producteurs et les consommateurs des produits agricoles et excluent dès lors toute discrimination.
Dans cette perspective, les divers éléments d'organisation commune des marchés, mesures de protection, sub
ventions, aides et autres, ne sauraient être différenciés selon les régions et autres conditions de production ou de consommation qu'en fonction de cri
tères de nature objective qui assurent une répartition proportionnée des avantages et désavantages pour les intéressés, sans distinguer entre les ter
ritoires des États membres. Cepen
dant, si à son début l'organisation commune de marchés présente des lacunes susceptibles de mettre en péril la stabilité du marché dans une partie de la Communauté, les institutions
responsables, tout en étant obligées de rechercher les causes de telles diffi
cultés et d'adapter au plus tôt les règlements portant organisation com
mune des marchés afin de remédier aux insuffisances révélées, sont com
pétentes pour prendre des mesures
provisoires limitées aux marchés des États membres les plus affectés.Le caractère provisoire inhérent à la mesure prise risque de disparaître dès qu'elle aboutit à exclure durablement les entreprises d'un État membre de l'organisation commune du marché mais, compte tenu de la nature des problèmes à résoudre, en mettant un terme à ces mesures après la campa
gne 1973-1974, le Conseil a respecté leur caractère provisoire.
Dans l'affaire 153-73
HOLTZ & WILLEMSEN, GMBH, Krefeld-Uerdingen (république fédérale d'Alle
magne), représentée par ses gérants, MM. Helmut Reffelt et Manfred Leser, ayant pour mandataires ad litem Me Modest et associés, avocats au barreau de Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de Me Félicien Jansen,
huissier, 21, rue Aldringen,partie requérante,
contre
CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, représenté par son conseiller juri
dique, M. le professeur Daniel Vignes, en qualité d'agent, assisté de Me Hans- Jürgen Rabe, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. J. N. van den Houten, directeur du service juridique de la Banque européenne d'investisse
ment, 2, place de Metz, d'une part,
et
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, représentée par son conseiller juridique, M. Peter Kalbe, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxem
bourg auprès du conseiller juridique de la Commission, M. Pierre Lamoureux, 4, boulevard Royal, d'autre part,
parties défenderesses,
ayant pour objet une demande en dommages-intérêts au titre de l'article 215,
alinéa 2, du traité CEE,
LA COUR,
composée de MM. R. Lecourt, président, A. M. Donner et M. Sørensen, présidents de chambre, R. Monaco, J. Mertens de Wilmars, P. Pescatore, H. Kutscher, C. Ó Dálaigh (rapporteur), et A. J. Mackenzie Stuart, juges, avocat général : M. G. Reischl
greffier : M. A. Van Houtte rend le présent
ARRET
En fait
Attendu que les faits et les arguments des parties développés au cours de la procédure écrite peuvent être résumés
comme suit :
I — Faits et procédure
1. Le règlement n° 136/66 du Conseil, du 22 septembre 1966 (JO n° L 172 du 30 septembre 1966, p. 3025), portant organisation commune des marchés dans le secteur des madères grasses, s'applique depuis le 1er juillet 1967 au colza, à la navette et aux huiles fabriquées à partir de ces produits, qui font l'objet du présent litige.
Les huileries utilisant le colza produit dans la Communauté reçoivent une aide qui leur permet de se le procurer à un prix de revient qui se trouve ramené au niveau de celui pratiqué sur le marché mondial. Chaque année, le Conseil fixe un prix indicatif, un prix d'intervention de base légèrement moins élevé, ainsi qu'un ensemble de prix d'intervention dérivés dont le niveau varie selon les centres d'intervention. Le prix d'inter
vention de base s'applique à la zone de production la plus excédentaire (Châteauroux). Les prix d'intervention dérivés sont fixés en fonction de la dis
tance séparant cette zone des autres cen
tres d'intervention, et par incorporation
au prix d'intervention de base de frais de
transport. L'aide versée est égale à la différence entre le prix indicatif et le prix pratiqué sur le marché mondial. Étant donné que les prix d'intervention sont plus bas que le prix indicatif et que les producteurs vendent le colza à un prix se situant entre le prix d'intervention et le prix indicatif, il en résulte qu'il est avantageux d'acheter et de transformer le colza produit dans la Communauté.
Dès l'application de cette organisation de marchés au colza, à la navette et aux huiles fabriquées à partir de ces pro
duits, le gouvernement italien s'est adressé à la Commission, le 12 août 1967, pour lui faire part des difficultés rencontrées dans l'application du règle
ment de base « matières grasses » et pour lui demander d'adopter d'urgence des mesures de sauvegarde au titre de l'arti
cle 226 du traité CEE. La Commission ne s'étant pas prononcée immédiatement,
l'Italie a suspendu temporairement les importations d'huile de colza et de navette en provenance de la CEE, au motif que les huileries italiennes, très éloignées des principales zones de pro
duction, n'étaient pas en mesure de sup
porter la concurrence, le coût de l'ache
minement jusqu'à leurs usines des grai
nes de colza produites en France et en Allemagne étant plus élevé que celui du transport de l'huile de colza et de navette depuis ces pays jusqu'en Italie.
Le 11 octobre 1967, la Commission a rejeté la demande italienne, au motif que les données disponibles ne permettaient pas de dire si l'activité des huileries ita
liennes était en recul ou menacée de l'être. La Commission faisait savoir qu'elle avait soumis au Conseil une pro
position visant à l'adoption, dans le cadre de l'organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses, de mesures appropriées, « transi
toires » et destinées à permettre aux hui
leries italiennes de bénéficier d'un « délai supplémentaire » pour s'adapter.
Par la suite, le Conseil a adopté le règle
ment n° 876/67, du 20 novembre 1967 (JO n° L 281 du 21 novembre 1967, p.
7), instituant, pour la campagne de com
mercialisation 1967-1968, une aide sup
plémentaire pour les graines de colza et de navette transformées en Italie. Cette aide a été prorogée depuis lors, et en dernier lieu par le règlement n° 1336/72 du Conseil, du 27 juin 1972 (JO n° L 147 du 29 juin 1972, p. 7), arrêté pour la campagne de commercialisation 1972- 1973, et par le règlement n° 1357/73 du Conseil, du 15 mai 1973 (JO n° L 141 du 28 mai 1973, p. 30), arrêté pour la campagne de commercialisation 1973- 1974.
Dans la Communauté, les principales régions de production de colza ont été, pour la campagne de commercialisation
1970-1971 :
le Schleswig-Holstein : 106 000 tonnes ; la Basse-Saxe : 28 000 tonnes ; la Bavière : 18 100 tonnes; le Nord et le Centre de la France : + de 300 000 tonnes ; la Pro
vence : environ 50 000 tonnes ; la Garonne : environ 70 000 tonnes.
Pour les huileries italiennes, la zone de culture la plus proche est la Provence, et pour la requérante le Nord de la France.
2. La requérante, qui exploite une hui
lerie à Krefeld-Uerdingen, dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, et dont l'une des activités consiste à fabri
quer de l'huile à partir du colza et de la navette, considère que l'octroi d'une aide supplémentaire aux seules graines de colza et de navette récoltées dans la Communauté et transformées dans les huileries italiennes constitue une viola
tion du traité CEE» et notamment de l'interdiction des pratiques discrimina
toires exercées en raison de la nationalité (art. 7, alinéa 1, du traité). Elle estime,
d'autre part, que cette discrimination
constitue une faute administrative de la
part des organes chargés d'élaborer et
d'arrêter les règlements communautaires,
qui lui aurait causé un préjudice dont
réparation lui serait due en vertu de l'article 215, alinéa 2, du traité CEE.La requérante a écrit au Conseil le 29 janvier 1973 pour l'inviter, conformé
ment aux dispositions de l'article 175, alinéa 2, du traité, à arrêter un règlement relatif à une aide supplémentaire de 0,60 UC pour 100 kg de graines de colza et de navette transformées dans les huileries se trouvant dans une situation identique à la sienne. Elle a écrit en même temps à la Commission, en la priant de faire usage du droit d'initiative dont elle dis
pose pour soumettre au Conseil une pro
position en ce sens. La Commission a répondu à cette demande le 8 mars 1973 en donnant l'assurance que la question ferait l'objet d'un examen approfondi de la part de ses services. Dans une lettre en date du 23 mars 1973, le Conseil a fait savoir qu'il estimait que les règlements précités étaient conformes au traité insti
tuant la CEE.
