Pourquoi
nous travaillons
À
la fin des années 1950 paraissait dans la collection « Que sais-je », un ouvrage ainsi intitulé de Jean Fourastié, qui fut l’inventeur du concept des « Trente Glorieuses »1. Mis à jour régulièrement, mais malheureusement aujourd’hui épuisé, il tentait de répondre, à une question, qui était sous-enten- due dans le titre « pour quoi nous travaillons ? ».C’était le problème de la motivation collective qui était soulevé.
L’auteur apportait des réponses macro-économiques et sociolo- giques à la question du travail. Il dressait un grand tableau de l’évolution du travail à travers les âges. Il rappelait que l’huma- nité travaillait pour produire et donc pour consommer. Il mettait de côté les questions qui nous intéressent directement dans la Revue française de gestion, c’est-à-dire celles ayant trait à l’orga- nisation concrète du travail.
La réflexion sur la motivation collective de nos sociétés semble de nouveau à l’ordre du jour. Mais la dimension managériale est davantage prise en compte. On assiste à une remise en question d’un système unidimensionnel basé sur la satisfaction d’un besoin matériel. Lors du forum de Davos, au mois de janvier der- nier, le professeur Robert Shiller a avancé que « l’économie com-
1. Jean Fourastié, Pourquoi nous travaillons, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1reédition 1959.
portementale » allait l’emporter sur la ratio- nalité des marchés2.
Dans The Economist, la rubrique Schumpe- ter dédiée au management a fait une recen- sion du livre Daniel Pink intitulé Drive : The Surprising Truth About What Motivates Us3. Il distingue trois périodes dans l’his- toire de la motivation : une première époque où l’homme doit se défendre contre l’envi- ronnement, une seconde période qui est celle du taylorisme où la mesure des perfor- mances des salariés est privilégiée avec pour effet la croissance des gains de pro-
ductivité, enfin nous assisterions à l’appari- tion d’une troisième période, qui est la motivation liée à la personnalisation du tra- vail.
Daniel Pink s’est fait connaître comme l’écrivain des discours du vice-président Al Gore. Son optimisme est rafraîchissant, mais il s’inscrit dans le sillage d’une littéra- ture managériale qui paraît malgré tout loin de la réalité de l’entreprise française, à un moment où plus que jamais la motivation principale apparaît l’argent, que ce soit pour les salariés ou pour les patrons.
8 Revue française de gestion – N° 201/2010
2. Éric Le Boucher, « Brainstorming à Davos », Les Échos, 29-30 janvier 2010.
3. The Economist, 16th January 2010.
7 Éditorial – Jean-Marie Doublet 11 Ont contribué à ce numéro
13 Internationalisation, diversification et performance.
Une analyse sur les groupes du CAC 40 Samia Belaounia
27 Les héritages du passé peuvent-ils expliquer les performances actuelles des firmes ? Illustration par l’« industrie » de l’art lyrique
Jean-Claude Tarondeau
45 Modèle d’Uppsala et implantation des firmes multinationales agroalimentaires. Le cas de la présence de Danone en Algérie Foued Cheriet
65 Normes, routines organisationnelles et apprentissage d’entreprise Gilles Lambert, Noufou Ouedraogo
Dossier – Les chaînes globales de valeur Sous la direction de Florence Palpacuer, Nicolas Balas
89 Comment penser l’entreprise dans la mondialisation ? Florence Palpacuer, Nicolas Balas
103 Les cadres d’analyse des chaînes globales.
Généalogie et discussion Jennifer Bair
121 Globalisation des achats et contrôle interorganisationnel dans la filière THD française
Hugues Poissonnier
141 Influence des stratégies locales dans les chaînes globales de valeur.
Le cas de Madagascar Arielle N’Diaye
161 Impact des politiques commerciales sur les systèmes de gouvernance.
Les tomates fraîches en Turquie et au Maroc Selma Tozanli, Fatima El Hadad-Gauthier
177 Chaînes globales de valeur et responsabilité sociale des firmes de l’habillement. Le cas d’Éthique sur l’Étiquette
Corinne Vercher
195 Summary
10 Revue française de gestion – N° 201/2010
Samia BELAOUNIA est professeure associée à Rouen Business School (ancien- nement ESC Rouen). Depuis sa thèse sou- tenue à l’université de Dauphine en 1998, elle travaille sur le lien diversification - performance. Elle a publié des articles dans les revues Finance Contrôle Stratégie et Sciences de gestion (ISEOR). Elle étend aujourd’hui son travail à la prise en compte de la diversification géographique, à travers les degrés d’internationalisation et de mul- tinationalisation des entreprises.
