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«L'homme est à inventer chaque jour.» Jean-Paul Sartre

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Academic year: 2022

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« L'homme est à inventer chaque jour. »

Jean-Paul Sartre

AUTRES TEMPS

Temps de vagabonder de mot en mot, de port en port,

Temps d'écouter, de poser

son regard, de témoigner,

Et dans le respect d'autrui,

Temps de connaître et de

comprendre l'Homme et le

monde.

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LA LETTRE

DE CORÉE

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© Editions Autres Temps - 1999 Tous droits de traduction, de reproduction

ou d'adaptation interdits pour tous pays.

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Michel Louyot

LA LETTRE DE C O R É E

Temps Brefs

AUTRES TEMPS

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teresses d'Ono, de Kii, d'Ito, destinées à pro- téger Dazaifu ! Combien de fois aussi n'avons- nous pas visité, au bord de la mer, les vestiges des remparts édifiés pour résister aux Mongols ? Aujourd'hui le sable a recouvert les murailles, les pins maritimes ont poussé sur les ruines. « Depuis des siècles, sinon des mil- lénaires, tes ancêtres, nos ancêtres ont tou- jours été en première ligne, de tous les combats, contre les Djurchât, les Mongols, contre la Corée. Les cendres de l'un de mes grands-oncles ont été dispersées au large de Pusan, un autre de nos ancêtres était vice- gouverneur à Séoul. La Corée était leur chose, ça ne se discutait pas, les patriotes coréens n'étaient que des terroristes, nous ne compre- nions pas pourquoi ils s'en prenaient à nous alors que nous modernisions leur pays. Nous avons voulu oublier les rapts, les viols, les enlèvements des hommes forcés de travailler dans nos usines d'armement, mais on ne peut pas nier le passé ! » Nous poursuivons notre marche en silence, car tu t'essouffles vite. A flanc de montagne, tu me conduis dans un tombeau souterrain où luisent dans l'ombre des peintures rupestres aux tons flamboyants.

« Un lieu que ta mère aimait, elle qui jouait du biwa savait de longue mémoire qu'il faut garder toutes les traces, qu'il ne faut pas bles- ser le feu, qu'il ne faut pas gêner le cours de l'eau. » Sur le sentier qui descend vers la mai-

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son, je me laisse aller au plaisir nouveau d'être à tes côtés. Que mon bras reste posé sur le tien aussi longtemps que possible ! Tu ne me demandes rien sur mon voyage à Tsushima.

N'est-ce pas parce que tu sais déjà que cette longue retraite dans la maison au toit de chaume, près des carpes frissonnantes, face aux bambous, au pin et au prunier où vien- nent se poser des oiseaux verts aux yeux cer- nés de blanc qui ne craignent point Moussia, va enfin trouver son sens ? A l'entrée de l'al- lée, les deux chiens de pierre, copies d'une sculpture coréenne du V I siècle, ont l'air de frétiller de la queue. Pinçant du pouce et de l'index un fragment de peau de ton avant- bras, dans un léger sourire, tu me dis : « Et ça, après tout, est-ce que ça ne serait pas un peu coréen ? »

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C'est la première fois que je vais en Corée. J'ai pris l'hydroglisseur qui relie la baie de Hakata au port de Pusan en trois heures.

Dans le bateau, un article d'un journal japo- nais en anglais, abandonné à ma place... par qui et avec quelle intention, attire tout de suite mon attention. Il y est question de la nouvelle campagne entamée par les « femmes de réconfort » coréennes pour obtenir des excuses et des dédommagements pour avoir été contraintes à la prostitution par les mili- taires nippons. « Il est clair, précise l'auteur de l'article, que les Coréens n'oublieront sans doute jamais les actes inhumains perpétrés par nos pères et nos grands-pères à l'époque coloniale. Les Japonais, qui ont une connais- sance insuffisante de l'histoire de la Corée, devraient reconsidérer ce passé honni. Est-ce que notre désir de voir s'ouvrir davantage les marchés coréen et chinois nous amènera à