La requérante a alors saisi la Cour d'un recours en carence, introduit le 16 mai 1973, et tendant à contraindre le Conseil à arrêter un règlement non discrimina-
678
toire s'appliquant, pour l'avenir, égale
ment aux huileries situées comme elle dans le Land de Rhénanie-du-Nord- Westphalie. Ce recours a été rejeté com
me irrecevable par un arrêt de la Cour du 15 janvier 1974.
L'objet de la présente demande en indemnité, introduite le 24 juillet 1973, est différent : cette demande vise à obte
nir la réparation des dommages que l'ap
plication des règlements discriminatoires a causés jusqu'ici à la requérante. Cette dernière a en effet été privée d'une aide à laquelle seules les huileries situées en Ita
lie avaient droit, alors que, selon elle, toutes les huileries communautaires auraient dû en bénéficier sur la base du seul critère de leur éloignement des lieux de production.
3. La procédure écrite a suivi un cours régulier.
II — Conclusions des par
ties
1. La requérante conclut à ce qu'il plaise à la Cour :
a) condamner les parties défenderesse à lui verser 735 924 DM de dommages- intérêts ;
b) condamner les parties défenderesses aux dépens.
2. Le Conseil des Communautés euro
péennes conclut à ce qu'il plaise à la Cour :
a) déclarer irrecevable et rejeter le
recours ;
b) condamner la requérante aux dépens.
3. La Commission des Communautés européennes conclut à ce qu'il plaise à la
Cour :
a) rejeter le recours ;
b) condamner la requérante aux dépens.
III — Moyens et arguments
des parties A —Quantaux faits
La requérante soutient que si le marché des matières grasses est régi par les dis
positions du règlement n° 136/66, l'aide supplémentaire pour les graines récoltées dans la Communauté et transformées en Italie ne saurait entrer dans l'économie générale de cette organisation.
Le Conseil répond qu'au contraire, en raison à la fois de la dépendance de la Communauté à l'égard du marché mon
dial des matières grasses et de l'impor
tance considérable que revêt dans certai
nes régions la production de graines oléagineuses, l'organisation de marchés dans ce secteur se distinguerait des autres organisations de marchés en ce qu'elle instaurerait non pas un méca
nisme de prélèvement à la frontière, mais un système d'aides comprenant une aide de base compensant la différence entre le prix indicatif communautaire et le prix mondial, et une aide supplémentaire pour les graines récoltées dans la Com
munauté et raffinées en Italie.
L'institution de cette aide supplémentaire s'expliquerait par le fait que, pour le marché des matières grasses, et contrai
rement aux autres organisations de marchés, il n'aurait pas été prévu de phase transitoire, et que des difficultés auraient surgi très tôt en Italie, qui auraient fait craindre l'inondation de ce marché par de l'huile raffinée en France.
La requérante aurait d'ailleurs reconnu elle-même la nécessité de porter remède aux difficultés rencontrées par les
huileries italiennes.
S'il était vrai que le Comité consultatif des matières grasses auprès de la Com
mission avait soutenu que ces mesures ne pouvaient pas continuer à être réservées exclusivement aux huileries italiennes, mais devaient être accordées à toutes les huileries communautaires, les discussions au sein de cet organisme auraient montré qu'une réforme du système était difficile, que les huileries non italiennes n'avaient
679
subi aucun dommage réel, et que le
montant de l'aide supplémentaire n'était
pas trop élevé puisqu'il ne permettait aux huileries italiennes d'exporter qu'une petite quantité d'huile.La contestation ne porterait donc que sur le caractère formel et « apparemment discriminatoire » de l'aide supplémen
taire, selon lequel cette dernière entraîne
rait bien une discrimination fondée sur la nationalité, même s'il n'était pas prouvé qu'elle ait eu des conséquences fâcheuses pour les huileries non italien
nes.
La requéranteréplique qu'en érigeant en élément constitutif de l'organisation des marchés dans le secteur des matières grasses l'aide supplémentaire pour les huileries italiennes, le Conseil serait en contradiction avec le règlement de base n° 136/66 qui n'accorderait une telle aide répondant à des critères nationaux qu'à titre exceptionnel pour l'huile pro
duite à partir de pépins de raisin ou de
graines de lin. Ce serait la suspension, en
violation du traité, des importations d'huile de colza et de navette par le gouvernement italien qui aurait déterminé les institutions communautaires à accor
der l'aide incriminée. D'ailleurs, aucune aide de base ne serait plus versée
aujourd'hui pour le colza, alors que
l'aide supplémentaire aux huileries italiennes est toujours en vigueur.
L'absence de phase transitoire ne pour
rait justifier à elle seule une réglementa
tion discriminatoire se prolongeant pen
dant huit campagnes consécutives. Les difficultés rencontrées par les huileries italiennes n'auraient pas été jugées suffi
samment graves par la Commission quand elle avait, par sa décision du 11 octobre 1967, rejeté la demande de sau
vegarde introduite par l'Italie au titre de l'article 226 du traité CEE. Dans son mémoire en défense, le Conseil n'aurait pas non plus constaté de telles difficul
tés, mais simplement exprimé la « crain
te » qu'elles ne se présentent.
La requérante n'aurait jamais admis la nécessité de mesures spéciales en faveur des huileries italiennes. Les difficultés de
ces dernières étant dues à leur éloigne
ment des zones de production, seules auraient pu être admises des mesures générales prévoyant une aide supplémen
taire au profit des huileries éloignées de
ces zones.
Enfin, la lecture de l'ensemble des pro
cès-verbaux des séances du Comité con
sultatif des matières grasses auprès de la Commission montrerait que des réserves avaient été exprimées de toutes parts à l'encontre des mesures discriminatoires adoptées au profit de l'Italie. La Com
mission aurait elle-même à plusieurs reprises exprimé le souhait de voir sup
primer l'aide supplémentaire dont le caractère discriminatoire ne lui aurait pas échappé.
B — Dela recevabilité
La requérante soutient que le fait que des règlements du Conseil soient à l'ori
gine du dommage causé ne constituerait pas un obstacle à la recevabilité du recours. L'article 215, alinéa 2, qui dis
pose que la Communauté doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, n'introduirait pas de distinc
tion entre les divers types d'actes com
munautaires. Quant aux droits des États membres, ils admettraient, dans le cas d'actes normatifs, un recours fondé sur la responsabilité administrative.
En second lieu, le fait que l'aide litigieuse
n'ait pas encore été déclarée illicite ne
s'opposerait pas non plus à la recevabilité de l'action en indemnisation. D'ail
leurs, le recours en carence introduit précédemment n'aurait pas visé à l'annu
lation des règlements instituant l'aide
supplémentaire, mais à l'application à certaines huileries d'une réglementation analogue, non discriminatoire.Enfin, le recours en indemnité ne serait pas une demande en nullité sous une
forme déguisée. Il ne saurait, par lui-
même, produire d'effet pour l'avenir.Des effets indirects ne pourraient pas
non plus lui être valablement opposés, sans que cela revienne à supprimer la protection juridique confirmée en vertu de l'article 215, alinéa 2, du traité.
