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ADAPTATION PSYCHOPHYSIOLOGI QUE ET ENVIRONNEMENTALE DES PERSONNES SOUS PSYCHOTROPES EN MILIEU PSYCHIATRIQUE IVOIRIENpp. 158-169.

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Texte intégral

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AWO CATHERINE ASSI2, BLÉ MARCEL YORO1 1- Institut des Sciences Anthropologiques de Développement/

Université Félix Houphouët-Boigny.

2- UFR Sciences Médicales Bouaké/Université Alassane Ouattara

Revue Africaine d’Anthropologie, Nyansa-Pô, n° 21 - 2016

A D A P T A T I O N P S Y C H O P H Y S I O L O G I Q U E E T ENVIRONNEMENTALE DES PERSONNES SOUS PSYCHOTROPES EN MILIEU PSYCHIATRIQUE IVOIRIEN

RESUME

Les psychotropes regroupent un ensemble de molécules indiquées pour l’accompagnement médicamenteux des personnes souffrant de troubles mentaux. Par ailleurs, l’évolution sous traitement implique parfois des comportements spécifiques en rapport, avec le ressenti physique de la maladie et certains facteurs de l’environnement de vie du sujet. Ainsi, les personnes sous psychotropes doivent faire face aux douleurs psychosomatiques liées au poids de la maladie, à la prise des médicaments et aux facteurs de stress induits par leur perception de la maladie, leur estime de soi et leur relation aux autres.

Fort de ces constats, il nous est apparu opportun d’initier cette étude, qui avait pour, objectif principal d’apprécier les conditions d’adaptation psychophysiologique et environnementale des personnes sous psychotropes en Côte d’Ivoire. L’enquête de cette étude mixte qui s’est déroulée sur deux mois au Service d’Hygiène Mentale (SHM) d’Abidjan s’est appuyée sur des entretiens semi- directifs, des observations directes et documentaires.

Les résultats obtenus à l’issue des investigations indiquaient des perceptions mystico-religieuses de la maladie, l’expression de besoins de réappropriation du corps, des difficultés relationnelles et des remaniements de valeurs allant dans le sens de la régression et de la sublimation. En outre, la prise en charge des sujets au SHM incite à la continuité des projets de vie dans de bonnes dispositions d’esprit.

Mots-clés : Trouble mental, Psychotrope, Adaptation, Physiologie, Environnement, Côte d’Ivoire

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ABSTRACT

The psychotropic ones gather a set of molecules indicated for the medicamentous accompaniment of the people suffering from mental disorders. In addition, the evolution under treatment implies sometimes specific behaviors in report, with the felt physical one of the disease and certain factors of the environment of life of the subject. Thus, the people under psychotropic must cope with the psychosomatic pains related on the weight of the disease, the catch of the drugs and the factors of stresses induced by their perception of the disease, their regard of oneself and their relation with the others.

Extremely of these reports, it appeared convenient to us to initiate this study, which had as, main aim to appreciate the conditions of psychophysiologic and environmental adaptation of the people under psychotropic in Ivory Coast. The investigation of this mixed study which proceeded over two months with the Service of Mental Hygiene (SHM) of Abidjan is supported on semi-directing talks, direct and documentary observations.

The results got at the conclusion of the investigations indicated perceptions mystico-nuns of the disease, the expression of needs for reappropriation of the body, relational difficulties and rehandlings of values going in the direction of the regression and sublimation.

Moreover, the assumption of responsibility of the subjects with the SHM encourages with the continuity of the life plans in good frames of mind.

Keywords: Disorder mental, psychotropic, adaptation, physiology, Environment, Ivory Coast

INTRODUCTION

Les troubles mentaux font partie des maladies qui remontent depuis l’ère préhistorique, époque dans laquelle les civilisations primitives utilisaient la trépanation en guise de remède à ces affections mentales et autres types de maux. Les conceptions de la folie durant le moyen âge étaient un mélange de considérations diaboliques, magiques, divines et humoristiques (Brothwell, 1963). Selon la revue «Le Partenaire»

(2011), depuis quelques années un consensus international émerge sur l’importance de la santé mentale pour la santé globale et le

