'il reste prudent au sujet de la voie par laquelle ce dernier a acquis ses connaissances:

«[ ... ] quant à ce qu'il dit de Noë et de la Vierge, je n'oserais asseurer de qu'il tient cela: si c'est des Fran­

çois, il n'y a pas grande aparence: car tous les François qui ont esté par devant nous, ne leur parlaient que de saletez et concubinages: ou si c'est d'une antique tra­

dition, [comme] il semble que cela soit» (Yves d'Évreux 1864, p. 332).

Sur le fond Yves d'Évreux et Léry se rejoignent: l'éta­

lon scripturaire permet toujours de déterminer si l' ora­

lité «ajoute aux choses» (Certeau 1975, p. 225). Seule­

ment, l'attitude face au texte sacré diffère entre les deux auteurs. Issu d'un ordre dont les membres sont habitués à prêcher à des masses illettrées, le Père Yves considère que la transmission des Écritures s'opère par le truche­

ment du prêtre: l'accès direct au texte n'est pas néces­

saire, voire même fortement déconseillé. Or la tâche du missionnaire se trouve justement facilitée par cette for­

midable capacité qu'ont les Sauvages à se souvenir de leur passé. Au sein des différentes missions françaises engagées sur le théâtre du Nouveau Monde au début du dix-septième siècle, tous ne partagent pas l'optimisme d'Yves d'Évreux. Dans un récit publié en 1616, le jésuite Pierre Biart remarque au contraire que les Sau­

vages de la Nouvelle-France canadienne sont absolu­

ment incapables d'apprendre un enseignement par cœur.

Bien qu'ils aient <1ort bonne mémoire des choses cor­

porelles, comme de vous avoir veu, des qualitez d'une place où ils auront esté», ou encore de leur passé, «il n'y a moyen de leur mettre dans la caboche une tirade rengée de paroles» (Biart 1967, p. 480-481).

Le chapitre XX du premier traité de la relation d'Yves d'Évreux - intitulé simplement «Suitte des matieres pre-

cedentes» - ne concerne plus seulement les possibilités de conversion, mais encore la représentation du Sauvage puisque le capucin fait appel à la technique du portrait pour transmettre au lecteur sa définition de l'autre.

Comme le rappelle Yvon Le Bras, «le portrait littéraire est une unité de texte permettant d'énumérer et de com­

menter certains aspects physiques ou caractériels d 'un personnage réel ou fictif» (Le Bras 1988, p. 143). Dans ce morceau de la Suitte de !'Histoire, Yves d'Évreux écarte le problème de la prosopographie - qu'il traite ultérieu­

rement - pour se concentrer uniquement sur celui de l' éthopée, c'est-à-dire sur la représentation morale du Sauvage. Le capucin peut alors dérouler, sous la forme d'un catalogue, la liste des attributs propres au caractère du Sauvage et établir de la sorte le «diagnostic» (Thé­

rien 1994, p. 290) en fonction duquel se détermineront à la fois les chances de réussite de la mission et l' orien­

tation de son apostolat. La présentation des «qualités»

et des «défauts» du Maragnan s'accompagne, par moment, d'une anecdote tirée de la vie quotidienne de !'Indien qui assure le commentaire d'un trait énoncé, tout en le recontextualisant afin de mieux justifier son classement dans une grille de valeurs préétablie.

Pour être en mesure d'interpréter correctement ce tableau, il convient de préciser que l'inventaire des vices est introduit par un «j'accorde que» marquant la conces­

sion - la finalité du discours d'Yves d'Évreux consis­

tant à mettre en évidence la disposition des Sauvages à la vertu. La tendance qui en résulte à atténuer les mau­

vais penchants du Brésilien est patente. La catégorie réservée à la lubricité, qui exprime peut-être mieux que toutes les autres la souillure morale du Sauvage, mérite à ce titre un commentaire. En effet, la dénonciation du comportement sexuel des jeunes filles indiennes appa­

raît neutralisée deux chapitres plus loin, lorsque le Père Yves explique la raison de cette attitude perverse: «[ ... ] ces pauvres jeunes filles barbares, ont un erreur conna­

turel procedé de l'auteur de tout mal, qu'elles ne doivent estre trouvees apres cet aage avec le signacle de leur pureté [ ... ]» (Yves d'Évreux 1864, p. 87). En d'autres termes, elles ignorent que c'est mal puisqu'elles croient bien faire. Autrement plus grave est le péché que com­

mettent les filles de par deçà «quoy que l'honneur et la loy de Dieu, les devrait convier à l 'immortalité de la candeur» (Yves d'Évreux 1864, p. 87). Celles-ci n'ont donc plus aucune excuse.