Le Conseil répond qu'il conviendrait de conclure à l'irrecevabilité d'un recours en indemnité visant en réalité à faire modifier ou compléter une réglementa
tion communautaire que la requérante ne pourrait contester ni en vertu de l'ar
ticle 173, ni en vertu de l'article 175 du traité. Certes, la Cour ne se serait ralliée à cette thèse ni dans l'affaire 5-71 « Zuk
kerfabrik Schöppenstedt », ni dans l'af
faire 4-69 « Lütticke », ni dans les affai
res 9-71 et 11-71 « Compagnie d'appro
visionnement, de transport et de crédit », et « Grands moulins de Paris », dans les
quelles les requérants respectifs mettaient en cause des actes normatifs qu'ils consi
déraient comme entachés d'erreur. Mais dans le cas présent, il s'agirait au contraire d'un acte normatif .dont le bien-fondé et la conformité au traité ou au règlement de base n° 136/66 seraient expressément admis par la requérante.
D'autre part, la Communauté ne pour
rait être tenue responsable pour des actes juridiques généraux et abstraits, donc pour des actes législatifs tels que des règlements, quand ils ne touchent pas directement et individuellement les requérants. Le recours en responsabilité se rapportant aux conséquences finan
cières de tels actes normatifs ne pourrait
pas être considéré comme recevable, les actes contestés ne touchant pas directement la requérante et ne pouvant pas lui causer de préjudice spécial, alors que telles sont les conditions de toute respon
sabilité.
La requérante réplique qu'à aucun moment elle n'aurait expressément admis que les règlements litigieux étaient conformes à l'organisation des marchés dans le secteur des matières grasses. Elle aurait simplement reconnu que l'éloigne
ment des huileries des zones de produc
tion constituait un critère important pour l'octroi d'une aide supplémentaire.
La violation suffisamment caractérisée d'une règle supérieure de droit ne serait
pas une condition de recevabilité, mais une condition du bien-fondé du recours, comme le montrerait la place où l'atten
du qui affirme ce principe figure dans l'arrêt 5-71 précité. D'autre part, l'avocat général Roemer, dans ses conclusions dans les affaires jointes 63 à 69-72 « Wer
hahn », aurait souligné que le grief de violation de l'interdiction de discrimina
tion était suffisant pour ouvrir droit à un recours. Tel serait précisément le grief formulé par la requérante dans la pré
sente affaire.
C — Quant au fond
a) Illégalité et caractère discriminatoire de l'aide supplémentaire
La requérante estime que le règlement accordant une aide supplémentaire exclusivement aux huileries italiennes constituerait une violation de l'article 7 du traité CEE prohibant les discrimina
tions fondées sur la nationalité.
Selon le Conseil, la requérante mécon
naîtrait la signification de l'interdiction de toute discrimination prévue à l'article
7 et qui, en réalité, ne deviendrait effec
tive qu'à partir du moment où un traite
ment différent constitue une discrimina
tion matérielle.
Par ailleurs, la requérante n'aurait pas été en mesure de fournir la moindre
preuve tendant à établir que le Conseil s'était rendu coupable d'une violation
« suffisamment caractérisée » d'une règle supérieure de droit protégeant les parti
culiers. Pour justifier sa thèse, la requé
rante déclarerait que la raison justifiant l'octroi d'une aide supplémentaire réside dans l'éloignement des huileries des zones de production, et qu'elle devrait donc bénéficier du même traitement que les huileries italiennes, étant aussi éloi
gnée que ces dernières des zones de pro
duction de la Communauté, Toutefois, la seule référence au critère de l'éloigne
ment des zones de production ne permettrait pas d'établir la preuve que la requérante se trouve dans la même situa
tion que les huileries italiennes.
Les difficultés éprouvées par les huileries italiennes pour s'approvisionner en colza
et en navette à des prix tenant compte des conditions de la concurrence ne seraient survenues et n'auraient été con
nues qu'après l'entrée en vigueur de l'or
ganisation des marchés pour les matières grasses et auraient amené la Commu
nauté à adopter immédiatement des mesures correctives. Le refus de la Com
mission d'arrêter une décision en vertu de l'article 226 du traité CEE ne tendrait nullement à démontrer qu'il n'existait pas de difficultés, le rejet de la demande étant dû au fait que l'octroi d'une aide supplémentaire aux huileries italiennes était déjà prévu.
A supposer que le règlement n° 876/67 ait eu des conséquences néfastes pour la requérante, il ne s'agirait pas du «cas odieux » ou de la « discrimination gra
ve », évoqués par l'avocat général Roe
mer dans ses conclusions dans les affai
res jointes 63 à 69-72. Tout au plus la requérante devrait renoncer à des avan
tages qui — selon elle — auraient dû lui être accordés. Cette renonciation pouvait être exigée d'elle dans l'intérêt de la réa
lisation d'objectifs communautaires. Par contre, il n'aurait jamais été soutenu que les huileries allemandes connaissaient des difficultés semblables à celles rencon
trées de façon évidente par les huileries italiennes.
Selon la Commission, un droit à indem
nisation au titre de l'article 215, alinéa 2, n'existerait que si les institutions de la Communauté économique européenne avaient, dans le cadre de leur responsabi
lité non contractuelle et de leur activité souveraine, violé une obligation leur incombant à l'égard de la requérante, en commettant une infraction suffisamment qualifiée, et s'il en était résulté pour celle-là, par voie de conséquence nor
male, un dommage financier grave cor
respondant exactement au montant réclamé.
Conformément aux dispositions conjoin
tes de l'article 1 et de l'article 3, paragra
phe 2, du règlement n° 876/67, l'aide supplémentaire serait versée, sans aucune considération de nationalité, à quicon
que transforme des graines, produites
dans la Communauté, dans une huilerie située sur le territoire italien. C'est ainsi que le bénéfice de l'aide pourrait être octroyé à des firmes allemandes faisant transformer des graines en Italie.
L'interdiction particulière de toute discri
mination énoncée à l'article 40, paragra
phe 3, du traité CEE constituerait une imitation applicable seulement à l'expi
ration de la période de transition visée à l'article 8, soit le 31 décembre 1969.
L'aide supplémentaire serait en réalité une mesure de transition. Contrairement aux mesures prises dans d'autres secteurs agricoles, le règlement de base n° 136/66 aurait eu pour objectif d'établir directe
ment un régime commun en matière de prix sans passer par une réglementation transitoire particulière. L'application immédiate d'une règle aussi stricte aurait eu des conséquences néfastes sur la situa
tion concurrentielle des huileries italien
nes, auxquelles il aurait été porté remède ultérieurement grâce à l'octroi d'une aide supplémentaire. L'exclusion incondition
nelle de mesures de transition ne corres
pondrait d'ailleurs pas à l'objectif de l'article 40, paragraphe 3.
Même si l'on tenait pour discriminatoire le régime d'aide en vigueur, les droits de la requérante à être indemnisée ne pour
raient se fonder a priori sur une viola
tion de l'article 40, paragraphe 3, qu'à partir du 1er janvier 1970.
Seule une infraction suffisamment carac
térisée pourrait donner lieu à une action en indemnité au titre de l'article 215, ali
néa 2, du traité CEE. En effet, l'activité normative du législateur dans le domaine de la réglementation des organismes de marchés impliquerait qu'il puisse dispo
ser d'une large marge d'appréciation, et
qu'il ait l'obligation et le droit de fixer
des priorités et de faire passer certains intérêts avant d'autres.Dans l'arrêt 5-71 précité, la Cour aurait limité la violation de la discrimination à celle d'une règle supérieure de protec
tion, à la limite de l'arbitraire. Cette dis
crimination serait dénuée de toute jus
tesse sur le plan des faits, et irrationnelle du point de vue de la finalité. Il s'agirait
682
donc de savoir si la requérante avait subi un traitement discriminatoire de 1970 à 1972, et pour cela il serait souhaitable qu'elle étaye son affirmation par des arguments et des moyens de preuves.