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Il en est de même pour, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui depuis les années 2000 fait preuve d’un intérêt marqué pour les concepts et les pratiques efficaces en promotion de la santé mentale et en prévention des troubles mentaux. Elle insiste sur le fait que la santé mentale renvoie non seulement à l’absence de troubles mentaux, mais aussi au bien-être et à la résilience des personnes (OMS, 2001 ; OMS, 2004). En terme épidémiologique, diverses enquêtes internationales révèlent que les troubles de santé mentale sont en croissance (INSPQ, 2008). En 1990, ces troubles représentaient 11 % du fardeau de l’ensemble des maladies, et l’OMS prévoit que ce taux s’élèvera à 15 % en 2020 (OMS, 2001). Allant dans le même sens, Murray et Lopez estimaient qu’une personne sur quatre va vivre un ou plusieurs problèmes de santé mentale au cours de sa vie (Murray et Lopez, 1996). Par ailleurs, selon une prévision de l’OMS, le trouble mental serait la cause la plus importante d’invalidité de par le monde. Il serait donc responsable de plus du tiers des pertes d’années de vie active (OMS, 2001).

La Côte d’Ivoire n’est pas en marge de cette menace qui s’est accrue à la faveur des différentes crises sociopolitiques qui se sont succédé. La plupart des cas sont suivis au Service d’Hygiène Mentale (SHM) d’Abidjan, dans les hôpitaux psychiatriques de Bingerville et de Bouaké ainsi que dans d’autres structures sanitaires privées du pays. Les personnes souffrant de troubles mentaux en Côte d’Ivoire ont recours à plusieurs pratiques thérapeutiques pour recouvrir la santé. Ce sont : la médecine traditionnelle, les alternatives religieuses (camp de prière) et la médecine dite conventionnelle ou moderne regroupant les services de psychiatrie.

Le vécu de la maladie mentale varie chez les sujets en fonction des conditions biologiques, sociales et des perceptions qu’ils ont de ces troubles psychiques. Ces perceptions sont fonctions de la culture, de l’histoire individuelle, familiale et sociale de l’individu.

Ainsi, les représentations sociales négatives que porte l’entourage sur le malade souffrant de troubles mentaux conduisent souvent à une stigmatisation. Cette attitude de stigmatisation induite par la méconnaissance d’une situation ou d’un état entraine des conduites et des comportements de discriminations voire l’exclusion. Le trouble mental bien qu’affectant le physique de celui qui est affecté, touche aussi d’autres aspects tels la perception que l’individu se fait de la maladie, la représentation que son entourage a de la maladie, sa vie familiale,

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conjugale, professionnelle, mais aussi ses activités de spiritualité et de loisir ainsi que ses projets de vie. Dès lors nous sommes amenés à nous interroger sur l’adaptation psychophysiologique des personnes sous psychotrope en milieu psychiatrique ivoirien ?

1. MÉTHODOLOGIE

Cette étude descriptive mixte à visée analytique a eu pour cadre le Service d’Hygiène Mentale (SHM) de l’Institut National de Sante Publique (INSP) à Abidjan. Elle a porté sur 30 patients sélectionnés à partir de l’échantillonnage par choix raisonné. L’âge des patients était compris entre 20 et 66 ans avec une durée de traitement psychiatrique d’au moins 45 jours. Pour cette étude ont été retenus, les patients stabilisés. L’enquête s’est déroulée du 20 septembre au 20 novembre 2014. Le recueil des données s’est fait à l’aide de guide d’entretien, de grille d’observation et des dossiers médicaux.

Dans le déroulé de l’enquête, il s’est agit d’entretiens semi-directifs, d’observations directes et documentaires.

2. RÉSULTATS

2.1 Conditions sociales des sujets au décours de la maladie La population étudiée était à 63,33% composée de jeunes adultes d’âge compris entre 20 et 35 ans. Les adultes et les personnes âgées représentaient respectivement 26, 67% et 10%. Une prédominance féminine (56,67%) a été observée. La situation professionnelle indiquait 73,33% des sujets qui avaient arrêté leurs activités à cause de la maladie (délire, trouble du comportement, irritabilité, problèmes d’estime de soi,…) et des effets indésirables des médicaments (lourdeur, somnolence, sécheresse de la bouche,…). En ce qui concerne la situation matrimoniale, le taux des célibataires était largement prédominant avec un taux de 60% contre 40% de patients menant une vie de couple (marié, union libre). Parmi les 60% de célibataires, 26,67% ont été séparés de leur conjoint à cause de la maladie.