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reconnaître toutes les atrocités commises par nous en Corée et en Chine ? » En levant les yeux du journal, je regarde mes compagnons de voyage et me demande qui ils sont et pour- quoi ils se rendent en Corée : simple curiosité pour certains, gain au change et bonnes affaires pour d'autres ? Combien d'entre eux espèrent nouer des relations amicales avec des Coréens ? Tous les voyageurs ne sont pas japo- nais. Derrière moi, j'entends parler les deux langues. Des étudiants coréens de l'une des universités de Fukuoka retournent chez eux, leur diplôme en poche et y ramènent des amis japonais, peut-être une fiancée. Je reprends espoir. Quelque chose se détend en moi qui me prédispose au sommeil. Je me réveille avec l'impression d'avoir dormi plusieurs heures, bien que je n'aie sommeillé que vingt minutes. Ma voisine, que je n'avais pas remarquée jusqu'alors, tourne vers moi un beau visage baigné d'une lueur paisible. C'est cette lueur, j'en suis sûre, qui m'a bercée et reposée. Je lui souris et la remercie d'exister.

Komapsamnida ! Merci, le seul mot de coréen que je connaisse. A notre arrivée à Pusan, elle s'enquiert de ma destination et m'accom- pagne à la gare. D'emblée me frappent les expressions vives des visages, les regards de feu, c'est comme si tout un peuple était emporté par un tourbillon ascendant et chaud. Un emportement dont on se garde

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chez nous, si on ne le méprise, et qui contraste avec notre impavidité, ce sang-froid que nous reprochent nos voisins. Moins de manières, moins de grâces chez les femmes mais plus de formes et de vraie beauté.

« We're not waiting for the 2 1 Century, we're flying to it » annonce une publicité représen- tant un envol de grues blanches sur les rizières. Je m'envole moi aussi emportée par le tourbillon qui se dirige vers les quais. Un tourbillon aux couleurs chatoyantes, aux odeurs fortes de chou. Des paysans aux visages rutilants et arrondis comme des pas- tèques me regardent en riant aux éclats. Une jeune femme vêtue d'un hanbok mauve de soie range son ordinateur et appelle Los Angeles de son téléphone portable. Après m'avoir indiqué le quai, ma voisine du bateau disparaît dans la foule. Pour lier connais- sance, plus que pour m'assurer que je suis sur la bonne voie, je m'adresse à une grand-mère portant son petit-fils dans le dos. « Taegu » me répond-elle dans une langue âpre, en hochant la tête avec conviction... Oui, c'est bien ce quai. Dans le train, je bois le thé au ginseng en croquant des amandes de gingko embrochées sur une tige de bambou. Ça et là, dans les rizières ou les champs de mûrier, j'aperçois par la fenêtre du train des maisons basses en torchis, au toit de chaume et des temples aux couleurs vives, bleues et r o u g e s

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pareilles à celles que l'on voit sur les plafonds peints des tombeaux aux murs de pierre de Kyushu. Ce qui nous relie est-il, sera-t-il plus fort que ce qui nous sépare ? Le combat n'est pas fini. Que la première Coupe du monde de football du troisième millénaire soit organi- sée conjointement par la Corée et le Japon n'est pas sans importance. Toutefois, ce projet commun suffira-t-il à faire oublier la rancune aux Coréens ? La question m'obsède dans le car qui me conduit de la gare de Taegu au monastère de Haien-sa dans la montagne où j'ai rendez-vous demain matin avec Young- Hee et sa mère. Kaya-san, le mont sacré, ter- minus de mon voyage, reflète les teintes bleutées et verdâtres du ciel, après que le soleil s'est couché. Kaya-san est un bol à thé renversé, dissymétrique, entaillé de coups de feu, façonné à la va-vite par un Maître génial.