Il y aurait discrimination au sens de l'ar
ticle 40, paragraphe 3, lorsque le législa
teur communautaire, d'un point de vue matériel et non pas seulement formel, a prévu une réglementation différente pour des situations de fait identiques ou s'il a appliqué les mêmes règles à des situa
tions de fait dissemblables. La requé
rante se trouverait de ce fait désavanta
gée par rapport à des tiers sans que cette différence de traitement soit justifiée par l'existence de différences objectives d'une certaine importance.
La requérante rétorque que l'objection de la Commission selon laquelle l'aide supplémentaire serait versée, sans aucune discrimination de nationalité, à quicon
que transforme des graines dans une hui
lerie située en territoire italien, serait purement formelle et non pertinente, l'aide supplémentaire bénéficiant « essen
tiellement » aux huileries italiennes.
D'autre part, ce serait le Conseil lui- même qui aurait volontairement renoncé à instaurer un régime transitoire analo
gue à celui des autres organisations de marchés. Dès lors, il ne pourrait plus créer unilatéralement un régime transi
toire au profit d'un des États membres grâce à un règlement arrêté sous la pres
sion de ce dernier. En tout état de cause, l'article 8, paragraphe 1, du traité CEE aurait prévu pour les régimes transitoires un délai de 12 ans au total, et le recours en indemnité serait dès lors justifié en toute hypothèse dans la mesure où il aurait trait à la période postérieure au 1<appnote>er</appnote> janvier 1970.
LeConseil, dans sa duplique, fait remar
quer que le règlement n° 876/67 ferait bien partie de l'organisation commune des marchés dans le secteur des matières grasses, ce qui résulterait du fait qu'il a été adopté sur la base de l'article 36 du règlement n° 136/66. Selon l'opinion de la requérante, il ressortirait des considé
rants du règlement n° 136/66 que des
aides supplémentaires accordées sur une base nationale ou en fonction de critères nationaux ne sont pas compatibles avec le traité ou l'organisation de marchés.
Au contraire, il conviendrait d'observer que le règlement n° 876/67 ne prévoit pas une aide nationale mais une aide communautaire ne devant pas être appréciée différemment de l'aide de base prévue dans le règlement n° 136/66.
L'interdiction mentionnée à l'article 7 du traité CEE s'appliquerait expressément
« sans préjudice des dispositions particu
lières qu'il prévoit ». Donc, des situa
tions particulières se présentant au cours de la réalisation du Marché commun pourraient justifier une discrimination accessoire, passagère, fondée sur la nationalité.
La Commission, dans sa duplique, estime que l'aide supplémentaire insti
tuée aurait pour but de compenser les désavantages économiques qu'ont subis, ou risquaient de subir, les usines de transformation de colza situées en Italie à partir du moment où les marchés, jus
que-là nationaux, seraient devenus l'or
ganisation commune des marchés prévue par le règlement n° 136/66.
Dans le domaine de la politique agricole commune, l'interdiction de toute discri
mination aurait trouvé son expression particulière dans l'article 40, paragraphe 3, du traité CEE, et serait la seule norme de protection et le seul moyen permet
tant de mesurer le degré de légalité des
actes communautaires.
L'interdiction de toute discrimination contenue dans cet article ne serait que l'une des maximes fondamentales de la politique agricole commune et se trouve
rait dans une relation de dépendance et d'interaction par rapport à d'autres impératifs, tels que la nécessité de fondre
les marchés nationaux existants en une
organisation commune des marchés, et celle de réaliser cette transformation d'une manière rationnelle du point de vue économique, afin d'éviter de causer des dommages sérieux et durables aux milieux intéressés.
L'interdiction de toute discrimination
serait donc quelque peu relative.
683
b) Situation de la requérante par rap
port à ses concurrents italiens
La requérante soutient qu'en étant éloi
gnée des zones de production elle serait, pour l'essentiel, dans la même situation qu'une huilerie italienne se trouvant à une distance de 350 km des principales zones de culture du colza situées dans le Midi de la France. Or, le critère essentiel retenu dans les règlements relatifs à l'aide supplémentaire pour réserver un traitement différent aux huileries italien
nes serait celui de la distance entre les huileries et les zones de production du colza.
Le Conseil relève qu'il incomberait à la requérante de préciser pourquoi elle a transformé des graines oléagineuses en provenance de pays tiers, d'une part, et de la Communauté, d'autre part, dans quelles conditions elle a effectué ses achats de graines oléagineuses récol
tées dans la Communauté, dans quelles régions de celle-ci elle les a achetées, et quel a été le montant de ses frais de transport. Les chiffres théoriques fournis par elle ne permettraient pas d'établir si et dans quelle mesure elle s'est trouvée dans la même situation que les huileries italiennes.
La requérante serait dans l'erreur quand elle affirme que l'aide supplémentaire aurait permis à une huilerie de Ravenne ayant transformé des graines de colza produites en Allemagne de vendre dans ce pays des tourteaux à 6,73 DM le quintal de moins qu'elle-même ne l'au
rait pu. Si la requérante n'avait pas ven
du l'huile qu'elle a produite en Allema
gne mais en Italie où le prix de marché serait beaucoup plus élevé (110,55 DM contre 99 DM le quintal), elle aurait réa
lisé un bénéfice substantiel, même après déduction des frais de transport de l'huile de son huilerie jusqu'en Italie (environ 5,30 DM le quintal), ce qui s'expliquerait par le fait que le transport de 400 kg d'huile est beaucoup moins cher que celui de la tonne de graines nécessaire pour les produire. Avec le bénéfice ainsi réalise, elle aurait pu, même en vendant à un prix moindre ses
tourteaux en Allemagne, réaliser encore plus de bénéfice que sa concurrente ita
lienne.
La requérante répond que ce serait bien du point de vue de l'éloignement des zones de production, mais également du point de vue des frais de transport qu'elle se trouverait dans la même situa
tion qu'une huilerie de Vénétie. Les grai
nes de colza du Schleswig-Holstein et de la Basse-Saxe seraient transportées en partie par chemin de fer ou par camion, mais en partie aussi par navire jusqu'à l'embouchure du Rhin, et de là, par péniche en remontant le Rhin.
Quant aux possibilités concrètes de transport du colza pour les huileries situées en Vénétie, ce serait à la Com
mission et au Conseil de les préciser, puisqu'ils affirmeraient que, bien que les distances soient identiques, les frais de transport sont différents. En réalité, les huileries italiennes auraient bénéficié de possibilités de transport moins onéreu
ses.
Il serait vrai que l'Italie est dans la Com
munauté l'un des plus grands consom
mateurs d'huile de colza. Mais la con
sommation d'huile de navette, c'est-à- dire de l'huile extraite des graines de col
za, serait également très importante en république fédérale d'Allemagne. Le marché italien aurait été jusqu'en 1967 le domaine presque exclusif de l'industrie italienne de l'huilerie. Cela ne pourrait constituer un élément méritant d'être invoqué en faveur d'une différence de traitement à l'intérieur du Marché com
mun. Si des « domaines » existaient à l'échelon national, ils devraient accepter de subir la concurrence. L'industrie ita
lienne de l'huilerie serait tributaire des importations de graines oléagineuses en provenance des pays tiers et des zones de production françaises. La requérante serait dans la même situation. Elle n'au
rait pu couvrir ses besoins en colza qu'à concurrence d'environ 12 % en Rhéna
nie-du-Nord-Westphalie, et devrait, elle aussi, importer soit des zones commu
nautaires de production éloignées, telles que le Schleswig-Holstein ou le Nord de la France, soit d'États tiers.