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Tableau I : Répartition des patients en fonction des données biosociodémographiques

Caractéristiques biosociodémographiques

Enquêtés N % SexeMasculin

Féminin Total

13 43,33 17 56 ,67 30 100 Age20-35 ans

36-59 ans 60 ans et plus Total

19 63 ,33 8 26,67 3 10 30 100 Situation matrimoniale

Célibataire Marié Union libre Séparé Total

10 33 ,33 10 33,33 2 6,67 8 26,67 30 100 Statut socioprofessionnelle

Sans activité Déscolarisé Fonctionnaire Retraité Total

22 73,33 1 3,33 5 16,67 2 6,67 30 100 Source : Données tirées de l’enquête

2.2 Perception et poids de la maladie

Concernant la perception et le poids de la maladie, la majeure partie des sujets disait que le trouble mental est un mal handicapant (56,67%). Un groupe représentant 6,67% des enquêtés évoquait une souffrance incomprise avec 16,67% d’entre eux qui vivaient leurs maladies avec résignation et passivité. Pour une majorité des enquêtés, les troubles psychiatriques survenus s’inscrivaient

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au tableau des actes de persécutions des forces occultes dont le sorcier de la famille, le méchant voisin ou collaboration au travail, les génies de la brousse adorés par les ancêtres, etc. Un autre groupe représentant 20% des enquêtés était par contre optimiste et percevaient les troubles mentaux comme toutes autres maladies.

Tableau II : Perceptions et poids de la maladie

Perceptions et poids de la maladie Un mal handicapant

Une souffrance incomprise

Un sentiment de résignation/passivité De l’optimisme et de l’espoir

Total

% 56,67 16 ,676,67 10020

Source : Données tirées des entretiens

2.3 Attitudes au décours de la prise en charge

Au décours de la prise en charge, 26% des enquêtés évoquaient des plaintes liées aux effets secondaires des psychotropes administrés.

Ces produits étaient composés d’antipsychotiques de première et de deuxième génération.

Les principaux motifs des plaintes enregistrées étaient : l’inertie, la lourdeur, la sécheresse de la bouche, les palpitations cardiaques et l’hypersomnie à la suite des prises de médicaments.

Devant ces réactions physiologiques dû aux psychotropes, les réactions ont été diverses. Certains avaient pris le soin d’informer leurs médecins traitants. D’autres avaient réduit sans avis du médecin, les doses des médicaments afin de réduire les effets gênants. Les uns avaient décidé d’associer aux médicaments des produits naturels afin d’atténuer leurs effets. Les autres avaient délibérément arrêté la prise de ces médicaments au profit de l’indigénat et de la prière.

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Les conséquences de certaines de ces attitudes étaient que des sujets avaient plus ou moins rechutés. Des complications névrotiques et des décompensations psychotiques avec parfois des agitations avaient été observées.

2.4 Vie relationnelle et projets de vie

La totalité des patients avaient toujours gardé les liens avec la famille. Mieux ces relations étaient devenues plus solides. Par contre, sur les 30 patients 30% seulement étaient restés en contact avec leurs amis, plus de la moitié (70%) n’avaient plus de lien avec leurs amis. Sur cette proportion de 70% de patients qui n’avaient plus de relation avec leurs amis, les principales raisons étaient : le rejet du fait de la maladie et la crainte due à la stigmatisation. Au niveau de la situation matrimoniale, chez les deux(02) patients qui vivaient en union libre l’un entre eux est devenu célibataire à cause de la maladie. Cependant, chez les dix (10) patients mariés aucune séparation ni de divorce n’avaient été constatés.

Les sujets à 96,67% avaient par ailleurs des projets de vie auxquels ils tenaient et souhaitaient réaliser dans la mesure de leurs possibilités.