Cette distinction entre la gravité d'un péché selon que le pécheur a conscience ou non de mal se comporter, 18. Voir sur ce point Certeau 1975, les pages 225 et 226, qui constituent la meilleure analyse de ce passage de l' Histoire

d'un voyage. - Pourtant Léry est également frappé par l'ex­

traordinaire mémoire des Sauvages (Léry 1975, p. 280).

(8)

Tableau 1. Éthopée: portrait moral des Maragnans VICES

- Vindicatifs (envers leurs ennemis).

- Ivrognes («mesmes les femmes»).

- Lubriques ( «extremement, et plus les jeunes filles que tout autre»).

- Menteurs, légers, inconstants ( «vices communs à tous mescroyans»).

- Paresseux («incroyablement» surtout les «Tapinambos»).

n'est pas nouvelle. Francisco de Vitoria, par exemple, s'exprime déjà clairement dans ce sens dans sa Leçon sur les Indiens (De Indis 1539; publiée en 1557): «[ ... ] ces péchés [ contre la loi naturelle] sont plus graves lors­

qu'il s 'agit des chrétiens, qui savent que ce sont des péchés, que lorsqu 'il s 'agit des barbares, qui ne le savent pas»

(Vitoria 1966, p. 74, § 213). Yves d'Évreux gratifie les Sauvages d'une excuse supplémentaire: «[ ... ] il se faut ressouvenir qu 'ils sont captifs, par l'infidelité de ces esprits rebelles à la loy Divine, et instigateurs de la trans­

gression d 'icelle» (Yves d'Évreux 1864, p. 72). Ainsi, la lumière de l'Évangile est appelée à briser ces chaînes dans lesquelles le malin retient les Indiens. En consé­

quence, la légèreté, le mensonge et l'inconstance, ces «vices communs à tous mescrayants», ne sauraient persister une fois l' œuvre missionnaire accomplie.

Si l'on considère à présent la question de la paresse des Sauvages, on s'aperçoit qu'Yves d'Évreux impute ce vice aux seuls Tupinamba: «[ ... ] pour les autres Nations, telles que sont les Tabajares, Long-cheveux, Tremenbaiz, Canibaniliers, Pacajares, Camarapins, Pina­

riens, et semblables, ils se peinent pour mieux vivre, et amasser marchandises [ ... ]» (Yves d'Évreux 1864, p. 73).

La différenciation qu'établit le capucin entre les Tupi­

namba et les autres tribus tupi ou ge de la région semble à première vue fondée sur l'expérience. A l'image du Tupinamba préférant endurer la faim dans son hamac plutôt que de se lever pour savourer la viande qui rôtit non loin de lui sur un boucan, s'oppose celle du princi­

pal Tabajare de Miary Thion qui s'efforce d'être un exemple pour la jeunesse: «les jeunes gens considerent mes actions, et selon que je fais ils font: si je demeurais sur mon lict à me branler et humer le petun, ils ne vou­

draient faire autre chose: mais quand [ ... ] il[s] me voient travailler [ ... ], ils sont honteux de ne rien faire»

(Yves d'Évreux 1864, p. 67).

En notant cette différence, le capucin semble animé par un souci d'objectivité qui l'amène à saisir les traits particuliers des diverses tribus qu'il côtoie. Pourtant, on

VERTUS - Ni avares.

- Ni voleurs.

- Paisibles (entre eux).

- Respectueux (surtout envers les vieillards).

- Libéraux ( «beaucoup plus vers les estrangers» ), partageurs.

- Equitables.

- Patients.

- Compatissants.

- Charitables19

relève un autre cas où le jugement porté sur une cou­

tume indienne apparaît cette fois purement arbitraire.

Ainsi la description particulièrement «dysphorisante»

d'un cahouinage tupinamba contraste-t-elle radicale­

ment avec l'attitude complice et complaisante qu'Yves d'Évreux adopte lorsqu'il assiste aux mélodieux ébats d'un groupe d'habitants de Miary succombant aux vapeurs d'un cahouin capiteux (Yves d'Évreux 1864, p. 42 et 258-259).