684
Mais aujourd'hui, grâce à une aide sup
plémentaire de 9 UC par tonne, les hui
leries italiennes seraient en mesure de payer dans la Communauté des prix sen
siblement plus élevés que les huileries allemandes. C'est ainsi qu'avant l'entrée en vigueur de l'aide supplémentaire l'ex
portation de colza du Schleswig-Holstein vers l'italie était pratiquement inexistante alors qu'elle serait très importante main
tenant. Ce renversement des courants d'échanges aurait été provoqué par la distorsion de concurrence due à l'aide supplémentaire.
Quant à la question de savoir si les effets résultant de l'aide l'ont mise dans une situation difficile en ce qui concerne son approvisionnement en colza, la requé
rante fait remarquer que la part qu'elle a
prise dans le chiffre de production au sein de la Communauté serait tombée d'environ 4 % en 1969 à moins de 1 % en 1972. Pendant la même période, le pourcentage représenté par les huileries italiennes se serait accru dans des proportions énormes. La préférence commu
nautaire créée par la fixation du prix d'intervention à un niveau moins élevé que celui du prix indicatif ne bénéficie
rait pas à la requérante, car le colza communautaire qui, selon les voies natu
relles d'acheminement, pourrait et devrait servir à approvisionner son hui
lerie, serait détourné vers l'Italie par
l'effet de l'aide supplémentaire.Il n'incomberait pas à la requérante de répondre aux questions posées par le Conseil. Pour le handicap en matière de concurrence, évalué à 0,60 UC/100 kg, il importerait peu de connaître les condi
tions auxquelles la requérante a effectué ses achats, les zones dans lesquelles elle s'est approvisionnée et les prix qu'elle a obtenus. Ce qui serait déterminant, ce seraient les conditions abstraites ayant pour conséquence que la requérante n'a pu s'approvisionner en graines oléagi
neuses produites dans son voisinage et la situation générale du marché.
Pour l'achat de colza dans le Schles
wig-Holstein, l'aide supplémentaire de 31,10 DM dépasserait largement la diffé
rence de fret (13 DM) entre un transport Allemagne du Nord-Krefeld, d'une part, et Allemagne du Nord-Ravenne, d'autre part. Cela suffirait à prouver qu'il y a matériellement une forte discrimination.
L'objection du Conseil selon laquelle, compte tenu des prix du marché, la requérante aurait pu vendre son huile à Milan à 110,55 DM les 100 kg au lieu de 99 DM en Allemagne, serait fondée sur des frais de transport de Krefeld vers l'Italie de 5,30 DM par quintal, mais un tel chiffre serait erroné. En réalité ces frais s'établiraient à 9,80 DM les 100 kg, et les frais accessoires absorberaient lar
gement la différence de 1,75 DM.
LeConseilrétorque que la requérante ne devrait pas partir des prix de vente prati
qués dans la région de Châteauroux, qui se trouverait bien à la même distance de Ravenne et d'Uerdingen, mais qui ne serait pas la région la plus proche dans laquelle elle-même et l'huilerie italienne s'approvisionneraient normalement.
D'autre part, au cours des années 1969 à 1972, la requérante aurait transformé de moins en moins de graines oléagineuses de provenance communautaire. Mais, en valeur absolue, la quantité de colza traitée par elle aurait cependant aug
menté de près de 50 % : année 1969,
31000 tonnes; année 1972, 45 800tonnes.
Elle n'aurait donc rencontré aucune dif
ficulté d'approvisionnement et n'aurait subi aucune perte de profit. En réalité, elle exigerait non pas la compensation d'un préjudice, mais le paiement, par la Communauté, d'une subvention spéciale lui revenant et qui augmenterait a poste
riori sa marge bénéficiaire.
Dans sa duplique, la Commission relève que l'exposé de la requérante, basé exclusivement sur la notion d'éloigne
ment et sur une comparaison des coûts de transport, ne dépeindrait pas sa situa
tion réelle en matière de concurrence.
Ce serait justement deux désavantages en matière de concurrence qui auraient amené l'introduction en Italie de l'aide supplémentaire faisant l'objet du litige :
685
— celui, fondamental, subi en matière de prix lors de l'achat de graines communautaires (problème de l'ap
provisionnement) ;
— et la position désavantageuse qui en résulterait en matière de prix lors de la commercialisation de l'huile obtenue à partir des graines commu
nautaires (problème de la concur
rence).
Étant donné la garantie d'achat dont seraient assortis les prix d'intervention pratiqués pour les graines de colza, ceux- ci seraient d'un effet équivalant à des prix de marché minima. D'autre part, ils seraient « régionalisés », leur niveau étant fixé différemment en fonction des zones de production et des zones de consommation. En fixant, pour les zones de production, des prix moins élevés que pour les zones de consommation et les zones déficitaires, on aurait espéré favo
riser ces dernières. Or, la structure choisie pour les prix d'intervention se serait traduite principalement par des prix de revient plus élevés franco usine pour les huileries italiennes que pour les huileries concurrentes plus proches des zones de production. Non seulement l'aide versée pour la transformation de ces graines ne compenserait pas ce désa
vantage, mais elle serait au contraire de nature à l'aggraver en contribuant à ren
forcer la position concurrentielle des hui
leries situées à proximité des zones de production.
Pour savoir si la requérante devait égale
ment bénéficier de l'aide supplémentaire, il conviendrait donc de déterminer tout d'abord dans quelles conditions elle aurait pu acheminer le colza communau
taire qu'elle transforme.
La Commission relève que la requérante aurait refusé d'exposer sa situation. Se fondant sur les données correspondant à la campagne 1973-1974, elle compare alors les prix de revient franco usine pra
tiqués pour le colza communautaire (situation de l'approvisionnement) :
— en ce qui concerne la requérante :
Le prix d'intervention valable pour elle, celui de Düsseldorf, serait dérivé du prix
applicable à la zone de production de
Dijon. Ces prix s'élèveraient pour 100 kg de colza à 19,1 UC à Dijon et 19,79 UC à Düsseldorf (règlement CEE n°
1704/73, JO n° L 175 du 29 juin 1973, p.
1).
La requérante serait donc en mesure d'acheter le colza dont elle a besoin dans la région Dijon-Strasbourg à des condi
tions de prix identiques à celles existant à Düsseldorf même. Elle se trouverait ainsi mise sur le même plan qu'une hui
lerie de la région Dijon-Strasbourg proche des zones de production.
Par ailleurs, les prix effectivement payés sur le marché pour le colza étant supé
rieurs aux prix d'intervention d'environ 0,60 UC/100 kg (calcul de la Commis
sion), il en résulterait pour la requérante un prix de revient de 19,79 + 0,60 = 20,39 UC/100 kg de colza communau
taire. Ce prix serait inférieur de 0,67 UC/100 kg au prix indicatif (calculé conformément au règlement n° 1360/73, JO n° L 141) ;
— en ce qui concerne une huilerie située dans la région de Venise :
La vallée du Rhône serait la zone de production la plus proche. Or, les frais de transport les plus bas s'élèveraient, pour le parcours de Lyon à Venise, à 1,47 UC/100 kg. En se basant égale
ment sur un prix de marché majoré d'en moyenne 0,60 UC/100 kg, on obtiendrait un prix de revient de 19,33 + 0,60 + 1,47 = 21,40 UC/100 kg.
Ceci ferait donc apparaître un avantage de 1,01 UC/100 kg pour la requérante.
En outre, ce prix de 21,40 UC/100 kg étant supérieur au prix indicatif, le prix du colza acheté sur le marché mondial serait, pour une huilerie vénitienne, infé
rieur au prix du colza communautaire.
Et au lieu de bénéficier, comme la requé
rante, par l'achat de graines communau
taires, d'un prix préférentiel par rapport à celui de la transformation du colza acheté au cours mondial, une huilerie vénitienne serait contrainte d'acheter sur le marché mondial.