3. DISCUSSION

3.1 Survenue des troubles et évolution des relations interpersonnelles

La prédominance des jeunes adultes (63,33%) dans la présente étude serait à mettre en rapport avec le fait que c’est dans cette tranche d’âge que l’individu cherche à s’orienter professionnellement pour cela, il subit plusieurs pressions. En effet, les jeunes adultes sont confrontés de manière constante à des questions en rapport avec le travail, la vie affective, les difficultés financières, familiales ou réactionnelles avec l’environnement. Cette prédominance de personnes caractérisées de jeunes adultes se retrouve dans les travaux en santé mentale en Côte d’Ivoire (OMS, 2001 ; Sokolova et al., 1998, cité par Yéo-tenena et al., 2011). Yéo-tenena et al. (2011) soulignaient en effet que, les différentes pressions sociales pourraient être à l’origine d’une fragilisation de leur équilibre psychique du fait d’une élaboration mentale peu efficace pour faire face à ces pressions.

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La prédominance féminine (56,67%) observée pourrait s’expliquer par les pressions sociales subies par les femmes dans notre société.

En effet, en plus des pressions professionnelles, les femmes sont constamment soumises à la gestion des ménages avec parfois des violences verbales et/ou physiques. En plus des violences domestiques, les femmes subissent des harcèlements et parfois des agressions sexuelles non avouées. Cette absence de verbalisation pourrait fragiliser leur équilibre psychique et permettre l’émergence de troubles mentaux (Yéo-tenena et al., 2011).

L’arrêt des activités pour cause de maladie (73,33%) se justifiait par les douleurs persistantes de la maladie, les effets secondaires des médicaments et aussi par la perte de l’estime de soi de ces sujets malades. Cette situation peut constituer un véritable souci pour les sujets en ce sens que dans le milieu social ivoirien, on ne travaille pas que pour soi mais pour toute la famille. L’individu qui travaille devrait faire face à ses besoins personnels mais aussi aux besoins de son conjoint, des ses enfants, de ses parents voir même de ses amis.

Il en est de même pour les interruptions dans les relations interpersonnelles dont les divorces constatés à 26.67%. En effet, les mariages ou encore les unions dans le sens de la vie de couple n’engage pas seulement les deux conjoints mais toute une famille. Les séparations occasionnent non seulement des souffrances psychologiques pour le conjoint en souffrance qui a besoin de soutien et d’affection mais aussi pour tous ceux qui gravitent autour cette union.

3.2 Vécu de la maladie et projections des sujets

La perception de la maladie par 56,67% des enquêtés comme un mal handicapant rejoint en effet la définition des troubles mentaux faite par l’OMS (2001) qui déclarait en effet : « un ensemble vaste et varié de (problèmes de santé mentale) qui surviennent lorsqu’un individu ne peut (se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de la communauté ». C’est l’exemple de Kouakou, un des enquêtés qui disait : « La maladie m’a rendu dépendant de mes parents et ça je ne supporte pas, je veux pouvoir prendre soin de moi-même et de ma famille ». En plus du poids de la maladie, les effets secondaires des médicaments sont également incriminés dans ce lourd vécu.

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Aussi 16,67% des patients évoquaient la maladie comme un mal incompris. En effet, dans certains cas le sujet malade se trouve face à une incompréhension avec ses proches. Camara nous en parle en ces termes : « C’est une maladie vraiment pénible, tu n’as pas de douleur en dehors des migraines. Ce qui me fait mal, c’est que par moment tu passes pour une menteuse, car physiquement tout va bien, alors que ça ne va pas. Personne ne te comprend, c’est trop difficile à supporter ». Le sujet vit ainsi dans la frustration et peut se sentir rejeté par les proches. C’est dans ce contexte que l’Association canadienne pour la santé mentale dans une ses parutions de 1993 déclarait que : « Au nombre des variables déterminants, et des répercussions importantes sur la vie des personnes atteintes de troubles mentaux figurent le rôle joué par la famille et les amis (…) ». Avec leurs familles à leur côté, les sujets ont non seulement un soutien moral (visite, suivi pour traitement…) mais aussi financier (achat de médicaments). Assoésé une des enquêtés disait en ces termes :

« Je vivais seule avec mon oncle, mais les parents et mes frères ont préféré que je reste avec eux pour suivre mon traitement. Ils me soutiennent beaucoup. Je trouve même qu’ils en font trop ». Assalé une autre enquêté la rejoint en déclarant : « quand la maladie a commencé, j’ai été envoyé à la grande cour chez mes parents, puisque mon mari partait au travail et les enfants à l’école, ils prenaient soin de moi et les autres membres de la famille m’appelaient et venaient me rendre visite, je suis actuellement retourné chez moi puisque je me sens beaucoup mieux qu’avant ».