Jennifer BAIRest Assistant Professoren sociologie à l’université du Colodaro (Boulder). Elle a auparavant dirigé le pro- gramme d’études « Ethique, politique et économie » à l’université de Yale. Spécia- liste des chaînes globales de commodité, ses recherches se situent à l’intersection de l’économie politique, la sociologie écono- mique, et les études du développement.
Nicolas BALASest doctorant et alloca- taire de recherche en sciences de gestion à l’université Montpellier I. Sa thèse, réalisée au sein de l’ERFI (Équipe de recherche sur la firme et l’industrie), interroge la nature du lien firme-territoire dans la stratégie des firmes multinationales, ainsi que le rôle joué par les stratégies politiques locales en tant que mouvements de résistance à la déterritorialisation des firmes.
Foued CHERIET est ingénieur de recherche à l’INRA Montpellier où il mène des travaux prospectifs sur la sécurité ali-
mentaire en Méditerranée. Il est docteur en sciences de gestion de l’école SupAgro Montpellier. Ses travaux de recherche portent sur le secteur agroalimentaire en Méditerranée, et en particulier sur le mana- gement stratégique, les conflits dans les relations interorganisationnelles, le contrôle des alliances asymétriques, les stratégies des FMN et les investissements directs à l’étranger. Il a publié de nombreux articles sur l’instabilité des alliances stratégiques et les investissements dans le secteur agroali- mentaire en Méditerranée dans les revues francophones et anglo-saxonnes.
Fatima EL HADAD-GAUTHIER est chargée de recherche à l’Institut agrono- mique méditerranéen de Montpellier et membre de l’UMR-MOISA. Elle est spé- cialiste de la question euro-méditerra- néenne. Ses travaux de recherche portent sur l’impact des politiques de libéralisation sur les chaînes de valeur agroalimentaires et les stratégies des entreprises.
Gilles LAMBERT, est professeur à l’École de management Strasbourg, univer- sité de Strasbourg. Ces activités de recherche au sein du laboratoire BETA (UMR CNRS 7522) portent sur le manage- ment de l’innovation et du changement, l’entrepreneuriat et les options réelles.
Arielle N’DIAYEest docteur en sciences de gestion de l’université Montpellier I et ATER à l’université Panthéon-Assas. Sa recherche doctorale, réalisée au sein de
l’ERFI, étudie les stratégies d’entreprises sous-traitantes du Sud, leurs différentes formes d’insertion au sein des chaînes glo- bales de valeur et leurs implications pour le développement local.
Noufou OUEDRAOGO, docteur en sciences de gestion, est enseignant-chercheur à Grant MacEwan University, School of Business, Edmonton, Canada. Ses recherches portent sur le management de la qualité et la gestion des connaissances.
Florence PALPACUER est professeur en sciences de gestion à l’université Mont- pellier I et coordonne le groupe de recherche « Altermanagement, mondialisa- tion, et écologie » au sein de l’ERFI. Ses recherches portent sur la globalisation des stratégies d’entreprises et des chaînes de valeur ainsi que leurs implications sociales et sociétales, incluant le mouvement alter- mondialiste.
Hugues POISSONNIERest professeur à Grenoble École de management depuis 2006, où il enseigne l’économie, le contrôle de gestion et les achats. Ses travaux de recherche portent sur les problématiques de contrôle au sein des relations inter-organisa- tionnelles. Il dirige la recherche de l’IRIMA (Institut de recherche et d’innovation en management des achats) et développe des
formations sur mesure en entreprise dans le domaine des achats responsables.
Jean-Claude TARONDEAU, ingé- nieur des arts et métiers, docteur d’État en sciences de gestion, agrégé des Universités, est professeur honoraire à l’Essec Business School. Rédacteur en chef de la Revue fran- çaise de gestionde 2002 à 2008, il a publié plus de soixante articles et une dizaine de livres et récemment, en collaboration avec Philippe Agid, L’Opéra de Paris, gouverner une grande institution culturelle (Vuibert, 2008).
Selma TOZANLI est enseignant-cher- cheur à l’Institut agronomique méditerra- néen de Montpellier et coordonne l’équipe de recherche « Stratégies, gouvernances, performances » au sein de l’UMR MOISA (marchés, organisations, institutions, straté- gies d’acteurs). Elle travaille sur les straté- gies des firmes multinationales et les chaînes de valeur agroalimentaires des pays du Bassin méditerranéen.
Corinne VERCHERest maître de confé- rences à l’université Montpellier III et membre de l’ERFI. Elle travaille sur les évolutions de la relation d’emploi et les problématiques de RSE en lien avec la glo- balisation des modèles productifs et des configurations organisationnelles.
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