686
Les conditions initiales créées par l'orga
nisation commune des marchés seraient donc, pour l'achat de colza communau
taire, fondamentalement différentes et plus favorables pour la requérante que pour une huilerie de la région de Venise.
La Commission compare ensuite la situa
tion en matière de concurrence pour ce qui est de l'écoulement de l'huile prove
nant de la transformation de colza com
munautaire. D'après son calcul, l'huile provenant de graines communautaires serait offerte aux conditions suivantes par les huileries situées à proximité des régions de production :
prix d'offre à Venise pour 41 kg d'huile obtenue à partir de 100 kg de graines de colza transformées à Hambourg : 9,41 UC/100 kg de colza; Bordeaux: 9,27 UC/100 kg de colza ; Dunkerque : 9,44 UC/100 kg de colza; Venise: 9,90 UC/100 kg de colza.
Ces prix d'offre montreraient qu'une huilerie située près de Venise serait nette
ment défavorisée en ce qui concerne les prix par rapport à des vendeurs ayant une capacité égale mais étant plus pro
ches des zones de production. La requé
rante ne se trouverait pas dans cette situation. En effet, un calcul analogue donnerait, à Düsseldorf, pour 41 kg d'huile obtenue à partir de 100 kg de graines, un prix d'offre égal à 8,89 UC La requérante ne se trouverait donc pas dans la même situation fondamentale qu'une huilerie de la région de Venise, et sa revendication tendant à obtenir l'éga
lité de traitement serait sans fondement.
En ce qui concerne la situation de la requérante en matière de transport, celle- ci pourrait s'approvisionner sans diffi
culté par bateau dans la région de Dijon -Strasbourg -Châlons -sur -Marne, mais aussi dans le Schleswig-Holstein. En revanche, la seule possibilité dont dispo
serait une huilerie vénitienne serait de s'approvisionner dans la vallée du Rhône, ce qui représenterait un transport en chemin de fer d'environ 1 000 km, ou dans les régions de Bordeaux, du Nord de la France, et du Schleswig-Holstein
par bateau, ce qui représenterait des frais de transport allant de 1,30 à 1,60 UC/
100 kg de colza.
Au demeurant, les frais de transport ne prendraient toute leur signification pour la situation concurrentielle de chaque huilerie qu'en liaison avec les prix de revient possibles du colza communau
taire, de sorte que même des frais de transport égaux ne permettraient pas de déduire, dans le contexte actuel, qu'il y aurait eu discrimination au détriment de la requérante.
Celle-ci ferait valoir que, en raison des prix, elle n'aurait pas pu s'approvi
sionner de manière suffisante en colza communautaire. Mais, même dans ce cas, la partie défenderesse ne pourrait être rendue responsable que si les prix d'intervention fixés par elle avaient eu une incidence sur les prix et les condi
tions de concurrence sur le marché du colza. Or, il aurait été prouvé par la Commission qu'une huilerie vénitienne aurait bien été désavantagée, en principe, sur le plan de la concurrence, ce qui ne serait pas le cas de la partie requérante qui se trouverait ainsi dans une situation bien plus favorable.
Par ailleurs, l'organisation commune de marchés des graines oléagineuses laissant dépendre naturellement l'évolution des prix effectifs du marché et de l'offre exis
tante du libre jeu de l'offre et de la demande, il se pourrait évidemment qu'à un moment quelconque la requérante n'ait pu trouver la quantité de colza communautaire qu'elle désirait au lieu et au prix qu'elle souhaitait. Mais, n'im
porte quelle huilerie italienne se serait trouvée dans la même situation, l'octroi d'une aide supplémentaire ne donnant pas de garantie absolue d'approvisionne
ment.
Le fait pour la requérante d'avoir trans
formé principalement du colza prove
nant de pays tiers ne prouverait pas que la structure des prix communautaires lui aurait rendu impossible l'achat de colza communautaire, de nombreuses raisons qu'elle n'aurait pas dévoilées ayant pu la
687
déterminer à renoncer à l'achat de colza d'origine communautaire.
c) Le préjudice matériel
La requérante soutient que le dommage subi consisterait dans le fait qu'elle n'a pas obtenu d'aide correspondant à l'éloi
gnement de son huilerie par rapport aux zones de production. Le dommage serait égal à la quantité totale de colza en pro
venance de la CEE utilisée par elle pen
dant les années : 1969 : 21 700 tonnes ; 1970 : 12 tonnes ; 1971: 3 900 tonnes ; 1972 : 7 900 tonnes, soit 33 512 tonnes pour les quatre années, quantité multi
pliée par une aide d'un taux de 0,60 UC par 100 kg.
Le Conseil fait remarquer que pour les 33 512 tonnes de graines de colza en provenance de la Communauté qu'elle aurait traitées dans les années 1969 à 1972, la requérante calculerait une aide de 0,60 UC par quintal, soit un préjudice de 201 072 UC, équivalant à 735 924 DM, alors que, dans sa lettre du 29 jan
vier 1973, elle aurait prétendu n'avoir subi qu'un préjudice de 20 072 UC, soit environ dix fois moindre.
En outre, elle n'aurait pas apporté la preuve qu'elle avait effectivement traité 33 512 tonnes de graines en provenance de la Communauté. Pour calculer le chiffre de 0,60 UC par quintal, elle aurait supposé que l'éloignement entre son hui
lerie et une huilerie italienne déterminée par rapport à un point donné constituait une justification suffisante. Or, tout autre point de référence faisant défaut, il serait impossible de partir de l'hypothèse que le préjudice pour lequel il était demandé réparation avait effectivement été subi.
La Commission, quant à elle, observe qu'aussi longtemps que, en dépit de l'aide supplémentaire octroyée en Italie, la requérante serait restée à même de commercialiser, sur les marchés de la Communauté ou sur le marché mondial, les produits obtenus par elle en transfor
mant des graines produites dans la Com
munauté dans des conditions normales et en en tirant profit, aussi longtemps
que l'évolution dans ce secteur industriel n'aurait entraîné de perte ni sur le plan du volume des affaires, ni sur le plan des bénéfices réalisés, il conviendrait d'ad
mettre qu'elle n'a subi, en raison de la discrimination à laquelle elle prétendrait avoir été soumise, aucun dommage matériel dont elle pourrait se prévaloir dans un recours en indemnité. D'ailleurs, elle ne pourrait faire la preuve qu'en produisant ses livres de compte afin de permettre une comparaison significative entre sa situation actuelle et sa situation antérieure. Les indications fournies dans sa requête seraient tout à fait insuffi
santes, et en particulier la tentative d'évaluation des tourteaux de colza dépourvue de toute valeur probante.
La demande d'une aide de 0,60 UC/100 kg de colza transformé ne serait pas motivée. La requérante n'aurait ni précisé les frais de transport retenus à cet égard, ni tenu compte du fait que la compensation offerte aux huileries ita
liennes correspondait uniquement aux frais de transport engagés à partir de la frontière italienne.
Il faudrait examiner en outre dans quelle mesure l'octroi d'une aide supplémen
taire en Italie aurait effectivement été la cause du prétendu préjudice causé à la requérante, alors que les huileries ita
liennes travaillaient principalement pour le marché italien, et dans quelle mesure ses pertes dépasseraient la normale.
Enfin, il conviendrait d'étudier dans quelle mesure la requérante n'avait pas contribué elle-même à provoquer cer
taines pertes par le fait qu'elle avait attendu le début de l'année 1973 pour attirer l'attention de la Commission sur cette situation, alors que l'ensemble du problème lui était connu depuis 1967.
La requérante répond qu'on se serait apparemment mépris sur son évaluation du préjudice, la cause du dommage rési
dant en réalité dans la forte discrimina
tion matérielle.