Si Yves d'Évreux s'efforce de souligner la disparité qui existe entre le comportement des Tupinamba et celui des Miarigois, force lui est de reconnaître que toutes les «nations» sauvages partagent un «défaut» majeur: la vengeance. Cette dernière paraît même constituer le vice des Sauvages par excellence, puisqu'ils la «mettent en pratique à toute occasion» et n'en «demordent jamais»

(Yves d'Évreux 1864, p. 72). Cependant, la présence des Français a permis d'unifier ces tribus jadis ennemies.

Le changement est tel qu'à présent tous les Sauvages

«vivent en bonne intelligence [ ... ] s 'entredonnans leurs filles en mariage» (Yves d'Évreux 1864, p. 72). Seule la Pax Gallica a pu remédier au caractère vindicatif des Sauvages: «[ . . . ] si les François avaient quité Maragnan, toutes les nations [ ... ] se mangeraient les unes les autres [ ... ]» (Yves d'Évreux 1864, p. 72). Outre le fait que cette pacification augmente considérablement le nombre d'alliés sur lesquels les Français pourront un jour s'ap­

puyer, le capucin pense indéniablement que l' œuvre civilisatrice de la colonisation opère pour le bien des Indiens.

Il est toutefois d'autres points pour lesquels la présence française apparaît aux yeux d'Yves d'Évreux nettement moins bénéfique. En effet, quoique corrompu, le Sauvage a néanmoins conservé, parmi «les marques que Dieu a imprimees naturellement és hommes» (Yves d'Évreux

19. Ce n'est qu'au chapitre XXVIII de la première partie de la

Suitte de /'Histoire qu'il est fait explicitement mention de la charité du Sauvage.

(9)

1864, p. 284), des penchants pour la vertu. Or, ces louables inclinations sont loin d'être partagées par tous les Français. Yves d'Évreux remarque que depuis l'arri­

vée de la colonie sur l'île, certains Sauvages «apprennent le mestier de dérober» (Yves d'Évreux 1864, p. 75).

Ailleurs, il s'indigne du fait que les colons ont apporté des cantharides au Brésil, puis expliqué aux Indiens

«l'effet de ces mouches pour exciter l'homme à ce qui ne se doit escrire». Ainsi, l'exemple des Français est pré­

judiciable aux Indiens, car ils importent leurs propres vices en France Équinoxiale: «[ ... ] les hommes vicieux gasteront plus cette Nation qu'elle n'est naturellement»

(Yves d'Évreux 1864, p. 195). C'est là que réside le véritable problème. Si la liste des «défauts» des Sau­

vages est censée disparaître progressivement avec l'évangélisation, celle des «qualités» paraît menacée à terme. Claude d'Abbeville résume parfaitement le pro­

blème dans l' Histoire de la Mission: «Et lors que Dieu les aura illuminez de la connaissance de son sainct nom, il est à croire que ce sera un peuple bon et bien charitable;

pourveu qu'on les puisse maintenir en leur simplicité et bon naturel» (Claude d'Abbeville 1963, f. 285 r0).

L'inventaire des vertus révèle d'ailleurs toute la mesure de cette bonté naturelle que Claude d'Abbeville et Yves d'Évreux veulent préserver de la mauvaise influence de leurs compatriotes. Parmi ces vertus, cer­

taines s'approchent même de la perfection chrétienne.

La charité du Brésilien impressionne en particulier le Père Yves: «[ ... ] que pour raient faire [de] mieux les Chrestiens, voire les Religieux les plus reformez [ ... ]».

Toutefois, il établit aussitôt la distinction suivante: «[ ... ] la charité des Sauvages est purement naturelle, sans pouvoir meriter la gloire, et la charité des Chrestiens est sur-naturelle, et espere la récompense en la vie eter­

nelle» (Yves d'Évreux 1864, p. 109-110). Bien que cha­

ritable, le Sauvage n'a pas accès aux vertus théologales motivées par la grâce de Dieu. En revanche, la charité naturelle du Sauvage laisse présager la bonté chrétienne que ce dernier mettra en œuvre une fois converti.