Ils étaient aussi, 16,67% de sujets qui essayaient de mener leur vie sans trop s’apitoyer sur le sort de la maladie. Cependant, pour d’autres, le mieux sera de ne pas espérer à une éventuelle guérison et essayer d’accepter la maladie et vivre avec. Ce qui amène certains malades à vivre dans la passivité et la résignation. Il s’agit d’une attitude de «régression» exprimée par Touré un autre enquêté qui déclarait : «Je sais que je vivrai toujours avec la maladie, j’essaie d’oublier et de vivre avec. J’ai même perdu mon foyer à cause de ça ».

D’autres par contre développaient de l’optimisme et de l’espoir avec la prise en charge. En effet, lorsque le pronostic de la maladie est bon avec la prise en charge, le sujet gagne en confiance et adhère au projet de soins. Il s’oriente par conséquent vers un certain nombre de valeurs qui peuvent être des projets de vie afin de réussir une adaptation positive à la situation. Par ailleurs, parmi eux, il y en a deux dont l’idée de projet a évolué. C’est le cas de Palé qui nous dit :

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« au début de la maladie, je n’y pensais même pas, je ne me voyais pas utile. Aujourd’hui c’est différent, je veux acheter une forêt pour cultiver du cacao et de l’hévéa ». C’est le lieu de parler de» la sublimation»

souvent observée chez l’humain quant il est en situation de précarité.

Dans le cas présent, il s’agit d’une attitude positive face à la maladie.

En outre la crainte de la stigmatisation a fait voir un certain nombre de comportements chez les sujets. Diabaté un enquêté disait en effet : « c’est seulement ma famille qui est informée, je préfère ne pas le dire aux amis, quand ils m’appellent, je leur dis qu’il n’y a rien et que tout va bien. Ou lorsqu’il souhaite passer me voir, je leur dis que je ne suis pas à la maison. Je préfère rester seul pour le moment ». Diabaté a donc adopté une attitude d’isolement à cause de ce qui est décrit ici par Bleu, un autre enquêté : « On me traite de fou, mes propres amis se moquent de moi et ne veulent pas que les gens nous voient ensemble, ils me rejettent en me traitant de fou ». La prédominance du taux des personnes rejetés par leurs amis, pourrait s’expliquer par une stigmatisation dont elles sont victimes de leur part. En effet, la stigmatisation fait référence à un concept multidimensionnel. Il s’agit d’une attitude générale, de l’ordre du préjudice induite par la méconnaissance ou l’ignorance d’une situation ou d’un état et cette méconnaissance ou ignorance va générer des conduites et des comportements de discrimination Giordana et al. (2010). Elle est ainsi un facteur de risque pour la santé et une véritable cause d’incapacité du malade. Par ailleurs comme le souligne N’guessan (2015), les services de psychiatrie sont souvent qualifiés de centres de traitement des « fous» (N’guessan, 2015). Aller donc dans ces centres pour se faire traiter fait craindre des restrictions sociales en plus des traitements estimés longs et parfois insupportables.

Cet état de fait nourrit des préjugés qui ont probablement conduit certains sujets à l’automédication et à l’inobservance des traitements à la suite du ressenti des effets secondaires des psychotropes.

CONCLUSION

Cette étude a porté sur l’adaptation psychophysiologique et environnementale des personnes sous psychotropes en milieu psychiatrique ivoirien. Elle a permis de comprendre un certain nombre de comportements en réaction à la maladie mentale et de

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percevoir des problèmes relationnels qui naissent au décours de la maladie et de sa prise en charge. Face aux souffrances physiques psychologiques infligées par la maladie et les effets indésirables des psychotropes les sujets ont plus ou moins élaboré des mécanismes de défense pour faire face à leurs besoins existentiels. En perspective, la nécessité d’une bonne communication sur la maladie mentale et sa prise en charge pourrait être d’un apport essentiel pour la qualité de vie des personnes affectées.

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