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Interrogations sur des morts prématurées

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1556 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 10 août 2011

actualité, info

Interrogations sur des morts  prématurées

Au moment, estival, où nous rédigeons ces lignes, l’actualité internationale vient de réu­

nir une série d’informations venues d’hori­

zons divers mais qui ont la mort prématurée pour point commun ; une série d’informa­

tions qui, toutes, soulèvent de multiples ques­

tions médicales auxquelles spécialistes et médias d’information générale peinent à four­

nir de solides éléments de réponses. Exposé en trois points.

I Ce fut tout d’abord la tragédie collective norvégienne : deux attaques qui, le 22 juillet, ont fait 76 morts à Oslo et sur la petite île d’Utoeya. Deux attaques avec un certain An­

ders Behring Breivik, 32 ans, qui a reconnu avoir perpétré ce carnage. Et une nouvelle fois, comme dans tous les drames de ce type, l’incompréhension des foules ; une fois en­

core la quête d’une explication plausible pour un geste sous lequel, à l’évidence, pointe la folie. Une affaire d’autant plus complexe que l’homme revendique son geste en avançant non pas l’existence de voix célestes mais bien une forme de croisade personnelle pour dé­

fendre ce qu’il perçoit comme une forme de pureté ; une sorte de quintessence norvé­

gienne selon lui détruite par le modèle so­

cio­démocrate au pouvoir. Il projetait ainsi initialement (du moins est­ce ce qu’il af­

firme) d’assassiner le Dr Gro Harlem Brunt­

land, 72 ans, ancien chef (à trois reprises) du gouvernement travailliste norvégien, par ail­

leurs ancienne directrice générale de l’OMS de 1998 à 2003. Plus généralement, il se voit et se vit en sauveur de l’Europe de l’Ouest face, entre autres démons, «au marxisme cul­

turel et à une invasion musulmane».

Comprendre celui qui pourrait rapidement être poursuivi par la justice de son pays pour

«crime contre l’humanité» ? Peut­être faut­il ici écouter les paroles tenues par son père lors d’un entretien télévisé réalisé au lende­

main de la tuerie. Jens Breivik est un ancien diplomate qui a choisi pour sa retraite le vil­

lage français de Cournanel dans la région du Languedoc­Roussillon. L’homme n’a depuis longtemps plus de contact avec son fils et ne le reverra plus de son vivant. «Quand je re­

pense à ce qui s’est passé, ça me désespère.

Je ne comprends toujours pas comment quel­

que chose de pareil a pu se produire. Une personne normale ne peut pas faire ça», dé­

clare le père à la caméra, de dos et entre deux

gendarmes. Un père doit­il répondre de la normalité de son fils ?

Dans le volumineux manifeste (1500 pages), qu’il a posté sur internet le jour du carnage, Anders Behring Breivik évoque ses rapports avec sa famille.

Il y explique que ses parents ont divorcé alors qu’il n’avait qu’un an et qu’il a grandi avec sa mère. «J’avais une bonne relation avec lui et sa nouvelle femme à l’époque

(…) jusqu’à l’âge de quinze ans» dit­il, ajou­

tant ne plus avoir, depuis, parlé à son père.

Mais encore ?

Pour tenter de comprendre, l’Agence France Presse a tendu le micro au Dr Roland Cou­

tanceau, expert psychiatre et spécialiste de criminologie. «Quand il y a des actes aussi organisés, l’acte nous parle plus de l’indivi­

du que sa connaissance biographique. Son acte et ses écrits en révèlent plus que ne pourrait le faire l’analyse de sa personnalité et de ses traits de caractère, assure­t­il. On élimine la folie parce que l’acte est trop structuré, trop organisé, trop contrôlé, trop exécuté froidement. Dans la maladie men­

tale, vous n’avez pas ce degré de contrôle. Sa logique est folle au sens populaire du mot, mais elle n’est pas folle au sens psychiatrique du mot.»

Sommes­nous là face à un «meurtrier de

masse» ? «Dans sa forme classique, le meur­

trier de masse est un individu souvent dé­

primé, qui a déjà programmé de se suicider dans la foulée. Bien sûr on est dans un meur­

tre de masse, mais on est ici dans une autre logique, celle du sujet missionnaire, qui a une mission, une logique terroriste. Un ter­

roriste qui veut affirmer haut et fort la mis­

sion qu’il s’est attribuée. (…) Là, le sujet sou­

haite rester vivant pour justifier son acte. On va retrouver de façon tout à fait typique, com­

me dans les actes hors normes, les deux pro­

blématiques de l’ego, le caractère paranoïa que et la dimension mégalomaniaque. Ces indi­

vidus sont dans l’abstrait, le conceptuel, ce qui leur permet de geler la dimension émo­

tionnelle humaine de leur acte. C’est une lo­

gique du crime de type para­

noïaque. C’est un trouble de la personnalité, ce n’est pas un trouble d’ordre psychiatri­

que. Leur conviction est folle au sens humain du terme, pas au sens psychiatrique.» Aux juges, nor végiens, de trancher.

II Ce fut ensuite une tragé­

die individuelle, celle d’Amy Winehouse, chanteuse ayant at teint la dimension mythi que avant même d’être retrouvée mor te, le 23 juillet, à son do­

micile londonien. Sans que la cause exacte de la mort soit dévoilée par les examens mé­

dicolégaux (elle ne l’était tou­

jours pas début août), les commentateurs ont rappelé à l’unis son que cette chanteuse de soul se battait depuis plu­

sieurs années avec des problè mes d’alcool et de drogue. Et d’ajouter qu’elle était sortie récemment d’une cure de dés intoxi ca­

tion, avant de tenter un retour dans le cadre d’une tournée estivale de con certs qu’elle avait dû annuler.