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Haein-sa, Reflet sur la Mer calme, l'un des trois principaux temples de Corée, est une arche préservée des invasions, une nef qui vogue sur l'océan du Mont Kaya, un site ver- doyant propice à l'apaisement des désirs et à la découverte de soi. Comme le Tenmangu à Dazaifu, dédié à Michizane, Haein-sa est un temple de l'enseignement. Jusqu'à aujour- d'hui, Haein-sa conserve plus de quatre-vingt mille planches de bouleau destinées à impri- mer le Tripitaka, à savoir la majeure partie des enseignements de Bouddha. Au bord du chemin qui mène au temple, des moines font signer des pétitions contre un promoteur qui veut installer un terrain de golf aux abords du lieu saint. J'appose ma signature. Je monte vers le sanctuaire sans me presser, car je suis en avance et ma joie de revoir Young-Hee est mêlée de la crainte de me trouver face à sa mère. J'accède au temple par la porte de la

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grenouille rouge. En gravissant pas à pas les escaliers, je retiens ma respiration. Je passe sous la porte des quatre gardiens. Un peu plus haut, Young-Hee m'attend à la porte de la non-dualité. Cette fois, nous tombons dans les bras l'une de l'autre. Occupée à préparer une collation, sa mère a chargé Young-Hee de me faire visiter le pavillon du Tripitaka qui, me dit-elle, « symbolise, à travers les vicissi- tudes de l'histoire, le maintien de la conscience nationale. » Les textes sacrés ont été gravés sous la dynastie Koryo. Ils devaient apporter le bonheur au peuple et le protéger des invasions. Cependant, l'ensemble fut brûlé par les Mongols avant d'être entière- ment reconstitué en 1251 puis déposé au temple de Haein-sa où ils échappèrent aux pillages et aux incendies. Pendant trois ans, les troncs de bouleau ont été trempés dans l'eau de mer, avant d'être découpés en planches. Ces planches furent bouillies puis séchées à l'ombre. Longue préparation du bois à recevoir les textes sacrés. Les 52 382 960 caractères chinois ont été peints puis gravés. Il n'y a pas une seule faute, et le Tripitaka coréen est plus complet que son modèle chinois. Au moine qui le lirait chaque jour, du matin au soir, il faudrait dix-huit ans pour achever la lecture. Nous quittons cette vénérable bibliothèque pour redescendre par l'autre versant du Mont Kaya. Nous passons

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un petit pont dont on dit que celui ou celle qui l'auront franchi accéderont à coup sûr à la Terre pure. Young-Hee est gaie, elle me parle du temps où les tigres fumaient la pipe dans les ermitages qui pullulaient autour du temple principal, du temps où les grues dan- saient quand Maître Ch'oe Ch'i-won, sous la dynastie de Silla, jouait du kayagûm, l'instru- ment à douze cordes. Elle me raconte l'his- toire d'un bouvier parti à la recherche d'un bœuf. Il rencontre un moine auquel il demande s'il n'a pas vu son bœuf. « Le bœuf, c'est toi », répond le moine. Plus de cinq cents moines et moniales vivent aujourd'hui à Haein-sa. Et c'est au pied de la montagne, près d'un monastère de femmes qu'est venue s'installer Kim Kyong-ni, la mère de Young- Hee. Le hameau ne comporte que cinq ou six maisons : celle de Kyong-ni est la plus petite, mais elle est entourée d'un grand jardin pota- ger. Kim Kyong-ni nous attend à l'entrée. Elle est grande, mince, elle porte des vêtements de paysanne, mais toute son allure est noble.

Elle a dû être très belle. Le front haut reste impassible mais il me semble que le sang afflue à ses pommettes. Tandis que Kim Kyong-ni s'approche de moi pour m'inviter à entrer, je suis happée par son regard qui m'engloutit tout entière et me laisse entrevoir les enfers qu'elle a dû traverser. Me voici soudain repor- tée un demi-siècle en arrière, je vois le corps

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