Alors qu'il distingue le fait de pécher contre la loi naturelle - comme le font les Indiens - et celui de trans­

gresser la loi divine, le capucin soulève un problème théologique délicat lorsqu'il déclare que les Sauvages seront chargés «du peché commun de l'infidelité» (Yves d'Évreux 1864, p. 72). Comment en effet imputer aux Sauvages l'ignorance d'une Révélation non encore annon­

cée? Héritier de la pensée de saint Thomas d'Aquin, Francisco de Vitoria avait déclaré les Indiens en état d'ignorance invincible et les avait déchargés par là­

même du péché d'infidélité (Vitoria 1966, p. 64, § 174).

Plus conforme à l'esprit du concile de Trente, Yves d'Évreux semble s'enfermer à son tour dans le paradoxe bâti par les pères de la Contre-Réforme (Gliozzi 1988, p. 179 et

184). A moins qu'il n'en sorte pour se rattacher en défi­

nitive au mythe d'une prédication apostolique préco­

lombienne.

A vrai dire, la position d'Yves d'Évreux sur cette question n'est pas claire. Lorsqu'il explique à Pacamont quels sont les douze «Karaïbes» soigneusement rangés

«sur les Escaliers de !'Autel», il désigne saint Barthé­

lemy comme étant le prophète dont parle une tradition tupinamba: «[ ... ] choisissant Sainct Barthelemy, je le luy montray disant: Tien, voila ce grand Marata qui est venu en ton pays, duquel vous racontez tant de merveilles [ ... ]» (Yves d'Évreux 1864, p. 337-338). Le choix de saint Barthélemy, dont l'Évangile ne dit rien mais dont plusieurs auteurs, tel Grégoire de Tours, extrapolant les Apocryphes, relatent les missions en Inde, n'est pas fortuit (Favier 1991, p. 186 et 245)20. En effet, saint Bar­

thélemy figure aux côtés de saint Thomas et de saint Matthieu parmi les Apôtres susceptibles d'avoir prêché l'Évangile en Amérique21.

Il n'est cependant pas impossible qu'Yves d'Évreux exploite ici la tradition locale du Marata pour mieux favoriser son action apostolique. Deux entretiens plus loin, il rapporte avoir répondu à Jacoupen - l'un des principaux des Cannibaliers (ou Potiguares) -, qui lui demandait pourquoi Dieu s'était fait connaître aux Fran­

çais et non pas à ses pères:

«[ ... ] quand il [Dieu] voit qu'un homme est disposé à recevoir sa Foy, il ne manque point de le faire visiter par ses Apostres [ ... ]: Et partant qu'il est à croire qu'au­

paravant que nous vinssions, leur cœur et esprit n 'estait disposé et preparé à recevoir une si grande lumiere telle qu'est la lumiere de l'Evangile» (Yves d'Évreux 1864, p. 353).

Ainsi, selon que le Père Yves s'adresse à Pacamont ou à Jacoupen sa position concernant la venue d'un Apôtre au Brésil varie. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'exclut pas pareille possibilité:

20. Jacques de Voragine raconte l'histoire de saint Barthélemy.

«apostre [qui] ala en Ynde, qui est en la fin du monde [ . . . ]», dans sa Légende dorée (Jacques de Voragine 1997, p. 786).

21. Dans ses Commentaires royaux sur le Pérou des Incas publiés

à Lisbonne en 1 609, Garcilaso de la Vega rapporte que des Espagnols ont confondu une statue du Viracocha avec celle de saint Barthélemy: «Les Espagnols ayant vu ce temple et cette statue ont prétendu qu'il se pouvait que l'apôtre saint Barthélemy soit allé jusqu'au Pérou pour prêcher l'Évangile à ces gentils, et que les Indiens aient érigé à sa mémoire le temple et la statue» (Garcilaso de la Vega 1 982, t. II, p. 133).

Lecteur de Garcilaso. Francis Bacon choisit justement saint Barthélemy pour annoncer l'Évangile dans sa New Atlantis (1627). Son récit n'a d'ailleurs pas d'autre fin que de discrédi­

ter la crédibilité rationnelle du mythe apostolique (Gliozzi 1988, p. 202-203).

(10)

« Vraie ment nos Sauvages de Maragnan parlent un language bien nouveau, puis qu'aucun devant nostre Mission sinon ce Marata Ancien, c'est à dire un des Apostres de Jésus Christ [ ... ] ne leur appris à parler comme ils parlent à present [ ... ]» (Yves d'Évreux 1864, p. 313).