Comme souvent, c’est la mise en abyme des dépendances et du refus des actions sal­

vatrices ; une mise en abyme démultipliée par la monstruosité – admirative et compassion­

nelle – de l’auditoire planétaire. Dans Rehab :

«They tried to make me go to rehab, I said no, no, no (…) They tried to make me go to rehab I won’t go, go, go». Dans Back to Black, cinq ans avant de mourir, un cocktail morti­

fère d’amours impossibles et de dépendan­

ces moléculaires lui permet déjà de hurler :

«I died a hundred times». Et voici que pu­

bliquement la question se pose, de part et d’autre de l’Atlantique : peut­on ou non con­

traindre une personne dépendante (à l’alcool point de vue

CC BY, Infrogmation

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 10 août 2011 1557 ou aux psychotropes illicites) à

se soigner contre son gré ? La réponse sera pour d’autres.

Amy Wine house a rejoint le club de moins en moins fermé des rock stars dont la vie n’a pas dé­

passé la barrière des 27 ans. Leur temps n’est pas celui des Acadé­

miciens même s’ils atteignent à leur manière une forme d’im­

mortalité. Le danger, bien évi­

demment, demeure ici la conta­

giosité du comportement suici­

daire. Mais rien de bien nouveau sous le soleil comme l’avaient montré à compter de 1774, les trop célèbres souffrances du jeune Werther.

III Ce fut enfin la disparition, le 24 juillet, du Dr David Servan­

Schreiber victime à 50 ans d’une tumeur cérébrale ; une lésion qu’il avait commencé à combattre il y a près de vingt ans. La place nous manque, ici, pour évoquer les différentes facettes de cette personnalité aussi complexe que dérangeante. Ne cessant de faire le grand écart entre plusieurs

mondes, tirant des bords entre la médecine officielle et toutes les autres, devenu auteur à succès avec ses Guérir et Anticancer (avant de fournir un témoignage bouleversant1 à la veille de mourir) c’est peu dire que l’homme déroutait, agaçait. Pour s’en con vaincre, il faut observer l’embarras profond de ceux qui signent aujour d’hui ses nécrologies dans la presse d’in for mation générale ; ils avaient pour la plupart pris goût aux provocations précautionneu ses de ce lanceur d’alerte avant de découvrir que ce dernier n’avait sans doute

jamais véri tablement quitté la faculté de mé decine et la science neurocognitive qui l’avaient formé.

Celui que l’on avait parfois surnommé le

«prophète du bien­être» vient de s’éteindre sereinement «après trois jours passés dans un semi­coma». Lors des obsèques célébrées en l’église Saint­Eustache, un agencier était présent. Il a noté que l’un des trois frères du défunt avait confié que l’homme avait offert à ses proches «une expérience de mort réus­

sie en restant fort et rassurant pour être utile

jusqu’au bout ». Sur le parvis, à la fin de la messe rythmée par les grandes orgues et des chants grégoriens, le cercueil de David Servan­Schreiber a été longuement applaudi.

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

Sténose aortique   et remplacement   valvulaire percutané

L’étude PARTNER a montré une réduction de la mortalité après remplacement valvulaire percuta­

né (TAVI pour transcatheter aortic- valve implantation) chez des pa­

tients porteurs d’une sténose aortique sévère et chez qui un remplacement chirurgical n’était pas envisageable. Cette nouvelle étude randomisée incluant 699 patients avec sténose aortique sévè re propose de comparer la mortalité à un an après TAVI ou après traitement chirurgical et de démontrer la non­infériorité de la méthode par cathétérisme chez des patients à haut risque opéra­

toire. L’incidence des décès (tou­

tes causes confondues) à un mois et à une année confirme cette hypo thèse en ne montrant pas de différence significative entre les deux groupes (p = 0,001). On note

plus de saignements majeurs (p l 0,001) et plus de fibrillations auriculaires (p = 0,006) avec la méthode chirurgicale, et plus de complications vasculaires (dissec­

tion et perforation par voie transfé­

morale et faux­anévrisme par voie transapicale) avec la méthode par cathétérisme (p l 0,001). Au niveau des complications neurologiques d’origine embolique, plus spécifi­

ques au cathétérisme, on observe effectivement une différence signi­

ficative entre les deux groupes (p = 0,04), avec un risque d’at­

taques (y compris transitoires) de 5,5% à 30 jours et de 8,3% à un an pour le remplacement percu­

tané, correspondant à un risque multiplié par deux, comparé à la méthode chirurgicale.

Commentaire : Cette étude sponsorisée et contrôlée par le fabri cant de la valve montre que le TAVI est une alternative valable pour les patients à haut risque chirurgical, avec en contrepartie une augmentation du risque de

complications neurologiques qui ne doit pas être sous­estimée.

Une diminution de ce risque pourra être obtenue à la longue par l’amélioration du matériel (cathé­

ters plus fins, utilisation de «para­

pluie»). Un autre point intéressant est la durée de séjour aux soins et celle du séjour total qui se trou­

vent diminuées de manière signifi­

cative (3 vs 5 jours et 8 vs 12 jours respectivement) dans le groupe cathéter. A noter que l’effet à long terme du TAVI n’est pas encore connu. Il faudra donc encore atten dre d’autres études pour propo ser cette méthode à des patients avec une espérance de vie prolongée.

Dr Julien Fesselet HFR, Fribourg Smith CR, et al. Transcatheter versus surgical aortic­valve replacement in high­risk patients. N Engl J Med 2011;

364:2187­98.

Schaff HV. Transcatheter aortic­valve implantation – at what price ? N Engl J Med 2011;364;2256­8.

1 Servan­Schreiber D. On peut se dire au revoir plusieurs fois. Paris : Ed. Robert Laffont, 2011, ISBN : 2­221­

12704­8.

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