Pour fonder son évaluation du dom
mage, elle se serait placée sur le terrain des considérants des règlements insti
tuant une aide supplémentaire. La ques-
688
tion décisive pour l'évaluation du dom
mage ne serait pas de savoir comment il convient de calculer le dommage, mais simplement si sa thèse était bien fondée.
Aucune des questions posées par le Conseil et la Commission ne serait perti
nente à part celle-ci : « la requérante a-t-elle tenu compte du fait que la com
pensation offerte aux huileries italiennes correspondait uniquement aux frais de transport par chemin de fer engagés à partir de la frontière italienne ? », à laquelle il devrait être répondu par la négative. En effet, la proposition de la Commission au Conseil en vue de la campagne 1972-1973 aurait prévu une aide complémentaire différenciée par régions (0,60 UC pour 100 kg de colza pour la Vénétie), et la Commission devrait se reconnaître liée par cette méthode de calcul.
Que la compensation offerte aux huile
ries italiennes « corresponde uniquement aux frais de transport par chemin de fer réellement engagés à partir de la fron
tière italienne » serait un fait nouveau.
La Commission devrait alors exposer sur quelle base ce montant moyen a été versé de manière différente aux diverses huileries. Cela serait d'ailleurs en contra
diction avec l'allégation selon laquelle l'huilerie de Ravenne « bénéficierait d'un remboursement forfaitaire correspondant
à peu près aux coûts de transport mari
time à partir des ports du Nord de la
France ».
Dans sa lettre du 29 janvier 1973, la requérante n'aurait jamais fait valoir un dommage de 20 072 UC, mais aurait bien fait mention d'un chiffre de 201 072 UC.
Enfin, la requérante aurait fourni la preuve concernant la transformation de 33 512 tonnes de graines communau
taires dans ses usines.
Le Conseil rétorque qu'il ne serait pas admissible que la requérante cherche à se retrancher derrière un calcul abstrait du préjudice subi.
L'avocat général Roemer, dans ses conclusions dans les affaires jointes 63 à
69-72, aurait rappelé qu'on ne connais
sait pas en droit international de calcul abstrait d'un préjudice. L'aide égale à 0,60 UC pour 100 kg de graines oléagi
neuses transformées proviendrait d'un calcul fictif. Il conviendrait que la fixa
tion du montant de cette aide supplé
mentaire soit laissée à l'appréciation des organes de la Communauté compétents dans le domaine de la politique écono
mique. Quant à la proposition établie par la Commission d'un règlement du Conseil prévoyant l'actroi d'une aide de 0,60 UC pour 100 kg de graines oléagi
neuses aux huileries situées dans la région du Trentin-Haut-Adige, elle ne prévoirait qu'une régionalisation de l'aide supplémentaire pour la seule Italie.
On ne saurait en aucune manière se
fonder uniquement sur l'égalité des distances à vol d'oiseau respectivement d'une huilerie italienne et de l'entreprise de la requérante à une région de pro
duction française déterminée pour en déduire que, abstraction faite de la dis
tance en tant que telle, les conditions de transport, qui revêtent une grande importance, seraient les mêmes pour la requérante que pour l'huilerie italienne prise en considération.
La Commission fait remarquer que la question déterminante pour statuer sur le présent litige serait par conséquent de savoir si le dommage pour lequel la requérante demandait une indemnisation devait être considéré comme un dom
mage particulièrement grave.
La requérante estimerait que le dom
mage subi par elle résulterait unique
ment du fait qu'elle a jusqu'ici été privée d'une aide supplémentaire dont elle aurait droit au titre du principe de l'éga
lité de traitement. On ne pourrait cepen
dant assimiler automatiquement l'exis
tence d'une discrimination à un dom
mage. On pourrait imaginer qu'une réglementation d'aide, même discrimina
toire, ne cause cependant aucun préjudice lorsqu'elle est versée à des huileries tra
vaillant pour un tout autre marché et s'approvisionnant en colza sur d'autres
marchés. Dans les actions en indemnité 689
semblables déjà portées devant la Cour, les parties requérantes auraient toujours fait valoir des dommages particuliers (exemple : affaires 63 à 69-72, perte de parts du marché).
La requérante n'agirait pas ainsi ; elle évoquerait de prétendus préjudices qu'elle aurait subis par la suite de la hausse du prix du colza dans le nord de l'Allemagne, ou du produit insuffisant tiré de la vente des tourteaux dans le sud de l'Allemagne, mais soulignerait en même temps qu'elle ne veut pas les faire valoir. L'unique objet de cette affaire serait qu'une certaine aide supplémen
taire lui soit versée pour ses activités passées. L'objet de ce recours serait donc de faire reconnaître son droit à bénéfi
cier de l'aide supplémentaire et non d'obtenir des dommages et intérêts. Un calcul soi-disant « abstrait » des domma
ges n'y changerait rien. Il concernerait uniquement le montant du dommage, en supposant qu'un préjudice réel ait effec
tivement été subi. Il n'y aurait pas, en droit communautaire, d'autres disposi
tions applicables. La requérante ne serait pas tenue de passer par le biais de l'ar
ticle 215, alinéa 2, pour donner au droit à subvention qu'elle invoque une base juridique individuelle. Cet article ne couvrirait que les dommages qui, d'une part, dépassent le simple droit au ver
sement d'une aide prétendument due et, d'autre part, dans des cas comme le cas d'espèce, peuvent au surplus être quali
fiés d'extraordinaires et de particulière
ment graves.
Sur le plan de la procédure, on pourrait ajouter que seuls les organes administra
tifs des États membres décideraient à l'égard de l'ayant droit de l'existence et du montant d'un droit déterminé à une aide, dérivé du droit communautaire. La requérante aurait pu faire valoir que le montant de l'aide qui lui était accordée n'était pas assez élevé, et présenter un recours devant les juridictions nationales compétentes. La Cour de justice aurait été en mesure d'examiner le bien-fondé de la demande en vertu de l'article 177 du traité CEE. En formant le présent
recours en indemnité, la requérante sau
terait donc ces deux échelons.
Enfin, la Commission conteste qu'une aide calculée sur la base de 0,60 UC/100 kg de colza ait été nécessaire et indispen
sable pour compenser exactement les éventuels désavantages concurrentiels de la requérante. C'est à cette dernière et non à la défenderesse qu'il incomberait de prouver que les huileries vénitiennes ont constamment reçu une aide supplé
mentaire de cet ordre. En réalité, l'aide supplémentaire versée aux huileries bénéficiaires aurait été payée de façon que les frais réels de transport à partir de la frontière avaient été remboursés presque intégralement sans que le mon
tant global des prestations versées en Italie dépasse le montant de la subven
tion autorisée.
d) Quant à la faute
La requérante soutient que la faute des instances communautaires, condition exigée par le droit de la plupart des États membres pour pouvoir prétendre à une indemnisation pour manquement à ses devoirs de l'administration, existerait bien. L'existence de cette faute découle
rait de la simple constatation objective du non-respect de certaines règles de droit, alors que les instances communau
taires concernées auraient dû être en me
sure de reconnaître et d'éviter sembla
ble manquement du fait qu'il s'agissait
en l'occurrence d'une atteinte à l'inter
diction de toute discrimination et de ce que les instances communautaires se ren
daient compte elles-mêmes du caractère discriminatoire de l'aide octroyée.
La Commission répond que les institu
tions communautaires auraient dû avoir connaissance en temps voulu de la situa
tion commerciale particulière de la requé
rante et de ses prétendues pertes excep
tionnelles, afin de pouvoir conclure qu'on avait ou non agi arbitrairement en limitant l'aide supplémentaire à l'Italie.
La requérante n'aurait jusqu'à présent ni démontré ni prouvé l'existence à l'en
contre de la Communauté économique européenne d'un droit fondé sur une faute de service de cette dernière.