Il écarte en revanche soigneusement l'hypothèse d'une influence apostolique sur les pratiques religieuses des Indiens puisque, à l'instar du jésuite José de Acosta, il penche pour la thèse de l'imitation diabolique afin d'expliquer les ressemblances entre rites chrétiens et sauvages (Fornerod 1995, p. 42-45; Obermeier 1995, p. 272-273).

Ce qui importe surtout pour Yves d'Évreux, c'est de rechercher chez les Indiens, par delà les rituels obser­

vés, les formes naturelles d'une connaissance de Dieu, c'est-à-dire «cette estincelle de feu cachee soubs les cendres parmy ces peuples Sauvages[ ... ]» (Yves d'Évreux 1864, p. 278). Sa démarche diffère de celle de Claude d'Abbeville qui, suivant le modèle de Léry, présente d'abord le cas des Tupinamba comme faisant exception au consensus omnium, selon lequel il n'existe aucun peuple sans l'ombre d'une religion, pour le rattacher ensuite in extremis à ce dernier en donnant plusieurs

1 d n ,

exemp es e croyances naturelles--. Yves d'Evreux pré- fère démontrer d'emblée que l'on retrouve chez les Sau­

vages la notion du consentement à l'idée de Dieu. Pour en convaincre le lecteur, il invoque Lactance, Sénèque, Boèce et Aristote. Fort de ces autorités, il conclut: «C'est donc chose asseuree que ces Sauvages ont eu de tout temps la cognoissance d'un Dieu, mais non de ['Essence, Unité et Trinité, matiere dependante toute de la foy [ ... ]»

(Yves d'Évreux 1864, p. 279).

La description qu'il donne de cette religion naturelle n'est pas nouvelle: les Sauvages croient en Dieu, au Diable et à l'immortalité de l'âme. Ces trois points sont depuis longtemps répertoriés par les missionnaires portugais et les voyageurs français. En revanche, il est le premier à rapporter l'existence de figurines anthropo­

morphes lorsqu'il note que certains sorciers «ont de petites Idoles faictes de cire, ou de bois, en forme d 'homme». Il ajoute également qu'Arsène de Paris a rencontré «au destour des bois de ces Idoles de cire et quelquefois dans les Loges» (Yves d'Évreux 1864, p. 302).

Ignorant que ces statuettes constituent une mutation récente du «culte» du Maraca due à l'influence chré­

tienne, Yves d'Évreux échappe ainsi au problème auquel ont été confrontés ses prédécesseurs au Brésil devant l'absence de signes tangibles de culte religieux (Clastres 1985, p. 283-284; Clastres 1988, p. 106-107). Au contraire, il peut témoigner pour sa part d'un phénomène banal d'idolâtrie: «[ ... ] nulle Religion peut estre, bonne ou mau­

vaise sans quelque espece de sacrifice et representation

de la chose que nous adorons» (Yves d'Évreux 1864, p. 303).

Ces observations conduisent Yves d'Évreux à envi­

sager comme réaliste la réussite de son apostolat. C'est l'image d'un chrétien en puissance qu'il tente de pré­

senter au lecteur en la personne du Sauvage. En projetant son propre cadre de pensée sur la société tupi de l'île du Maranhao, il étiquette inlassablement les différentes par­

ticularités morales du Sauvage en fonction d'un système axiologique qui l'amène à retrouver une cohérence dans le monde qu'il observe. De la sorte, il peut d'emblée présupposer des possibilités de conversion qui s'offrent à lui. Bien que tiraillée entre le dithyrambe et la condam­

nation, la figure du Sauvage n'est pas aussi ambiguë qu'on pourrait le croire. Yves d'Évreux recherche en priorité les traces qui lui permettent d'envisager le salut du Sauvage avec optimisme. Bien plus que le bon Sauvage, c'est sa possible élévation morale qui est ici célébrée.

Bon, le Sauvage ne l'est pas, mais il peut le devenir. Telle est, en définitive, la leçon du livre d'Yves d'Évreux.

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nambaoults de l'Amerique, je me trouve aucunement empes­

ché touchant l'application d'icelle en leur endroit» (Léry

1975, p. 230-231). Mais il ajoute quelques pages plus loin:

«[ . . . ] on pourra recueillir de là, que [ .. . ] la sentence de Cice­

ron que j' ay alleguee du commencement [ ... ] est verifié[ e] en eux [ . . . (Léry 1975. p. 239; cf. Claude d'Abbeville 1963, ff. 231 v0 et 232 r0-v0).

(11)

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