690
Larequérante réplique que le Conseil est resté muet sur le problème de la faute.
Par ailleurs, il importerait peu de connaître précisément sa situation com
merciale particulière ; en revanche il conviendrait de savoir si les institutions de la Communauté se sont rendu compte ou auraient pu se rendre compte que l'aide supplémentaire portait atteinte à l'interdiction de toute discrimination et causait dès lors un préjudice aux hui
leries se trouvant dans la même situation que les huileries italiennes. Conclusion qui ressortirait des procès-verbaux des séances du Comité consultatif des ma
tières grasses et des déclarations faites par la Commission.
Enfin, étant donné le sort qu'avaient connu les démarches tentées par la requérante dans sa lettre au Conseil du 29 janvier 1973, on pourrait penser que, même entreprises au cours des années précédentes, de telles démarches n'au
raient pas entraîné une modification de la pratique illégale. D'ailleurs, les grou
pements professionnels seraient inter
venus chaque année à ce propos, et la requérante n'aurait pas cessé d'accorder foi aux déclarations sans équivoque de la Commsision selon lesquelles il ne pouvait être question de nouvelle proro
gation de la mesure d'exception.
Attendu qu'après la clôture de la procédure écrite, la Cour a, par lettre du 24 janvier 1974, posé une série de ques
tions aux parties qui ont apporté les réponses ci-après résumées :
La Commission livre des statistiques qui montrent que les exportations de graines de colza en provenance de l'Allemagne vers l'Italie seraient passées de 1 000 tonnes en 1969 à 34 000 tonnes en 1972, alors que, pendant le même temps, la production en Allemagne aurait augmen
té de 158 000 tonnes à 246 000 tonnes.
Les exportations en provenance de la France vers l'Italie auraient été de 31 000 tonnes en 1967. Elles se seraient élevées à 223 000 tonnes en 1972. Les exporta
tions d'huile vers l'Italie auraient, dans la même période, fortement augmenté, alors que celles en provenance d'Italie seraient toujours restées pratiquement nulles.
Une carte dressée à l'attention de la Commission relève les différents centres de production et les courants d'échange en 1971-1972. Il est clair que l'Italie, dont la production de graines est quasi
ment nulle, pratique ses importations en provenance de la Communauté dans une proportion de 2,5 par voie maritime contre 1 par voie terrestre. Quant à la République fédérale, dont la production approcherait 250 000 tonnes, elle impor
terait 119 000 tonnes des pays tiers et exporterait 68 000 tonnes vers l'Italie. La France, dont la production est la plus importante de la CEE, près de 600 000 tonnes, possède deux gros centres de tri
turation, à Dunkerque et à Dieppe : elle importerait 236 000 tonnes en prove
nance des pays tiers, et exporterait 82 000 tonnes vers l'Italie.
La requérante donne des précisions sur ses achats, en corrigeant les chiffres qu'elle avait cités dans sa requête. En 1969, elle aurait acheté 31 000 tonnes de colza dont 20 000 dans la Communauté, réparties principalement entre l'Alle
magne (5 700) et la France (13 600). En 1970, elle aurait acheté 17 000 tonnes de colza, dont 14 000 dans la Communauté, uniquement en Allemagne. En 1971, elle aurait acheté 33 000 tonnes de colza dont 19 000 dans la Communauté, répar
ties entre l'Allemagne (10 500), la Hol
lande (4 000) et la France (4 000). En 1972, elle aurait acheté 46 000 tonnes de colza, dont 24 000 dans la Communauté, réparties entre l'Allemagne (près de 20 000), la Hollande (3 000) et la France (1 000).
La requérante n'aurait pas eu la possibi
lité de s'approvisionner suffisamment en France, en raison d'achats particulière
ment importants de colza français par des acheteurs italiens, « malgré la situa
tion moins favorable en partie qu'ils occupaient au point de vue des prix de transport, mais bien qu'ils offrissent des prix plus élevés que ceux que la situation du marché et leur calcul de prix de revient ne leur permettaient de payer ».
En ce qui concerne les calculs faits par la Commission dans sa duplique, la requé
rante les juge inutilisables parce qu'ils
ARRÊT DU 2-7-1974 — AFFAIRE 153-73
seraient fondés sur les prix d'intervention pour l'année 1973, et que les frais de transport retenus vers l'Italie seraient estimés trop hauts. D'après le calcul au
quel elle s'est livrée, la requérante conclut que le prix de revient de 41 kg d'huile obtenus à partir de 100 kg de graines de colza, produits par une huilerie située à Düsseldorf n'est inférieur que de 0,11 UC à 0,48 UC à celui obtenu par une huilerie vénitienne, et donc que l'avantage con
currentiel de cette dernière se situe entre les 7/8 et la moité de l'aide supplémen
taire (0,8 UC).
Attendu qu'il a été procédé aux débats oraux le 6 mars 1974. La partie requé
rante a été représentée par le Dr. Jürgen Gündisch, avocat au barreau de Ham
bourg, le Conseil des Communautés européennes par son conseiller juridique, M. le professeur Daniel Vignes, en qua
lité d'agent, assisté de M<appnote>e</appnote> Hans-Jürgen Rabe, avocat au barreau de Hambourg, et la Commission des Communautés
européennes par son conseiller juridique, M. P. Peter Kalbe, en qualité d'agent.
Attendu qu'au cours de la procédure orale les parties ont apporté les éléments nouveaux ci-après résumés :
Le Conseila fait valoir que la proportion de colza communautaire par rapport à la
quantité totale de colza triturée par la requérante serait la même pour l'ensem
ble des huileries communautaires (aux environs de 70 %) ; par ailleurs, au mo
ment de l'ouverture des frontières en 1967, c'est un flot égal au tiers de la pro
duction nationale annuelle qui se serait déversé en quelques semaines sur le marché italien, en provenance d'Alle
magne et de France. Enfin, le Conseil a annoncé que la réglementation litigieuse ne serait pas prorogée pour la campagne à venir, mais qu'au contraire il s'apprê
tait à délibérer au sujet d'un nouveau règlement totalement différent visant à la restructuration de l'ensemble des dis
positions dans le domaine du colza et de l'huile de colza.
Quant à la requérante, elle a relevé que, contrairement à ce qu'elle avait précisé dans son recours, la région de produc
tion la plus proche pour l'huilerie située dans la région de Venise ne serait pas le Rhône, mais la Garonne, d'où les graines lui seraient acheminées par voie marti
time.
Attendu que l'avocat général a présenté ses conclusions à l'audience du 8 mai 1974.
En droit
1 Attendu que, par recours introduit le 24 juillet 1973, la requérante demande réparation du préjudice qui lui aurait été causé par un comportement illégal du Conseil et de la Commission, en ce que, dans le cadre de l'organisation commune de marchés dans le secteur des matières grasses instaurée par règle
ment n° 136/66 du Conseil, du 22 septembre 1966 (JO n° L 172 du 30 sep
tembre 1966, p. 3025), il a été institué, par règlement n°
876/67du Conseil, du 20 novembre 1967 (JO n° L 281 du 21 novembre 1967, p. 7), une aide supp
lémentaire, renouvelée d'année en année, réservée aux seules graines de colza et de navette récoltées dans la Communauté et transformées en Italie ;
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que la requérante réclame le versement de 735 924 DM de dommages-intérêts, correspondant au montant dont elle aurait dû bénéficier au cours des années 1969 à 1972 si l'aide supplémentaire avait été octroyée à toutes les huileries communautaires sur la base du seul critère de leur éloignement par rapport
aux zones de production ;que l'application des règlements incriminés constituerait une violation de la règle d'interdiction de toute discrimination énoncée par l'article 7, alinéa 1, et par l'article 40, paragraphe 3, alinéa 2, du traité CEE ;
Sur la recevabilité